
Lesgrèves des PTT sont desmouvements sociaux qui depuis le début duXXe siècle marquent particulièrement l'opinion publique. En effet, l'expression « passer comme une lettre à la poste » est née de la régularité de l'acheminement et de la distribution du courrier. Elle est globalement validée depuis la naissance de laPoste commeservice public. Unegrève qui survient au sein desPTT, maintenantLa Poste, rompt ce pacte tacite entre l'expéditeur et le destinataire, par la défaillance du maillon intermédiaire essentiel aux relations sociales et à l'économie. La croissance d'autres moyens de communications ne semble pas encore avoir minoré drastiquement les effets d'un arrêt de travail prolongé dans ce secteur des échanges.
L'État, garant duservice public et fort de la fonction régalienne de celui-ci, a longtemps dénié auxfonctionnaires des Postes et des télégraphes ledroit de pouvoir se mettre engrève. À l'argument de la préservation de l'intérêt général se superposait un second grief envers une grève des postiers et des télégraphistes. Ceux-ci étant payé par lui, ne saurait se mettre en grève sans rompre le lien particulier qui aurait lié l'agent assermenté à son employeur, l'État patron. L'argument ne valait pas que pour les agents des PTT. Mais dans cette branche de laFonction publique, il fut contesté de la façon la plus radicale par les salariés eux-mêmes: en faisant grève.
C'est une approche des principaux jalons des grèves postales qui est livrée ici.
La grève est interdite pour tous les fonctionnaires. Quand de personnel y recourt, il s'expose à des sanctions qui vont jusqu'à la révocation. De plus le droit syndical ne s'applique pas aux agents de l'État[1],[2].

Le, legouvernement, présidé parGeorges Clemenceau a proposé, quelques jours plus tôt, une loi portant sur les droits d'association des fonctionnaires. C'est en fait un texte restrictif et jugé tel par les "syndicalistes". 7 d'entre eux adressent une lettre ouverte àClemenceau au nom d'un Cartel pour la défense dudroit syndical. Tous les sept, l'instituteurMarius Nègre, l'employé de l'éclairageÉmile Janvion et…cinq postiers sont révoqués sur le champ. Pour les postiers, sont ainsi sanctionnés le secrétaire de l'Association générale des agents des PTT, Clavier[7], les facteurs Simonnet et Grangier, qui en sont à leur deuxième révocation, et deux commis des servicesambulants,Paul Amalric etPaul Quilici[8].





Du au a lieu la première grève généralisée à tous les PTT[9],[10]. Elle met en mouvement les télégraphistes, les agents des bureaux de poste, les postiers des servicesambulants (les agents travaillant dans les wagons-poste), les dames employées du télégraphe et du téléphone, les ouvriers des lignes. Malgré une fermeté proclamée, malgré le soutien à cette politique obtenu à laChambre des députés parLouis Barthou etClemenceau, malgré des sanctions prises, la grève perdure. Née à Paris, elle s'étend aux principales villes de France, avec des points forts àLyon,Marseille,Rouen,Lille. Cependant, elle semble plus suivie dans la catégorie des agents, que chez les facteurs, dans les grandes concentrations "tertiaires" comme les centraux télégraphiques, les bureaux de tri des gares, les services ambulants, essentiels dans l'acheminement du courrier ou les dépêches télégraphiques, que dans les centres de moindre importance. Le gouvernement se trouve dans l'obligation de négocier avec les grévistes. Les revendications de ceux-ci portent à l'origine sur des problèmes internes d'avancement. Mais au fil d'événements à rebondissements[11], c'est la démission dusous-secrétaire d'État aux PTT,Julien Simyan qui devient l'objectif que les grévistes croient pouvoir atteindre. À Paris se tiennent des meetings quotidiens : ceux-ci semblent selon la presse rassembler des foules importantes, peu habituées à ce genre de réunion, mais qui au fil des jours s'affermissent dans la grève. Fermeté ? Clemenceau en a fait preuve contre laCGT les années précédentes… Cependant des circonstances le contraignent à reculer. Il y a le soutien du public à une grève qui met en avant des agents en "cols blancs" que la propagande duTigre peine à présenter comme des révolutionnaires. Il en est de même pour les dames téléphonistes dont la participation à cette grève est une première. Il y a aussi une forte pression des milieux d'affaires, désarçonnés par cette grève imprévue. Des négociations officieuses entre le ministreLouis Barthou et le syndicat des ouvriers des PTT s'ouvrent. Insuffisantes, car ni les "agents", ni les facteurs ne sont représentés.
Le, alors que plusieurs milliers de grévistes sont rassemblés en un meeting encore plus massif que les précédents, une délégation de 12 postiers (dont quatre femmes, fait extraordinaire pour longtemps[12]), représentants des grands services en grève est reçue, Place Beauvau, parClemenceau en personne. Elle obtient des promesses verbales, qu'elle transmet aux grévistes. Comme lors de chaque décision, la reprise du travail est soumise au vote, à mains levées. Majoritairement les postiers se rallient à la fin de la grève, alors qu'elle semblait devoir durer… Face à des syndicalistes encore peu expérimentés,Clemenceau fait preuve d'un art politique évident : de1906 à1909, son gouvernement ne tient-il pas près de 3 années dans uneTroisième République marquée par l'instabilité ministérielle. Quant aux postiers, auxquels ont été "promis" la levée des sanctions et la réforme de leur avancement, ils peuvent, à l'instar del'Humanité deJean Jaurès, crier :Victoire !!

En, dans l'euphorie de cette victoire, certains postiers se laissent entrainer à sous-estimer le politicien manœuvrier qu'ils ont face à eux. Si le Syndicat des ouvriers des PTT a contribué, avec discipline et pragmatisme, au succès de la grève, si les postiers ont suivi massivement les dirigeants de l'A.G. des agents, qui est un syndicat sans en avoir le nom, l'ensemble du "prolétariat postal" est loin duSyndicalisme-révolutionnaire de certains dirigeants de laCGT. Cependant quelques leadeurs de l'A.G. y voient l'avenir. Ils interviennent dans plusieurs meetings syndicaux, dont l'un à Paris, le, rassemble des milliers de participants. Certains orateurs voient laRévolution poindre : le gratin duSyndicalisme-révolutionnaire est à la tribune,Georges Yvetot,Raymond Péricat,Émile Pataud,Émile Janvion. Le postierLouis Simonnet y réclame le droit syndical pour les fonctionnaires. Le secrétaire de laCGT,Louis Niel est plus circonspect. Du côté socialisteSFIO, c'est le temps duCongrès national annuel, àSaint-Étienne. Le commis des postesJean-Louis Chastanet y intervient en prophétisant la lutte finale. Pendant ce temps, Clemenceau et son ministreLouis Barthou, préparent desconseils de discipline, tandis que lesChambres de commerce prévoient des acheminements supplétifs. Début mai, les dirigeants « syndicaux » des PTT sont traduits devant les instances administratives pour "propagande révolutionnaire" contrevenant à leur obligation de réserve. Tous sont révoqués : Chastanet, Perussie[13],Lamarque[14],Charles Le Gléo[15], en particulier, ceux-là que Clemenceau avait reçu en délégation. Par fournées, tous les dirigeants du syndicalisme naissant sont promis à sanction : les responsables de l'A.G. des agents,Frédéric Subra,Raoul Montbrand[16],Charles Vallet,Paul Amalric, la téléphoniste Pech[17], tout comme les jeunes, souvent âgés de moins de trente ans, dont la grève révèle le talent militant :André Février (24 ans), à Lyon,Clovis Constant (21 ans), au Havre,René Plard (21 ans) àNevers, Louis Thomas, connu sous le nom deMaurice Harmel, (25 ans), ouAndré Maratrat (21 ans)[18], aucentral télégraphique de Paris.
Du au, les trois organisations syndicales catégorielles, constituées depuis en uneFédération nationale des PTT lancent, en riposte, un appel à laGrève générale des postiers. La masse des postiers, leCentral télégraphique même, pourtant en pointe de la grève en mars, ne suivent pas le mot d'ordre. Le courrier est détourné pour être traité par un circuit parallèle[19]. La Chambre de commerce d'Amiens va jusqu'à émettre desvignettes spéciales, qui ont allure de timbres-poste. Les sanctions administratives pleuvent[20] sur les rares grévistes. Le soutien de laSFIO, celui de laLigue des droits de l'homme ne suffisent pas. La direction de laCGT, sollicitée mais divisée, lance à son tour un appel à une grève générale : celle-ci intervient le, alors que le nombre des grévistes aux PTT, décimés par les sanctions, est très faible. Cette grève générale, occasion de quelques bagarres à Paris, est un fiasco. Le, c'est ladirection de la CGT qui appelle à la reprise du travail. Plus de 800 postiers sont révoqués[21].

Cinq jours plus tard, le le secrétaire général de laCGT,Louis Niel démissionne. Son remplaçant,Léon Jouhaux élu en va marquer le syndicalisme français. À l'automne 1909, tirant les conséquences des grèves, un noyau de syndicalistes animé parPierre Monatte, qui a suivi les événements en tant que journaliste d'un éphémère quotidien,la Révolution, lancé parÉmile Pouget, crée une revue d'étude et d'action syndicales,La Vie ouvrière.
Quant àClemenceau, son gouvernement est mis en minorité le.Alexandre Millerand,ministre des Travaux publics, des Postes et des Télégraphes dugouvernement suivant, formé parAristide Briand, réintègre progressivement dans l'administration la plupart des postiers révoqués et supprime le poste desous-secrétaire d'État aux PTT.
L'épisode de 1909 est vite élevé au niveau du mythe par les syndicalistes postiers et par leurs adversaires. De 1919 à 1946, il sert de référence constante, tant de la part de laCGT que de laCGTU, pour affirmer la spécificité dusyndicalisme aux PTT par rapport à celui de l'ensemble de lafonction publique. Tout mouvement de grève est jaugé à l'aune de1909. La réalité est beaucoup moins épique. Le mouvement syndical divisé n'entraîne que des conflits localisés, par ailleurs tout aussi durement réprimés par les responsables des PTT, jusqu'en1934. Les grands conflits sociaux de 1919-1920, n'ont qu'un impact très limité aux PTT.
Entre 1934 et1938 prend corps une forme d'action tout autre que la "grande grève": c'est la journée nationale de grèves que les syndicalistes mettent en avant aux PTT, avec des fortunes diverses. Le, l'appel à la grève semble avoir été particulièrement suivi par les postiers: " depuis 1909 nous n'avions pas vu pareil mouvement" écrit-on dans la presse syndicale.Georges Frischmann[22], praticien et historien du syndicalisme, cite 160 000 grévistes. Chiffre exagéré, la grève aurait touché 90 % de la profession… Mais il traduit sûrement la réalité en certains endroits.Les grèves de 1936 ne sont pas suivies aux PTT et dans la fonction publique. Au-delà du soutien politique apporté au nouveau gouvernement, cette non-participation est sans doute due à un moindre ressenti de l'urgence d'améliorations. Les traitements de la majorité des postiers ne sont pas élevés, ils n'en sont pas moins assurés. La hiérarchie est pesante, elle n'est pas toute puissante sur l'emploi lui-même. Des structures de médiation existent (commissions d'avancement de grade, conseil de discipline), des élus du personnel y siègent, bien avant leStatut des fonctionnaires de1946.
Une autre journée nationale, dite degrève générale a lieu aux PTT, comme dans l'ensemble des métiers, le. Un historien,Guy Bourdé en a fait l'étude[23]. Alors que lafédération postale revendique plus de 100 000 adhérents, (pour 180 000 postiers), elle n'annonce que 4 000 grévistes. Ce chiffre semble en fait ne recouvrir que les agents sanctionnés pour fait de grève.Georges Frischmann reprenant un autre source annonce 28 000 journées perdues, soit autant de grévistes. La fédération postale CGT étant plutôt hostile à cette grève, lancée par ladirection confédérale deLéon Jouhaux et soutenue par les anciens "unitaires, a peut-être minoré son ampleur… Le doute est de mise ici, mais la controverse illustre les antagonismes exacerbés au sein du syndicalisme postier. La guerre, puis la Libération creusent un peu plus le fossé creusé entre les deux tendances dusyndicalisme des PTT
Le mouvement de grève de l'été1946 aux PTT a la caractéristique de ne concerner que cette administration, comme en 1909. Il se situe dans un contexte de luttes internes déjà abordées, et dans une situation politique atypique. Depuis 1944, sous l'autorité dugénéral de Gaulle, puis sans lui, leParti communiste français participe au gouvernement de la France et à la reconstruction du pays. Ils soutiennent activement labataille de la production. Celle-ci, dans la tension des énergies pour "produire plus", nécessité économique, en vient à sous-estimer l'aspiration des travailleurs à en recueillir quelques fruits. L'historienneAnnie Lacroix-Riz a montré[25] le tournant qui s'opère dans l'opinion au printemps1946, qui amène les travailleurs à revendiquer des hausses de salaire.
La période qui débute avec laguerre froide[28], pour s'achever avec la chute du mur deBerlin, correspond curieusement à celle qui, auxPTT mène de la création (en 1946) de deux Direction générales, DGT (Direction générale desTélécommunications) et DGP (Direction générale de laPoste), à l'éclatement desPTT en deux établissements publics,France Télécom etLa Poste. Deux thèmes majeurs mobilisent lesyndicalisme "PTT" : le pouvoir d'achat des traitements dans laFonction publique, la défense duService public conçue en termes d'unité des PTT et de nonprivatisation de ceux-ci. L'écrivainGeorges Valero[29] dont l'historien Christian Chevandier a écrit la biographie, lui-même postier et qui a participé dans son centre de tri à toutes les grèves des années 1960 aux années 1980, met en scène dans plusieurs de ses romans des grèves des PTT. Il en est de même pour d'autres postiers écrivains qui mettent en scène des grèves dans lesBureaux-gares parisiens : Walter Prévost, qui en 1980, publie le romanLuc -sur-Mer[30], ouMaxime Vivas, dansParis-Brune.
Trois catégories de grèves peuvent être dégagées, avec l'arbitraire d'une catégorisation qui recouvre des situations nuancées.
La période qui suit la scission syndicale est peu propice à la manifestation gréviste aux PTT. À partir de 1947, on dispose des statistiques des jours de grève enregistrés par l'administration[31],[32]. Le recours à la grève décline de façon régulière, après une année1947, marquée par le mouvement gréviste de novembre-décembre, qui est durement réprimé aux PTT : le ministre socialisteSFIOEugène Thomas y gagne de la part de laCGT le surnom de « Thomas les sanctions. »
Le conflit de l'été 1953[33], dans son versant « PTT » a été étudié parJean-François Noël[34]. Amorcé aux PTT, il atteint d'autres services publics (EDF-GDF,SNCF,RATP,Air France), les entreprises nationalisées (Charbonnages de France, arsenaux) et touche aussi quelques entreprises de laMétallurgie. En effet, aux raisons internes du mécontentement des postiers, en matière d'effectifs et de salaires, accumulé depuis plusieurs années de "paix sociale", s'ajoutent les projets du gouvernementJoseph Laniel d'économies budgétaires dans les entreprises publiques: la guerre d'Indochine qui s'éternise, nécessite pour une forte part cette mobilisation financière. Le, les syndicats de lafonction publique appellent à une grève limitée à une heure, pour protester contre lesdécrets-lois gouvernementaux. ÀBordeaux, les postiers de toutes obédiences (CGT, FO, CFTC et autonomes) décident la prolongation de ce mouvement en grève illimitée. Par télégraphe et téléphone, ils font connaître leur décision à l'ensemble des centres postaux et téléphoniques et à toutes les fédérations syndicales.Force ouvrière etCGT, séparément relaient dès le l'appel à la grève, . Elle s'étend comme une trainée de poudre à l'ensemble des PTT[35], malgré le fait que c'est la période estivale des congés. Réquisitions, réseaux parallèle d'acheminement, rien ne parvient à enrayer la grève. À Paris, reprenant la tradition de 1909, des meetings réguliers rassemblent dans l'unité syndicale un temps retrouvée des foules importantes de grévistes.Georges Frischmann, pour la CGT, y fait forte impression[36], de par ses talents oratoires. D'autres syndicalistes s'y révèlent:Madeleine Colin[37],Émile Le Beller. Tout jeune postier,Louis Viannet prend sa première carte syndicale. Mais c'est en coulisses politiques que des négociations ont lieu, excluant laCGT. Le députéLéon Dagain s'entremet aux PTT, entreForce ouvrière, laCFTC et le ministrePierre Ferri. D'officieuses, les tractations deviennent officielles à partir du, et aboutissent à un appel CFTC-FO pour la reprise du travail, le. La base renâcle, la CGT dénonce une« trahison », et la grève se poursuit notamment à Paris jusqu'au. Ce jour-là, des membres dubureau confédéral de la CGT emprisonnés depuis des mois,Alain Le Léap,Lucien Molino, ainsi que d'autres militants, sont libérés. Le soir, lafédération CGT des PTT appelle à son tour à cesser la grève.
Aucun des décrets-lois n'est finalement appliqué, toutes les sanctions pour fait de grève restent…lettre morte, et une prime annuelle spécifique aux PTT est instaurée. Jamais depuis1909 un mouvement n'avait eu une telle ampleur. Pourtant, une vingtaine d'années plus tard, les PTT connaissent leur grève la plus forte duXXe siècle.
Après l'éruption de l'année 1953, où le nombre moyen de6,29 jours de grève par agents est atteint, les PTT connaissent quelques années pendant lesquelles les revendications ne s'expriment pas par des arrêts de travail. Ceux-ci se produisent lors de journées nationales, auxquelles laCFTC s'associe progressivement. La statistique des grèves enregistre:
La "température sociale" s'affiche à la hausse à partir de 1960[38]. La modernisation qui marque les années de la reconstruction, sous laIVe République, ne touche pas les PTT. Letéléphone français est en retard, les opérations de tri du courrier restent manuelles. Seuls leschèques postaux sont l'objet d'un début de traitement informatisé. Le recours à des effectifs de plus en plus nombreux, mais en croissance moins rapide que le trafic postal, est une solution onéreuse pour l'État. De plus il amplifie les frustrations du personnel en matière de traitements et de qualifications. Il concentre sur les grandes agglomérations la "mal vie" d'agents déracinés. Les événements de 1968 traduisent le malaise, sans le résoudre. La statistique gréviste en témoigne à sa manière.
La montée du mécontentement, que traduisent les chiffres des journées de grève, se conjugue à l'automne 1974 avec une situation politique particulière.Valéry Giscard d'Estaing est élu au mois de mai1974Président de la République avec un faible différentiel de voix surFrançois Mitterrand, le candidat de l'union de lagauche. Leprogramme commun de la gauche a l'appui des syndicatsCGT etCFDT. Or les premières rumeurs concernant les projets "giscardiens" sur les PTT renvoient des bruits de création d'unoffice des postes et télécommunications. C'est interprété par les agents des PTT comme uneprivatisation et un démantèlement duservice public. Depuis plusieurs années ces thèmes agitent la profession[39], qui craint de perdre unstatut, protecteur du chômage et garantissant une certaine carrière. Ces inquiétudes, se lient aux traditionnelles revendications salariales, que le gouvernement résout, à minima, en concluant au niveau de lafonction publique des accords minoritaires avecFO, laFEN et laCFTC, en laissant de côtéCGT etCFDT. Elles se mélangent aussi avec des conditions de travail et des processus de management archaïques, face à une population jeune et qui aspire à la reconnaissance professionnelle[40],[41].
Comme en 1909[43], lesecrétaire d'État aux PTT,Pierre Lelong devient la "bête noire" des postiers en prononçant des paroles vexantes sur "le travail idiot dans les centres de tri" ! Face à lui lesyndicalisme des PTT, historiquement fort, est puissant. Fin 1973, lafédération CGT annonce 87 000 adhérents, lafédération Force ouvrière se compte à plus de 58 000 adhérents, lafédération CFDT disposerait de plus de 30 000 syndiqués.
Le record de 1974 ne dissuade pas les années suivantes les agents des PTT à recourir à cette forme de lutte. Au début 1978, en région parisienne éclate dans les nouveaux centres de tri créés en banlieue,Créteil,Trappes,Bobigny,Nanterre, etc., un conflit à propos de la précarisation du recrutement de "vacataires". Comme pour l'ensemble des salariés, l'année 1981 marque une césure: jamais après cette date le nombre moyen de jours de grève par agent ne dépasse aux PTT la barre symbolique de 1 jour. Les conflits qui ont lieu avant laréforme de 1990, parfois spectaculaire, comme celui des "camions jaunes bloquant les centres postaux, ne touchent qu'une minorité d'agents. On assiste par contre à une extension des conflits localisés sur un établissement. Ce genre de grèves entraine des arrêts de travail longs, mais n'implique qu'une population réduite.
1975-1989: statistiques des grèves aux PTT