LaGrèce, en forme longue laRépublique hellénique[6] (engrec :Ελλάδα /Elláda,/eˈlaða/, en forme longueΕλληνική Δημοκρατία /Ellinikí Dimokratía, [Démocratie hellénique] ; engrec ancien et enkatharévousaἙλλάς /Hellás), est unpays d’Europe du Sud et desBalkans. On la désigne parfois par le termeHellade[7],[8].
Sonterritoire comprend trois unités géographiques : la Grèce continentale, lapresqu'île duPéloponnèse et les îles qui représentent un cinquième de la superficie totale du pays. Les côtes grecques sont bordées à l'ouest par lamer Adriatique (côte nord deCorfou) et par lamer Ionienne, au sud par lamer Méditerranée (golfe de Laconie et côtes méridionales de l'arc égéen) et à l'est par lamer Égée où se trouvent la majorité des îles grecques. Les seules terres de la mer Égée à ne pas être grecques sont les îles turquesGökçeada (Imbros) etBozcaada (Ténédos)[12]. Le nombre d'îles en Grèce varie selon la définition choisie : 9 841 selon l'ambassade de Grèce en France[10] ou 3 000 dont 777 dignes d'intérêt selon certains guides[13]. Au recensement de 2001,169 îles étaient habitées, mais un tiers d'entre elles comptaient moins de cinquante habitants. La taille de ces îles habitées varie de 3 km2 pour la plus petiteDélos (qui jouit d'un statut particulier[N 4]) à 8 263 km2 pour laCrète[12]. Aucun point de la Grèce n’est éloigné de plus de cent kilomètres de la mer, dans le Péloponnèse cette distance n'est même que d'une cinquantaine de kilomètres tandis qu'en Grèce centrale elle peut se réduire à soixante kilomètres[10],[11].
Le mouvement alpin et les charriages se sont accompagnés durant les trois derniers millions d'années de la création de nombreusesfailles ainsi que defossés d'effondrement envahis principalement par la mer, mais entraînant aussi la mise en place du réseau hydrographique actuel. À la fin de laglaciation de Würm, la remontée des eaux d'une centaine de mètres a dessiné les côtes actuelles, ainsi que les plaines littorales et les deltas des fleuves[14].
Entre 70 et 80 % du territoire grec sont montagneux, ce qui fait du pays le sixième le plus montagneux d'Europe. Cependant, ces montagnes, plutôt massives et aux pentes abruptes, sont considérées comme d'altitude « moyenne ». 43 % des communes grecques sont situées au-dessus des 800 m donc en « montagne », et 27 % entre 400 et 800 m donc en « semi-montagne »[12]. Vingt-neuf sommets dépassent les 2 000 m. Lemont Olympe est le point culminant de Grèce avec 2 917 m[12],[14].
La Grèce a unclimat typiquement méditerranéen (hivers doux et humides et étés chauds et secs). Cependant, on trouve une variété de sous-climats liés au relief ; les chaînes du Pinde, Taygète, Parnon et Lefká Óri bloquant les influences venues de l'ouest et plus chargées en précipitations[18],[19].
Comme dans toutes les régions méditerranéennes, la Grèce est balayée par des vents périodiques violents. Lemeltémi souffle du nord vers la mer Méditerranée. Il naît lorsqu'unanticyclone se forme sur les Balkans et une dépression au-dessus de la Turquie. Il rafraîchit l'atmosphère et dégage le ciel. Il peut souffler par rafales entre60 et90km/h. Le vent de secteur sud, nomméSirocco, provient du désert africain et apporte de fortes chaleurs sur le pays.
Il y a en Grèce vingt-et-un lacs, dont quatorze artificiels, qui recouvrent une superficie de59 900 hectares. Ils se trouvent dans une grande moitié nord du pays.
La Grèce est un des pays méditerranéens qui a le mieux conservé sabiodiversité. Plus de 6 000 végétaux sont recensés dont 4 050 espèces sauvages, 800 d’entre elles sont protégées. On compte aussi900 espèces animales dont deux cents protégées. Certaines sont endémiques ou dont les derniers représentants sont en Grèce (Phoque moine de Méditerranée,tortue carette) ; 28 des36 espèces d'aigles européens vivent dans le ciel de Grèce[10],[24]. De nombreusesespècesanimales ouvégétales découvertes ou décrites en Grèce ont reçu pourépithète spécifiquegraecus,graeca ougraecum (« grec/grecque » enlatin).
La Grèce contient plus de 3 350 km d'autoroutes qui couvrent la majorité de la Grèce continentale ainsi qu'une partie de laCrète. En plus des autoroutes, elle a aussi plusieurs milliers de kilomètres de routes nationales ainsi que des routes provinciales. Le plus grandpont routier en Grèce est lepont Rion-Antirion près de la ville dePatras à l'ouest de la Grèce. Le pont a une longueur totale de 2 880 m[26] et relie la péninsule du Péloponnèse avec l'ouest de la Gréce continentale. Le plus grand tunnel autoroutier est le tunnel de Tempi reliant laThessalie avec laMacédoine-Centrale ayant une longueur de 6 100 m[27]. Ce tunnel fait partie de l'autoroute A1 reliant Athènes à Thessalonique et a été complété en 2017.
La Grèce est un grand pays maritime avec un des plus longs littoraux du monde et les ports ont joué un rôle très important dans son développement. Le plus grand port de commerce grec est leport autonome du Pirée qui en 2015 est placé comme le huitième plus grand enEurope avec 3,7 millions deEVP transportés. Le port du Pirée est aussi le plus grand port de passagers en Europe avec 8,2 millions de passagers transportés en 2015. Les autres grands ports grecs sont le port deThessalonique et le port dePatras (port principal de transport de camions de/vers l'Europe de l'Ouest).
La Grèce a plusieurs aéroports et presque toutes les grandes îles sont reliées avec l'aéroport d'Athènes et avec d'autres destinations internationales. Le plus grand aéroport grec est l'aéroport international d'Athènes Elefthérios-Venizélos (inauguré en 2001) situé à vingt kilomètres du centre d'Athènes. L'aéroport a reçu 21,7 millions de passagers en 2017, ayant une augmentation de 8,6 % comparé à 2016. La plus grande compagnie aérienne grecque estAegean Airlines suivie de sa filialeOlympic Air.
L'agriculture et l'élevage caractéristiques duNéolithique ont été apportés en Europe par des populations venues d'Anatolie voisine, qui se sont établies en Grèce et dans les Balkans à partir d'environ, avant de s'étendre progressivement vers l'Ouest. Le courant Impressa ouculture de la céramique imprimée apparait ensuite dans différentes parties de lamer Égée. On la retrouve sur le site de Sidari, sur l'ile deCorfou, à l'Ouest de la Grèce, en, puis enItalie[38].
Les sites sont très dispersés et cette époque se caractérise par lasédentarisation des populations. Il est difficile de mesurer l'évolution sociale de ces périodes anciennes ; mais la diversification des outils et des armes semble indiquer un début de spécialisation dans les activités humaines[39]. L'usage des métaux se développa à partir duIIIe millénaire av. J.-C. entraînant l'entrée de la région dans la Protohistoire[37].
Laculture des Cyclades englobe lesCyclades dans une unité culturelle auIIIe millénaire av. J.-C. pendant l'âge du bronze. Elle est célèbre pour ses idoles de marbre, retrouvées jusqu'auPortugal et à l'embouchure duDanube[40]. Son influence dans l'espace grec s'est étendue de laCrète à l'Attique[41]. Son organisation en petites entités politiques, sans pouvoir central étatique, portait en germe celle de la Grèce des siècles suivants[42].
La civilisation des Cyclades est un peu plus ancienne que lacivilisation minoenne de laCrète qui se développe duXXVIIIe au XIIIe siècleav. J.-C., avec un apogée dans la première moitié duIIe millénaire av. J.-C.. Tirant son nom du nom du roi légendaireMinos, elle a été révélée par l'archéologue anglaisArthur John Evans au début duXXe siècle. Elle est célèbre pour sespalais commeCnossos,Phaistos etMalia. Ils sont situés dans les plaines les plus fertiles de l'île, permettant à leurs propriétaires l'accumulation de richesses, notamment agricoles, comme le prouvent les grands magasins de produits agricoles[43]. Construits avec des briques cuites (innovation), ils n'étaient pas fortifiés car la puissance maritime de cette civilisation semble l'avoir mise à l'abri de la plupart des dangers extérieurs. Ses échanges marchands englobaient laSicile,Chypre, l'Égypte, l'Asie mineure et la Grèce continentale. D'abord organisée en clans, cette société évolua avec le développement d'une classe marchande. Elle resta cependant très hiérarchisée et centrée sur les palais dominant des agglomérations quasi-urbaines. L'architecture et le décor des palais, ainsi que la qualité de la céramique sont considérés comme sans précédent artistique. La plupart des hypothèses lient le déclin de la civilisation minoenne et son remplacement par la civilisation mycénienne à l'explosion de Santorin[44].
Lacivilisation mycénienne s'étend de 1550 à 1100 environav. J.-C. (Helladique récent, fin de l'âge du bronze). Son apogée se situe environ entre 1400 et 1200av. J.-C.[45] Le terme « mycénien » a été choisi par l'archéologueHeinrich Schliemann pour qualifier cette civilisation dans la seconde moitié duXIXe siècle[46]. Ce nom est repris de celui de la villepéloponnésienne deMycènes, à la fois parce qu'il s'agit du premier site fouillé à révéler l'importance de cette civilisation et du fait de l'importance que revêtait lacité dans la mémoire des auteurs grecs antiques, en premier lieuHomère, qui faisait du roi de Mycènes le chef des « Achéens ». Par la suite, Mycènes s'est révélée n'être qu'un pôle de cette civilisation parmi d'autres, mais le terme de « mycénien » est resté utilisé par convention[45]. Elle se répandit progressivement à partir du sud de la Grèce continentale sur lemonde égéen dans son ensemble, qui connut pour la première fois une certaine unité culturelle. Cette civilisation est notamment caractérisée par ses palais-forteresses, ses différents types de poterie peinte que l'on retrouve tout autour de lamer Égée, ainsi que son écriture, lelinéaire B, la plus ancienne écriture connue transcrivant du grec. Depuis son déchiffrement en 1952, la civilisation mycénienne est la seule civilisation égéenne pré-hellénique connue à la fois par des sources littéraires, des traces archéologiques et des documents épigraphiques[47].
On désigne du terme « époque archaïque » une des cinq époques de l'histoire grecque, définie sur la base des styles depoterie. Elle commence vers620 et se termine en480. L'expression est parfois utilisée dans un sens plus large pour la période qui s'étale entre750 et 480. À partir du milieu duVIIIe siècle av. J.-C., lesmonarchies à la tête des cités sont renversées et remplacées par des régimesoligarchiques. Plus tard, des régimestyranniques se développent dans certaines cités, notamment celles dont l'économie est fondée sur le commerce, tellesAthènes ouCorinthe.
L'expression d'« époque classique » est une dénomination postérieure à la période chronologique à laquelle elle renvoie. Les Grecs ont eu conscience que le monde qui existait avant l'épopée d'Alexandre le Grand et la dilatation du monde grec, pouvait être considéré comme un « âge d'or ». De manière plus contemporaine, l'époque classique sert à désigner la période durant laquelle les valeurs et les institutions fondamentales du monde grec trouvèrent leur pleine expression et arrivèrent à maturité.
Considérée comme la période de référence, il n'y a pas de rupture entre les différentes époques. « Époque classique » est une expression historique commode pour les historiens de ces périodes.
L’époque hellénistique a été définie par les historiens duXIXe siècle (le terme « hellénistique » est employé pour la première fois par l’historien allemandJohann Gustav Droysen dansGeschichte des Hellenismus (1836 et 1843), à partir d’un critère linguistique et culturel à savoir l’accroissement spectaculaire des régions où l’on parle le grec (ἑλληνίζειν /hellênízein) et donc du phénomène d’expansion de l’hellénisme. Cependant ce phénomène d’hellénisation des populations et de rencontre entre les anciennes civilisations orientales et grecques se poursuit y compris sous l’« Empire gréco-romain », selon l’expression dePaul Veyne. Les limites chronologiques de la période hellénistique sont donc conventionnelles et politiques : elles débutent avec les conquêtes d’Alexandre le Grand et se terminent quand le suicide du dernier grand souverain hellénistique, la reine d’ÉgypteCléopâtreVII, fait place à la domination romaine définitive.
L'empereurHadrien étaitphilhellène : il fit construire un grand nombre de bâtiments àAthènes, qui subsistent encore de nos jours.
La période de domination romaine en Grèce s'étend conventionnellement de146av. J.-C. après le sac deCorinthe jusqu'à la reconstruction deByzance parConstantinIer et sa proclamation en tant que seconde capitale de l'Empire romain en330 apr. J.-C. Durant cette période la Grèce était alors divisée en plusieursprovinces romaines distinctes[48].
Marc Aurèle était un admirateur de laphilosophie stoïcienne et a d'ailleurs beaucoup contribué à la diffusion du stoïcisme dans l'Empire romain.
En 395, à la mort deThéodoseIer, l’Empire romain estpartagé en deux parties : l’Empire romain d'Occident qui disparaît en 476, et l’Empire romain d’Orient qui dura jusqu'en 1453 àConstantinople, jusqu’en 1461 àTrébizonde etMistra et jusqu’en 1475 enCrimée grecque. La disparition de la partie occidentale de l’Empire romain et la fin du système deslégions, ainsi que les menaces permanentes sur leurs frontières amenèrent les Byzantins à se doter d’unearmée puissante dont la tactique a évolué et commencé à s’élaborer de manière autonome dès leVIe siècle. Le terme « byzantin » vient deByzance, l’ancien nom de la capitaleConstantinople, mais l’appellation « Empire byzantin » apparaît seulement auXVIe siècle, en 1557, sous la plume de l’historien allemandHieronymus Wolf, pour définir l’histoire de l’Empire romain d’Orient considérée comme une histoire grecque, distincte de celle de l’Empire romain d'Occident[49]. En effet, bien que les citoyens de l’Empire d’Orient nommaient leur État engrecΒασιλεία Ρωμαίων (Basileía Rômaíôn : « Empire des Romains »), qu’ils se considéraient comme Romains (Rômaíoi)[50], et qu’ils ne se soient jamais désignés comme « Byzantins », il n’en reste pas moins que la langue de communication, la culture et la liturgie de l’Empire romain d’Orient étaient essentiellementgrecques : d’ailleurs, si certains chroniqueurs désignent l’empire comme « Terre de Romanie » (Geoffroi de Villehardouin), la plupart utilisent plutôt « Imperium Graecorum », « Græcia » ou « Terra Græcorum » et « Grecs » pour ses citoyens.
L'empereurBasile II contribua à étendre les frontières de l'Empire vers leLevant.
Au cours des mille ans séparant l’an 395 de l’an 1453, un certain nombre de valeurs et de savoirs furent conservés par les Grecs byzantins : État de droit écrit gouverné par leCode Justinien, Empereur responsable devant le Sénat, absence de servage, collectivités agricoles libres, techniques agricoles élaborées (irrigation), architecture romane, aqueducs, eau courante, tout-à-l’égout et éclairage dans les villes, usage de bains, sémaphores et phares, transmission des savoirs antiques, de la philosophie grecque classique et de la médecinehippocratique dans les universités deConstantinople,Trébizonde etMistra. Ces savoirs ont d'abord été transmis à tout le monde chrétien et ensuite auxArabes qui à leur tour les ont communiqués au sein de leurs conquêtes : L'empereurRomainIer Lécapène (Ρωμανός Α' ο Λεκαπηνός) envoie bibliothèques et traducteurs en Espagne musulmane, à Hasday ibn-Chaprut (Xe siècle), ministre du calife de Cordoue,Abd al-Rahman III[51].
Lasociété byzantine est une société hellénisée, profondément cosmopolite. Les Byzantins se considèrent à la fois comme les héritiers desRomains et desGrecs, influencés par leurs voisinsPerses,Arméniens etArabes. Constantinople en est le symbole : c'est une ville multi-ethnique et multi-confessionnelle. Les taxes étaient les mêmes pour tous les habitants, ce qui est un cas assez unique pour l'époque,a contrario de ce que fait plus tard l'Empire ottoman. Les marchands byzantins occupent une place prédominante dans la société : le commerce maritime représente la principale source de revenus pour l'Empire, qui a une influence non seulement dans le bassin levantin (Hellespont), mais aussi enmer Noire (avec les ports grecs d'Odessa,Trébizonde et deThéodosie) et enMéditerranée (Syracuse enSicile,Leptis Magna enCyrénaïque,Alexandrie enÉgypte). La culture byzantine s'articule essentiellement autour de l'orthodoxie, et la religion est une partie centrale de la société de l'époque. La famille a une place importante : les mères représentent l'unité familiale et ont une place influente. Les filles, comme les garçons, peuvent recevoir une éducation, bien que celle-ci ne fût pas mixte. De surcroît, les femmes sont admises à l'Université de Constantinople et peuvent devenir médecins[60]. La présence de femmes médecins n'est pas une innovation de l'époque byzantine, puisqu'elle remonte à la Grèce et la Rome antiques. Les études et la formation des femmes médecins étaient équivalentes à celles de leurs collègues masculins. Les principales spécialités médicales des femmes médecins étaient la gynécologie et la profession de sage-femme. La législation byzantine traitait de manière relativement égale les médecins femmes et hommes[61]. Cependant, elles restent considérées comme mineures sur le plan juridique. Malgré certaines restrictions, de nombreuses femmes ont un rôle dans la vie publique et exercent des activités commerciales[62]. Les femmes ont joué un rôle prééminent dans la culture byzantine :Anne Comnène enlittérature, les impératricesThéodora,Irène etZoé en politique.
Les Grecs connaissaient alors des situations sociales contrastées. Alors que les aristocrates grecs des îles Ioniennes et de Constantinople (Phanariotes) vivaient dans la prospérité, certains obtenant même des postes à responsabilité au sein de l'administration ottomane, une importante partie de la population de Grèce continentale souffre des conséquences économiques et sociales de la conquête. Dans les dernières années, les autorités ottomanes lancèrent une politique de création de domaines héréditaires, qui transforma les ruraux grecs en véritables serfs (système desTimars).
Grèce ottomane.
Depuis la chute desempereurs de Constantinople, l’Église grecque orthodoxe était considérée par le gouvernement ottoman comme l’autorité dirigeant toute la population chrétienneorthodoxe de l’Empire ottoman, qu’elle soit de langue grecque ou non. Bien que l’État ottoman n’obligeât pas les non-musulmans à se convertir à l’Islam, les chrétiens étaient confrontés à différents types de discriminations liées à leur statut inférieur dans l’Empire (dont lapédomazoma (παιδομάζωμα) : enlèvement des garçons pour les enrôler dans lesjanissaires, et ladouble-capitation sur les non-musulmans). Les discriminations contre les chrétiens, surtout lorsqu’elles étaient associées à des mauvais traitements de la part des autorités ottomanes locales, décidaient la conversion, réelle et définitive, ou apparente et provisoire. Au cours duXIXe siècle, avec l’émergence dunationalisme grec moderne, certains « crypto-chrétiens » retournèrent à leur ancienne obédience religieuse… surtout lorsque les territoires où ils vivaient, furent enlevés à l’Empire ottoman par les nouveaux états chrétiens.
La nature de l’administration ottomane de la Grèce diffère selon les régions et les époques. Certaines villes étaient dirigées par des gouverneurs nommés par leSultan tandis que d’autres étaient des municipalités qui s’autogouvernaient. Certaines régions montagneuses et de nombreuses îles restèrent à l’écart du pouvoir central ottoman pendant de nombreux siècles. Quand des conflits militaires se déclenchaient entre l’Empire ottoman et des États chrétiens (Autriche,Venise), les Grecs, à quelques exceptions près, prenaient généralement les armes contre l’Empire, surtout si ses adversaires étaientorthodoxes (Empire russe,principautés danubiennes). Avant la guerre d'indépendance, il y eut une série de guerres où l’on vit des Grecs combattre les Ottomans : la participation grecque à labataille de Lépante en 1571, la révolte des paysansépirotes de 1600-1601 en même temps que celle deMichel de Valachie dans lesprincipautés danubiennes, laguerre de Morée de 1684-1699 et larévolution d'Orloff de 1770 qui cherchait à démanteler l’Empire ottoman en faveur des intérêts russes. Ces insurrections furent noyées dans le sang.
En 1814, une organisation secrète, laFilikí Etería, fut fondée avec pour but la libération de la Grèce. Cette organisation est en contact avec les élites des salons de Paris, Londres, Moscou ou encore Vienne : la cause grecque séduit rapidement ces milieux intellectuels et politiques. Le25 mars 1821, jour del'Annonciation ô combien symbolique pour les Grecs fervents orthodoxes, les indépendantistes se réunissent enAssemblée nationale àÉpidaure pour y proclamer solennellement leur indépendance. Cette proclamation, signée parPierre Mavromichális qui est alors le chef des armées indépendantistes, marque le début de la guerre d'indépendance grecque :« Jamais cause ne fut plus juste ni plus sacrée que la nôtre ; nous combattons pour notre sainte religion, pour notre vie, pour notre honneur, pour nos propriétés, que nos farouches oppresseurs ne respectèrent jamais. Cette terre défendue par des héros illustres, par le génie et les vertus de nos ancêtres, et si longtemps, hélas ! arrosée de nos larmes ; cette terre nous appartient, elle est notre héritage. Toute l'Europe lui est redevable de ses arts, de ses lumières et de tous les bienfaits de la civilisation. Voici le moment pour vous, nations et gouvernements éclairés, d'acquitter votre dette envers la Grèce, notre patrie. Nous ne vous demandons que des conseils, des armes et des secours pécuniaires, que nous vous rendrons avec reconnaissance : la gloire de nos bienfaiteurs durera autant que celle de la Grèce. -Cri d'Indépendance.[65] »
Les insurgés avaient prévu de lancer le mouvement dans lePéloponnèse, et lesprincipautés danubiennes alors gouvernées par desPhanariotes. Le Péloponnèse entra en révolte ouverte à partir de la fin mars et, en, les Grecscapturèrent Tripolizza. La révolte péloponnésienne fut suivie par des révoltes en Crète, en Macédoine et en Grèce centrale. Pendant ce temps, les navires grecs avaient remporté dessuccès contre la marine ottomane dans lamer Égée, ce qui gêna l’envoi de renforts ottomans par la mer. Toutefois, en 1822, les Turcsravagèrent Chios, ce qui galvanisa l’opinion publique occidentale en faveur des Grecs. Dans un premier temps, cependant, aucun pays ne bougea à cause du poids politique et diplomatique de laSainte-Alliance, à l'exception de la jeunerépublique d'Haïti, premier pays à reconnaître l'indépendance de la Grèce le[66],[67]. Par l'entremise de l'abbé Grégoire, le présidentBoyer décide d'envoyer une aide aux indépendantistes, proportionnelle à ses moyens, avec25 tonnes de café et100 soldats haïtiens. Ces derniers n'arrivent jamais, sûrement victimes de piraterie[68].
Pendant deux ans, les Grecs multiplièrent les victoires. Cependant, ils commencèrent à se déchirer. Pendant ce temps, le Sultan négocia avecMéhémet Ali d’Égypte, qui accepta d’envoyer son fils Ibrahim Pacha en Grèce avec une armée pour supprimer la révolte en échange d’un gain territorial. Ibrahim accosta dans le Péloponnèse en et conquit rapidement la majeure partie de la région. Missolonghi,assiégée par les Ottomans depuis le mois d’, tomba en 1826.Athènes tomba à son tour en.
Après des années de négociation, les trois grandes puissances, laRussie, leRoyaume-Uni et laFrance, décidèrent d’intervenir dans le conflit, chaque nation envoyant une flotte en Grèce. LaRussie, intéressée entre autres au sort desOrthodoxes grecs, souhaitait de plus en plus ardemment intervenir. LesBritanniques, quant à eux, désiraient limiter l'influence russe dans la région. D’après des informations selon lesquelles une flotte combinée turco-égyptienne devait attaquer l’île grecque d’Hydra, la flotte alliée intercepta la flotte turco-égyptienne àNavarin. Après un long bras de fer d’une semaine, la bataille commença et eut pour résultat la destruction de la flotte turco-égyptienne. Uneexpédition française fut ensuite envoyée dans le Péloponnèse pour superviser son évacuation par l'armée égyptienne en 1828, tandis que les Grecs obtenaient des succès contre les Ottomans en Grèce Centrale. LaRussie déclara la guerre aux Turcs la même année. Sa victoire fut entérinée par letraité d'Andrinopole, en 1829. Ces interventions européennes précipitèrent la création de l'État grec. Leprotocole de Londres (1830), signé par des représentants britanniques, français et russes, permit en effet l'affirmation de l'indépendance grecque que la Prusse et l'Autriche autorisèrent. La France, la Russie et le Royaume-Uni, appelées « puissances protectrices », gardèrent ensuite une influence notable sur le jeune royaume (sorte deprotectorat, la Grèce étant endettée à la suite de différents emprunts contractés pendant la guerre et au début de la naissance de l'État)[69]. Lors du protocole de Londres, la Grèce indépendante ne représente qu'une portion congrue du monde hellénique :Attique,Péloponnèse etCyclades. Ce n'est qu'une partie infime de ce que représente en réalité cette influence hellénique, qui s'étendent auxÎles Ioniennes, enÉpire, enMacédoine,Dodécanèse, dans l'Hellespont, enCrète, àChypre et enAsie Mineure. Le refus de Paris, Londres, Moscou et Vienne de constituer une « Grande Grèce » s'explique par la volonté de ne pas voir se démanteler l'Empire Ottoman qui est considéré comme un élément de stabilité au Levant et favorables aux intérêts stratégiques et économiques occidentaux. LeRoyaume-Uni, notamment, ne veut pas perdre ses avantages économiques dans lesDétroits tandis que laRussie craint qu'une Grande Grèce, avecConstantinople pour capitale, ne puisse être sa rivale orthodoxe et être trop sous l'influence de Londres ou de Paris. Cela va engendrer un sentiment de frustration chez les Grecs, qui rêvent alors de reconquérir ces « territoires séparés » et de les réunir enfin dans un même État. C'est laGrande Idée (Μεγάλη Ιδέα)[70].
En 1827, l'Assemblée nationale réunie àTrézène dans le Péloponnèse, élit à l'unanimité le comteIoannis Kapodístrias commechef de l'État. Celui-ci est alors un ancien administrateur desîles Ioniennes pendant la période française de larépublique des Sept-Îles, ainsi qu'un influent diplomate à la cour de Russie. C'est d'ailleurs en cette qualité qu'il participe, avec le ministre plénipotentiaire des Affaires ÉtrangèresCharles de Nesselrode aux négociations auCongrès de Vienne. Il peut être ainsi considéré comme le premier véritable chef d'État de la Grèce contemporaine, bien que le pays fût toujours en guerre. En tant que chef de l'État grec, Kapodistrias a modernisé le pays, initiant des réformes de toutes sortes. Il a maîtrisé les principales maladies en introduisant le premier système dequarantaine moderne dans le pays, a négocié les frontières du nouvel État avec l'Empire ottoman et les grandes puissances, réorganisé l'armée, ce qui lui a permis de reprendre le territoire perdu aux Turcs pendant les guerres civiles. Au cours de ses premiers mois au pouvoir, il s'attelle à réorganiser les administrations locales et régionales. Il crée une banque financière locale ainsi qu'unemonnaie qui émettait des pièces avec le symbole du phénix. Le symbole fut soigneusement choisi : tel lephénix, la Grèce renaissait de ses cendres, elle qui n'avait jamais vraiment disparue. C'est également grâce à lui que la culture de la pomme de terre a été introduite en Grèce, afin de mettre fin aux famines récurrentes. Il développera l'Académie Ionienne pour faire revivre sur le plan culturel les lettres grecques. Les réformes de Ioannis Kapodístrias, cependant, ne font pas l'unanimité dans les rangs grecs (la puissantefamille des Mavromichalis est son principal adversaire) ni dans les chancelleries étrangères (il est particulièrement détesté parMetternich qui n'apprécie pas ses idées libérales). Face à la situation financière précaire du jeune État grec, Kapodístrias refusera de percevoir un traitement. En 1831, il est assassiné àNauplie alors qu'il sortait de l'église par les deux fils dePierre Mavromichális[71],[72],[73].
L'arrivée à Nauplie du roi Othon de Grèce, tableau dePeter von Hess, 1835.
On appelle « Grèce ottonienne » la période comprise entre 1832, date du début du règne d'OttonIer, et 1862, date de son abdication. Laguerre d'indépendance terminée, il convient de trouver un nouveau chef d'État à la Grèce ressuscitée. Dans l'Europe de laSainte-Alliance, il est évident que le pays sera une monarchie, malgré les volontés de l'Assemblée nationale d'Épidaure et du gouvernement provisoire hellénique d'établir unerépublique. Plusieurs candidats sont proposés. Leduc de Nemours proposé parLouis-PhilippeIer ; le princeCharles de Bavière ; le prince deSaxe-CobourgLéopold. Mais alors que Léopold de Saxe-Cobourg accepte le trône le 28 février 1830, il se décide de renoncer face à l'intransigeance des chancelleries européennes quant à unemodification des frontières et l'inclusion de laCrète dans le nouveau royaume. Léopold devient plus tardroi des Belges, et regrette un temps de ne pas avoir ceint la couronne hellénique. Finalement, après deux ans de tergiversations, les Grandes Puissances s'accordent autour de la candidature d'Otton de Bavière, fils de l'influentLouisIer de Bavière qui pèse de tout son poids dans ce choix. En janvier 1832, Otton est déclaré roi des Hellènes. Ce dernier obtient de la part desgrandes puissances une renégociation des frontières par letraité de Constantinople. Le 6 février 1833, le nouveau monarque débarque à Nauplie, dans le Péloponnèse, où il reçoit un accueil très chaleureux de la part des officiels helléniques et de la population en liesse. Il y prononce quelques mots :« Hellènes ! Appelé auprès de vous par la confiance des Hautes Puissances Médiatrices, à la protection desquelles vous avez dû d'avoir pu terminer glorieusement une guerre longue et destructive, appelé également par vos libres suffrages, je monte sur le trône de Grèce, pour remplir les engagements que j'ai contractés en acceptant la couronne qui me fut offerte. Vous avez, après une lutte sanglante et avec le sacrifice de vos biens les plus chers, acquis une existence politique et l'indépendance, bases fondamentales du bonheur et de la prospérité des nations. Vous vous êtes montrés, par votre courage, les dignes descendants de vos ancêtres, dont la gloire a traversé les siècles, sans perdre de son éclat[74]. »
L'Académie d'Athènes est le symbole de la renaissance néoclassique en Grèce, voulue parOthon.
Dans ce discours, la référence à laGrèce antique est loin d'être anodine. La Grèce ottonienne a d'ailleurs comme principale préoccupation le « retour aux sources » à une Grèce classique et l'effacement de la période ottomane.Athènes est déclarée en 1834 capitale du nouveau royaume : le roi charge ses architectes de reconstruire la ville et de la moderniser selon les règles de l'architecture néoclassique. Les principaux édifices qui témoignent de cette politique néoclassique sont les bâtiments de laBibliothèque nationale, de l'École polytechnique et de l'université nationale et capodistrienne d'Athènes. Othon et son épouseAmélie d'Oldenbourg s'investissent beaucoup dans la construction de la nation grecque moderne : mise en place d'une administration efficace, dans la continuité des réformes deIoannis Kapodístrias, fondation de l'université nationale d'Athènes, de l'observatoire national, construction dupalais royal, loi sur l'instruction publique obligatoire. L'identité nationale hellénique se construit autour de la guerre d'indépendance : en 1838, Othon déclare le 25 mars fête nationale. Il inaugure, avec lareine Amélie, un jardin des Héros àMissolonghi où reposent d'illustres figures du conflit contre laSublime Porte, commeMárkos Bótzaris[75],[76].
Les Athéniens, menés parDimitrios Kallergis, demandant une Constitution au monarque, 3 septembre 1843. Tableau apocryphe.
La Grèce d'Otton souffre du jeu des chancelleries européennes : le Royaume-Uni refuse de rétrocéder lesîles Ioniennes et l'ambassadeur britanniqueEdmund Lyons fait tout pour humilier le jeune monarque qu'il n'hésite d'ailleurs pas à qualifier publiquement d'imbécile, l'accusant de se comporter en tyran[77]. Également, il ne manque jamais une occasion de lui rappeler la question délicate de la dette que la Grèce a contractée auprès des puissances occidentales. Durant laguerre de Crimée, les Français et les Britanniques empêchent toute intervention grecque etoccupent même le port du Pirée. Exclue de laconférence de Paris de 1856, Athènes n'obtient pas la moindre concession territoriale. Surtout, les grandes puissances profitent de leur nouvel ascendant pour exiger le recouvrement des dettes helléniques et imposer à la Grèce la tutelle d'une commission financière[78]. De surcroît, le monarque gouverne de façon autoritaire : il est contraint de donner au pays uneConstitution après lecoup d'État du 3 septembre 1843. La Constitution déclaretous les citoyens égaux devant la loi, garantit laliberté de la presse et d'association. Elle confie le pouvoir législatif à une Chambre et à un Sénat. Le pouvoir exécutif reste détenu par le roi qui nomme les ministres sans consultation du Parlement[79]. Toutefois, Othon n'est pas disposé à accepter que le Parlement outrepasse son simple rôle de « chambre d'enregistrement » et entre régulièrement en conflit avec ses ministres. Au début des années 1860, le monarque devient de plus en plus impopulaire : échec de la Grande Idée, pas d'héritier, politique centralisé et autoritaire. En 1861, un attentat organisé par l'étudiantAristídis Dósios manque de peu la reine Amélie[80]. Un an plus tard, lesoulèvement de la population conduit la famille royale à quitter précipitamment le pays pour s'exiler à laNeue Rezidenz deBamberg, en Bavière. Jusqu'à la fin de sa vie, Othon reste persuadé de son retour en Grèce. Il finance d'ailleurs généreusement larévolution crétoise de 1866. Affaibli, il meurt en 1867, prononçant ses derniers mots pour sa patrie d'adoption : « Grèce, ma chère Grèce... »[77] Le princeGeorges de Danemark est choisi pour luisuccéder et monte sur le trône en 1863.
De la révolution industrielle en Grèce jusqu'aux guerres balkaniques
Le chemin de fer fait progressivement son apparition dans le pays sous l'impulsion du Premier ministreCharilaos Trikoupis : la première ligne de chemin de fer est ouverte en 1869 entre lePirée et le centre d'Athènes. Après 1883 et jusqu’en 1905, de nombreuses nouvelles voies ont lié la capitale à des villes importantes commeLarissa,Corinthe,Patras etChalcis. Des voies ont été créées pour relier par ailleurs certaines villes grecques entre elles. Leréseau ferroviaire grec n’a pas favorisé les grands trajets en train mais a plutôt aidé des régions voisines à s’ouvrir les unes aux autres et donc la plupart des habitants se servaient du réseau pour des petits trajets[86]. À la fin duXIXe siècle, la ligneParthénon -Brindisi -Rome -Paris avec une correspondance maritime àPatras permet de connecter le monde hellénique à l'Europe occidentale. En outre, l'Orient-Express permettait de relierLondres,Paris,Munich etBudapest àAthènesviaSofia etThessalonique. À partir de 1919, une liaison directe connecte Londres à Athènes parCalais, Paris,Strasbourg,Vienne etBelgrade[87].
Cette période est une période d'essor économique, mais aussi intellectuel et culturel. En 1859, une première tentative d'organisation desJeux Olympiques a lieu à Athènes auZappéion grâce au financement du philanthropeEvangelos Zappas. Ces jeux, au succès certes modeste, sont les prémices des Jeux Olympiques modernes. En 1880, sous l'impulsion du roiGeorgesIer, unThéâtre national est fondé, de même que leConservatoire municipal d'Athènes. Les frèresYannakis et Miltos Manákis œuvrent activement au développement de l'activité cinématographique hellénique. En 1896, les premières véritables olympiades de l'ère moderne sont ouvertes à Athènes, grâce à l'action du FrançaisPierre de Coubertin[88]. Ce dernier est un philhellène convaincu : le choix d'Athènes pour organiser la première olympiade contemporaine lui apparaît comme une évidence. Il rapporte plus tard, dans ses écrits :« Rien dans l’histoire ancienne ne m’avait rendu plus songeur qu’Olympie. Cette cité de rêve dressait sans cesse devant ma pensée d’adolescent ses colonnades et ses portiques ; bien avant de songer à extraire de ses ruines un principe rénovateur, je m’étais employé en esprit à rebâtir, à faire revivre sa silhouette linéaire. L’Allemagne avait exhumé ce qui restait d’Olympie ; pourquoi la France ne réussirait-elle pas à en reconstituer les splendeurs ? De là au projet, moins brillant mais plus pratique et plus fécond, de rétablir les Jeux, il n’y avait pas loin[89]. »
Après des négociations entre Coubertin etConstantin, duc de Sparte etdiadoque, leur organisation est décidée. À cette occasion, Athènes a rénové intégralement leStade panathénaïque vieux duIVe siècle av. J.-C. et qui fut même utilisé sous l'empereur Hadrien. Durant dix jours, des événements artistiques sont organisés en marge des compétitions sportives. La ville d'Athènes est illuminée à profusion pour l'occasion. Diverses parades aux flambeaux, concerts et autres réceptions composent le programme des festivités. Des tragédies antiques tellesMédée ouAntigone sont données en représentation[90],[91]. L'athlète grecSpyrídon Loúis se distingue tout particulièrement en remportant le marathon, ce qui ravit la population et flatte l'ego national[92],[93],[94].
Néanmoins, la Grèce vit au rythme des valses gouvernementales, élément caractéristique de la vie politique hellénique depuis l'avènement de la monarchie constitutionnelle en 1844. De plus, l'esprit de la Grande Idée est loin d'avoir disparu : en 1897, la Grèce se lance, mal préparée et trop sûre d'elle-même, dans uneguerre contre l'Empire Ottoman qui se solde par une débâcle grecque[95]. La Grèce déclencha le conflit en envoyant 1 500 soldats pour soutenir l'insurrection crétoise qui avait proclamé l'Enosis.[96] L'armée hellénique lance alors des attaques dans l'Épire et enMacédoine qu'elle revendique. Elle subit deux défaites et lesarmées ottomanes progressent en territoire grec. Grâce à l'intervention de laRussie, de l'Autriche-Hongrie et des autres puissances, un cessez-le-feu est signé. La paix se solde par quelques légères pertes territoriales pour la Grèce et une indemnité à payer. La défaite est surtout intellectuelle et plonge le pays, en ce début duXXe siècle, dans une profonde crise politique[97]. En 1909, une partie de l'armée hellénique, menée par le colonelNikólaos Zorbás, fomente un coup d'État contreGeorgesIer et son Premier MinistreDimítrios Rállis : c'est lecoup de Goudi. Ces insurgés demandent des réformes et la nomination du libéralElefthérios Venizélos comme chef du gouvernement. Le roi cède et Venizélos devientPremier ministre[98]. Diplomate hors pair, il joue un rôle politique prééminent pendant les décennies suivantes. Entre 1909 et 1913, il mène des réformes politiques et sociales en profondeur : une cinquantaine d'amendements à la constitution de 1864 ont été adoptés, une réforme agraire est mise sur pied (création d'un ministère de l'Agriculture) et des innovations ont été apportées au système éducatif. L'armée est modernisée grâce à l'aide de lamission militaire française. L'impôt sur le revenu est mis en place, les fonctionnaires sont titularisés. Sur le plan social, Venizélos légalise les syndicats et le droit de grève, pose les bases d'une protection sociale en rendant obligatoire les assurances pour les entreprises. L'interdiction du travail dominical est réaffirmée, le travail des enfants est interdit et réprimé[99]. Les magistrats furent désormais protégés par un Conseil supérieur de la magistrature[100],[101].
Guerres balkaniques : les prémices d'un conflit global
Affiche représentant la carte de la « nouvelle Grèce » et ses gains territoriaux aux lendemains desguerres balkaniques.
À Constantinople, le régime ouvertement autoritaire et nationaliste suscite les inquiétudes des pays balkaniques. De surcroît, chacun d'entre eux veut profiter de l'affaiblissement de la Sublime Porte, désormais « l'homme malade de l'Europe » pour s'agrandir territorialement. Le 12 mai 1912, est constituée laLigue Balkanique : elle rassemble la Grèce, la Serbie, le Monténégro et la Bulgarie autour de cet ennemi commun. Le 17 octobre 1912, la Ligue déclare la guerre à l'Empire ottoman malgré les réticences françaises, britanniques et russes qui craignent une potentielle intervention allemande et austro-hongroise. Lapremière guerre balkanique se solde par une victoire totale des coalisés : la marine grecque s'illustre notamment au cours de labataille d'Elli en décembre 1912. Labataille de Lemnos, le 18 janvier 1913, lui fait acquérir définitivement la maîtrise de lamer Égée. La force de lamarine hellénique a convaincu les autres membres de la Ligue de s'allier à la Grèce. Le 31 octobre 1912(ou 18 novembre dans le calendrier grégorien), l'armée hellénique entre dansThessalonique, jour du saint-patron de la villeDémétrios. Commandant l'armée de terre, lediadoque Constantin fait une entrée triomphale dans la ville. Le 30 mai 1913, le traité de Londres met fin à la guerre[103]. Il entérine les victoires coalisées mais ne fixe aucune frontière :
« Sa Majesté l'empereur des Ottomans cède à Leurs Majestés les Souverains alliés tous les territoires de son Empire sur le continent européen à l'ouest d'une ligne tirée d'Enos, sur la mer Égée, à Midia, sur la mer Noire, à l'exception de l'Albanie. Le tracé exact de la frontière d'Enos à Midia sera déterminé par une commission internationale- Article Deuxième du Traité de Londres[104]. »
La Grèce sort grande gagnante de ces négociations. Elle peut annexer officiellement lesud de l'Épire, lesmontagnes du Pinde, laThessalie et laMacédoine orientale avec Thessalonique. Cependant, les négociations à Londres n'ont pas abouti à un règlement précis des frontières : aussi, la question macédonienne n'est pas réglée, revendiquée en même temps par les Bulgares et les Grecs, les deux argumentant que la Macédoine est historiquement à eux. Les Grecs en appellent à l'héritage d'Alexandre le Grand tandis que les Bulgares affirment que les Macédoniens sont Slaves. Ces divisions entraînent le déclenchement de laseconde guerre balkanique : la Bulgarie attaque par surprise ses anciens alliés serbes et grecs dans la perspective d'occuper Thessalonique et d'avoir ainsi un accès sur la mer Égée. Les Bulgares, inférieurs en nombre aux Grecs subirent une contre-attaque générale sur l'ensemble du front dès le 19 juin et durent se replier sur la rivièreStrymon. L'objectif initial de détruire rapidement l'armée serbe se révéla rapidement irréalisable et l'armée bulgare dut commencer à se replier avant même l'intervention roumaine et ottomane, et avant l'avancée grecque. Le conflit se généralisa en juillet 1913 avec l'intervention des Roumains et des Ottomans qui cherchèrent à reprendreAndrinople. Finalement, les Bulgares dépassés capitulent. Letraité de Bucarest du 10 août 1913 humilie la Bulgarie, qui est mise au ban des pays balkaniques. Ses gains territoriaux au cours de la première guerre balkanique lui sont retirés. La Grèce, soutenue par la diplomatie allemande, obtient le port deKavala enThrace[105].
Lesguerres balkaniques préparent le jeu géopolitique de laPremière Guerre mondiale : la Bulgarie ainsi humiliée nourrit un fort esprit de revanche et se rapproche de l'Allemagne, de l'Autriche-Hongrie et de l'Empire ottoman. De l'autre côté, la Roumanie et la Serbie, deux pays historiquement francophiles (leroi des Serbes a fait ses classes à Paris et les élites roumaines sont étroitement liées à laculture française) se rangent du côté de laTriple-Entente. La Grèce reste toujours divisée sur la politique étrangère à suivre : Berlin, Paris, Londres et Moscou sont des alliés historiques. Les deux conflits n'ont pas résolu tous les problèmes régionaux, bien au contraire : ils n'ont fait que les exacerber[106],[107].
Première Guerre mondiale : de la « Grande Idée » à la « Grande Catastrophe »
Le roiConstantinIer refuse touteintervention dans la guerre et pèsera de tout son poids pour maintenir la neutralité grecque.
En 1914, alors que l'Europe se prépare à la guerre, la Grèce est partagée et tergiverse sur la politique étrangère à mener. Elefthérios Venizélos mène une politique de prudence et louvoyante. Il existe dans le pays deux grands courants : les venizélistes sont pro-Entente et réclament l'entrée en guerre du Royaume aux côtés des Français, Britanniques et Russes ; les royalistes sont neutres, préférant ne pas prendre parti dans un conflit qui serait dévastateur pour le pays qui sort déjà dedeux guerres difficiles.ConstantinIer est poussé par son beau-frère, leKaiserGuillaume II, à intervenir mais résiste et réaffirme la neutralité du pays.
En Grèce, une lutte de légitimité prend forme avec d’un côté les partisans deConstantinIer et de l’autre ceux deVenizélos, les prémices d’une « guerre civile » se font, déjà, ressentir. Malgré la pression desvenizélistes, le monarque refuse de participer à l'expédition des Dardanelles avec les Britanniques, qui se solde par une douloureuse défaite alliée. L’intérêt pour la Grèce est devenu particulièrement soutenu après le débarquement des troupes alliées à Thessalonique[108], le, et à la suite de la deuxième démission de Venizélos, le même jour, face au refus du roi de donner son accord à la participation de son pays aux opérations alliées. Cette démission a été accueillie avec beaucoup d’émotion en France, et elle a été présentée à laUne des journaux comme « un coup d’État du roi », ou comme « un acte de révolte contre le Parlement et la nation » selonL'Humanité[109]. C’est d’ailleurs à ce moment que l’image de la Grèce bascula : le pays apparut alors comme traître à l’égard de la cause de l’Entente. Dans ce sens,Gustave Hervé écrivait dans son éditorial deLa Guerre sociale du 8 octobre 1915[110] :« Ce n’est pas nous qui violons la nation grecque en débarquant à Salonique ; c’est le roi Constantin, beau-frère du kaiser, qui violente la nation à la tête de laquelle la France, l’Angleterre et la Russie l’ont placé, en l’empêchant de tenir la parole qu’elle a donnée aux Serbes. […] Si nous n’étions pas des poules mouillées, et si nous aimions vraiment le peuple grec, violenté par son roi, vingt-quatre heures après le coup d’État du roi Constantin contre le Parlement de la nation grecque, les flottes alliées seraient arrivées au Pirée et les ambassadeurs de la Quadruple-Entente auraient tenu au beau-frère de l’empereur Guillaume ce discours dépouillé d’artifices : «Monsieur, si dans les vingt-quatre heures vous n’avez pas rendu la liberté à votre peuple, si dans vingt-quatre heures Venizélos n’a pas repris le pouvoir avec mission de tenir la parole donnée aux Serbes, nous vous renvoyons à Berlin, vous et votre gracieuse épouse ! »
À la fin de l’été 1916, lesFrançais, en première ligne, pressent le pouvoir grec de soutenir l’Entente et déplorent l’attitude passive du roi envers les troupes bulgares stationnées en Macédoine[111]. En octobre, Venizélos établit un gouvernement de Défense nationale à Thessalonique en concurrence frontale avec l’autorité du roi, demeuré à Athènes : c'est leSchisme national (Εθνικός Διχασμός)[112]. L’épisode desVêpres grecques symbolise alors les tensions dominantes entre les gouvernements de Thessalonique, d'Athènes et lesforces alliées[113]. Ces dernières réclament la restitution d’armes et de matériel militaire de l’armée hellénique alors que le roi s’y oppose. Le, des troupes françaises et anglaises débarquent à Athènes par le Pirée et affrontent les fidèles du pouvoir monarchiste. Cette opération se termine par un échec pour les Alliés obligés d’évacuer la ville le lendemain[114].
Au printemps 1917, l'Entente voit laRussie impériale s'écrouler et s'attend à une attaque allemande dans les Balkans, pour soutenir la Bulgarie. Or, le Royaume-Uni désire retirer ses troupes de Thessalonique pour les utiliser enPalestine. L'Italie désire faire de même pour mieux occuper l'Épire du Nord[115]. En juin 1917, les Alliés de l'Entente évincèrent le souverain et installèrent Venizélos comme premier ministre d'une Grèce formellement unie mais amèrement divisée[115].Constantin est contraint à l'exil et c'est son filsAlexandreIer qui lui succède. Venizélos fit entrer la Grèce, jusque-là neutre, dans la guerre du côté de l'Entente. L'armée grecque s'engage donc aux côtés des Français et Britanniques au cours des batailles deDoiran[116] et deSkra-di-Legen[117]. Durant cette bataille contre les Bulgares les Grecs se distinguent par leur courage et leur pugnacité et remontent dans l'estime des Alliés. Le général anglaisGeorge Milne écrivit augénéral Danglis : « Sans l'aide des forces grecques, il n'aurait pas été possible de remporter cette victoire. »[118]. Legénéral Guillaumat, général en chef des forces alliées, reconnut publiquement l'importance de la contribution des forces grecques dans cette victoire, affirmant : « La victoire de Skra est aussi glorieuse que la prise deMort-Homme avantVerdun. »[119].
C'est donc en pays allié et vainqueur que la Grèce participe à laconférence de Paris et à la signature dutraité de Versailles. Elefthérios Venizélos y présente les revendications grecques et obtient sur à peu près tous les sujets gain de cause. Le pays obtient l'Asie mineure, laThrace mais se heurte aux prétentions italiennes sur leDodécanèse et l'Épire du Nord malgré le soutien français. En mai 1919, la Grèce a été autorisée à débarquer des troupes à Smyrne, la principale ville portuaire d'Asie mineure où vit une importante population grecque. La Grèce est la grande gagnante dutraité de Sèvres d'août 1920 qui lui reconnaît formellement l'annexion de l'Asie mineure[120]. Cependant, pour les nationalistes turcs, dirigés par le généralMustafa Kemal, ce traité n'a aucune valeur juridique et il s'oppose fermement aux prétentions grecques. Le président françaisAlexandre Millerand prévient Venizélos que son pays n'est pas prêt à se lancer dans une nouvelle guerre pour imposer de force les conditions du traité de Sèvres aux Turcs, mais autorise celui-ci à y envoyer l'armée grecque pour maintenir l'ordre.
Laguerre gréco-turque qui s'ensuit aboutit à une défaite des armées grecques et la conclusion d'un nouveau traité nettement moins favorable en 1923 : letraité de Lausanne. La Grèce est obligée de se retirer d'Asie mineure et de Thrace orientale. Lorsqu'ils prennent la ville de Smyrne, les nationalistes turcs commettent des exactions terribles sur la population civile (génocide des Grecs pontiques) qui est contrainte à l'exil : c'est laGrande Catastrophe. Cet épisode marque profondément et durablement les mentalités grecques, contribue à tendre encore un peu plus lesrelations turco-helléniques[121],[122].
La grande durée de laPremière Guerre mondiale causa une profonde crise de conscience en Grèce. C'était avant tout une guerre que l’ensemble de l’opinion grecque, restée un peu perplexe, ne soutenait pas, parce qu’elle suscita la division du pays en laissant la Grèce seule, après la fin des hostilités internationales, à affronter la Turquie, ce qui provoqua la catastrophe de l’Asie mineure et la fin des revendications nationales. Elle essaya de répondre aux nouveaux besoins, très pressants de laGrande Catastrophe.
LaRépublique est proclamée le, à la suite des élections ayant donné la majorité au parti républicain. Le roiGeorgesII est destitué. Cette République dure douze ans, douze années agitées, ponctuées par des coups d'État militaires et des conflits frontaliers avec ses voisins, comme l'incident de Pétritch en 1925, résolu par l'intervention de laSociété des Nations. Dans les premières années de la République, le gouvernement d'Alexandros Zaimis contracta un prêt auprès des banques britanniques d'un montant total de9 millions de livres sterling destiné à la mise en valeur et à l'amélioration des terres (principalement dans les régions du nord). Les conditions de ce prêt stipulaient toutefois que la Grèce devait stabiliser samonnaie en revenant à l'étalon-or. Un autre prêt de4 millions de livres sterling destiné à la réalisation de travaux publics a été contracté en 1928. En mai 1928, laBanque de Grèce fut créée. L'économie du pays est majoritairement concentrée sur le secteur primaire : en 1933, plus de 85 % des exportations grecques en termes de valeur étaient agricoles, la plus grande part des exportations étant le tabac brut (738 millions de drachmes). LaGrande Dépression a eu un impact considérable sur les prix des produits de luxe tels que le tabac et les raisins secs, qui constituaient la majeure partie des exportations agricoles de la Grèce. Avant la crise, le pays exportait 50 055 tonnes pour une valeur de 3,95 milliards. Ce n'était plus que 34 743 tonnes de tabac pour une valeur de738 millions de drachmes en 1933[123],[124].
La décennie 1930 est marquée par la présence deVenizélos aux affaires politiques. Ce dernier mène des grandes réformes politiques (passage d'un régime monarchique à un régime républicain) et sociales (mise en place progressive d'un régime assurantiel pour les travailleurs).
La République hellénique de l'entre-deux-guerres se caractérise par une instabilité gouvernementale chronique : quatorze gouvernements en onze ans. Le 10 octobre 1935, les générauxGeórgios Kondýlis etAléxandros Papágosrenversent la République et restaurent la monarchie au terme d'unréférendum. La Grèce redevient formellement unemonarchie et le roiGeorges II est rappelé de son exil à Londres[125].
Ioannis Metaxás dirigea la Grèce d'une main de fer entre 1936 et 1941.
En 1936, le généralIoannis Metaxás, devenu Premier ministre, abolit la Constitution pour et instaure un régime autoritaire, inspiré du fascisme italien deBenito Mussolini (Mouvement de la jeunesse nationale, salut fasciste, emprisonnement ou déportation des communistes). Ioannis Metaxás est un ancien militaire qui combattit durant les guerres balkaniques et qui s'y distingua ; il est hostile à la République et quitte le pays entre 1922 et 1935 avec la famille royale. Il revient à Athènes lorsque la monarchie est rétablie.
Toutefois, lapolitique de Ioannis Metaxás est sensiblement différente de celle menée par l'Italie fasciste et l'Allemagne hitlérienne. La Grèce est un allié de laFrance et duRoyaume-Uni, et n'a jamais cherché à mener une politique expansionniste. On peut expliquer cette absence de politique belliciste par un certain nombre de raisons :
La défaite grecque durant laguerre de 1922 contre la Turquie. Les conséquences dramatiques dutraité de Lausanne ont écarté l'idée de l'union de l'Asie mineure et de Constantinople au royaume de Grèce. La défaite grecque s'est soldée par un échange catastrophique de populations entre la Turquie et la Grèce (plus d'un million de déplacés). CetteGrande Catastrophe a traumatisé l'opinion publique.
Les nouvelles relations bilatérales avec laTurquie d'Attatürk. Dans les années 1930,Elefthérios Venizélos signe un pacte d'amitié et de coopération avec le président turc. La guerre n'est donc pas envisagée, tant s'en faut. De surcroît, Metaxás est un admirateur dukémalisme, auquel il s'identifie pleinement[126].
La perte de vitesse de laGrande Idée. Les préoccupations politiques sont, dans les années 1930, plus préoccupées par l'avenir de la Grèce en tant que telle que du projet de réunir toutes les populations hellénophones. Dans l'entre-deux-guerres, le pays doit faire face à une crise politique, sociale et économique qui monopolisent le débat politique.
Lerégime metaxien n'est ni antisémite, ni raciste, mais plutôtnationaliste,anticommuniste,étatiste etsocialiste. Il faut bien comprendre que Metaxás était partisan d'un État fort etsocial à l'instar deBismarck enAllemagne wilhelmienne. Il a poursuivi une politique sociale avancée, visant à la cohésion sociale tout en neutralisant les questions d'inégalités sociales qui alimentait politiquement lecommunisme. ll ne fait aucun doute que ce régime fut une dictature, avec des mécanismes de répression, de censure, de persécutions, etc. Mais il serait erroné de dire que Metaxas n'avait pas de soutien social ni même d'acceptation. Aucune opposition sérieuse ne s'est jamais développée contre son régime. Celui-ci a promu l'enseignement de l'éducation élémentaire dans l'enseignement, et la commande de la grammaire systématique du grec moderne et le développement de l'assurance sociale universelle. Metaxás a également soutenu le théâtre et les beaux-arts tout en imposant un contrôle étroit quant aux questions culturelles[127].[source insuffisante]
Affiche de propagande du nouveau régime.
Le régime du 4 août entend s’appuyer sur un idéal mobilisateur, celui d’une Grèce « régénérée » : la construction d’une « Troisième civilisation hellénique » est érigée en slogan. Les deux civilisations précédentes, racines du renouveau national sont d’une part laGrèce ancienne classique – l’accent est moins placé sur Athènes que surSparte, cité réputée guerrière et disciplinée – et d’autre part, la civilisation « médiévale grecque byzantine », marquée par la religion et la culture chrétiennes orthodoxes. Le régime exalte la patrie, la communauté biologique, l’unité sociale, la jeunesse, la famille, la religion, le modèle du soldat, les vertus viriles, le culte du chef, l’idée de régénération. Monarchiste, il condamne le système parlementaire et partisan. L’orthodoxie est posée en gardienne de l’âme grecque. Les revues du régime articulent étroitement nation et christianisme orthodoxe, dans une logique d’exaltation patriotique[128].
Le régime du 4 août, régime politique antiparlementaire, anticommuniste et étatiste, ne peut se comprendre que dans le contexte historique de l'époque. L'entre-deux-guerres voit la montée de régimes politiques « forts » dans une atmosphère marquée par la progression du communisme en Europe et soutenue par l'Union soviétique. La Grèce n'a pas évolué en un régimemussolinien ouhitlérien. Ce fut plutôt un régime étatiste, corporatiste et socialiste.
En 1939,Mussolini envahit l'Albanie duroi Zog, et ne cache pas ses ambitions en Grèce. Athènes se rapproche donc de Londres et de Paris pour garantir la souveraineté hellénique. Mais avec l'effondrement desPays-Bas, de laBelgique et de laFrance, ainsi que le retrait de la Grande-Bretagne àDunkerque au cours du printemps 1940, la Grèce perd deux de ses alliés les plus influents. Metaxás mène alors une politique de prudence, proclamant la neutralité de la Grèce. Le pays n'a, de toute façon, pas les moyens techniques de s'opposer militairement à l'Allemagne hitlérienne. Le 15 août 1940, la marine italienne torpille le sous-marin grecElli dans le port de l'île deTinos, alors en pleine célébration de l'Assomption. La responsabilité italienne était évidente, et Rome cherchait d'ailleurs par tous les moyens à provoquer la Grèce. Pour autant, Metaxás se garda bien de toute offensive afin de ne pas donner une raison aux Italiens de déclencher une guerre contre le pays. Dans le même temps, l'armement du pays s'intensifie. Dès 1936, deux lignes de défense, similaires à celle de laligne Maginot en France, furent construites : à la frontière bulgare, laligne Metaxás, et à la frontière yougoslave laligne Alikamon. Le 28 octobre 1940, l'ambassadeur italien à AthènesEmanuele Grazzi remet un ultimatum au gouvernement grec, le sommant de laisser l'armée italienne pénétrer sur le territoire grec et occuper certaines places stratégiques, faute de quoi la guerre serait inévitable. Ioannis Metaxás lui aurait alors répondu par la négative en grec (Όχι) et aurait ensuite ajouté en français : « Alors, c'est la guerre. » Le 28 octobre est donc resté dans les mémoires collectives comme le jour où la Grèce s'éleva contre l'impérialisme italien. C'est un jour férié, appelé « Επέτειος του 'Οχι » (Jour du Non).
Tous les rapports semblaient donner une victoire rapide à l’armée italienne. Mais c’était ne pas tenir compte de la réalité : il s’agissait d’attaquer, par l’Albanie, des troupes grecques solides et motivées dans un terrain montagneux difficile et dans une saison où pluie puis neige allaient donner bien du fil à retordre à un adversaire italien mal préparé. L’offensive italienne, en infériorité numérique, se solda par un échec cinglant qui permit même aux troupes grecques de contre-attaquer et d’entrer en Albanie. Malgré la disproportion des forces aériennes, les Grecs parviennent à repousser les Italiens à l’intérieur du territoire albanais et conservent un excellent moral même s’ils manquent d’entraînement. Les chasseurs grecs défendent les aérodromes et les ports quand les bombardiers attaquent les lignes de ravitaillement, notamment en Albanie[129].
Le 6 avril 1941, venant en aide à son allié italien au sein de l'Axe, l'Allemagne nazie envahit laYougoslavie et la Grèce. L'armée grecque est aidée par des renforts britanniques, mais peu nombreux. Les premiers jours sont assez favorables à l'armée hellénique, grâce aux lignes fortifiées Metaxás et Alikamon. Cependant, la supériorité allemande va avoir raison de l'armée hellénique certes déterminée mais moins nombreuse et en manque d'équipement. Les Grecs résistent avec une ténacité qui surprend jusqu'à l'État-Major allemand. Le 20 avril 1941, le général Tsolakoglu offre sa reddition aux Allemands. Cette reddition n'inclut pas l'armée italienne. Outragé par cette situation, Mussolini ordonne une contre-attaque contre les Grecs qui viennent pourtant de se rendre. Elle est repoussée pour le plus grand embarras de Mussolini. Ce dernier obtient d'Hitler la signature d'une nouvelle reddition, ce qui est fait le 23 avril. Toutefois, cela n'est accepté par le commandant en chef des armées helléniques,Alexandros Papágos. Mais Athènes tombe le 27 avril. Le roi s'enfuit d'abord en Crète, puis àAlexandrie pour y organiser un gouvernement en exil[130]. Le matin du 20 mai 1941, leIIIe Reich lance une invasion aérienne en Crète, sous le nom d'opération Merkur. Les parachutistes allemands sous les ordres du généralKurt Student sont largués sur trois points :Máleme,Héraklion, etRéthymnon. Les troupes britanniques et néo-zélandaises du généralBernard Freyberg comptent 3 500 tués, 1 900 blessés, alors qu’une grande partie des troupes sera capturée (environ 12 000 hommes). Malgré la victoire, aucune opération aérienne d'envergure ne sera plus lancée par les Allemands jusqu'à la fin de la guerre[131].
Contrairement à ce à quoi l'on pouvait s'attendre, la Grèce offrit une résistance bien plus organisée et bien plus virulente aux envahisseurs italiens et allemands. Ni Mussolini, ni Hitler n'avaient jusqu'alors rencontré de véritable résistance dans leur projet expansionniste, et l'armistice signé ne fut pas reconnu par l'état-major hellénique. La Grèce a permis de retarder d'au moins six semaines l'invasion de l'Union soviétique. Hitler lui-même le reconnut : « si les Italiens n'avaient pas envahi la Grèce et demandé notre aide, la guerre aurait pu prendre un cours différent. Nous aurions devancé le froid russe de plusieurs semaines et conquis Leningrad et Moscou. Il n'y aurait eu aucunStalingrad. »[132]. La résistance héroïque grecque fit l'admiration tant de la part des Alliés que des Allemands. Lors d'un discours devant leReichstag, en 1941, Hitler s'inclina devant leur lutte acharnée : « il doit être dit, pour le respect de la vérité historique, que parmi tous nos opposants, seuls les Grecs se sont battus avec autant de courage et de défiance envers la mort. »[133]Joseph Staline en fit l'éloge : « le peuple russe sera éternellement reconnaissant envers les Grecs pour avoir retardé l'armée allemande ainsi longtemps pour que l'hiver s'installe, et de ce fait nous donnant le temps précieux dont nous avions besoin pour nous préparer. Nous n'oublierons jamais. »[134]Winston Churchill fut impressionné : « Nous ne dirons pas que les Grecs combattent tels des héros, mais que les héros combattent tels des Grecs. »[135].
La Grèce est occupée par l'Allemagne nazie, laBulgarie et l'Italie fasciste. Après la capitulation des Grecs, l'Allemagne, l'Italie et la Bulgarie divisèrent le pays en zones d'occupation. L'Allemagne occupa la Macédoine occidentale (y compris Salonique), la Thrace orientale le long de la frontière gréco-turque, les environs d'Athènes, la Crète occidentale et les îles grecques situées à proximité de la Turquie dans le nord de la mer Egée. La Bulgarie occupa la Thrace occidentale. L'Italie prit le contrôle du reste de la Grèce continentale, de la Crète orientale et des îles grecques du sud de la mer Egée, de la partie orientale de la Méditerranée et des mers Ionienne et Adriatique. L'Allemagne et l'Italie occupèrent conjointement Athènes[136].
L'occupation est particulièrement dure (famine, fusillades, destructions), et atteint son paroxysme durant lafamine de l'hiver 1941-1942. Ungouvernement collaborationniste est mis en place, mais ne dispose d'aucune assise populaire et n'a guère de pouvoir. Dans les faits, ce sont les forces d'occupation qui ont tout pouvoir exécutif. Larésistance s'organise autour desdémocrates etlibéraux (dont la figure de proue estDimítrios Psarrós) et lescommunistes (avecThanassis Klarás notamment). En novembre 1942, les résistants communistes et libéraux s'unissent et fondent l'Armée de libération nationale. Ils font sauter leviaduc du Gorgopotamos, ce qui a pour effet de couper le chemin de fer deThessalonique auPirée qui approvisionne l’Afrikakorps. La répression est particulièrement féroce : après la Pologne et l’URSS, la Grèce connaîtra les pertes humaines et matérielles les plus considérables en Europe (8 % à 9 % de morts dans la population, à mettre en comparaison avec les 1,5 % en France) sans compter la famine de 1941 qui tuera entre 250 000 et 300 000 des 7,36 millions de Grecs[137].
Après le 8 septembre 1943 et la capitulation de l'Italie, l'Allemagne occupa l'ensemble du territoire de la Grèce. Pendant l'année 1944, des unités de l'armée et de la marine allemande concentrèrent lesJuifs qui résidaient dans l'ancienne zone d'occupation italienne dans des points de rassemblement. Ils furent ensuite déportés àAuschwitz-Birkenau. Ainsi 800 Juifs d'Athènes, près de 2 000 Juifs de l'île de Corfou et près de 2 000 Juifs de l'île de Rhodes furent déportés et dans leur grande majorité assassinés à leur arrivée par les SS[136].
Dès fin 1943, de larges zones sont libérées en province puis auto-administrées par la population et les communistes de l'ELAS, menés parThanassis Klarás. La Grèce continentale est libérée en octobre 1944, mais des garnisons allemandes continuent à occuper les îles de la mer Egée jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Des troupes britanniques débarquent à Athènes à la demande deChurchill, dirigé par legénéral Ronald Scobie, pour assurer que la Grèce ne tombe pas aux mains des communistes. Cela a été négocié à Moscou le 9 octobre 1944 entre Churchill lui-même et Staline : cet accord impose des zones d'influence entre britanniques, américains et soviétiques en Europe (aussi appeléaccords des pourcentages(en))[138].
L'armée britannique face à l'ELAS dans un carrefour d'Athènes, décembre 1944.
La fin de laSeconde Guerre mondiale ouvre directement sur la guerre civile, en raison des divergences d'intérêts et d'opinions qui traversent la Grèce, région stratégique à l'orée de laguerre froide. D'un côté, les modérés et royalistes aidés des Britanniques ne peuvent imaginer la Grèce dépourvue de son roiGeorgesII ; de l'autre côté, l'organisation résistante communiste EAM-ELAS, qui souhaite un gouvernement démocratique d'union nationale, et qui apparaît comme « rouge » aux yeux deGeorgesII et deChurchill.
Le Premier Ministre britannique exige le désarmement et la dissolution d’ELAS, mais la résistance communiste lutte contre les Britanniques et prend rapidement le contrôle de la Grèce continentale, à l'exception d'Athènes et deThessalonique[140]. Au nom de lalutte contre le communisme, les Britanniques libèrent et arment les miliciens collaborateurs et les bandes royalistes. Les communistes évitent le conflit direct, soucieux de participer à la vie politique après la guerre. Malgré leur supériorité en nombre, les forces de l'ELAS sont envoyées dans le nord, ce qui condamne définitivement toute perspective d’une victoire par les armes. Les 3 et 4 décembre 1944, le général britanniqueScobie a fait tirer sur une grande manifestation pacifique, place Syntagma, faisant plus de100 morts. C’est le début descombats de décembre : la loi martiale est instaurée à Athènes. Les quartiers populaires en armes sont bombardés par les avions britanniques sur ordre de Churchill. Pour épargner ses hommes épuisés et affamés, l’EAM accepte unaccord, signé à Várkiza, le 12 février 1945[141]. Les soldats de l’EAM-ELAS seront désarmés contre la promesse d’une amnistie et d’une épuration de l’État. Le même jour, l’accord de Yalta entre Staline, Roosevelt et Churchill entérine la partition de l’Europe[142]. Les anciens collaborateurs et miliciens monarchistes imposent la « terreur blanche », commettant de nombreux viols, arrestations et meurtres, sans réaction de la police[143].
Laguerre civile commence véritablement en octobre 1946, lorsque l'EAM reprend ses activités de guérilla, prenant dès lors le nom d'Armée démocratique. Ce conflit est le premier exemple d'une insurrection communiste après laSeconde Guerre mondiale dans un contexte deguerre froide naissante. L'Armée démocratique contrôle en partie le nord de la Grèce et bénéficie au départ du soutien de laYougoslavie (l'URSS en revanche, qui tentait de se concilier les faveurs alliées, presse les communistes grecs de rendre les armes). Les femmes constituent 30 % des combattants rebelles. En face, l’aviation et les troupes britanniques puis américaines (à partir de 1947,Harry S. Truman marqua sa volonté d'« aider la Grèce à sauvegarder son régime démocratique ». Les Américains prennent ainsi le relais des Britanniques qui ne pouvaient plus soutenir les forces royalistes grecques par manque d'argent) forment et ravitaillent l’armée royaliste. L’intervention de troupes spéciales formées par lesÉtats-Unis provoque l’écrasement d'une Armée démocratique affaiblie militairement et isolée diplomatiquement. En 1949, on dénombre plus de 150 000 morts (voire 200 000) des deux côtés[143]. La guerre civile prend officiellement fin le 16 octobre 1949. Mais les exécutions se poursuivront jusqu’en mai 1955[137].
Cargo de la marine marchande hellénique, qui connut un véritable essor dans les années 1960. Cela contribua à faire de la Grèce une véritablethalassocratie.
La reconstruction est difficile ; le pays reste divisé, la priorité est donnée à lalutte anticommuniste. Les effets à long terme des fonds duPlan Marshall se sont avérés avoir des effets bénéfiques substantiels. Entre 1947 et 1949, l'aide américaine a constitué environ 25 % du produit national brut de la Grèce et a financé 67 % de toutes les importations grecques[144]. Depuis le début de laguerre froide, la Grèce est considérée par l'Occident comme un rempart contre le bloc communiste menaçant. Le premier gouvernement de la Grèce aux lendemains de la guerre civile est un gouvernement conservateur et farouchement anticommuniste, dirigé parAlexandros Papagós. Les gouvernements suivants sont aussi conservateurs :Sophoklis Venizélos,Nikolaos Plastiras. Des réformes sociales sont cependant menées : en 1951, l'Institut de l'Assurance Sociale, qui avait été fondée parVenizélos en 1931 et développé parIoannis Metaxás, est réformé en profondeur pour devenir un programme assurantiel universel.
La période des années 1950 et 1960 est marquée par une bipolarisation très forte de la vie politique, où le parti communiste est toujours illégal. C'est également une période de stabilité, durant laquelle la Grèce s'engage dans le développement économique : urbanisation etexode rural, développement du tourisme, de la marine marchande, normalisation des relations internationales (entrée dans l'OTAN en 1952, traité d'association avec laCEE en 1961). Le pays prend peu à peu sa place dans le bloc occidental.Premier ministre de 1955 à 1963,Konstantinos Karamanlís a pour mot d’ordre la prospérité : la Grèce affiche alors un taux de croissance de 6 % à 7 % par an, un des plus élevés au monde : seul leJapon devance le pays. Cette croissance se fait dans la stabilité monétaire, avec le taux d’inflation (2 %) le plus bas d’Europe et un très faible endettement. Les capitaux étrangers représentent alors 50 % des investissements industriels et contrôlent, en 1970, le tiers des actifs industriels, cette proportion étant encore plus élevée dans les secteurs de pointe[145]. La croissance économique fut accompagnée de changements sociaux et géographiques spectaculaires. La population s’est concentrée dans quelques grandes villes, et surtout àAthènes ; la montagne et les îles ont été abandonnées par leurs habitants en faveur des plaines, des villes et de l’étranger ; enfin uneclasse moyenne a commencé à voir le jour. La démocratisation de l’éducation a fait émerger une jeunesse étudiante dynamique et revendicative[146]. Un effort d'investissement plus intensif dans les industries manufacturières et en particulier dans les industries manufacturières lourdes devrait apporter une nouvelle croissance de la production industrielle. Un autre facteur important à cet égard fut la poursuite des investissements publics dans l'alimentation électrique, la route et le rail afin de compléter les infrastructures et d'améliorer les économies extérieures du pays. Le développement des structures d'enseignement et de formation adaptées aux besoins futurs de l'économie grecque contribuèrent également à améliorer le taux de croissance économique. En 1964, la première université dédiée uniquement aux technologies et à la recherche scientifique fut fondée àPatras[147],[148].
Le « miracle économique grec » est aussi culturel : Les années 1950 et 1960 sont considérées par beaucoup comme l'« âge d'or » ducinéma grec. Les réalisateurs et les acteurs de cette époque ont été reconnus comme des figures historiques importantes en Grèce et certains d'entre eux ont acquis une renommée internationale :Mihalis Kakogiannis,Alekos Sakellarios,Melina Mercouri ou encoreIrène Papas. Plus de soixante films par an ont été réalisés. Le film le plus marquant de cette époque est l'adaptation cinématographique du romanAlexis Zorba deNíkos Kazantákis : sort en 1964Zorba le Grec. Ce film popularise aux yeux du monde entier lesirtaki qui devient l'un des clichés sur la Grèce. Dans les années 1955-1960, les premières excursions touristiques organisées se développent et de petits groupes arrivent par voie ferrée ou maritimevia Brindisi ou Venise. La société des loisirs alors en pleine expansion en Europe – et au-delà aux États-Unis – est en quête de destinations touristiques et la Grèce, par ses nombreux attraits, en devient un haut-lieu. L’épanouissement personnel, la redécouverte de la nature, la pratique du sport sont mis en avant et le voyage se fait injonction de plus en plus pressante dans une société où l’hédonisme se développe. Un modèle de tourisme estival caractérisé par la demande des quatre « S » (Sun,Sand,Sex and Sea) s’impose alors[149].
Au début desannées 1960, le climat politique se tend ; les critiques sont de plus en plus vives à l'égard du gouvernement. En 1963, un député de l'EDA,Grigoris Lambrakis, est assassiné par une milice paramilitaire. Cet évènement, qui inspireCosta-Gavras pour son filmZ, contraintKaramanlis, discrédité, à s'exiler à Paris après avoir perdu les élections. La victoire deGeorgios Papandréou aux élections, en 1964, annonce une période d'embellie démocratique. Cependant, lafamille royale et les militaires vivent mal l'ombre dans laquelle ils sont rejetés. Ils s'irritent d'un prétendu complot « communiste », ourdi par le propre fils du Premier ministre,Andréas. Les relations entre le nouveau roiConstantin II et Papandréou deviennent si tendues que ce dernier démissionne, en. De nouvelles élections sont donc prévues, dont le résultat s'annonce évident : une nouvelle victoire du parti centriste dePapandréou.
Le, un coup d'État de l'armée vient interrompre tout processus démocratique, ajournant définitivement les élections. Le groupe d'officiers à l'origine du putsch est secrètement soutenu par laCIA ; il inaugure la « dictature des colonels ».
La « dictature des colonels » est le nom donné au pouvoir politique en place en Grèce de 1967 à 1974[150], qui provoqua en outre l'exil du roiConstantinII monté sur le trône en 1964. Le roi avait en effet tenté uncoup d'État, en, contre les colonels. Son exil, consécutif à cet échec, laisse le colonelGeórgios Papadópoulos[151], à la tête des officiers, imposer une constitution dictatoriale lui attribuant les pleins pouvoirs. La dictature des colonels s’est instaurée et déroulée dans un contexte deguerre froide. Membre de l’OTAN depuis 1951, la Grèce appartenait au « bloc de l’Ouest » et se situait à proximité des voisins de « l’Est » :Bulgarie,Albanie etYougoslavie. Durant la dictature, la Méditerranée orientale connut différentes tensions et conflits, dont laguerre des Six Jours en 1967, tandis que l’île de Chypre,république indépendante depuis 1960 — mais qui accueillait des bases militaires britanniques et des troupes grecques, turques et onusiennes — suscitait des convoitises diverses et notamment celle des Grecs favorables à l’Enosis (le rattachement de l’île à la Grèce)[152].
Le roiConstantin organisa un contre coup d'État en décembre 1967 contre les Colonels, qui échoua et se solda par son exil.
Les colonels n'ont pas de véritable programme ; ils se contentent de proclamer « l'ordre moral » de se présenter en champions de l'orthodoxie, avec pour mot d'ordre « la Grèce des Grecs chrétiens ». Le régime policier pourchasse les opposants, supprime les partis, remplit les prisons, bannit la gauche[153]. Cependant, lesÉtats-Unis accordent leur aide financière, car ces militaires grecs occupent un emplacement stratégique dans la guerre froide, sur le flanc sud-est de l'OTAN. Le roiConstantin tente un contre coup d’État le avec le soutien d’une partie de l’armée. Il échoue et est obligé de s’exiler avec toute lafamille royale àRome puis àLondres. Les colonels ont désormais le champ libre :Georgios Papadopoulos devient chef du gouvernement. Les colonels, pour donner une légitimité démocratique au régime, laissent des gouvernements fantoches se mettre en place, alors que seule la junte militaire est aux commandes. Le régime prend des mesures dans tous les domaines de la société, relayé en cela par une administration dont l’intégralité des dirigeants a été changée aussitôt après le coup d’État. La minijupe et les cheveux longs sont interdits. Les partis politiques et les organisations syndicales sont interdits. Des tribunaux d’exception voient le jour : on peut arrêter les citoyens sans mandat, les juger sans avocat et les déporter. Une île-rocher de lamer Égée est réquisitionnée :Yaros. Des milliers de personnes y sont déportées et doivent y construire leur propre prison. Les conditions de détentions sur ce caillou de l’Égée sans ombre ni eau potable battu par le vent sont régulièrement dénoncés par les organisations humanitaires[154].
Des organisations clandestines se mettent en place et combattent la dictature. Des moyens radicaux tels que les bombes sont employées contre les Colonels. Ainsi, le,Alexandros Panagoulis tente de faire exploser la voiture du chef de la junte. Celui-ci échappe de peu à cet attentat. Panagoulis est immédiatement condamné à mort. Devant la pression de la communauté internationale, sa peine est convertie en prison à perpétuité. Beaucoup d'intellectuels poursuivent la lutte depuis l'étranger : c'est le cas de l'ancien Premier MinistreKonstantinos Karamanlís, réfugié à Paris. La France notamment est un des pays qui accueillent un grand nombre d'exilés. La capitale française devient un haut lieu de résistance contre la dictature grecque. Des comités de solidarité composés notamment deJean-Paul Sartre,Simone de Beauvoir, ou encoreMichel Leiris se mettent en place[155].
La situation économique difficile de la Grèce compte tenu du ralentissement économique mondial (premier choc pétrolier) alimente un mécontentement croissant à l'endroit du régime des colonels.
En mai 1973, un complot organisé par des officiers de marine échoue. En réaction,Georgios Papadopoulos fait proclamer la République par référendum, le1er juin 1973. Il destitue le roi Constantin II, en exil à Rome, que l'on accuse d'avoir trempé dans le complot[156]. Les étudiants déclenchent le processus de désintégration de la dictature, en 1973, par l'occupation de l'École polytechnique d'Athènes ; la répression est brutale : les chars sont lancés à l'assaut de l'université, faisant40 morts et une centaine de blessés. La crise chypriote de juillet 1974 révèle l'impuissance du régime militaire qui est évincé au profit d'un gouvernement formé de civils. Le coup définitif vient deChypre, en 1974. L'île, indépendante depuis 1960 (après avoir été colonie britannique), peuplée d'une majorité de Grecs et d'une minorité turque, est alors gouvernée par leprésident etarchevêqueMakáriosIII. Le président cherche à se débarrasser des officiers grecs de sa garde nationale, attirant la réaction del'ultra-nationaliste Ioannídis quitente d'assassiner l'archevêque et de prendre le pouvoir sur l'île. La Grèce et la Turquie, toutes deux puissances garantes, s'apprêtent à intervenir ; les Turcs débarquent, et la junte des colonels s'enfonce dans le chaos[157],[158].
Konstantinos Karamanlís mena une politique pacifique de transition entre la dictature et la restauration de la démocratie.
Metapolítefsi, qui signifie « changement de régime » (Μεταπολίτευση), commence juste après la chute de la dictature militaire, le 24 juillet 1974, et se poursuit jusqu'aux années 1980[159].
La dictature des colonels tombe le 24 juillet 1974. L'ex-premier ministreKonstantinos Karamanlís revient d'exil et reprend ses anciennes fonctions à la tête d'un gouvernement provisoire d'union nationale. Des élections se déroulant le 17 novembre 1974 sont remportées avec220 sièges sur 300 par le PartiNouvelle démocratie, formation de Karamanlís qui est confirmé à la tête du gouvernement. Le 8 décembre, un référendum permet à la population de se prononcer sur la monarchie. Les Grecs se prononcent contre à 69 %, mettant fin aux espoirs de retour sur le trône du roi Constantin II. La Grèce devient une république parlementaire et entame sa marche vers la démocratie et l'Union européenne. LaRépublique rétablit les libertés civiles[160].
Après la dictature, la Grèce connaît une forte croissance économique, et des niveaux de vie jamais atteints auparavant, notamment grâce à la hausse du tourisme étranger en Grèce. Le pays adopte lamonnaie européenne en 2001. Le pays, qui est à l'origine des Jeux olympiques, accueille la compétition en2004 àAthènes. À partir de 2007, le pays est touché par lacrise économique mondiale venue desÉtats-Unis, et connaît en 2009 une grave crise budgétaire qui le force à demander l'aide de l'Union européenne.
La Grèce est unerépubliqueparlementaire depuis laconstitution de 1975. Cette dernière garantit de façon détaillée les libertés civiles. Cependant le poids de l'Église orthodoxe y est resté très important : il n'y a pas de séparation entre l'Église et l'État en Grèce (ainsi l'article 3 de la constitution règle les rapports entre les deux autorités)[166].
Lepouvoir exécutif est assuré par le président de la République, élu par le parlement à la majorité des deux tiers, et un Premier ministre issu de la majorité parlementaire. Le président de la République a un rôle essentiellement représentatif ; ses pouvoirs politiques sont extrêmement limités. Cependant, compte tenu de son expérience, il incarne une certaine autorité morale qui lui est reconnue par la société grecque.
L'Áreios Págos (Aréopage) est le nom porté par la Cour de cassation.
Une Cour suprême spéciale est composée du président et de quatre membres de laCour de cassation, du président et de quatre membres du Conseil d'État, ainsi que du président de la Cour des comptes, assistés dans certains cas de deux professeurs de droit.
Le, la Grèce entre dans l’OTAN, en même temps que laTurquie, mais retire ses forces de la structure militaire intégrée le en protestation contre l'invasion turque aunord de Chypre[167]. Puis elle réintéègre l'OTAN en 1980[168]. En 1981, la Grèce intègre laCommunauté économique européenne.
Lesdynasties ont une grande influence sur la vie politique grecque, à l'image desMitsotakis, des Bakoyánni ou desPapandréou. Depuis la création de l’État grec, en 1830, les plus grandes familles ont accédé aux plus hautes fonctions du pouvoir : « leclientélisme a toujours existé grâce à des chefs de clan qui promettaient des cadeaux aux électeurs s’ils votaient pour leurs députés. Les grandes familles ont aidé à mettre en place ce système pour garder leurs sièges et les transmettre à leurs héritiers », indique l’historien Tassos Sakellaropoulos. Lenépotisme n'est pas mal perçu des médias et des électeurs : « La famille est primordiale en Grèce. Les électeurs se retrouvent dans ce schéma et il n’est pas choquant que les enfants exercent le même métier que leurs parents. Il suffit d’observer le nombre d’entreprises familiales qui existent en Grèce », note la politologue Manos Papazoglou[169].
En 2009, un nouveau programme de réforme de l'administration locale est lancé. D'abord appeléKapodístrias II, il finit par prendre le nom d'un des architectes duParthénon :Callicratès[172]. Il aboutit en à une réduction radicale du nombre de subdivisions et d'élus de celles-ci. Un des objectifs principaux est de faire des économies budgétaires et de diminuer la bureaucratie locale[173].
L'échelon des périphéries est conservé tandis que les nomes et leurs subdivisions s'y dissolvent. Les élus des nomes (qui étaient un peu moins de 1 500) deviennent élus de l'échelon régional et ne sont plus que 700 sur l'ensemble du territoire. Les900 dèmes et134 kinótites, quant à eux, sont réduits à325 dèmes. Les élus municipaux sont réduits de moitié, passant d'un peu plus de 16 000 à un peu plus de 8 000. Une économie budgétaire d'un milliard et demi d'euros est alors espérée sur trois ans[172],[173]. Les nouveaux conseillers municipaux et régionaux sont élus pour cinq ans. Cependant, les premières élections locales ont eu lieu en et les suivantes sont prévues pour 2014, en même temps que les élections européennes, dans un but d'économie. Sont éligibles les Grecs de plus de18 ans (comme pour le droit de vote), sauf pour le poste de maire où l'âge reste fixé à21 ans. Le scrutin estproportionnel plurinominal avecpanachage[174].
SYRIZA est depuis la dernière décennie l'un des partis politiques les plus influents de lavie politique grecque. C'est un mouvement de gauche, progressiste, socialiste et humaniste, anti-austérité.
Les deux principaux partis politiques grecs sont les conservateurs deNouvelle Démocratie et la gauche radicale deSYRIZA. Historiquement, la vie politique est divisée entre les formations conservatrices (Nouvelle Démocratie) et les libéraux progressistes (PASOK). En 1920, leParti communiste de Grèce est fondé : il jouera un rôle prééminent dans larésistance durant l'Occupation allemande. À titre d'exemple, ce seront les deux résistants communistesManólis Glézos etApóstolos Sántas qui défieront ouvertement les occupants en enlevant le drapeau nazi de l'Acropole[175]. Le communisme deviendra illégal en Grèce après la guerre civile, achevée en 1949. Une des particularités grecques est la construction de « dynasties » politiques :
Au centre de l'échiquier politique, la famille Venizélos :Elefthérios Venizélos (bien qu'étant politiquement inclassable : ce fut un libéral au sens propre du terme, pas seulement économique) etSophoklís Venizélos.
LeMouvement socialiste panhellénique (PASOK) et Nouvelle Démocratie (ND) dominent la vie politique jusqu'en 2012, discrédités par lacrise économique. Le parti de gauche socialiste et humanisteSYRIZA, est au pouvoir entre 2015 et 2019. Ils adoptent respectivement levert et lebleu comme couleur emblématique. Ce choix propre à la Grèce rappelle les couleurs des deux groupes de partisans qui s'affrontaient à l'hippodrome deConstantinople à l'époque de l'empereurJustinien.
Selon des informations publiées parThe New York Times au mois août 2020[180], les autorités grecques ont secrètement largué au moins 1 072 demandeurs d'asile des frontières de l'Europe, dans la mer Méditerranée, lors d'au moins31 expulsions distinctes. Les migrants ont souvent été contraints de monter à bord de radeaux qui fuyaient, laissés à la dérive dans leurs propres bateaux après que les autorités grecques avaient désactivé leurs moteurs, ou ont été abandonnés sur une île inhabitée, Ciplak. Les demandeurs d'asile ont été transférés d'une île à Athènes, avant d'être abandonnés en mer à la frontière maritime turque[181].
Les passages à tabac sont fréquents, entrainant parfois la mort lors d'interpellations. D'aprèsAmnesty International, « la violence et l’impunité policières sont des problèmes structurels en Grèce ». De plus, « les policiers sont rarement condamnés par le système judiciaire et par les conseils disciplinaires internes ».Sur la période 2018 à 2020, la Grèce est devenue le quatrième pays d'Europe en termes de densité des forces de l'ordre, avec 525 policiers pour 100 000 habitants[182].
Selon une enquête de BIRN, les agents frontaliers de l'Union européenne ne signalent pas les violations des droits commises contre les migrants et les réfugiés à la frontière albanaise-grec en février 2023[183].
Selon les chiffres de l'OCDE et d'Eurostat, la Grèce est la cinquante-et-unième économie mondiale, dix-septième économie de l'Union européenne et premièremarine marchande de la planète, puisque sa flotte marchande dispose de 3 695 navires pour 244 850 578 tonnes de poids en lourd au (15,17 % du tonnage total mondial)[186]. L'activité maritime et letourisme sont les principaux secteurs de revenus. Le tourisme contribue directement pour 7 % du produit intérieur brut (PIB) et 9 % de la main d'œuvre (340 500 emplois). En ajoutant la contribution indirecte, ces chiffres passent à 17 % du PIB et 19 % de la main d'œuvre (700 000 emplois)[187]. Leport autonome du Pirée est le plus grand port de la Grèce, mais la plupart des installations appartient désormais à desconsortiumschinois. Globalement en 2010 les terminaux à conteneurs du port du Pirée ont traité un trafic de 863 808 EVP. D’ailleurs, le port duPirée est devenu la plus grande concentration urbaine du pays aprèsAthènes,Thessalonique etPatras. Les deux-tiers du territoire grec peuvent être exploités par l'agriculture (40 % des terres sont en prairies ou pâturages et un peu plus de 20 % en terres arables)[23]
Si l'on veut prendre une mesure rapide de l'essor et des transformations de l'économie grecque, il faut considérer l'évolution de la structure des caractéristiques macro-économiques. En 1962, les exportations sont encore celles d'une nation peu développée : les produits agricoles représentent 56 % des secteurs d'activité, les matières premières 30 %, les produits industriels moins de 9 %. Au début des années 1980, les proportions respectives sont passées à 25 %, 8 % et 44 %. Trois décennies plus tard, en 2007, l'agriculture, l'élevage et la pêche ne contribuent que 4 % à la richesse nationale, l'industrie et la construction à hauteur de 20 %, le secteur tertiaire à 76 %. En moins d'un demi-siècle, la Grèce est devenue un pays développé, échangeant avec l'étranger, notamment l'Union Européenne (près des deux tiers des importations comme des exportations hors hydrocarbures), des produits manufacturés et des services, et satisfaisant une partie de son marché intérieur, dont la demande s'est considérablement accrue en quantité et en qualité. La mutation est particulièrement nette dans le domaine industriel, où l'on assiste à une profonde transformation des systèmes de production et à des remaniements importants des localisations. Les bouleversements pourraient s'ordonner sous le double signe d'une périodisation banale qui fait se succéder les phases d'industrialisation (années 1960), de diffusion (années 1970) et de restructuration (depuis les années 1980) et d'une exceptionnelle flexibilité des acteurs économiques. Aux activités classiques fondées à l'origine sur la production agricole (alimentation, tabac, textile), se sont ajoutés des secteurs plus modernes et concurrentiels (métallurgie, chimie, chantiers navals ou cimenteries)[188].
La Grèce a fait face, ces dernières années, à une violente crise économique intérieure, accentuée par lacrise des dettes souveraines de la zone euro de 2010 et de lacrise mondiale de 2008. Les causes de la crise grecque, attribuées dans un premier temps à la Grèce seule, sont en fait beaucoup plus complexes. Outre les effets de la crise mondiale, et les fautes de gestion des gouvernements grecs successifs, beaucoup de fonds d'investissements ont spéculé sur la dette.
Entre 2008 et 2016, le PIB de la Grèce a chuté de près de 25 %. La dette publique est passée de 103,1 % du PIB en 2007 à 181,2 % en 2018. Les projections du FMI estiment qu'elle atteindra 293,6 % du PIB en 2060. Le pays a diminué de 32,4 % ses dépenses publiques pendant la crise. Ces mesures d'austérité budgétaire ont été accompagnées de réformes structurelles, comme l’affaiblissement du droit du travail, la suspension du droit de négociation collective ou l’abaissement du salaire minimum. Les retraités ont également vu leurs pensions amputées de 14 à 40 %. Le nombre de personnes sans-abri a augmenté de 20 à 25 %[189].
Le Premier ministre conservateurKyriákos Mitsotákis lance en 2019 une vague de privatisations, dont notamment celles d’infrastructures touristiques, de terres côtières, et des parts détenues par l’État dans les entreprises de gaz et d’électricité et de l’aéroport d’Athènes[190]. La brigade antifraude du fisc est supprimée, et ses employés intégrés au ministère des Finances[191]. Le gouvernement fait par ailleurs adopter une réforme du droit du travail permettant à un employeur de licencier ses salariés sans avoir à motiver sa décision, ni à prévenir les personnes licenciées[192]. Enfin, une réforme fiscale visant à faire du pays « une terre d’accueil pour les milliardaires et les citoyens les plus fortunés », relève leFinancial Times, est mise sur pied. Il s'agit d'attirer les investissements en proposant de faibles taux d'imposition. En outre, une clause protégera les bénéficiaires de cette politique fiscale contre les éventuels changements de politique mis en place par de futurs gouvernements[193]. En 2019, un salarié grec sur trois travaille à temps partiel pour un salaire net de317 euros et 34,8 % de la population est exposée au risque de pauvreté ou d'exclusion sociale[194]. Les inégalités se sont également creusées[195]. La fraude fiscale représente en 2019 un manque à gagner pour l'État grec de30 milliards d'euros[196].
En 2018, la Grèce a accueilli 33 millions de visiteurs, contre 24,2 millions en 2014, faisant du pays l'un des plus visités d'Europe et du monde[197],[198]. Les lieux les plus visités sont la ville d'Athènes, lesîles cycladiques (Santorin,Mykonos) ainsi queHydra, leDodécanèse (Rhodes), laCrète (Héraklion,La Canée) etCorfou. Les touristes sont majoritairement originaires des pays membres de l'Union européenne et du Royaume-Uni[199].
En 2023, le secteur du tourisme a retrouvé son niveau d'avant lapandémie de Covid-19 et a contribué à hauteur de 62,8 à 75,6 milliards d'euros (de 28,5 à 34 % du PIB) à l'économie grecque, employant deux actifs sur cinq[200]. Malgré le fait qu'il soit un pilier de l'économie, le secteur du tourisme fait l'objet de critiques au niveau local où des mouvements de contestation s'organisent pour lutter contre la saturation de certaines îles en période estivale[201].
Dès le début desannées 2000, leFonds mondial pour la Nature (WWF) avait exhorté les professionnels du tourisme à développer dans les pays de la Méditerranée untourisme durable, en estimant qu'ils subiraient une montée du tourisme de masse, avec de plus en plus de constructions sauvages[202] et non concertées d'hôtels, stations balnéaires et villages de vacances[202]. Il avait appelé l'industrie du tourisme à adopter et encourager despratiques plus responsables[202] en défendant des programmes de développement écologiques et en sensibilisant la clientèle au respect de l'environnement[202].
Logotype de l'EFKA, organisme de sécurité sociale en Grèce.
LaConstitution hellénique fait de la Grèce une République sociale : « ARTICLE 21. L'État veille à la santé des citoyens et prend des mesures spéciales pour la protection de la jeunesse, de la vieillesse et des invalides, ainsi que pour l'aide aux indigents. Les familles nombreuses, les invalides de guerre et de la période de paix, les victimes de guerre, les veuves et les orphelins de guerre ainsi que ceux qui souffrent d'une maladie incurable corporelle ou mentale ont droit à un soin particulier de la part de l'État. »
« ARTICLE 22. L'État veille à la sécurité sociale des travailleurs, ainsi qu'il est prévu par la loi[203]. » Le système de santé hellénique est un système universel et gratuit, divisé entre une branche assurantielle et une branche assistancielle. L'État couvre une partie des frais médicaux et le reste à payer est à la charge des patients. Leministère de la Santé, de la Solidarité et des Affaires Sociales est chargé de la gestion du système national de santé et de lasanté publique. Les assurances sont rendues obligatoires par le gouvernement d'Elefthérios Venizélos en 1914 et 1922, et aboutissent à la création d'un système national de protection sociale en 1934 : l'Institut national d'assurance sociale est créé (Iδρυμα Κοινωνικών Ασφαλίσεω, abrégé I. K. A.). Bien que loin d'être aussi efficace qu'aujourd'hui, l'Institut pose les bases de la protection sociale en Grèce. Lerégime autoritaire établi parIoánnis Metaxás entre 1935 et 1941 va développer l'I. K. A., dans le cadre de sa politique sociale. Le temps de travail quotidien est abaissé à8 heures, le dimanche est obligatoirement chômé, les accidents du travail pris en charge sont élargis, les chômeurs reçoivent une aide alimentaire régulière. Des livrets de santé individuels pour les travailleurs sont mis en place. Des cliniques sont construites pour assurer gratuitement les services de maternité et lutter ainsi de manière plus efficace contre les conditions parfois très précaires d'accouchement. Les naissances sont contrôlées par l'État. Les inspections du travail et la médecine du travail veillent au respect des mesures ainsi qu'à la surveillance de la santé des travailleurs. Les congés payés sont institués, les travailleurs disposant de deux semaines de vacances. L'interdiction dutravail des mineurs est affirmé et des mesures de répression sont mis en place contre les entreprises ne respectant pas la loi[204]. En 1951, l'Institut national d'assurance sociale est modernisée et réformée en profondeur. Tout au long des années 1950 et 1960, le gouvernement fera adopter des mesures de protection pour les personnes vulnérables (aveugles, enfants malades, orphelins de guerre, maladies incurables). La Grèce doit ces réformes grâce à l'impulsion deKonstantínos Karamanlís etGeorgios Papandréou[205].La loi de 1983, porter par le cabinet d'Andréas Papandréou, va moderniser les équipements hospitaliers et compléter le système assitanciel par un système assurantiel. Un système national d'urgence est mis en place : l'Εθνικό Κέντρο Άμεσης Βοήθειας dont les missions sont équivalentes à celles duS.A.M.U. en France. Il permet d'envoyer du personnel spécialisé sur les lieux d'une situation d'urgence, afin de fournir une assistance immédiate aux victimes et de les transférer vers les établissements de soins les plus proches. Son numéro joignable en permanence est le 166. Depuis la mise en place dunuméro d'urgence européen, le 112 permet également de joindre l'aide médicale d'urgence[206].
Entre 2009 et 2015, les dépenses publiques de santé par habitant ont chuté de 37,7 % et le système de santé public a perdu les trois cinquièmes de ses effectifs. Dès 2010, le système national de santé ESY a réduit de 60 % ses dépenses. Afin de gagner en rentabilité, les137 établissements répartis sur le territoire se sont trouvés contraints de fusionner, pour laisser place à un réseau de seulement 83 hôpitaux, avec, au passage, des milliers de suppressions de postes et la fermeture de 4 500 lits. Au total, 25 % à 30 % des unités de soins intensifs et des unités de soins spécialisés ont disparu. Après son arrivée au pouvoir, le gouvernement issu deSYRIZA a rétabli la gratuité des soins hospitaliers pour les citoyens les plus modestes[207].
Les accouchements dans le secteur public sont théoriquement gratuits. Pourtant, face aux coupes budgétaires, la pratique des pots-de-vin s'est généralisée. Il convient de payer pour bénéficier d'uneanesthésie péridurale, de médicaments et matériels médicaux et d'une chambre. Un accouchement dans le public coûte ainsi entre 800 et 2 400 euros, contre environ 5 000 euros dans le secteur privé[208].
Une étude d’Amnesty International publiée en avril 2020 établit que les trois « programmes économiques » imposés par les créanciers en contrepartie de nouveaux prêts ont « entraîné des violations du droit à la santé ». Avec un impact significatif sur les personnes les plus vulnérables : personnes handicapées, migrants, personnes âgées, porteurs de maladies chroniques, chômeurs, précaires, sans-abri. Les soignants interrogés, eux-mêmes affectés par des pertes de revenus et par la surcharge de travail créée par les suppressions de postes, décrivent « une situation désespérée » avec, dans les hôpitaux publics, des suppressions massives de lits, jusque dans les unités de soins intensifs, mais aussi des pénuries de médicaments, de vaccins et de fournitures de base (cathéters, bandages, seringues)[209].
La population du pays est estimée à 10 815 197 habitants, dont 8,4 % d'étrangers, en (49,04 % d'hommes et 50,96 % de femmes)[210],[211]. Par rapport à son maximum de 10 934 097 habitants en 2001, la population a baissé de 1 %[211]. Cette baisse est un phénomène récent : en 2008, la Grèce présentait encore un accroissement de 48 700 (+ 0,43 %) habitants par rapport à l'année précédente, dont seulement 6 700 dus au solde naturel, le reste provenant de l'immigration[212]. Depuis 1996 en moyenne, le solde migratoire positif avait empêché la population grecque de diminuer[213]. En 2011, le pays a enregistré 110 726 décès pour 106 777 naissances. En 2012, le nombre de naissances a encore baissé, d'environ 15 000[214]. Cette année-là, la population a diminué de 5,5 ‰[215]. En 2013, d'après Eurostat, il y a eu 94 100 naissances en Grèce contre 112 100 décès[216]. En 2014, la baisse de la natalité s'est poursuivie : 2,1 % pour un nombre de naissances de 92 148 ; par contre, le taux de mortalité a augmenté de 1,7 % pour atteindre 113 740 décès. Ces dernières statistiques montrent que 40 % de la population grecque devrait avoir plus de60 ans en 2050[217].
par femme en 2001) pour remonter un peu ensuite : 9,45 ‰ de taux de natalité et1,37 enfant par femme en 2009[213]. Entre 2009 et 2012, la natalité a recommencé à baisser, d'environ 10 %, passant de 117 933 à 100 980 naissances[218]. En 2012, le taux de natalité est de9 ‰[215]. Ces chiffres sont expliqués par le coût important d'élever un enfant en Grèce : pas ou peu de crèches et éducation très chère en raison du recours aux cours privés[N 5],[213]. Il existe une relative homogénéité de ces phénomènes sur l'ensemble du territoire, avec deux petites nuances : les taux sont plus élevés dans les grandes villes car elles sont souvent le lieu de résidence des jeunes couples ; il en est de même enThrace où se concentre la majorité de la population musulmane dont le comportement démographique est encore différent de celui du reste du pays, même s'il tend de plus en plus à s'en rapprocher. La Grèce a par ailleurs un des plus faibles taux européens de naissances hors mariage : 6 % des naissances, contre 53 % en France. Cependant, ce taux a augmenté de 40 % entre 2004 et 2009[213]. Par contre, la Grèce est le pays d'Europe où la proportion d'avortements est la plus élevée : 200 000 IVG sont pratiquées tous les ans, soit le double du nombre de naissances, toujours en raison du coût de l'éducation et de la contraception, mais aussi en raison du regard moralisateur, imprégné par le christianisme orthodoxe ou par l'islam, de la société sur les grossesses hors-mariage. Une adolescente sur quatre y a au moins eu recours une fois et un cinquième des interruptions concernent des mineures[219].
Letaux de mortalité a longtemps baissé pour atteindre un minimum de 7,4 ‰ en 1961. Depuis, il est lentement remonté : 9,49 ‰ en 2004[220] et 10,42 ‰ en 2009[213]. Cette remontée du taux est due à plusieurs facteurs : un vieillissement de la population (19,2 % des Grecs ont plus de65 ans et 14,3 % ont moins de15 ans en 2009), mais aussi une dégradation des conditions de vie : tabagisme, alcool et obésité. L'espérance de vie en 2009 est de 77,3 ans pour les hommes et 82,3 ans pour les femmes[213].
Comme tous les phénomènes démographiques grecs, l'exode rural est relativement récent. La population rurale, encore majoritaire en 1961 (54,8 %), est tombée à moins du quart (24,9 %) de la population totale en 2001. Les zones montagneuses se sont principalement dépeuplées tandis que les zones rurales et les grandes villes croissaient. La principale zone de peuplement est au début duXXIe siècle l'axePatras-Athènes-Vólos-Larissa-Thessalonique : les douzenomes le long de cet axe concentrent en 2001 6,2 millions d'habitants, soit plus de la moitié de la population du pays. La tendance à l'hypertrophie de la capitale s'est ralentie. Après une explosion dans lesannées 1960-1970, Athènes (hors de ses limites administratives, en englobant son immense banlieue) a crû plus lentement dans lesannées 2000. Elle concentre cependant encore 36 % de la population (soit plus de4 millions de personnes). EnAttique, dans les centres-villes d'Athènes et duPirée, comme ailleurs dans le monde, la population a diminué tandis que celle des banlieues résidentielles a augmenté, surtout à l'est : la population de la moitié des communes de l'Attique orientale a crû de 50 % à 128 % entre 1991 et 2001. Les villes principales dessubdivisions de la Grèce connaissent elles aussi une forte augmentation tandis que 97 % des communes grecques ont moins de 2 000 habitants. Dernier phénomène : la population des îles, longtemps lieu d'émigration, augmente entre 1991 et 2001 : de 56 % àMykonos,+ 30 % àParos,Naxos, mais aussiSchinoussa. Il en est de même dans leDodécanèse et sur la côte nord de laCrète[221]. Le recensement de 2011 confirme ces tendances. L'Attique continue à concentrer plus du tiers de la population (record de densité à Kallithéa : 21 067 hab./km2), suivie de la région de Thessalonique avec 18 %. La Grèce de l'ouest a perdu le plus d'habitants entre 2001 et 2011 (de 721 541 à 680 190 habitants) tandis que le sud de l'Égée est la seule région en croissance (de 298 462 à 308 610 habitants)[222].
La Grèce a longtemps été un pays d'émigration : 1,2 million de Grecs ont quitté leur pays entre 1950 et 1977 (pour une population de 7,6 millions en 1951 et un peu moins de9 millions en 1975) principalement vers lesÉtats-Unis, l'Australie, l'Allemagne fédérale et la France, mais aussi l'URSS pendant ladictature des colonels. Après cette date (fin de la dictature en Grèce, fin des contrats de travail, âge de la retraite puis ouverture du bloc communiste), de nombreux retours définitifs (autour de 400 000 entre 1976 et 1990) ont eu lieu. En parallèle, la Grèce est devenue un pays d'immigration : 1,2 million d'entrées entre 1976 et 2000 dont 305 000 rien qu'entre 1996 et 2000. On comptait 167 000 étrangers en Grèce en 1991 et 797 000 en 2001[223]. En 2013, le phénomène migratoire est à nouveau inversé, avec les départs en excédent de 52 000 personnes par rapport aux entrées[216].
En 2009, 906 000 étrangers vivaient en Grèce, soit 8,1 % de la population. Près des deux tiers de ces étrangers étaient d'originealbanaise[226]. Au recensement de 2011, les étrangers constituent 8,4 % de la population du pays et 52,7 % d'entre eux sont d'origine albanaise[211]. La plupart des étrangers viennent desBalkans et principalement des pays proches (Albanie,Bulgarie etRoumanie) dont la culture, les habitudes alimentaires et/ou la religion sont proches celles des Grecs (une partie d'entre eux ont d'ailleurs des ascendances grecques, mais pas assez pour bénéficier de la « loi du retour » permettant d'acquérir la citoyenneté). Leur arrivée a suivi la chute du bloc communiste et l'ouverture durideau de fer. Les populations issues de l'immigration ont diversifié la mosaïque ethnique et confessionnelle préexistante[227].
Si les premiers migrants (desannées 1970 et 1980) arrivaient de loin (Philippines,Pakistan etAfrique de l'Est), ils sont moins nombreux au début duXXIe siècle et principalement concentrés à Athènes etThessalonique. La population étrangère est répartie sur l'ensemble du pays évitant localement la désertification. Ainsi, entre 1991 et 2001, tous lesnomes duPéloponnèse ont perdu des habitants « grecs » sans que leur population totale diminue. Les immigrés travaillent principalement dans l'agriculture et le bâtiment pour les hommes ; dans le tourisme et les services à domicile pour les femmes. Ils représentent 20 % de la population active. La Grèce est, dans lesannées 2000, touchée par une vague d'immigration « de transit » venue duMoyen-Orient et d'Asie centrale qui cherche à gagner la France et surtout le Royaume-Uni. En 2010, 82 % des migrants entrés illégalement dans l'Union européenne passent par la Grèce. Les points d'entrée sont leDodécanèse et l'Évros. Les migrants se concentrent ensuite àPatras en espérant embarquer à bord d'un ferry[228].
Lacrise financière des années 2010, due à ladérégulationmondiale et auxendettements de la Grèce, en partie consécutifs auxJeux olympiques de 2004, a créé des tensions entre ces communautés et celle des citoyens grecs les plus touchés par la crise, qui se retrouvent parfois en concurrence pour les emplois les moins qualifiés.
En septembre 2025, le Parlement grec vote une loi prévoyant des « retours forcés » pour les demandeurs d’asile déboutés[229].
Costume traditionnel grec, hérité desArvanites.Minorités linguistiques en Grèce.
Les statistiques grecques ne reconnaissant pas lesidentités ethniques[224], c'est un usage informel qui identifie les diverses communautés présentes principalement dans le nord du pays. Ainsi, autour deFlórina, près de lafrontière entre la Grèce et la Macédoine du Nord, vivent quelques dizaines de milliers deroumanophones qui se disent « Aroumains » et deslavophones qui se disent pour certains « Slaves » ou « Helléno-slaves », et pour d'autres « Macédoniens ». Les slavophones sont représentés par le parti politiqueVinozhito (Arc-en-ciel) qui recueille autour de 5 000 à 6 000 voix et qui réclame un statut équivalent à celui des musulmans de Thrace mais se refuse au séparatisme[224].
Vers lesXIVe et XVe siècles, despopulations chrétiennes d'Albanais et d'Épirotes se sont installées dans une vaste région regroupantAttique,Béotie, sud de l'Eubée, nord-ouest duPéloponnèse et îles dugolfe Saronique. Ces populations ont apporté avec elles lafustanelle et le fez rouge devenus ensuite emblématiques de la Grèce. Cette communauté estimée entre 140 000 à 200 000 personnes parlait l'arvanite, languealbanaise encore parlée par les plus âgés des membres de la communauté. Présents à tous les niveaux de la société grecque depuis les origines du pays, ils se considèrent comme grecs et leur engagement historique pour la « grécité » est fort ancien. Leurs associations ne visent que des buts exclusivement culturels ; il en est de même pour lesAroumainsromanophones (ditsvalaques) et pour les locuteurs dutsakonien (unelangue hellénique) qui, tous, se réclament de la communauté nationale hellénique (Elleniki ethniki koinonia)[230].
En revanche, parmi les groupes linguistiques minoritaires, se trouvent aussi des citoyens grecs mais ne se réclamant pas de la communauté nationale hellénique :Albanais musulmans (appelés « Tsamides »),Aroumains revendiquant une identitéroumaine et Slaves revendiquant une identitébulgare ouslavo-macédonienne non reconnues par le gouvernement grec,Bulgares musulmans (appelés « Pomaques »),Turcs,Roms (dits Tziganes), Arméniens et Juifs. Ces groupes linguistiques minoritaires parlent lebulgare, leslavo-macédonien (deux langues très proches l'une de l'autre), l'albanais, l'aroumain, leturc, leyévanique (judéo-grec) et le « ladino » (judéo-espagnol)[231].
La littérature classique qui nous est parvenue est loin d'être complète. Les textes qui nous sont parvenus ont traversé les époques grâce à des copies. Les Romains ont contribué à la diffusion de ces œuvres. L'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie, qui contenait des ouvrages inestimables, n'a pas aidé à leur préservation. Les œuvres littéraires de l'ancienne Grèce, lues dans l'ordre où elles ont été composées, offrent un tableau des doctrines religieuses et philosophiques, des conditions de la vie sociale et de la vie privée, des relations politiques des cités entre elles, de l'histoire, des arts, des éléments de la civilisation hellénistique. La littérature classique s'étend sur pas moins de dix siècles. Après l'introduction duchristianisme en Occident, la littérature grecque renaît au souffle de cette religion nouvelle et produit les œuvres des Pères de l'Église d'Orient[245].
Au commencement, il y eutHomère : tel fut longtemps l'avis général prédominant. Grâce à une série de recoupements, on s'accorde à dire qu'Homère, loin d'être le premier, serait, sinon le dernier, du moins le plus illustre représentant d'une lignée d'aèdes itinérants. Il est universellement connu pour ses deux œuvresL'Illiade etL'Odyssée. Laguerre de Troie a nourri non seulement l'imaginaire classique mais aussi contemporain. Le « vocabulaire homérique » est passé dans notre langage courant. De plus, la récurrence dans l'œuvre homérique de formules stéréotypées, composées en une langue différente, la matière même des récits et les éléments de civilisation de loin antérieurs à l'époque de la rédaction des poèmes, tout cela prouve que l'auteur disposait d'un stock de sujets et d'expressions légué par une longue tradition orale. Enfin, l'étude de lacivilisation mycénienne a révélé la langue et le moment de civilisation où avaient pris naissance les récits qui allaient aboutir àL'Iliade et àL'Odyssée. Ainsi, la littérature grecque prend sa source non plus auVIIIe siècle où vécutHomère, mais dès le milieu duIIe millénaire avant notre ère[246].
Le monde byzantin (330-1453) a donné lieu à une abondante production littéraire en grec. Les textes byzantins appartiennent à divers genres littéraires (historiographie, philosophie, poésie, théologie, roman, etc.) et illustrent différents niveaux de la langue, soit proches des modèles classiques, soit influencés par la langue parlée et les formes populaires. Ces textes sont aussi le reflet d'une société, avec ses conceptions culturelles, religieuses et politiques[248].
Lalittérature byzantine est l'héritière de la tradition grecque antique. L'empire de Constantinople, s'il est politiquement issu deRome, est intellectuellement grec. La continuité de la langue donne aux Byzantins accès aux œuvres anciennes, qui va nourrir le nouvel Empire : les traités d'Hippocrate et deGalien sont repris par lamédecine byzantine. L'activité créatrice s'ordonne selon une certaine hiérarchie, au sommet de laquelle se situent les genres qui traitent des conceptsthéologiques etphilosophiques[249]. Lapensée païenne cède définitivement devant lechristianisme, qui est devenue religion d'État depuisConstantinIer. En 529, la fermeture parJustinien des écoles philosophiques d'Athènes marque une rupture avec la période antique : désormais,Constantinople s'affirme comme un centre névralgique de la pensée chrétienne. La vie intellectuelle se concentre dans la capitale :Théodose II fonde en 425 l'université de la Magnaure, qui est la première université au monde. La production se manifeste d'abord avec éclat, se stabilise pendant deux siècles, pour connaître une nouvelle renaissance à la fin de la période[250].
La Femme de Zante deDionýsios Solomós est le roman le plus important écrit en grec dans la première moitié duXIXe siècle[254]. Sa rédaction en a débuté après avril 1826, au cours du célèbresiège de Missolonghi par l’armée ottomane, et elle s’est inspirée pour partie de scènes réelles, auxquelles Solomos avait pu assister dans les rues deZante. Dans son roman (la seule œuvre de Solomós à être écrite en prose), l'auteur traite directement de la question de l'indépendance : mais loin d'être un essai purement patriotique ou nationaliste, il met en lumière la brutalité et la violence des combats en se demandant finalement si tout cela n'est pas vain.
Tout comme lecinéma, la littérature grecque est profondément marquée par cette question identitaire. Cela s'accentue durant l'entre-deux-guerres, où le pays reste traumatisé par laGrande Catastrophe. Il est possible, à bien des égards, de faire un parallèle entre la génération des écrivains de cesannées 1930 en Grèce influencée par lessurréalistes français et la « génération perdue » aux États-Unis, incarnée parFrancis Scott Fitzgerald etJohn Steinbeck. Les intellectuels grecs, que ce soit au cinéma ou en littérature, sont profondément marqués par ce désarroi propre à leur génération.Georges Séféris,Níkos Katzantákis etMaria Polydoúri sont les principales figures de la vie littéraire hellénique de l'entre-deux-guerres[257]. Séféris est terriblement marqué par les évènements de 1922 qui ont entraîné pour la Grèce la perte de l’Asie mineure (et donc de son pays natal)[258]. Toute son œuvre poétique est une méditation sur cette perte aussi bien que sur celle du prestigieux passé d’un pays aux statues brisées dont les habitants sont condamnés à un douloureux exil[259]. Les poèmes de Maria Polydouri sont teintés de néo-romantisme et de cette « douleur du siècle »[260]. Les écrits de Nikos Kazantzakis (1883 - 1957) reflètent son cosmopolitisme et son goût des voyages, entre laFrance, laRussie et saCrète natale[261]. Il fait paraître des essais philosophiques, des traductions, des poèmes, des drames et des romans dont l'un des plus connus estAlexis Zorba, publié en 1946 et qui a fait l'objet d'uneadaptation au cinéma. Kazantzakis s'engage aussi politiquement, couvrant la Guerre d'Espagne comme journaliste. Ses romans soulèvent la question du modèle christique et de la religion de manière générale, ainsi que du marxisme. Son livreLa Dernière Tentation (1955) est d'ailleurs mis à l'index par la papauté[262].
La première génération d’écrivains après 1945 a été fortement marquée par laSeconde Guerre mondiale, larésistance, laguerre civile (1945 - 1949) et les problèmes socio-économiques du pays. La poésie est caractérisée par l’expression de la perte, de la dépression et de la peur, les poèmes traitant surtout des sujets de la lutte, de la résistance et de l’exil. Dans la poésie sociale ou de résistance, les auteurs sont attachés à l’idéologie de la gauche : (Manolis Anagnostakis(en),Titos Patrikios). Dans la poésie existentielle ou métaphysique, les poètes décrivent l’angoisse de l’homme face à la mort : (Nikos Karouzos(en)). Il y a enfin la poésie néo-surréaliste : (Nanos Valaoritis,Ektor Kaknavatos(en),Miltos Sachtouris(en)). La prose de cette époque se distingue également par son caractère politique et les sentiments de doute et d’angoisse[263].Kikki Dimoula (1931 - 2020) faisait partie des chantres de la poésie grecque moderne[264]. Elle était une des plus importantes poétesses contemporaines grecques qui s’est imposée sur la scène poétique de son pays après les années 1980[265]. Kiki Dimoula a publié son premier recueil en 1952 à l’âge de vingt-et-un ans, sous le titrePoèmes. Ses recueils les plus connus,Le peu du monde (1971) etJe te salue Jamais (1988) ont été traduits en plusieurs langues étrangères. Le temps, l'absence, la mort, le néant sont les constances d'une thématique très noire, mais incarnée dans des scènes quotidiennes inattendues, éclairées par l'art de la métaphore et l'invention verbale[266].
Les vicissitudes des dernières décennies, marquées par larécession économique et la défiance politique, se retrouvent dans les romans contemporains, notamment ceux de l'essayisteRhéa Galanáki (L’Ultime Humiliation, paru en 2016)[267] etVassilis Alexakis (Les mots étrangers, paru en 2002)[268].
L'anglais est parlé et compris par 17 % des Grecs (2009), et c'est aussi une langue parlée par de nombreux migrants (Érythréens, Nigérians, Éthiopiens, Pakistanais, Soudanais, etc.).
L'allemand est parlé par plus de 200 000 Grecs retraités et rentrés au pays, qui ont travaillé enAllemagne ou enAutriche. Il est aussi parlé par 300 000 Grecs plus jeunes, qui travaillent surtout dans le secteur du tourisme.
Les Grecs sont en très grande majorité de confessionchrétienne orthodoxe (97 % de la population)[224]. Le poids des deux Églises orthodoxes autocéphales qui se partagent le territoire grec (Constantinople dans le nord, les îles Égéennes orientales et la Crète etAthènes dans le centre, le sud, les Cyclades et les îles ioniennes), a toujours été très important dans la société et l'économie hellénique. Il n'y a pas de séparation nette entre l'Église et l'État, l'église possède de très nombreuses et importantes propriétés foncières et immobilières, est exemptée d'impôts, et même le gouvernement de gauche d'Aléxis Tsípras n'ose remettre en question ces avantages. L'article 3 de la Constitution règle les rapports entre les deux autorités, dont la plus influente n'est pas l'État[272]. Il faut néanmoins souligner que la Constitution de la Grèce garantit la liberté religieuse dans l'article 13[273],[274].
Légalement, letraité de Lausanne de 1923 considère comme « turque » l'ensemble de la communauté musulmane ancienne de Grèce présente depuis lapériode ottomane et issue soit de migrations, soit de conversions. Cette communauté comprend lesmusulmans deThrace (non englobés dans l'échange de populations entre la Grèce et la Turquie), estimés en 2011 à 150 000 personnes environ, soit presque un tiers des habitants de la région, principalement dans l'ancien nome du Rhodope, mais aussi les quelques milliers de musulmans duDodécanèse intégrés avec leur région à la Grèce en 1946.
Aux 150 000 « musulmans anciens » de Thrace et du Dodécanèse, s'ajoutent environ un demi-million de « musulmans récents » venus des Balkans (Albanais), d'Afrique et d'Asie (Pakistan)[224]. Leur situation diffère de celle des Grecs musulmans : ils n'ont pas de lieux de culte publics, se réunissent dans les appartements ou des entrepôts, sont en butte à l'hostilité d'une partie de l'opinion et des administrations, ainsi qu'à l'islamophobie en relation avec les tensions internationales et à l'afflux de migrants clandestins[276].Pew Research Center estime le nombre de musulmans en Grèce en 2010 à 527 000 soit 4,7 % de la population[277].
Lescatholiques de nationalité grecque sont autour de 50 000. Ils vivent principalement àAthènes et dans lesCyclades (Syros etTinos surtout, héritage de laprésence latine à la suite de laQuatrième croisade). Ils constituent ainsi encore la moitié de la population de l'île de Syros[N 7]. Il s'agit ici de la minorité religieuse la mieux intégrée, même si cette confession n'est toujours que « tolérée » et que certains de ses membres continuent à être parfois mal considérés, surtout en lien avec l'actualité internationale (guerres de Yougoslavie par exemple). À côté des 50 000 catholiques grecs, on en compte plus de 200 000 autres, provenant principalement dePologne et desPhilippines[224],[278].
La Grèce est avec laGrande-Bretagne la seule nation à avoir participé à tous lesJeux olympiques d'été depuis leur création en 1896. En tout, la Grèce a remporté111 médailles (30 en or, 42 en argent et 39 en bronze). Elle n'a remporté aucune médaille auxJeux olympiques d'hiver.
En tant que nation berceau des Jeux olympiques, la Grèce ouvre toujours le défilé des nations lors des cérémonies d’ouverture des Jeux olympiques.
L'équipe nationale de football grecque a gagné l'Euro 2004.
La Grèce a été en même temps championne d’Europe en football et en basket-ball, exploit que seules l’URSS et l'Espagne ont réalisé.
Une commission issue du Parlement européen exprime en 2023 de « graves inquiétudes » concernant de « très sérieuses menaces » pour l’État de droit et les droits fondamentaux en Grèce. Elle souligne notamment que le système d’équilibre des pouvoirs a été soumis à une « forte pression », et que le système judiciaire est « extrêmement » lent et inefficace. Les conclusions de la commission mentionnent également que le pluralisme des médias est menacé car un petit nombre d’oligarques possède la plupart des médias du pays[285].
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