L'assortiment des marchandises proposé est large : celles-ci sont exposées dans des rayons spécialisés répartis sur une grande surface allant de 2 500 à 92 000 m2.
Généralement implantée encentre-ville et occupant plusieurs étages d'un bâtiment, cette forme de commerce apparaît au cours de la seconde partie duXIXe siècle.
Les grands magasins apparaissent sur lesboulevards des grandes villes vers 1850. Sur de vastes surfaces, ils disposent de comptoirs multiples, sont mieux approvisionnés et renouvellent régulièrement l'assortiment des produits offerts.
Ces grands magasins font suite aux petites échoppes médiévales situées dans des ruelles sombres, auxmerceries duXVIIe siècle où se vend tout ce qui concerne l'habillement, mais aussi des objets de parfumerie, de quincaillerie, des instruments de musique, des remèdes, ainsi qu'aux « marchandes de frivolités », dites aussi « marchandes de modes », se spécialisant auXVIIIe siècle dans la vente de vêtements, chapeaux, plumes et ornements destinés à parer la clientèle féminine (fanfreluches,colifichets)[1].
Les grands magasins succèdent également aux « magasins de nouveautés » (comme « Au Grand Mogol »[2], « Le Tapis rouge » « La Fille d'honneur », « Les Deux Magots », « La Barbe d'or », « Aux Dames élégantes », « À la Belle Jardinière », « Le Bazar des Bons Marchés »)[3]. Ces enseignes — qui vendaient tout ce qui concerne la toilette de la femme — étaient apparues dans la deuxième partie duXVIIIe siècle dans des rues-galeries, des rues-salons et despassages couverts, tous lieux qui favorisent unchalandage[4] paisible à l'abri des intempéries et d'une circulation parfois anarchique[5].
Ces grands magasins se présentent comme un nouvel espace de liberté pour les femmes de la bourgeoisie dont la vie sociale se limite encore à l'époque aux fêtes familiales et à quelques sorties au théâtre. Pour leur respectabilité, des entrepreneurs commeJules Jaluzot, créateur du Printemps Haussmann, confient la tenue des stands non plus à des vendeurs hommes, lescalicots, mais à desmidinettes[6].
Accompagnant l'émergence des classes bourgeoises et de leur pouvoir d'achat, les grands magasins pratiquent l'entrée libre, des prix fixes (alors que les échoppes avaient tendance à vendre au plus cher, selon des prix « à la tête du client »[7]) et affichés qui mettent fin au marchandage. Une marge plus faible compensée par un volume d'affaires plus important, rend les prix attractifs. Par ailleurs, larévolution industrielle favorise cette tendance de baisse des prix par lamécanisation et laproduction en série (notamment dans l'industrie textile), ce qui permet de diffuser une offre plus abondante et plus diversifiée (accélération du cycle de la mode qui se démocratise, logistique favorisée par le développement duchemin de fer). Sans que l'on puisse encore parler de démocratisation de la consommation, on remarque que« Les magasins proposent une offre plus large, régulièrement renouvelée et soutenue par les réclames, des soldes, des livraisons à domicile, la vente par correspondance ou les reprises de marchandises, ce qui accélère larotation de stock »[8].
En 1734,Bennett's of Irongate dans la ville deDerby est le premier grand magasin connu, fermé depuis octobre 2019[9],[10].
En 1784, l'entrepreneur Jacques Calmane, associé aux commerçants Émile et Alphonse Fleck, ouvre à Paris au 67 de larue du Faubourg-Saint-Martin une nouvelle forme de magasin à l'enseigne du « Tapis rouge »[11]. Le premier grand magasin de France comprend plusieurs immeubles de la rue et trois étages, bien éclairés par dix immenses verrières.« Il offre sur des milliers de mètres carrés et dans des galeries spacieuses et éclairées les nouveautés de la Maison Fleck. (...) Après avoir franchi les marches d'un escalier qu'on croirait suspendu dans les airs , tant sa structure est légère et sa pente facile, nous arrivons à l'entresol. » Comme le rapporte un journal de l'époque[12],« Quand on entre, on ne sait trop si l'on est dans un magasin ou dans l'un de ces vastes marchés de l'Orient qui offrent aux yeux des amateurs les produits de toutes les nations du globe. »
En1852 à Paris, le premier grand magasin qui incarne véritablement cette révolution commerciale et offre un vaste choix de rayons différents sur une très grande surface estLe Bon Marché, conçu et réalisé parAristide Boucicaut. Il inspire le romanAu Bonheur des Dames d'Émile Zola.
Sur le modèle d'Aristide Boucicaut, les « grands magasins » vont éclore un peu partout et occuper de vastes bâtiments, sur plusieurs étages. L'aménagement est conçu de manière quasi-théâtrale : Gustave Eiffel est le concepteur technique du bâtiment pourLe Bon Marché. L'utilisation des structures métalliques permet d'abriter dans un volume grandiose plusieurs étages desservis par des escaliers majestueux. Il est fait une large place au luxe décoratif, et les derniers progrès techniques (électricité, ascenseurs,escaliers roulants) sont employés . Ces aménagements inédits s'inscrivent dans les transformations urbaines duXIXe siècle à l'image du Paris haussmannien.Émile Zola n'hésite pas à qualifier les Grands Magasins de« cathédrales du commerce ».
leBon Marché (sans lien avecle Bon Marché parisien) est ouvert en 1860 par François Vaxelaire. Vaxelaire, qui est d'origine lorraine, a découvert le concept de grand magasin à Paris. Lorsque les patrons du commerce de confection où il est commis lui en confient la direction, il le transforme en grand magasin et il rachète l'affaire en 1865.
Le Grand Bazar de la place Saint-Lambert àLiège, en 1885.
John Wanamaker ouvreWanamaker's à Philadelphie en1876 : il reprend et développe la notion de ventes promotionnelles saisonnières inventée parBoucicaut au magasinLe Bon Marché à Paris[17], en transformant de façon systématique les fêtes religieuses et folkloriques (Noël, Pâques, Halloween, Saint-Valentin, etc.) en opportunités limitées dans le temps pour inciter fortement à l'achat.
Timothy Eaton ouvreEaton's à Toronto, Ontario en 1869,
Nazaire Dupuis ouvreDupuis Frères à Montréal, Québec en 1868,
Robert Simpson et William Trent établissent, en 1858, Simpson and Trent Groceries, Boots, Shoes and Dry Goods qui deviendra The Robert Simpson Company Limited (familièrement connu commeSimpson's) à Newmarket, Ontario,
Henry Morgan ouvreMorgan's à Montréal, Québec en 1845,
James Angus Ogilvy ouvreOgilvy à Montréal, Québec en 1866.
Inauguration du Grand Bazar de la rue de Rennes, en 1907.
Actuellement, les deux principales enseignes de grands magasins sont : lePrintemps (créé en 1865 par Jules Jaluzot, ancien vendeur du Bon Marché) et lesGaleries Lafayette (1893). Ces enseignes louent leurs espaces aux marques[18].
Outre les précédents, présents au niveau national,Paris compteLe Bon Marché (1852), leBazar de l'Hôtel de Ville (situé près de l'Hôtel de Ville, il est couramment appelé le « BHV » et fut créé en 1856 parXavier Ruel, ancien colporteur) etLa Samaritaine, qui voit le jour en 1869. Des grands magasins existent aussi dans certaines grandes villes, comme Midica (1946) à Toulouse ou leGrand Bazar (1886) à Lyon. Cas unique en province, lesMagasins Réunis (1890) de Nancy s'implantent à Paris mais également dans toute la France dans l'entre-deux guerres.
Les grands magasins perdent de leur influence à partir des années 1970 avec l’essor de la grande distribution.Bernard Arnault etLVMH reprennent Le Bon Marché en 1985, puis la Samaritaine en 2000 ;François Pinault etPPR reprennent Le Printemps en 1992 (l’enseigne est revendue en 2006). Les magasins sont rénovés, mais la morosité est toujours présente. Ces groupes sont en difficulté à cause de grandes surfaces spécialisées commeZara ouH&M qui sont également fabricants. Les Galeries Lafayette et le Printemps ont choisi à partir des années 2000 de jouer la carte du luxe et ciblent une clientèle aisée[18].
En raison de lapandémie de Covid-19, l'année 2020 est la pire de l'histoire des grands magasins parisiens. Outre le report à 2021 de la réouverture de la Samaritaine[20],[21] et les fermetures temporaires survenues lors des confinements (notamment celle de deux mois entre la mi-mars et la mi-mai, longueur jamais connue, même pendant les guerres), ils subissent aussi la perte de leur clientèle étrangère, à quoi se surajoute une forme de désaffection des Français pour la mode, le développement du commerce en ligne et des restrictions de l’utilisation de la voiture dans la capitale[22].
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Piedade da Silveira, pour la Caisse des Retraites des Entreprises à Commerces Multiples, Paris, série de monographies illustrées de 50 p environ :Aux Deux Magots, 1993/À la Ville de Paris (1841-1882), 1994/Les Grands Magasins du Louvre auXIXe siècle, 1995/Aux Trois Quartiers, 1996/Au Pauvre Diable et Au Coin de Rue, 1997/À Pygmalion et À la Ville de Saint-Denis, 1998.
Tristan Gaston-Breton,Galeries Lafayette, la légende d'un siècle,Cliomédia, Paris, 1997.
Jean-Paul Caracalla,Le Roman du Printemps, histoire d'un grand magasin, Denoël, Paris, 1997.
Rafael Serrano Saseta,La Création d’un type architectural : les grands magasins parisiens (1844-1930), thèse de doctorat en architecture soutenue sous la codirection de Jean-Louis Cohen (université Paris-VIII) et Víctor Pérez Escolano (Universidad de Sevilla), 2005.
Béatrice de Andia (dir.),Les Cathédrales du commerce parisien - Grands magasins et enseignes, Action artistique de la Ville de Paris, coll. Paris et son patrimoine, 2006,(ISBN2-913246-57-5).