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L'effet du krach de 1929 sur la Grande Dépression a fait l'objet d'analyses diverses. Il a significativement modifié les pratiques des traders.Gérald M. Loeb, influencé par le krach, fait partie des premiers auteurs à décrire le marché comme trop imprédictible pour investir dans des actions à long terme et à changer durablement les pratiques d'investissement et de spéculation[1]. PourPaul Samuelson, le krach n'est qu'un des facteurs, d'ailleurs « fortuit », qui ont conduit à la Grande Dépression[2].
Mère migrante (Migrant Mother), parDorothea Lange, 1936. Cette photographie est devenue un des symboles de la Grande Dépression.
La situation s'enlise alors dans uncercle vicieux pendant plusieurs années. La chute se traduit à de nombreux niveaux, y compris dans lescours de bourse : l'indice Dow Jones perd pratiquement 90 % entre son niveau le plus haut en1929 et son niveau le plus bas en1932. En raison de l'éclatement de labulle spéculative, de nombreux plans d'investissements se révèlentinsolvables, voirefrauduleux. La crise boursière dégénère encrise bancaire. Les banques font faillite : elles sont prises en tenaille entre l'effondrement de la valeur de leurs actifs (elles sont parfois engagées dans des affaires douteuses, même si des entreprises régulières et solides sont également frappées[3]), les défauts de remboursement de leurs emprunteurs et la réduction de leur activité de crédit, à quoi s’ajoute leur incapacité à rembourser leurs propres déposants. Dans un tel climat, il en faut peu pour provoquer lafaillite de certaines banques et précipiter l'effondrement dusystème bancaire. La précarité du système bancaire encourage la population à conserver ses liquidités et le manque de liquidités sur le marché empêche la reprise d'une activité économique à même d'inverser la tendance.
Entre1929 et1933, la production industrielle américaine baisse de moitié. Entre 1930 et 1932, 773 établissements bancaires font faillite, ce qui fait augmenter de manière importante le taux dechômage chez les ouvriers[4](et les employés) au début desannées 1930 : letaux de chômage auxÉtats-Unis atteint 9 % en 1930[5]. Le pays compte quelque 13 millions de chômeurs en 1932[5]. En 1933, lorsque Roosevelt devient président, 24,9 % de la population active est au chômage[6] et deux millions d’Américains sont sans-abri.
Les manifestations de la faim se multiplient. En mars 1930, 35 000 personnes défilent dans les rues deNew York[7]. En juin 1932, lesanciens combattants réclament le paiement des pensions àWashington : ils sont violemment délogés par les soldats. Une grande grève dans le secteur du textile éclate en 1934[8]. Dans les campagnes, la situation économique se dégrade, notamment à cause de lasécheresse et duDust Bowl (1933-1935). En1933, la diminution de 60 % des prix agricoles affecte durement les agriculteurs (effet ciseaux). La ruine des fermiers desGrandes Plaines pousse des milliers de personnes à s'installer dans lesÉtats de l'Ouest. Face à la misère qui grandit, l'influencecommuniste progresse dans les milieux populaires[5].
La diffusion de la crise se réalise par deux canaux. Comme lesbanques américaines ont alors des intérêts dans de nombreuses banques etbourses européennes et qu'elles rapatrient d'urgence leurs avoirs auxÉtats-Unis, la crise financière se propage progressivement dans toute l'Europe. Parallèlement, les échanges économiques internationaux subissent de plein fouet d'abord le ralentissement qui commence aux États-Unis, ensuite l'effet négatif des réactionsprotectionnistes, d'abord des États-Unis, puis de tous les autres pays quand ils sont touchés à leur tour ; laFrance et leRoyaume-Uni effectuent un recentrage sur leurscolonies, mettant au point la « préférence impériale », interdite lors de laconférence de Berlin (1885) mais à nouveau pratiquée après 1914. Les relations économiques étant à l'époque bien moindres qu'aujourd'hui, ces répercussions mettent quelques mois à se manifester : ainsi la France est touchée à partir du second semestre de 1930, soit six mois plus tard. L'Italie fasciste est touchée à partir de 1931.
Les réactions gouvernementales en Europe ne sont pas plus adéquates qu'aux États-Unis. En France la crise est aggravée par les mesuresdéflationnistes (baisse desprix et dessalaires) des gouvernementsTardieu etLaval, malgré le lancement de grands travaux (dont l'électrification des campagnes). EnAllemagne, le taux dechômage atteint plus de 25 % de la population active en 1932, alimentant désillusion et colère de la population. C'est notamment en promettant de juguler la crise qu'Adolf Hitler parvientau pouvoir le. En Espagne, la crise économique coïncide avec l’arrivée du Front populaire au pouvoir et aggrave les tensions politiques qui mènent à laguerre civile de 1936.
Plusieurs explications concurrentes s'opposent au sujet des causes de la Grande Dépression[9].Milton Friedman etAnna Schwartz soutiennent l'origine monétaire de la crise dans l'ouvrageUne histoire monétaire des États-Unis, 1867-1960, que l'on appelle généralement laGrande contraction. La Grande Dépression n'aurait été à l'origine qu'une crise économique classique, mais elle aurait été amplifiée par la politique monétaire de laRéserve fédérale (Fed). Peu interventionniste, souhaitant laisser libre cours aux marchés, la Fed a laissé lamasse monétaire chuter de plus d'un tiers. Cela a exercé une pression à la baisse sur les échanges économiques[10].
Cette explication est en concurrence, quoiqu'en partie compatible, avec celle avancée parJohn Maynard Keynes dans laThéorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie. La crise de 1929 se serait transformée en Grande Dépression par le biais d'une sous-consommation chronique. Le chômage et les anticipations négatives des entreprises et des ménages ont conduit à une contraction de la demande, et donc à un cercle vicieux par lequel les entreprises ont mis à l'arrêt leurs usines, licenciant plus encore de salariés[10]. Il s'agit de l'explication keynésienne de la Grande Dépression.
Une troisième explication pointe du doigt l'endettement excessif que connaît l'Amérique en 1929. L'économie américaine avait connu une décennie de croissance reposant en partie sur l'endettement. Le surendettement des ménages et des entreprises s'est traduit par deseffets de levier dangereux. La crise provoque une incapacité des agents économiques à rembourser leurs emprunts, ce qui cause des faillites en série tant des ménages que des entreprises, dont des banques[10].
Il existe également une explicationgéopolitique à la Grande Dépression. Il s'agit de l'explication deCharles Kindleberger : selon lathéorie de la stabilité hégémonique, les crises économiques mondiales ne peuvent être stabilisées que dans le cas où une puissance dominante, l'hegemon, prend à sa charge la fourniture debiens publics mondiaux, dont le soutien face à des crises économiques fait partie. Or, les années 1920 sont marquées par la perte de statut d'hegemon du Royaume-Uni, et un refus latent des États-Unis d'endosser ce rôle. L'Amérique n'a ainsi pas pris la crise en main en tant queleader mondial, alors que c'est le seul pays qui disposait de la puissance économique et financière pour redresser la situation à la racine.
En termes monétaires, certains auteurs mettent en avant le poids des tensions déflationnistes sur l'économie mondiale dès 1928. Le rôle de l'accumulation de masses d'or importantes par la France est à ce titre tout particulièrement pointé du doigt (responsabilité de la France dans la Grande Dépression). En thésaurisant de l'or, la France aurait réduit les masses monétaires des autres pays, et serait ainsi responsable d'environ 30 % de la déflation de 1930-1931[11].
Enfin, certains économistes se sont intéressés au rôle joué par leprotectionnisme dans le déclenchement de la crise.
Herbert Hoover, présidentrépublicain des États-Unis de à, tenta sans grand succès de remédier à la crise. Ses adversairesdémocrates le surnommaient leDo nothing.Wall Street ayant perdu trois quarts de sa valeur, il faut d'urgence lancer lesgrandes réformes financières et boursières de son successeur Roosevelt. Reposant sur le crédit à la consommation, l'économie américaine est alors étranglée par l'effondrement de ses banques. En, lesÉtats-Unis élisentFranklin Delano Roosevelt (démocrate) pour remplacer Hoover à la tête de l'État. Le taux de chômage approchait alors les 25 % de la population active. Roosevelt prit ses fonctions enmars 1933 et lança plusieurs programmes nationaux afin d'accroître le volume de liquidités et de réduire le chômage (c'est ce que l'on nomma leNew Deal). Cetinterventionnisme économique très fort conduit laCour suprême à des arrêts négatifs, immédiatement présentés par le gouvernement comme une opposition politique ;cependant, à partir de 1937, par l'arrêtWest Coast Hotel Co. v. Parrish(en), la cour adapte sajurisprudence et n'essuie plus guère cette critique.
Le Congrès envisagea de réduire la semaine de travail à trente heures afin de créer des emplois. Roosevelt mit en œuvre des mesures d'urgence impliquant un contrôle étatique du fonctionnement du capitalisme. Celles-ci incluaient la garantie des fonds bancaires par le système de la Réserve fédérale (Fed), l'utilisation de l'argent public pour acheter et détruire des récoltes afin de faire monter les prix, un programme de travaux d’intérêt général employant dans des chantiers 2,3 millions de jeunes chômeurs, une forme limitée d'autorégulation de l'industrie au moyen de cartels pour contrôler les prix et les niveaux de production, des quantités limitées de production étatique directe sous le contrôle de laTennessee Valley Authority, ainsi que des mesures permettant aux travailleurs de former des syndicats et d'obtenir des hausses de salaire afin d’accroître la demande des biens de consommation[12].
L'amélioration de la situation économique et des droits syndicaux entraîna chez une partie des travailleurs un sentiment nouveau de confiance en leur capacité à lutter. Des syndicats, tels que leCongrès des organisations industrielles (CIO), recrutent des millions de nouveaux membres. Dans les six premiers mois duNew Deal, au moins quinze ouvriers grévistes furent tués, deux cents blessés et des centaines incarcérés. En 1934, les grèves des ouvriers de l'industrie automobile, des chauffeurs routiers de Minneapolis et des débardeurs de San Francisco furent victorieuses, malgré les attaques de briseurs de grève et de la police. Les grèves se multiplièrent au cours des années 1935-1937, permettant dans bien des cas d'obtenir des améliorations salariales. Ces mouvements sociaux, qui favorisaient la solidarité entre travailleurs blancs et noirs, permirent de faire reculer le racisme. Le CIO était alors la seule grande institution de la société américaine où les ouvriers noirs avaient une possibilité de « participation authentique » aux côtés des travailleurs blancs. Ce syndicalisme reflua en 1937, notamment lorsque dix-huit grévistes furent tués par la garde nationale et des centaines d'autres arrêtés lors d'une grève en mai. Dans plusieurs États, les gouverneurs renforcèrent la législation anti-syndicale. Dix grévistes sont également tués à Chicago par la police. En 1939, le nombre de grèves fut deux fois moins élevé qu'en 1937[12].
Les États-Unis tentèrent également d'assainir les pratiques bancaires en leur donnant un cadre légal plus strict, afin de protéger et rassurer les clients. En 1933, leBanking Act appeléGlass-Steagall Act est voté dans ce but. Il instaure une séparation entre les banques de dépôt (épargne et prêt) et les banques d'investissement (vente de valeurs mobilières diverses).
Après avoir été largement contourné par l'ensemble de la profession bancaire, il est abrogé en 1999 par Bill Clinton. Mais lacrise économique de 2008 entraîne sa remise en place sous la présidence deBarack Obama.
LeNew Deal voulut offrir une réponse politique aux attentes sociales nées du désastre humain de la crise dont témoigne par exemple le romanLes Raisins de la colère de Steinbeck. Il entend redonner espoir aux Américains. Roosevelt sera réélu en 1936, 1940 et 1944. Il fournit aussi auxÉtats-Unis des infrastructures — routes, aménagementshydroélectriques — encore partiellement utilisées à l'heure actuelle.
LeNew Deal est souvent crédité d'avoir permis de surmonter la crise. Ce point de vue, généralement admis jusque vers lesannées 1960, est aujourd'hui contesté parcertains économistes[réf. nécessaire]. Lorsque survint laSeconde Guerre mondiale, en 1939, soit huit ans après les débuts duNew Deal, lesÉtats-Unis étaient encore en pleine crise. Une personne sur sept était encore sans emploi à la fin des années 1930[12].
Certains affirment[réf. nécessaire] que l'instabilité inhérente des marchés économiques causa une crise si profonde que même les interventions duNew Deal, aussi pertinentes qu'elles fussent, n'auraient pas pu rétablir rapidement la situation. D'après eux, la crise de 1929 correspondant à la période de l'histoire américaine où l'intervention du gouvernement fut la plus forte, on pourrait raisonnablement penser que l'action du gouvernement n'a fait qu'accentuer la dépression, plutôt que d'y remédier. Ils tirent, entre autres, argument du fait qu'après un redressement initial, l'économie a replongé à partir de 1937, à peu près au moment où la Cour suprême a permis auNew Deal de prendre plus d'ampleur.
La thèse défendue par l'école autrichienne d'économie (Hayek, Mises) est que la crise fut en fait causée par les interventions politiques ayant permis le développement d'une bulle spéculative qui éclata le « jeudi noir ». Selon les monétaristes comme Friedman, elle aurait été aggravée par la politique monétaire trop restrictive de la Fed, et elle prit fin lorsque cette politique cessa, pour redevenir plus accommodante. La Fed elle-même s'est ralliée à cette thèse et gère maintenant toutes les crises comparables en conséquence : elle fait largement crédit par des taux bas, crédit qu'elle résorbe ensuite par des taux croissants.[réf. nécessaire]
L'Allemagne suivit dès le début des années 1930 une politique différente des recettes de l'orthodoxie de l'époque. Sous la responsabilité financière de Hjalmar Schacht, elle se lance dans une politique d'investissement massif, avec des objectifs civils. Galbraith écrira dans son livre sur « la monnaie » que la politique allemande fut à cette époque une politique keynésienne complète avant l'heure. La doctrine de Keynes dit en effet qu'il faut rétablir par une politique d'investissement public l'équilibre perdu entre épargne et investissement. C'est de cette époque que date le réseau d'autoroutes allemand (dont l'équivalent en France ne sera construit que trente ans plus tard). Cette politique est menée sans aucune inflation, ce qui vaudra une réputation durable au ministre des finances, malgré son rôle ultérieur dans l'appareil nazi. Malgré un apport non-négligeable de la politique de financement des grands conglomérats industriels de l'armement, le plein emploi est quasiment revenu avant même qu'Hitler n'oriente l'économie allemande vers la production militaire.[réf. nécessaire]
EnItalie, où l'exemple allemand n'est suivi que très partiellement, les aventures coloniales extérieures absorbent une partie importante de l'énergie nationale et l'économie restera faible pendant toute la période.
LaGrande Dépression en France ne commence qu'à l'automne 1931, lorsque les exportations s'arrêtent, à la suite de la dévaluation de la livre. La France se replie sur son Empire et ne parvient pas à élaborer une politique constante. Au lieu de relancer la demande d'investissement public comme en Allemagne, on s'oriente vers unepolitique malthusienne sur l'offre de travail, avec les congés payés et surtout les « quarante heures », qui selon le démographe françaisAlfred Sauvy, dans sonHistoire économique de laFrance entre les deux guerres, bloque la reprise qui commençait à se manifester. L'effort de production militaire est tardif et n'a qu'une influence marginale sur l'activité.
La situation est peu ou prou la même au Royaume-Uni, qui a tenté de revenir à un taux de change en or intenable pour la Livre avant même 1929, et qui a connu une stagnation plus longue que les autres pays. La politique d'armement ne commence vraiment que très peu de temps avant la guerre et ne peut être considérée comme la méthode qui a permis de sortir de la crise. Le Japon connaît une période d'avant-guerre très différente des démocraties du fait de son expansionnisme militaire et de l'encadrement rigoureux de la population. Il manque de pétrole pour ses entreprises. La guerre avec les États-Unis sera largement provoquée par l'embargo (l'interdiction d'exporter) décidé par ce pays sur les exportations pétrolières vers le Japon.[réf. nécessaire]
En outre, tous ces pays furent ruinés par la guerre. Les États-Unis connurent une période de forte activité pendant la Seconde Guerre mondiale avec le retour au plein emploi, la mobilisation des hommes jeunes étant compensée par le recours massif à la main-d'œuvre féminine dans les usines d'armement. D'énormes investissements furent faits dans beaucoup de domaines qui, après-guerre, donnèrent un avantage technologique au pays. Lorsque la guerre arriva à son terme, le retour des millions de soldats dans leurs foyers imposa une période de réajustement de l'économie. C'est cette transition qu'était censée faciliter la G.I. Bill. En fait, ce fut le seul pays (en l'occurrence les États-Unis) important à ne pas sortir ruiné de la guerre. La guerre avait également permis à des économistes keynésiens, sous l'influence de Hansen, de peupler l'administration qui, pendant la période, se dote des moyens en hommes, en idées et en droit, de son action. La paix retrouvée, ils mirent en place une politique de dépense publique qui ne faiblira plus. Ces exemples montrent que la montée vers la guerre ne sera nulle part le secret de la fin de la crise de 1929. La guerre marquera une rupture dans les mentalités, provoquera un besoin de reconstruction intense pendant une dizaine d'années, provoquera une concentration du pouvoir économique dans l'État qui est désormais partout chargé du droit au travail et à la sécurité sociale. La nouveauté keynésienne devient la nouvelle orthodoxie et tous les gouvernements deviennent alors « keynésiens ».[réf. nécessaire]
↑Goldman Sachs passe de 104 dollars en 1929 à 1,75 en 1932, American Founders Group (société d'investissement) passe de 75 dollars à 0,75 en 1935,U.S. Steel passe de 262 dollars à 22 le,General Motors passe de 1 075 dollars à 40 en 1932 etGeneral Electric de 1 612 dollars à 154 en 1932.