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LeSang (oudjeli,djéli ou encorejali enmandingue, enN'ko :ߖߋߟߌ[1],kevel oukewel ensérère;gewel enwolof ;bambâdo enpeul, enadlam :𞤦𞤢𞤲'𞤦𞤢𞥄𞤣𞤮), aussi appelébarde, est une personne spécialisée dans la louange et la déclamation des récits historiques qui font la part belle aux héros fondateurs et au merveilleux[2] enAfrique de l'Ouest. Les griots forment en général ungroupe endogame[2].
Jali (ou ses variantes de transcription) est le terme neutre singulier, qui désigne aussi bien un griot qu'une griotte, et devientjalilu oujaloolu au pluriel. Un griot masculin est spécifiquement appeléjalikelu oujalikeolu, une griotte étant unejalimusoo. Le nom de la profession des femmes estjalimusooya[3].
La caste des griots est née puis s'est développée dans un contexte où l'écriture était inexistante. Le griot est ainsi considéré comme étant notamment le dépositaire de latradition orale. Les familles griotiques peuvent être spécialisées en histoire du pays et en généalogie, en art oratoire, en pratique musicale, ou pratiquer les trois, en fonction de l'habileté de chaque griot[3].
Le terme malinkédjèliya signifie « activité du djéli ».Djéliya a pour racine le mot malinkédjéli qui signifie « sang » et qui est aussi le nom donné aux griots dans les pays qui délimitent l'ancienempire du Mali ou mandingue.
Les principaux groupes de griots sont appelésguéwël en pays wolof etgawlo chez lesToucouleurs.
Les griots utilisent le « djéli n’goni », le célèbre luth traditionnel à 4 cordes.
L'empire mandingue s'étendait, à son apogée au milieu duXIIIe siècle, de l'Afrique occidentale, le berceau étant auMandé dans le sud de l’actuelMali, il englobe l’actuelle Guinée, le sud duSénégal, une partie de l'actuelBurkina Faso, le nord de laCôte d'Ivoire. Son apogée correspond au règne de l'empereurSoundiata Keïta, et la geste de ce dernier est le principal sujet des récits des griots mandingues.
Balla Fasséké, le griot deSoundiata Keita offert à ce dernier par son père, le roiNaré Maghann Konaté, donna naissance à la lignée des griotsKouyaté dont l'activité se poursuit encore de nos jours.
Chaque famille de djéli accompagne une famille de rois-guerriers nommésdiatigui. Il n'est pas de djéli sans diatigui, il n'est pas de diatigui sans djéli, les deux sont indissociables et l'un ne vaut rien sans l'autre. Toutefois, le diatigui peut accepter de « prêter » son djéli à un autre diatigui. L'Empire mandingue s'organisait en castes, chaque caste correspondait à une profession ou une activité artisanale, participant à la cohésion et à l'unité de la société. Lesforgerons, lescordonniers, lescultivateurs, lestisserands, leschasseurs, les griots constituaient les principales castes de la société mandingue.
« On ne devient pas griot, on naît griot par des liens particuliers[4]. » Être griot, c'est donc appartenir à la caste des djélis, caste qui peut être identifiée par le nom de famille : Sissoko, Kouyaté, Danté, Diabaté, Kamisoko, Koné, Konè, Soumano, Sako, Sumano, Susso... Il n'est pas possible de passer d'une caste à une autre. De plus, les mariages exogames sont interdits[5]. Les djéli, porteurs des savoirs et des mystères, ne peuvent épouser que des membres de leur caste afin de sauvegarder la djéliya et de préserver l'identité des djélis.
Un enfant (fille ou garçon), né dans une famille de djéli, reçoit l'instruction propre à sa caste. Les liens du sang sont sacrés. Tout enfant est initié dès son plus jeune âge aux techniques et aux savoirs de sa caste. Ce sont les anciens qui forment les jeunes. Du fait de l'exode rural, de l'émigration et de la mondialisation, nombreux sont les enfants de griots qui ignorent tout des pratiques artistiques et des connaissances de leurs ancêtres. Par ailleurs, il est possible que des membres appartenant à d'autres castes accomplissent des fonctions de griots mais ceux-là ne peuvent être assimilés aux griots. Il en est ainsi du musicienSalif Keïta (descendant deSundjata Keita, caste des rois).
Au Mali et dans les autres pays d'Afrique de l'Ouest, à côté des griots héréditaires mandingues oudjélilu, il existe toutefois un groupe de bardes, lessoraw[6], appartenant à la confrérie des chasseurs et chargés de chanter leurs louanges ou leurs épopées, qui ne font pas partie d'un groupeendogame et accèdent à la fonction par choix[7].
En dehors de la région, il existe d'autres exceptions à cette organisation en castes héréditaires. Ainis, aupays Nyanga enRépublique démocratique du Congo, les bardes appelésShe-Karisi ouMwami n'appartiennent à aucun clan déterminé[8].
La fonction d'intercession et de préservation des coutumes est commune aux hommes et aux femmes. Ils jouissent d'une grande liberté d'expression dans leurs opinions sans avoir à subir de représailles grâce au fait que toute fonction politique leur est interdite[5]. Toutefois, il est possible de distinguer une certaine spécialisation. Ainsi, un document sur Mah Damba, une djélimusso exilée en France, fille du célèbre conteur Djeli Baba Soussoko, et épouse du griot Mamaye Kouyaté, témoigne que dans le cadre des affaires familiales desdiaguitis du couple, son mari intervient lors des projets de mariages pour relayer les demandes officielles auprès de la famille de la fiancée, tandis que sa femme s'occupe des enquêtes préliminaires sur la famille de cette future fiancée. C'est aussi elle qui supervise les préparatifs de cérémonie, et qui chante les louanges de la famille, une des fonctions premières du rôle[9]. Selon Marloes Janson, les djelimussolu chantent les louanges tandis que les djelikeolu jouent des instruments et narrent les traditions orales. Elle précise toutefois que Gai Sakiliba, la djélimusso dont elle a étudié le parcours pour en déduire des règles générales, pratiquait aussi la danse et jouait duneo, une tige en fer à percussion dont elle a appris les rudiments en imitant sa mère[3].
Le conteur-anthropologue sénégalais Cheick Tidiane Sow[10], dans sonHommage àPierre Dewitte, n'hésite pas à qualifier le griot dedépositaire de notre histoire[11].
EnMauritanie, les guerriers ayant colonisé le pays se sont inspirés du griotisme mandingue et ont créé une caste, lesiggawen dont la fonction et l'organisation sociale est très proche de celle desdjelilu.
Lesiggawen[12] appartiennent au groupe, plus sociologique qu'ethnique[13] desBeidanes, aussi dits « Maures blancs ». Ils étaient initialement tributaires[14] des deux classes nobles dominantes, guerriers ou moins souvent lettrés, et chaque famille de griots était rattachée à une famille déterminée de nobles[15]. Contrairement à la poésie, dont la pratique est très largement répandue chez tous les Maures ayant quelques moyens, celle de lamusique traditionnelle était réservée auxiggawen[16].
AuSénégal, certaines ethnies – notamment les Wolofs, lesSérères et lesLébous – n'enterraient pas leurs griots et leur refusaient l'immersion dans les cours d'eau, mais les déposaient à l'intérieur destroncs creux de grosbaobabs, une coutume qui s'est poursuivie jusqu'auXXe siècle.
L'anthropologue belgeGuy Thilmans effectue le premier des fouilles systématiques dans le pays afin de recueillir de tels restes au Sénégal. Il a rassemblé 140 crânes et de nombreux ossements qu'il a étudiés dans le cadre du Département d'Anthropologie physique de l'Institut français d'Afrique noire, transformé dans l'intervalle enInstitut fondamental d'Afrique noire. Cette investigation a jeté les bases de l'anthropologieostéométrique.
La pratique du « djèliya mandingue en Île-de-France », est inscrite à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel en France[18].