Graveurs en taille-douce au burin et à l'eau-forte parAbraham Bosse (1643).
Le terme degravure désigne l'ensemble destechniquesartistiques, artisanales ouindustrielles qui utilisent l’incision ou le creusement pour produire uneimage, untexte ou toute autre inscription dans la matière.
Cetart graphique consiste à inciser ou à creuser à l'aide d'un outil ou d'un mordant unematrice. Après encrage, celle-ci est imprimée sur du papier ou sur un autre support. L'œuvre finale ainsi obtenue s'appelle uneestampe. Par abus de langage, « gravure », « estampe » et « tirage » sont souvent confondus.
Le terme « estampe » est utilisé pour désigner l'œuvre résultant d'un procédé de gravure. Le tirage papier est généralement multiple.
Le terme « illustration » est utilisé quand la gravure sert à mettre en valeur un texte (le tirage peut parfois utiliser un procédé d'imprimerie et le nombre d'exemplaires est alors important).
La gravure est un terme générique. On peut graver pour réaliser uneplaque (nom sur uneboîte aux lettres), untimbre, unexlibris, une illustration et une estampe.
Lalithographie (dugreclithos, « pierre », etgraphein, « écrire ») ou lasérigraphie (estampes par écrans de soie) ne devraient strictement pas être considérées comme techniques de gravure mais plutôt comme d’autres moyens de reproduire enmultiple des dessins.
Martyre de saint Sébastien, gravure sur bois, Allemagne du Sud, vers 1470-1475 (à gauche) etestampe obtenue après impression (à droite),British Museum.
Durant lapréhistoire (pétroglyphes), l'antiquité (gravure lapidaires), l'œuvre finale est l'objet gravé. Cependant, dès leMoyen Âge, la gravure va être largement utilisée comme technique d'impression et de reproduction des images. Après avoir gravé le dessin sur un support dur et plat, l'artiste procède à l'encrage de la gravure et la transpose sur un nouveau support, en général une feuille depapier. Il existe trois grands procédés degravure de reproduction, qui recouvrent des techniques diverses.
On parle detaille d'épargne ou de gravure en relief lorsque« la planche est creusée partout où l'impression ne doit pas avoir d'effet ; le dessin seul est conservé au niveau initial de la surface de la planche, il est épargné »[1]. L'impression d'une gravure en taille d'épargne peut se faire à la main, ou sur unepresse typographique. C'est la technique employée pour lagravure sur bois et lalinogravure.
La gravure manuelle utilise des gouges pour lalinogravure.
Dans la gravure encriblé sur métal, il n’y a pas enlèvement de matière, mais le métal est repoussé au-dessous de la surface d’impression par la frappe d’un burin et d’un ciselet, ou de poinçons de formes diverses, donnant des points, des motifs, des traits droits ou courbes, etc.
La gravure entaille-douce, ou gravure en creux, se pratique le plus souvent sur ducuivre, en particulier du cuivre rouge, mais aussi sur de l'acier ou duzinc[3]. Contrairement à la taille d'épargne, l'encre va se déposer dans les creux gravés par l'artiste. L'impression de la plaque se fait sur unepresse à taille-douce.
La lithogravure, étymologiquement, est l'art et la technique de « graver » dans la « pierre », autrement dit de dessiner en creusant des traits au moyen d'un outil de taille (burin, ciseau, etc.).
L’eau-forte est unprocédé de gravure entaille-douce sur une plaque métallique à l’aide d’un mordant[4] chimique (unacide). L’artiste utilisant l’eau-forte est appeléaquafortiste. À l’origine, l’eau-forte était le nom donné à l’acide nitrique.« Cette appellation elle-même est celle de l’acide nitrique étendu d’eau : l’aqua fortis des anciensalchimistes[1]. » Aujourd’hui, l’acide nitrique est remplacé par des mordants moins toxiques, tel leperchlorure de fer.
Le tireté-sec est un procédé de gravure en pointillé. Sur une matrice, le graveur réalise une série d'encoches alignées, créées par les rebonds successifs d'une lame de métal. Ce type de gravure peut s'effectuer sur tout type de métaux (cuivre, acier) ou de matériaux plastiques (Plexiglas, Rhénalon).
Cette technique a été mise au point par le graveur Jean-Michel Mathieux-Marie[5].
Dans la gravure mono-matrice, l'encrage des couleurs se fait directement par zones sur une seule plaque gravée (bois ou métal) en utilisant une poupée ; un pochoir peut être utilisé pour délimiter les zones.
Dans la gravure poly-matrice, on utilise plusieurs matrices (généralement 2 à 4) gravées en fonction des zones de couleurs prévues et chaque encrage est choisi pour obtenir le résultat voulu. Au tirage, le repérage précis est nécessaire pour la bonne superposition sur le papier et pour donner le résultat souhaité, une estampe en couleur.
Avec le mélange des deux méthodes, pour limiter le nombre de matrices (2 par exemple), l'encrage à la poupée peut être utilisé sur une partie d'une matrice.
Certains auteurs[6] ajoutent la gravure à plat (ou impression à plat, ou planographie)[7] aux deux précédentes catégories. C'est le cas de lalithographie, dumonotype ou de lasérigraphie qui ne nécessitent pas dereliefs, et ne sont donc pas des « gravures » au sens strict du terme mais assimilés comme tels. Cependant, la première forme de la lithographie, inventée et lentement mise au point parAloys Senefelder, à partir de 1796, était une technique d’impression basée sur un très faible relief.
Lagravure sur verre et cristal s'exécute suivant différentes manières. Cette technique verrière de l'atelier à froid permet de créer un décor sur la surface du verre.
La gravure à la roue est une ancienne technique inspirée des tailleurs de pierres fines. Le verrier utilise différentes molettes de cuivre, plomb ou liège.
La gravure à la pointe de diamant, simple et efficace, se fait à l'aide d'un stylet métallique.
La gravure peut se faire par sablage et projection de matière.
La Gravure a une origine ancienne, elle remonte à l’Antiquité aux environs de 500 avant J-C[8] où a été trouvé des gravures sur des pierres et tablettes d’argile. C’est un art qui produit des dessins sur une surface plane métallique. Cet art a été utilisé par les Égyptiens pour imprimer des motifs sur des tissus ainsi que les Romains et artistes chinois qui embellissent divers objets en gravant des sceaux dans la pierre ou le bois pour des documents ou œuvres. A ses débuts, la gravure n’était utilisé que pour créer des cachets, camées et des intailles[9]et ne satisfaisait qu'un besoin de luxe[10].
Les écritures anciennes(dazhuan, xiaoshuan) sont nées de la technique de la gravure sur matière dure. En Chine, lesstèles sont très nombreuses et servent à commémorer des événements ou à honorer les morts. Ce sont de grandes dalles de pierre dressées verticalement, portant une inscription. On les trouve un peu partout : au bord des routes, dans les temples ou devant les tombeaux. Pour les graver, le texte était d’abord écrit sur du papier, puis appliqué sur la pierre polie pour guider l’incision[11].
L'estampage des pierre gravés consiste à appliquer un papier résistant sur la pierre gravée en creux. L'estampage des pierres gravées est encore utilisé de nos jours. À ce sujet, le sinologue françaisJacques Gernet (1921-2018) écrit :« … les procédés de reproduction fidèle de la calligraphie ont été développés en Chine antérieurement aux techniques qui ne visaient qu’à la diffusion courante des textes. La pratique des estampages sur pierre paraît remonter aux environs de l’an 500 après J.-C., mais elle a encore cours aujourd’hui parce qu’elle constitue un mode de reproduction bon marché et exact des belles calligraphies : elle ne fait pas double emploi avec l’imprimerie qui vise à la satisfaction de tout autres besoins. »[12]
la gravure sur bois apparaît plus tôt que la gravure sur cuivre. L’exemple le plus ancien est la«Madone avec quatre vierges saintes dans un jardin» (1418)[13].
On sait que les Arabes se sont approprié cette technique lors d'une bataille avec les Chinois dans l'actuelXinjiang.
La gravure sur bois est une matière première peu coûteuse, facile à trouver et à travailler selonBarthélémy Jobert[14]. Elle est utilisée comme une technique de l’imprimerie dès leXIVe siècle[15]. C’est l’une des plus anciennes techniques d'imprimerie connue et beaucoup appréciée de la bourgeoisie. Il s'agissait d’images gravées sur des planches en bois puis imprimées sur du papier pour former un livre. Cette technique d’impression s’est ensuite développée en Europe et au Moyen-Orient au cours du Moyen Âge[15].
Bois Protat, ancêtre emblématique de la gravure car considéré comme la plus ancienne matrice conservée en Occident.
Bien que de nombreuses techniques venues d'Orient, parmi lesquelles de nombreuses découvertes en mathématiques (chiffres dits arabes, l'algèbre), les armes (trébuchet,armes à feu,arbalète), lepapier, lemoulin à vent et autres techniques orientales soient arrivées en Europe à l'époque des croisades et des échanges qui ont suivi, il n'y a pas de preuve formelle que cette technique ait été introduite en Occident par laroute de la soie.
À la fin du XIVᵉ siècle, lesgravures sur bois (xylographies) étaient vendues parcolportage, surtout dans les lieux depèlerinage, par des artisans souvent à la fois graveurs, imprimeurs et vendeurs, guidés avant tout par un intérêt commercial. Aux XVᵉ et XVIᵉ siècles, des centres comme lavallée du Haut-Rhin, Anvers ou larue Saint-Jacques à Paris deviennent les foyers majeurs de diffusion de ces images, sans grande valeur artistique, répondant à la mode et aux goûts rentables imposés par les éditeurs[16].
Elle doit son nom à l'imprimeur Jules Protat, qui l’acquit avant de le confier àHenri Bouchot, alors conservateur au Cabinet des estampes de laBNF. Ce bois gravé des deux côtés représente, malgré son état fragmentaire, uneAnnonciation et uneCrucifixion. Le style des figures et de leurs costumes le rattache clairement au gothique international[20]. Bouchot l'a étudié le premier, a considéré que ce bois était originaire de Bourgogne et qu'il a pu servir à imprimer des gravures uniquement sur tissu. Ses thèses ont été remises en cause depuis car des recherches ont montré que des feuilles de papier adaptées au format du Bois Protat existaient déjà à l’époque, ce qui confirme qu’il a pu être utilisé pour imprimer des estampes sur papier. De plus, le stylegothique international s'est developpé dans toute l'Europe, donc son origine française est remise en question.
Laxylographie précède l'imprimerie. Les techniques de gravure sont très liées au support, car celui-ci doit être peu onéreux pour que l'utilisation d'un original recopiable soit intéressante, d'où l'importance de l'introduction du papier. L'évolution de la production xylographique va donc suivre le développement de l'imprimerie.
L'estampe est le résultat de l'impression d'une gravure qu'on nomme le tirage sur un support qui est le plus souvent du papier. le terme "gravure" peut aussi désigner l'estampe elle-même[21].
La gravure suscita un intérêt grandissant au Moyen Âge et à la Renaissance. Elle a été utilisée quasi exclusivement par lesarmureries etorfèvres. Elle s’est surtout affirmée comme l’art de la bourgeoisie dont elle diffuse les genres et thèmes[24]. Le rôle de la gravure fut essentiel à partir de la fin duMoyen Âge[25]. En rendant possible la diffusion des créations artistiques et la circulation des idées, la gravure a joué un rôle clé dans l’effervescence culturelle de laRenaissance. C’est à partir de cette période que l’influence des cultures européennes s’est étendue au-delà des frontières et qu’elles ont commencé à se nourrir les unes des autres.
C’est principalement l’Europe du Nord, germanique et flamande qui engendra les premières gravures authentiques[25].
Lagravure sur bois se développe parallèlement à l'utilisation dupapier, vers 1400. Elle permet de reproduire desestampes populaires en grande quantité et touche un public populaire. Lagravure sur cuivre, permettant des reproductions plus détaillées, est plus onéreuse et s'adresse à des commanditaires cultivés. Elle se généralise à partir de 1430 dans la vallée duRhin et profite des techniques de l'orfèvrerie :Schongauer etDürer sont orfèvres de formation. Ces artistes ont contribué à l'utilisation massive de la technique de la gravure en taille-douce pendant la Renaissance, en réalisant de nombreuses gravures très connues. Ce qui a influencé le développement de la gravure en creux sur métal. Cette technique supplante progressivement la gravure en relief.
Il est difficile avant Schongauer d'attribuer les œuvres : on désigne ces graveurs anonymes le plus souvent « par le nom de leur manière »[19] :
Le Maître de 1446, première gravure auburin en Allemagne (Flagellation, Kulturforum, Berlin).
LeMaître E. S., actif entre 1450 et 1467 : 313 gravures sur divers thèmes. Son alphabet sera souvent imité par d'autres graveurs.
Vers 1454,Gutenberg (fin 1400- 1468) invente l’imprimerie moderne en Europe, séparant textes et images, tandis que les Chinois avaient déjà utilisé des caractères mobiles auIXe siècle.
LeMaître du Livre de Raison (Hausbuchmeister), appelé aussi Maître du cabinet d'Amsterdam est actif entre 1465 et 1505. Il semble inaugurer lapointe sèche surzinc ouétain :80 gravures sont répertoriées avec des « effets picturaux et de clair-obscur »[19].
Martin Schongauer, actif entre 1471 et 1491, est le premiermonogrammiste auquel on peut associer un nom. Il innove dans la technique duburin. Ses œuvres sont remarquables pour la prédominance de la ligne de contour et l'alternance des zones claires et sombres (La Montée au Calvaire, Fondo Corsini, Rome). Il est né dans une famille d'orfèvres.
Israhel van Meckenem (1450-1503)« […] figure parmi les burinistes les plus prolifiques de l'époque avec600 gravures dont trois quarts sont des copies »[19] (Jésus et les docteurs de la foi, Pinacoteca Nazionale,Bologne).
Albrecht Dürer, influencé parMartin Schongauer, sera le plus innovant des graveurs rhénans. Il a transformé la forme d’art qu’est la gravure sur bois en produisant des gravures telles queSamson et le lion. Il a obtenu des détails étonnants par une sculpture du bois des deux côtés.
Hans Baldung grave sur boisLes Sorcières, en 1510. Il se distingue par la netteté du trait et le ton dramatique de ses compositions. On lui doit un portrait deMartin Luther en 1521 (Chevaux sauvages, Fondo Corsini, Rome).
Urs Graf (1485-1528), originaire deSuisse, est l'un des premiers à utiliser l'eau-forte dont le procédé est attribué à Wenceslas d'Olmütz (1496).« Avide d'expérimentation, il reprend la “manière criblée”, nouvelle appellation de l'opus interrasile[19]. »
Albrecht Altdorfer (1480-1538), élève le paysage au rang d'entité artistique autonome. Il est le premier à utiliser l'eau-forte pour accentuer les variations de la lumière.
Lucas Cranach l'Ancien (1472-1553) sera peintre et graveur : il invente la technique ducamaïeu à deux bois. Les bois gravés lui serviront pour la propagande luthérienne et pour les illustrations de livres (Repos pendant la fuite en Égypte, Fondo Corsini, Rome).
Lucas van Leyden (1494-1533) fait une synthèse des éléments nordiques et italianisants (Saint Georges). Il est également novateur dans la technique[28].
Andrea Mantegna (1431-1506) renouvelle les sujets et la technique (Triomphe de César, Fondo Corsini, Rome). Dès Mantegna, la gravure atteint une telle maîtrise qu’elle devient presque un art autonome, bien qu’elle conserve pendant longtemps une fonction de reproduction. Jusqu’à l’invention de la photographie en 1839, elle joue un rôle essentiel dans la diffusion des œuvres.
Baccio Baldini (1436-1487) orfèvre et nielleur (Dante, Virgile et la vision de Béatrice, Fogg Art Museum, Cambridge [Massachusetts]).
Parmigianino (1503-1540) domine le procédé de l'eau-forte (Le Tombeau du Christ, Fondo Corsini, Rome). Les traits épais se croisent et donnent un aspect voilé, le tout rehaussé de quelques retouches à la pointe sèche.
Nicoletto de Modène, reconnaissable à la dureté du trait et à ses formes rigides (Allégorie de la Fortune, Fondo Corsini, Rome).
Girolamo Mocetto (1454-1531) travaille sur les effets chromatiques et dans un style monumental. Il se caractérise par un trait fin, quelquefois courbe.
Benedetto Montagna travaille dans le style deDürer : hachures croisées et lignes courbes. Il cherche à traduire sur ses plaques lesfumato.
Giulio Campagnola (1482-1515) introduit la technique dupointillé. Avec lui, la gravure devient un genre artistique autonome.
Titien (1490-1576) : ses xylographies sont monumentales (Le Passage de la mer Rouge en 12 blocs, 1549).« Les Noces mystiques de sainte Catherine présentent des hachures croisées faites par une incision profonde, délicate, plus proche de ce qui se fait à la même période pour les eaux-fortes[19]. »
Marc-Antoine Raimondi (1470 ?-1534 ?). Les premières gravures s'inspirent de la nielle, et son œuvre va évoluer vers une maîtrise du clair-obscur (Le Songe de Raphaël, 1507). Sa collaboration avecRaphaël marque la naissance de l'estampe de traduction.« Techniquement, la façon d'utiliser le burin apparaît révolutionnaire, car les hachures simples s'accompagnent de hachures croisées, qui créent unclair-obscur bien plus réel avec ajouts d'incisions au burin et de pointillés[19]. »
Hugo de Carpi, peintre médiocre, mais graveur de génie. Il innove avec le camaïeu ou xylographie chromatique (Raphaël et son amante, Albertina, Vienne). C'est au cours de ses années vénitiennes qu'il expérimente divers procédés : en 1516, il supplie le Sénat et leDoge de protéger son procédé contre les faussaires.
Au cours de cette période, la gravure oscille entre la reproduction et le genre autonome qui puise l'essentiel de son inspiration dans le libertinage et les fêtes.
Deux précurseurs du mouvement baroque :
Cornelis Cort (1533-1578), né en Hollande, il s'installe définitivement àRome en 1572. Il révolutionne la technique du burin en obtenant des modulations tonales (Noces de Cana, Bibliothèque nationale, Paris), grâce aux variations de forme et à l'épaisseur des traits.
Hendrik Goltzius (1558-1617) connu pour son œuvre gravé ; environ500 estampes gravées au burin (Icare, Fondo Corsini, Rome).
Federico Barocci dit le Baroche (1535-1612) associe eau-forte et burin (L'Annonciation, Fondo Corsini, Rome).« Le Baroche applique un vernis à la cire, après la première morsure, sur la partie de paysage formée de traits fins, presque calligraphiques. Il renonce ainsi à plusieurs passages à l'acide qui creuseraient les sillons dans la matrice. Le résultat, appelé “procédé à morsures multiples”, est totalement révolutionnaire. À cela s'ajoute une façon particulière de graver : les parallèles croisent les transversales dans plusieurs directions, avec des ajouts de pointillés, pour obtenir des effets de lumière vibrante[19]. »
Stefano Della Bella (1610-1664) a une production impressionnante : plus de 1 000 gravures, dont la majeure partie sont des eaux-fortes rehaussées au burin et à la pointe sèche (Les Caprices de la mort, vers 1648).
Giovanni Benedetto Castiglione (1609-1665) a toujours été considéré comme un autodidacte.« Sa technique de graveur est axée sur la ligne… Il serait l'inventeur de la technique du monotype peut-être liée à ses essais pour créer des effets de lumière »[19]. Castiglione utilisait non lemonotype sur fond noir, mais le monotype sur fond blanc (L'Allégorie de l'eucharistie)[31].
Anvers et lesFlandres sont de véritables pépinières d'artistes ; ces derniers feront, presque tous, le voyage en Italie afin de parfaire leur technique.
Parmi eux, retenons :
Pierre Paul Rubens (1577-1640).« Il a le grand mérite d'avoir fondé l'école des burinistes d'Anvers… Pour lui, l'estampe est un moyen de diffusion et de connaissance… Il utilise essentiellement la gravure comme moyen de traduction[19]. » Deux estampes ont l'inscription deP. Paul Rubens fecit (Vieille femme à la chandelle, Rome, Fondo Corsini).
Pieter Claesz Soutman (1580-1657) développe la technique du pointillé au burin, ce qui permet de créer des clairs-obscurs.
Hercules Seghers (c. 1590-1638) invente l'eau-forte colorée et l'aquatinte à vernis noir.
Rembrandt Van Rijn (1606-1669) utilise d'abord l'eau-forte puis la pointe sèche. Dans un dernier temps, il mélange les deux techniques et joue avec les effets de papier (washi (papier japon) ou parchemin).
La foire de l'Impruneta, par Jacques Callot (1620).
Jacques Callot (1592-1635), formé àFlorence, développe l'eau-forte dans d'importantes séries (Les Foires,Les Supplices,Les Misères de la Guerre). Il veut exploiter le maximum de possibilités de la technique et« il décide de remplacer par le “vernis dur” des maîtres ébénistes florentins le traditionnel “vernis mou” des aquafortistes. La surface se dilate, les détails apparaissent au sein de grandes perspectives qui créent l'illusion d'un espace à trois dimensions »[19].
Abraham Bosse (1604-1676), théoricien de la gravure, est l'archétype du graveur baroque français. Son livre est une somme des techniques de gravure de l'époque : tout est décrit minutieusement depuis« la manière de faire le vernis mol », en passant par« la manière de manier les échoppes » et de« se servir de l'eau-forte », avec pour finir« la manière d'imprimer les planches en taille-douce ensemble du moyen d'en construire la presse »[32].
Canaletto (1697-1768) essaie de traduire dans ses eaux-fortes les vibrations de la lumière (Caprice avec balcon et galerie sur la lagune, 1763, Windsor Castle, Royal Collection).
Giambattista Tiepolo (1696-1770) et son filsGiandomenico (1727-1804), sont de fabuleux techniciens : hachures, contre-taille, courbes aux ondulations parallèles, pointillisme, lignes parallèles.
L'atelier deJoseph Wagner (1706-1786) est important tant au niveau des artistes qui le fréquenteront (Brustolon, Baratti, Zucchi…), que des nouvelles techniques qui y seront mises au point : en particulier, la belle manière de graver au burin avec une pointe douce capable de produire un trait net et profond.
Thomas Bewick, illustration pourHistory of British Birds (1847), gravure sur bois de bout.
Reproduction d'une photographie par la gravure. À gauche, la photographie originale. À droite, la gravure sur bois de bout réalisée d'après la photographie. Gravure publiée dansLe Monde illustré en 1875. Dessin :Étienne Bocourt (1821-1913), gravure : Léon Chapon (1836-1918), photographie : Géruzet Frères (Bruxelles).
Différences entre lignes blanches (gravure en creux, outaille-douce) et lignes noires (gravure en relief, ou taille d'épargne). On constate en particulier la difficulté de réaliser des hachures croisées noires.Gravure sur cuivre à la pointe sèche, ébauche d'un visage féminin (vers 1910) Malo-RenaultVue duquartier ancien de la ville deVesoul auXIXe siècle, gravure sur bois debout.
Lalithographie, inventée parAloys Senefelder (1771-1834), est basée sur un principe totalement nouveau (l'antagonisme eau-encre grasse, et non plus le relief). Elle permet de dessiner directement, sans avoir à apprendre une technique de gravure ardue. De nombreux peintres et illustrateurs vont ainsi accéder à l'estampe, largement diffusée en Allemagne, en Italie, en France et en Grande-Bretagne.
Parallèlement, le BritanniqueThomas Bewick (1753-1828) met au goût du jour lagravure sur bois, en mettant au point la gravure sur « bois de bout » (ou « debout »)[33]. Le bois est gravé au burin, comme le cuivre, ce qui permet toutes les finesses, et qui présente l'avantage d'être une technique en relief : on peut donc imprimer les gravures sur une presse typographique, en même temps que le texte.
Introduite en France parCharles Thompson, vers 1818, cette technique est utilisée de manière universelle par l'édition et la presse. Des centaines de graveurs, desquels se détachent de grands noms, commeHéliodore Pisan,François Pannemaker et fils,Hippolyte Lavoignat, travaillent quotidiennement pour interpréter les œuvres des grands illustrateurs commeHonoré Daumier,Gustave Doré,Grandville, entre autres. Avec la croissance de la presse, la gravure sur bois tend à devenir une industrie de reproduction, servie par des techniciens virtuoses, mais souvent dépourvue de créativité.
L'école de Barbizon est à l'initiative de la revueEau-forte, et expérimente de nouvelles techniques comme lecliché-verre[34].Millet etCorot vont adopter cette nouvelle technique (Le Petit Berger, Corot, Milan, 1855, A. Bertarelli). Antonio Fontanesi redécouvre l'eau-forte d'invention : il a recours à la morsure à répétition (effets de lumière). Il utilise aussi lecliché-verre.
Giovanni Fattori (1825-1908) est un des grands maîtres de l'eau-forte, ce qui fera dire àBaudelaire :« Parmi les expressions de l'art plastique, l'eau-forte est celle qui se rapproche le plus de l'expression littéraire et qui est la mieux faite pour l'homme spontané[35]. »
Whistler (1834-1903) est initié à la gravure avecFantin-Latour,Courbet, etLegros. Il débutera par l'eau-forte pour ensuite travailler la pointe sèche en 1871 (Portrait de la famille Leyland). Francis Hayden (1818-1910), mixera les techniques pour traduire les effets d'atmosphère : pointe sèche, brunissoir, morsure, aquatinte.
Gravure sur bois de fil, 4 planches pour impression en couleur,
Le tirage en 4 couleur (une par planche)
Les impressionnistes, commeManet vont utiliser gravure et lithographie afin de traduire une atmosphère (La danseuse Lola de Valence, Paris, Bibliothèque nationale).Degas fera de même en y ajoutant le monotype (Femme à sa toilette, 1885, Paris, bibliothèque d'Art et d'Archéologie).Pissarro est plus amateur de gravure sur bois (Femmes faisant de l'herbe, 1895). Il ne faut pas oublierPierre Renoir,Paul Cézanne,Vincent van Gogh. Quant àPaul Gauguin (1848-1903), il a une prédilection pour la gravure sur bois (Te Faruru, 1893, Chicago, Art Institute).
Les artistes des mouvementsDie Brücke et duBlaue Reiter sont attirés par la gravure sur bois où ils peuvent jouer avec la simplification des formes.
Matisse expérimente toutes les techniques : xylogravure, eau-forte, pointe sèche (Henri Matisse gravant, 1900), lithographie (Grande odalisque avec pantalon à bayadère, 1925, Berne, E. W. K. collection), aquatinte et linogravure.
Giorgio Morandi (1890-1964)« parvient à fusionner une lumière génératrice de la forme, un volume qui la construit plastiquement et une couleur qui permet de la distinguer en se plaçant comme ton ou "couleur position" »[19]. Maîtrise du trait, morsure unique grâce au mordant hollandais lui permettent de transcrire les flots de lumière.
Picasso (1881-1973) a énormément gravé : pas moins de 2 000 œuvres connues. Initié parRoger Lacourière en 1933 au burin et à l'aquatinte avec du sucre, il créera laSuite Vollard. Il essaie tous les procédés et les renouvelle : les différents états nous montrent un artiste perfectionniste.L'utilisation de nouveaux matériaux et de nouveaux procédés[28], notamment dans les œuvres deJean Fautrier,Raoul Ubac,Johnny Friedlaender,Stanley Hayter,Henri-Georges Adam,George Ball,Roger Vieillard,Marcel Fiorini,Louttre.B ouPierre Courtin, libère la gravure de toute subordination au dessin ou à la peinture et, l'engageant dans la reconnaissance de ses moyens spécifiques, assure l'entière autonomie de son expression.
Après l’invention de la photographie et des techniques modernes d’imprimerie, la gravure a perdu de son importance.
Aujourd’hui, la gravure oscille entre un art prestigieux, issu du renouveau de l’estampe originale à la fin du XIXᵉ siècle, et un objet de consommation courante qui, grâce aux procédés photomécaniques, contribue à la culture de l’image.
Vierge aux Lys en gravure sur granit, Couvent Bleu, Castres mars 2005Gravure couleur sur granit noir fin par Michel Robardet
Les ateliers de gravure, comme celui deStanley William Hayter (Atelier 17), de Joëlle Serve (atelier 63), de tirage comme l'atelierLacourière-Frélaut vont participer au renouveau de la gravure.Philippe Mohlitz,George Ball ouÉrik Desmazières remettent à l'honneur le burin,Mario Avati la manière noire,Philippe Favier la pointe sèche, et de nombreux artistes, jeunes et moins jeunes, s'intéressent à la gravure pour la variété des techniques et leurs multiples combinaisons. Un débouché existe dans la gravure en taille-douce de certains timbres-poste avec les anciens élèves issus de l'École Estienne groupés dans l'associationArt du timbre gravé.
SelonMaxime Préaud,le conservateur générale chargé de la Réserve du département des Estampes et de la Photographie, déclare en 2009 qu'Il y a cinquante mille pièces environ à la réserve de la BNF, des origines de la gravure jusqu’àPicasso. La réserve de la BNF s'est constitué autour de 1850.Il y a des artistes très connus tels queDürer,Rembrandt,Goya et des artistes "primitifs" italiens, allemands, français. Il y a également nombreux estampes japonaises, et livres illustrés.
Dans les années 1960, il y a un autre type de gravure qui a fait son apparition en France pour l'industrie de l'Art funéraire. Cette gravure venant vraisemblablement des pays de l’Est, à Paris il y avait deux Yougoslaves et un Russe.
Cette technique de gravure se réalise sur du granit noir fin, poli comme un miroir, à l'aide de pointes à tracer au diamant. En principe, c'est du Marlin, du Zimbabwe, de Chine, il existe également un granit noir fin venant de Suède qui est le plus onéreux des granits.
Cette gravure a deux désignations, du fait qu'elle se réalise sur du granit, c'est unelithogravure, la technique est dite à la pointe sèche.
C'est une gravure lapidaire unique où la maîtrise du dessin et de la connaissance de la matière à graver est obligatoire, ainsi qu'avoir une bonne sensibilité artistique. Dans les interstice de cette gravure il faut mettre de la peinture pour donner tout son éclat à cette gravure et qu'elle résiste aux intempéries puisqu'elle est réalisé pour l'Art funéraire (Voir la Vierge aux Lys, ci-contre, de Michel Robardet, signature en bas à gauche).
Avec les techniques modernes, il existe de la gravure au sablage, à la fraise électrique, au laser et dont les opérateurs se servent d'ordinateurs, ce qui enlève le côté artistique de la gravure à main levée.
2014 :Visite à Hokusai deJean-Pierre Limosin. Documentaire de51 minutes produit par Arte et Zadig Productions. Hokusai est un artiste ayant signé sous divers pseudonymes des estampes, dessins et peintures. Des artistes internationaux comme Van Gogh, Monet se sont inspirés de ses travaux[38].
2023 :Jeanne Malivel, Un soleil se lève, de Laurence-Pauline Boileau. Ce film plonge dans l'histoire de Jeanne Malivel, une artiste avant-gardiste du début du XXI siècle, tombée dans l'oubli. C'était une graveuse passionnée par l'Histoire et une fondatrice du mouvement Ar Seiz Breur. C'est une pionnière de l'art moderne.
2018 :Corpus de Michel Bronizec. C'est un documentaire de35 minutes dédié à l'œuvre du peintre-graveur Roland Seneca.
2018 :Les mains livres deJerome Laffont. Ce film présenteFrans Masereel, une figure artistique belge qui ouvre contre les tragédies de son temps par des gravures essentiellement en noir et blanc.
ce n'est pas une « gravure » au sens premier, dans la mesure où on n'intervient pas sur le relief du support en creusant avec des outils appropriés, mais on dessine directement sur le support, la présence de l'encre d'impression étant déterminée par un principe physique simple. Toutefois, on utilise couramment le terme générique de « gravure » ;
on trouve le terme « gravure en à-plat » dans l'Encyclopædia Universalis, dans le livre de M. C. Paoluzzi,La Gravure,p. 23 ; par contre,André Béguin etMSN Encarta parlent d'« impression à plat », et de « gravure à plat » pour MSN Encarta (qui inclut la sérigraphie) ainsi que la majorité des sites sur Google. Sur ces derniers, le terme est utilisé sans références.
↑On lui doit par exempleLa Fontaine de Jouvence, burin (23,4 × 31..4 cm, visible aumusée du Louvre (source :Grande Galerie. Le Journal du Louvre, juin-juillet-août 2011,no 16).
↑cf. Max Lehrs,Geschichte und kritischer Katalog des deutschen, niederländischen und französischen Kupferstiches im 15 Jahrhundert, 1910 et Max Geisberg.
↑Terme employé par E. Kollof dans son essai sur B. Baldini.
↑Selon R. Kisch, le premier usager du monotype serait le Flamand A. Sallaert (vers 1590-1650).« Le monotype sur fond noir est obtenu en encrant une plaque non gravée, puis en traçant le dessin avec un instrument pointu ou une plume dure avant le passage sous presse. le monotype sur fond blanc est créé en inversant le processus », M. C. Paoluzzi,La Gravure.
↑A. Bosse,Traité des manières de graver en taille-douce sur l'airain par le moyen des eauxs fortes et des vernix durs et mols, Paris, 1644, avec privilège du roy.
↑Au lieu de graver le bois dans le sens habituel, en devant donc lutter contre le fil du bois, on travaille sur du bois dur (buis, fruitiers) coupé perpendiculairement au sens des fibres.
↑« Sur une plaque de verre recouverte d'un vernis noir, l'artiste grave à l'aide d'un instrument pointu avant de placer la plaque contre une feuille de papier sensibilisé (de type papier photographique) ; la lumière filtre là où le graveur a creusé avec la pointe formant ainsi une image en négatif », M. C. Paoluzzi,La Gravure.
↑Charles Baudelaire,L'eau-forte est à la mode, 1860.
RenéVan Bastelaer,La rivalité de la gravure et de la photographie et ses conséquences : étude du rôle de la gravure en taille-douce dans l'avenir, Bruxelles, Hayez,, 94 p.(OCLC898891517).