Au cours de la Seconde Guerre mondiale, cette collaboration prend plusieurs formes : coopération économique, arrestations derésistants, defrancs-maçons et d'opposants politiques (notammentcommunistes), rafles deJuifs français et étrangers, réfugiés en France avec la montée dunazisme dans lesannées 1930, sur le territoire métropolitain, remis aux Allemands et déportés vers lescamps d'extermination nazis. Sur le plan militaire, le régime n’est pas un allié officiel du Troisième Reich mais legouvernement Laval reconnaît laLégion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF) comme une association d’utilité publique[8] et contribue aussi à l’effort de guerre allemand au moyen de la collaboration de son industrie militaire. Il fournit en outre à l’occupant une force armée supplétive de répression en métropole, avec laMilice française, responsable d'exactions meurtrières sur tout le territoire. Au regard du peu de troupes d'occupation allemandes réparties sur un territoire aussi grand que la France, l'ordre nazi n'aurait pu s'exercer sans la totale implication de toute la machine étatique, policière et administrative française alors sous les ordres du régime de Vichy, ce qui reste un exemple unique dans lespays d'Europe occupés.
Grâce à savictoire à l'Est et aupacte germano-soviétique, Hitler a les mains libres pour pouvoir mettre toutes ses forces en ordre de bataille vers l'ouest. Le, il envahitles Pays-Bas, leLuxembourg etla Belgique. Le commandement français s'y attendait et lance ses troupes à la défense de laBelgique, comme prévu. Utilisant à plein les concepts novateurs de1918 des Français, ignorés par leur propre commandement (choc et rapidité, binôme char-avion, concentration), le fer de lance de l'armée allemande (une dizaine de divisions blindées) traverse lemassif des Ardennes, jugé impénétrable par les généraux français (et donc mal défendu, et mal soutenu lorsque l'attaque apparut évidente) et encercle du sud vers le nord l'armée franco-britannique engagée enBelgique.
Début juin, défendue autour deDunkerque par quelques divisions françaises qui se sacrifient, laBritish Expeditionary Force regagne laGrande-Bretagne lors de l'opération Dynamo. Legouvernement quitte Paris pour Bordeaux le. Les réfugiés qui fuient la Belgique et le Nord de la France sont alors rejoints par deux millions de réfugiés de larégion parisienne. Selon l'historienJean-Pierre Azéma, entre le et le, au moins six millions de Français abandonnent leur domicile. Participant à l'« exode de 1940 », ils se retrouvent sur les routes sous les attaques de laLuftwaffe, et ruinent la logistique militaire française. Labataille de France est perdue, en dépit de la résistance acharnée de nombreuses unités. La campagne militaire cause 120 000 morts côté français (100 000 militaires et 20 000 civils) et 40 000 militaires côté allemand. Les troupes du Reich font 1 800 000 prisonniers (600 000 entre le et le et 1 200 000 entre le 18 et le), dont 1 500 000 resteront en captivité en Allemagne.
C'est la panique en France dans le monde politique et militaire. Certains veulent poursuivre la lutte alors que d'autres veulent demander l'armistice, en violation del'engagement interallié du. À ladernière réunion duConseil suprême interallié du, à Tours, Reynaud, démoralisé, demande à Churchill de délier la France de son engagement à ne pas signer de paix séparée : Churchill, après discussion avec son cabinet dans le jardin[12], répond sans la moindre équivoque par la négative[13],[14],[15]. Il réaffirme que l'Angleterre se battra jusqu'au bout tout en faisant preuve, selon de Gaulle, d'une "compréhension apitoyée"[16].
Paul Reynaud, bien qu'étant pour la poursuite de la guerre, n'agit pas de manière ferme. Pourtant appuyé sans réserve par le ministre de la Marine et des Colonies, le ministre de l'Armement et le sous-secrétaire d’État à la GuerreCharles de Gaulle, et soutenu de façon relative par le président de la RépubliqueAlbert Lebrun, la majorité du Conseil des ministres et quelques militaires, il ne parvient pas à constituer un « cabinet de guerre » à l'anglaise.
Zones d'occupation en France de 1940 à 1944 : * initialement en, le pays est coupé en quatre : zone occupée, zone libre (séparées par une ligne de démarcation), l'Alsace et laLorraine annexéede facto par leReich, et deux départements du Nord sous l'administration militaire allemande de Bruxelles ; * en la zone occupée allemande s'étend : à la zone initiale (dite « zone nord ») s'ajoute la majeure partie de la zone libre (dite « zone sud » à partir denov. 1942) ; simultanément l'Italie occupe la plupart des territoires à l'est duRhône et laCorse ; * en les Italiens se retirent, la zone occupée allemande s'étend à tout le pays, mais simultanément la Corse se libère ; * durant l'été 1944, à partir du, la plus grande partie du territoire est libérée par les forcesAlliées et celles de laRésistance.
Les conditions de l'armistice sont motivées par les préoccupations d'Hitler à cette époque. Il faut bien sûr empêcher de façon durable que la France ne redevienne une grande puissance militaire, mais à court terme, il faut veiller à ce que sa flotte ne rejoigne pas le Royaume-Uni qui reste le dernier pays à vaincre ou à séduire, car un accord de paix avec le Royaume-Uni reste souhaité en cette fin du mois de juin. Enfin, il ne faut froisser ni l'allié italien, ni la neutralité bienveillante espagnole,Franco ne voulant pas engager l'Espagne dans un conflit, après 3 ans de guerre civile. Ce sont toutes ces considérations complexes qui vont déterminer le contenu de la convention d'armistice, un texte bref de vingt-quatre articles, qui contient notamment les clauses suivantes[18] :
Lesprisonniers de guerre (plus de 1,5 million d'hommes) restent en captivité jusqu'à la signature d'un accord de paix.
La moitié nord, ainsi que lacôte atlantique, passent sous occupation allemande : c'est lazone occupée, qui couvre à peu près les trois cinquièmes du territoire. Le reste constitue lazone libre (c'est-à-dire « non occupée »), essentiellement au sud de laLoire. Les deux zones sont séparées par laligne de démarcation, frontière intérieure surveillée par l'occupant et les forces de l'ordre françaises.
La France doit pourvoir à l'entretien de l'armée d'occupation. Il s'avéra que le montant de ces indemnités allait être fixé de façon quasi-discrétionnaire par les Allemands, et leur montant s'élèvera, en moyenne, à 400 millions defrancs par jour.
Dans la zone libre, l'armée française est limitée à 100 000 hommes et les troupes sont désarmées.
La souveraineté française s'exerce sur l'ensemble du territoire y compris l'Alsace et laMoselle (mais l'Allemagne annexe de fait l'ancien Reichsland sans tenir compte des protestations secrètes adressées par le gouvernement de Vichy) : cette souveraineté s'exerce donc théoriquement en zone occupée, mais dans celle-ci, il est stipulé que l'Allemagne exerce « les droits de la puissance occupante »[18], ce qui implique que l'administration française doit collaborer avec elle d'une « manière correcte »[18].
Les bâtiments de la flotte de guerre française rejoignent leursbases navales du temps de paix,Cherbourg,Brest etLorient se trouvant en zone occupée. (« La désignation de ces ports sera faite d'après les bases navales des navires en temps de paix »).
La France doit livrer les réfugiés politiques allemands ou autrichiens présents sur son sol.
Selon Winston Churchill, la France du régime de Vichy reste indépendante de l'Allemagne. Les décisions politiques internationales ne sont prises que par le régime de Vichy et celui-ci ne suit pas l'Allemagne nazie dans les guerres contre le Royaume-Uni et l'URSS : la France de Pétain est en effet théoriquement neutre dans cette guerre une fois l'armistice signé. De plus, l'armée française de la zone libre et des colonies n'est pas dépendante de l'Allemagne nazie, et le gouvernement est français (ce sont les parlementaires français qui ont désigné Pétain comme chef du gouvernement provisoire) et n'est pas sous contrôle allemand. Pour Churchill, c'est donc une erreur de qualifier le régime de Vichy d'État satellite de l'Allemagne. Ce n'est évidemment pas non plus un État satellite de l'Italie fasciste pour les raisons précédentes[19].
Le choix d'Hitler de laisser à la France vaincue son Empire colonial peut paraître aujourd'hui tout à fait singulier. À l'époque, dans une lettre auDuce, Hitler a justifié ce choix (ainsi que celui de maintenir une zone non occupée), par le souci de ne pas pousser la France et sa puissante flotte à continuer la guerre à partir de ses colonies, lamarine allemande n'étant pas en mesure de conquérir ces vastes territoires, et l'envoi de troupes dans des contrées éloignées n'entrant pas dans la stratégie d'Hitler. Dans les faits, à l'exception de l'Afrique-Équatoriale française, de laPolynésie française (alors désignée sous le nom d'Établissements français de l’Océanie) et de laNouvelle-Calédonie, lescolonies françaises ne se rallieront ni àde Gaulle ni auxAlliés dans les mois qui suivront l'armistice.
De son côté,Churchill, face au risque de voir la flotte française rejoindre ses bases navales maintenant occupées par l'ennemi, conformément aux conventions d'armistice, dépêche le une escadre britannique pour sommer l'escadre française deMers el-Kébir de se joindre à elle, ou de rejoindre lesAntilles françaises[20]. L'amiral françaisMarcel Gensoul rejeta l'ultimatum, sans informer Vichy de toutes les possibilités ouvertes par celui-ci, dont celle de rejoindre lesAntilles françaises pour se mettre à l'abri des Allemands. Il s'ensuivit uncombat naval à Mers el-Kébir, au cours duquel le bâtiment de ligneBretagne sera coulé et deux autres, leDunkerque et laProvence, mis hors de combat, ainsi que le contre-torpilleurMogador. Ce combat coûta la vie à 1 297 marins français. Sur les 6 bâtiments de ligne de la Marine Nationale, il n'en reste plus que trois en état de combattre : LeRichelieu, leStrasbourg et laLorraine.
En outre, l'Italie bien que revendiquant l'anciencomté de Nice et laSavoie, dont elle n'est pas parvenue à s'emparer, doit se contenter d'une partie deMenton et deFontan (ses seules prises de guerre). Les autres territoires revendiqués (dont laCorse) ne seront occupés par l'armée italienne qu'ultérieurement, le, lors de l'invasion de la zone libre.
Après avoir passé une quinzaine de jours àBordeaux, le gouvernement doit quitter la ville le et rejointClermont-Ferrand (les Allemands sont à Bordeaux depuis quelques jours et la ville est située enzone occupée depuis la signature de l'armistice). Mais la ville de Clermont-Ferrand ne donne pas satisfaction, car non seulement il s'agit d'une ville ouvrière et contestataire[21] mais elle est aussi dépourvue de la capacité hôtelière nécessaire, obligeant le gouvernement à s'éparpiller dans d'autres villes alentour. Lyon, la ville du radicalÉdouard Herriot, étant disqualifiée[21], Pétain doit se résoudre à ce que le nouveau gouvernement et l'Assemblée nationale se transfèrent àVichy dès les premiers jours dejuillet. Laville a été ainsi choisie car elle est politiquement calme et qu'elle dispose de grandes capacités hôtelières, tout en étant bien reliée à Paris. Une propagande est mise en place destinée à justifier les choix politiques dont celui de la nouvelle « capitale ». Leculte de la personnalité du maréchal, appelé aussi « maréchalisme » en est le principal moteur.
« Article unique. L’Assemblée nationale donne tous pouvoirs au gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain, à l’effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution de l’État français. Cette constitution devra garantir les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie. Elle sera ratifiée par la Nation et appliquée par les Assemblées qu’elle aura créées. La présente loi constitutionnelle, délibérée et adoptée par l’Assemblée nationale, sera exécutée comme loi de l’État[22],[23]. »
Durant l'Occupation, le Parlement ne fut pas dissous, maisSénat etChambre des députés furent« ajournés jusqu'à nouvel ordre », seul le chef de l'État pouvant les réunir[26] : dans les faits, ils furent remplacés par leConseil national mis en place le[27].
Les puissances étrangères, dont lesÉtats-Unis[28] et l'URSS[29],[30], prennent acte de ces changements et dépêchent leurs représentations diplomatiques à Vichy ; à ce moment, legénéral de Gaulle n'a encore d'autre légitimité que sa conscience, le soutien officieux du gouvernement britannique à partir du et l'enthousiasme d'une poignée deFrançais libres, que le régime de Vichy considère comme des « rebelles, traîtres et séditieux ». Lorsque la guerre prend une tournure plus favorable aux Alliés, lesgaullistes commencent à se faire admettre comme représentants légitimes de la France. Après leur entrée en guerre, le, les Soviétiques reconnaissent leComité national français le[29]. LeComité français de Libération nationale est reconnu par les Alliés le[29]. Les Américains n'admettent pleinement l'autorité de Charles de Gaulle qu'après ledébarquement de Normandie du.
La question de savoir si, derrière ce changement d'appellation, l'« État français » est la mêmepersonnalité dedroit public etinternational que la République française, reste encore controversée. En effet, deux thèses s'opposent.
selon l'une, l'« État français » est la mêmepersonnalité dedroit public etinternational que la République française, parce que c'est le Parlement qui a investi le maréchalPétain du pouvoir de former un gouvernement et de demander l'armistice : à l'appui de cette thèse, ses tenants rappellent que jusqu'à fin 1944, les ambassades des États étrangers dialoguaient toutes avec le gouvernement Pétain et non avec la « France libre » ;
L'Ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental tranche toutefois la question juridique et réaffirme ainsi que « La forme du gouvernement de la France est et demeure la République. En droit celle-ci n'a pas cessé d'exister » et « Sont, en conséquence, nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels, législatifs ou règlementaires, ainsi que les arrêtés pris pour leur exécution, sous quelque dénomination que ce soit, promulgués sur le territoire continental postérieurement au et jusqu'au rétablissement du Gouvernement provisoire de la République française ». L'Ordonnance organise en outre le retour à la légalité et à l'ordre républicain.
« Le don à la patrie,. » Imagerie de propagande du régime de Vichy.
« Je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur » proclame le le maréchalPétain, nouveauprésident du Conseil, qui vient de demander à l'Allemagne nazie les conditions d'unarmistice. Dans son message aux Français du, trois jours après la signature de l'armistice, il annonce un « ordre nouveau » qui commence.« C'est à un redressement intellectuel et moral que d'abord, je vous convie », ajoute-t-il.
Imagerie de propagande : sous la devise « Travail, Famille, Patrie », le portrait de Pétain en médaillon soutenu par unefrancisque au-dessus d'une scène représentant la France rurale et industrielle, 1942.
Le slogan traduit la politiqueréactionnaire, nationaliste et nataliste du régime. La personnalisation du régime, étroitement associé à Pétain, est marquée par l’emploi de lafrancisque : symbole du chef de l’État à titre personnel, elle sert d'emblème du régime sur les documents officiels[36] ainsi que sur la monnaie nationale. L'un des principaux piliers du régime est « le rejet de la démocratie »[37].
Les fondements idéologiques de cet « ordre nouveau » sont précisés dans le discours du :
« Le désastre n’est, en réalité, que le reflet, sur le plan militaire, des faiblesses et des tares de l’ancien régime politique […] Jamais, dans l’histoire de la France, l’État n’a été plus asservi qu’au cours des vingt dernières années […] par des coalitions d’intérêts économiques et par des équipes politiques ou syndicales, prétendant fallacieusement représenter la classe ouvrière. Il faut aujourd’hui reconstruire la France […] On ne saurait davantage y découvrir les traits […] d’une revanche des événements de 1936 […] L’ordre nouveau est une nécessité française. Nous devrons tragiquement réaliser, dans la défaite, la révolution que dans la victoire, dans la paix, dans l’entente volontaire de peuples égaux, nous n’avons même pas su concevoir. »
« Le régime nouveau sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l’idée fausse de l’égalité naturelle des hommes, mais sur l’idée nécessaire de l’égalité des « chances » données à tous les Français de prouver leur aptitude à « servir ». Seuls le travail et le talent redeviendront le fondement de la hiérarchie française. Aucun préjugé défavorable n’atteindra un Français du fait de ses origines sociales, à la seule condition qu’il s’intègre dans la France nouvelle et qu’il lui apporte un concours sans réserve. On ne peut faire disparaître la lutte des classes, fatale à la nation, qu’en faisant disparaître les causes qui ont formé ces classes et les ont dressées les unes contre les autres. Ainsi renaîtront les élites véritables que le régime passé a mis des années à détruire et qui constitueront les cadres nécessaires au développement du bien-être et de la dignité de tous. »
En1940, l'immense majorité des Français reconnaissent l'homme providentiel dans ce « beau vieillard » de 84 ans, auréolé dans son prestige de vainqueur deVerdun, qui sera l'objet d'une grande vénération entretenue par des institutions comme laLégion française des combattants, créée le. Cependant, en dépit des déclarations conciliantes de Pétain repoussant toute idée de revanche, ses plus ardents soutiens de la droite cléricale,conservatrice,antidreyfusarde, antirépublicaine et réactionnaire ne s'y trompent pas en savourant le départ de ceux qu'ils honnissaient. Ainsi,Paul Claudel écrit dans son journal :
« La France est délivrée après soixante ans de joug du parti radical et anticatholique (professeurs, avocats, Juifs, francs-maçons). Le nouveau gouvernement invoque Dieu et rend laGrande Chartreuse aux religieux. Espérance d'être délivré du suffrage universel et du parlementarisme. »
Parallèlement et en opposition totale avec laDéclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, remplacée par lesPrincipes de la Communauté, le gouvernement de Vichy rétablit les « délits d’opinion et d’appartenance » dans la législation ce qui lui donne la possibilité de poursuivre tous ses adversaires. La plupart sont soit placés dans des camps ou emprisonnés, soit soumis à une épuration administrative[39].
Projet d'affiche conçu pour promouvoir la révolution nationale et stigmatiser laTroisième République prétendument en proie au capitalisme, au communisme, à l'affairisme, aux juifs et aux francs-maçons. Illustration de R. Vachet, Centre de propagande de la Révolution nationale d'Avignon.
Leslois d'exclusion des Juifs d'août et, qui frappentfrancs-maçons etjuifs font figure d'interdictions professionnelles. La chasse auxcommunistes, entamée sous le gouvernementDaladier (à la suite de la signature dupacte germano-soviétique, le), était une priorité du régime de Vichy, avant même que les Allemands ne s'en préoccupent. Elle est une constante de la politique collaborationniste, d' à laLibération. LePCF avait été interdit sous laTroisième République, en à la suite du pacte germano-soviétique, et toute activité communiste était donc déjà illégale à l'avènement dePétain.
L'historienJean-Pierre Azéma a ainsi pu retenir six caractéristiques de l'esprit qui anime le régime réactionnaire de Vichy :
l'affirmation d'un nationalisme fermé (qui s'oppose au nationalisme républicain d'avant l'affaire Dreyfus) ;
l'appel à un rassemblement national.
« La terre, elle, ne ment pas. » Imagerie de propagande du régime de Vichy.
Le régime de Vichy privilégie le mythe d’une société rurale, corporative et religieuse. La « révolution nationale » fait du concept de folklore paysan étroitement imbriqué à celui du régionalisme un modèle normatif, partie intégrante de l'idéologie vichyste et de son projet culturel[40].
L'historien communisteRoger Bourderon dans les années 1970 comme l'écrivainBernard-Henri Lévy en1981 qualifièrent defasciste le régime de Vichy. Cette idée n'est pas reprise par des historiens de la période commeJean-Pierre Azéma etRobert Paxton ; ceux-ci mettent en avant quePétain, fort du soutien populaire qu'il avait créé, a refusé l'idée d'unparti unique que lui proposaitMarcel Déat en, et également que l'obsession de la discipline qui caractérise les sermons moralisateurs du maréchal ne s'est pas traduite par une réellemilitarisation du pays tournée vers l'expansion. Cela découle en partie des conditions de l'armistice, qui limitait considérablement les forces armées. Il y a bien une volonté d'embrigadement dans la création desChantiers de la Jeunesse (une forme de « service national civil » qui remplace le service militaire obligatoire) qui accueillent, dès les 100 000 jeunes de la classe 1940 qui ne peuvent pas être incorporés dans l'armée d'armistice, et qui sont encadrés par des officiers pour se livrer à divers travaux d'utilité publique en plein air, mais ne sont pas mobilisables militairement comme lesJeunesses hitlériennes. Les partis de collaboration à tendance fasciste comme leParti populaire français (PPF) deJacques Doriot ou leRassemblement national populaire (RNP) deMarcel Déat sont longtemps restés marginaux par rapport au gouvernement et à l'entourage du maréchal. Ce n'est qu'en1944 que les Allemands ont imposé l'entrée au gouvernement deJoseph Darnand, chef de laMilice, et dePhilippe Henriot d'abord (), puis deMarcel Déat ().
Le régime de Vichy affiche des proximités idéologiques avec l’Église catholique et reçoit, entre 1940 et 1942, le soutien des instances catholiques.
Philippe Pétain affiche des convictions favorables à l’Église et hostiles à l'anticléricalisme[41]. En 1904, son avancement au sein de l'armée a été brièvement freiné lors de l'affaire des fiches[42]. Si les deux chefs du gouvernement,Pierre Laval etFrançois Darlan, ne sont pas particulièrement proches de l’Église, des ministres commePaul Baudoin ouJacques Chevalier affirment des positions cléricales[41].
Les instances catholiques affirment leur soutien au nouveau régime dès la signature de l'armistice du 22 juin 1940. Le 28 juin, l'archevêque de Toulouse,Jules Saliège, écrit dans La Croix[43] :
Pour avoir chassé Dieu de l'école, des prétoires, de la Nation, Seigneur, nous vous demandons pardon ! Pour avoir supporté une littérature malsaine, dépravée, Seigneur, nous vous demandons pardon ! [...] Pour avoir profané le dimanche, pour avoir oublié vos commandements, Seigneur, nous vous demandons pardon !
Entre 1941 et 1944, le régime de Vichy octroie des subventions à l'enseignement primaire, secondaire et supérieur.
À partir de l'été et de l'automne 1942, l’Église se démarque du régime de Vichy en protestant contre les rafles contre les Juifs et contre l'instauration duservice du travail obligatoire.
Le 23 août 1942, l'archevêque de Toulouse, Jules Saliège, condamne la politique antisémite du régime de Vichy[46] :
Les juifs sont des hommes, les juives sont des femmes. Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes ; contre ces pères et ces mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères, comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier.
Je fais entendre la protestation indignée de la conscience chrétienne et je proclame que tous les hommes, aryens ou non aryens, sont frères parce que créés par le même Dieu ; que tous les hommes, quelle que soit leur race ou leur religion, ont droit au respect des individus et des États.
Le 6 septembre, l'archevêque de Lyon, Pierre Gerlier, écrit[48] :
L’exécution des mesures de déportation qui se poursuivent actuellement contre les juifs donne lieu sur tout le territoire à des scènes si douloureuses que nous avons l’impérieux et pénible devoir d’élever la protestation de notre conscience. Nous assistons à une dispersion cruelle des familles où rien n’est épargné, ni l’âge, ni la faiblesse, ni la maladie. Le cœur se serre à la pensée des traitements subis par des milliers d’êtres humains et plus encore en songeant à ceux qu’on peut prévoir.
L'une des institutions du nouveau régime à laquelle les catholiques accordaient le plus volontiers leur concours est sans conteste laLégion des combattants, qui remplace toutes les associations d'anciens combattants. Dès sa fondation, les prêtres y adhèrent en grand nombre ainsi que quelques évêques. Par la suite, certains des cadres de laLégion participeront à la création de laMilice, mais d'autres l'abandonneront, tel leLorrainFrançois Valentin, l'un de ses dirigediants les plus actifs, qui choisit le, troisième anniversaire de laLégion, pour lancer un appel à larésistance.
La spécificité du régime de Vichy dans l'Europe occupée
La spécificité du régime de Vichy réside dans deux faits : il est issu d'un vote du corps législatif, et le chef de l'État et son gouvernement restent sur place. Il partage cette spécificité avec leDanemark. En revanche, le fait que jusqu'ennovembre 1942, le gouvernement de Vichy ait résidé enzone non occupée, qu'il ait bénéficié ainsi d'une autonomie relative, qu'il ait pratiqué sa proprepolitique antisémite et qu'il ait militairement combattu lesAlliés outre-mer, reste un cas unique dans l'Europe occupée, qui le rapproche despays de l'Axe. Lacollaboration d'État commence en France dès la proclamation de l'armistice. L'historienRobert Paxton souligne que les autorités civiles d'un pays occupé sont normalement amenées à coopérer avec l'armée d'occupation dans un certain nombre de domaines techniques afin d'assurer les services essentiels aux populations civiles, étant entendu que les soldats occupants bénéficient également de ces services. Le régime de Vichy prend finde facto avec laLibération et songouvernement se réfugie en Allemagne aux yeux de laquelle il continue à représenter la Francede jure jusqu'à l'effondrement final.
LaPologne est d'abord partagée dès le entre l'Allemagne nazie et l'URSS : massacres, déportations et destructions s'ensuivent. Côté allemand, une partie de son territoire est rattachée directement au Reich, tandis que le reste est placé sous autorité allemande sans être annexé, sous le nom de « gouvernement général » (agrandi l'été 1941 lorsque l'Allemagne attaque l'URSS). C'est le dirigeant nazi allemand, ex-avocat,Hans Frank, qui en est nommé gouverneur général. Ce système prend fin avec l'arrivée de l'Armée rouge à partir de l'été 1944.
LaFinlande, d'abordattaquée par l'URSS le, et soutenue par lesAlliés, reste une démocratie pendant toute la durée de la guerre. La Finlande se retrouve aux côtés de l'Axe le lorsquel'Allemagne attaque l'URSS qui est devenu l'ennemi commun. Cette alliance de fait avec l'Axe prend fin le lorsque la Finlande fait la paix avec l'URSS et chasse laWehrmacht de son territoire (les Allemands se retirent enNorvège).
AuDanemark occupé, le roiChristianX et le premier ministre social-démocrateThorvald Stauning restent en place après la capitulation du et pratiquent, contraints et forcés, une collaboration économique avec l'Allemagne jusqu'à la fin de l'occupation le.
EnNorvège, le roi et le gouvernement, d'abord réfugiés dans le Nord, s'exilent à Londres avec une grande partie des forces armées.Vidkun Quisling, chef du parti d'extrême droiteNasjonal Samling, est imposé en 1942 par les Allemands. Il instaure ungouvernement fantoche pro-nazi, la réalité du pouvoir étant entre les mains duReichskommissärJosef Terboven jusqu'à la fin de l'occupation le.
AuxPays-Bas, le gouvernement s'exile à Londres avec la reineWilhelmine. Le pays fut alors administré par leReichskommissarArthur Seyss-Inquart qui poussa en avant le parti pro-nazi NSB (Nationaal-Socialistische Beweging,Mouvement national-socialiste). Ce système prend fin avec la Libération début1945.
EnBelgique, après la capitulation du décidée par le roiLéopold III, le gouvernement se réfugie en France et s'exile ensuite à Londres, alors que le roi reste dans son palais deLaeken. La Belgique est alors placée sous une administration militaire allemande qui laisse travailler les services administratifs belges, sous la direction de secrétaires généraux. Cette administration s'étend également sur le nord de la France (départements duNord et duPas-de-Calais). Ce système prend fin avec la Libération début 1945.
EnTchécoslovaquie, la partie tchèque est annexée par l’Allemagne sous le nom deprotectorat de Bohême-Moravie. À sa tête est placée unReichsprotektor allemand, d’abordvon Neurath, puisHeydrich (tué parla résistance tchèque). L'occupation est très dure, des centaines de villages subissent le sort d'Oradour-sur-Glane. Ce système dure jusqu'à la fin de l'occupation le. De son côté, laSlovaquie est placée sous l’autorité deMgr Tiso qui s’allie à l’Allemagne. Elle cesse d'exister comme État satellite de l'Allemagne en septembre-octobre 1944, lorsque les armées soviétiques et roumaines en chassent laWehrmacht et y rétablissent l'autorité duGouvernement provisoire tchécoslovaque.
EnHongrie, les nazis bénéficient de l'alliance spontanée du gouvernement en place dirigé parHorthy, désireux d'effacer les conséquences dutraité de Trianon de1918 (but partiellement atteint de1940 à1945). Horthy cherchant, l'été 1944, à se dégager de l'alliance allemande, est remplacé parSzálasi qui maintient la Hongrie dans l'orbite allemande jusqu'au bout, et c'est l'invasion soviétique et roumaine qui met fin à l'alliance hongro-allemande.
EnRoumanie l'effondrement de la France (qui en avait garanti les frontières le) est suivi par desultimatumssoviétique etallemand à la suite desquels elle perd 40 % de son territoire en juin- ; puis un coup d'État fasciste renverse en le roiCarolII et met au pouvoir lemaréchal Antonescu qui s'autoproclame « Pétain roumain », fait entrer laWehrmacht dans le pays, puis s'allie à l'Allemagne le dans le but de récupérer les territoires cédés l'an précédent à l'URSS. Cette alliance prend fin le lorsque laRoumanie déclare la guerre à l'Axe et s'engage aux côtés desAlliés.
LaBulgarie, après une période de neutralité, devient l'alliée de l'Axe le, sans toutefois entrer en guerre contre lesAlliés ; son but est seulement de s'agrandir en annexant les territoires à populations bulgarophones deYougoslavie, deRoumanie et deGrèce (but atteint entre 1941 à 1944). La Bulgarie brise son alliance avec l'Axe le lendemain de l'entrée des armées soviétiques sur son territoire, le.
Quant à l'Italie, les Allemands la considèrent comme un pays ennemi après la capitulation du (même si, dans le Nord,Mussolini est autorisé à former la « république de Salo ») et la soumettent à un régime d'occupation ; partout où ils se trouvent, ses soldats sont désarmés et faits prisonniers par laWehrmacht. Larésistance prend de l'ampleur et les populations italiennes accueillent lesAlliés en libérateurs.
Pétain,Laval et l'amiralDarlan, le chef d'État et ses deux Premiers ministres (qui n'ont en fait que le rang de vice-président du Conseil) sont les trois politiques les plus emblématiques de la période. Laval a été vice-président du Conseil dejuillet àdécembre 1940 et d'avril 1942 àaoût 1944 etDarlan l'a été defévrier 1941 àavril 1942.
L'historienRobert Frank souligne que le point d'accord fondamental entre les trois hommes a d'abord été leur volonté de cesser un combat jugé « meurtrier et inutile », et sur ce point, ils bénéficient du soutien de la grande majorité des Français. Tous les trois parient sur une victoire finale du Reich. À partir du moment où l'armistice est signé, certaines conséquences en découlent : les Français qui veulent continuer le combat deviennent hors-la-loi. Aucun des trois hommes n'avait initialement adhéré à une quelconque idéologie mussolinienne ou hitlérienne, mais dans l'atmosphère de la défaite, ils s'en rapprochent très rapidement et leurs intérêts sont liés à ceux de l’Allemagne : la paix allemande leur permet de développer la « révolution nationale » et de réorganiser la France selon leurs idées, forts de la souveraineté qu'ils exercent dans l'Empire colonial et de lazone non occupée.
Philippe Pétain. Pour les Français de l'époque, Pétain représente le vainqueur deVerdun, adulé par la majorité des Français qui approuvent l'armistice et lui font confiance pour défendre les intérêts de la France face à l'occupant et à ses ennemis (leRoyaume-Uni étant désormais défini comme tel, surtout à partir du 3juillet 1940, après l'agression de l'escadre mouillée à Mers el-Kébir et la saisie des bâtiments français réfugiés dans les ports britanniques). Lathéorie du glaive et du bouclier fait espérer un moment que De Gaulle (leglaive) et Pétain (lebouclier) agiraient secrètement de concert pour duper les Allemands, espérance qui disparaîtra en1942. Les anciens combattants forment le noyau le plus fidèle des partisans de Pétain.Marc Ferro a montré les paradoxes de Pétain, partagé entre son anti-germanisme profond et sa volonté de collaborer avec le Reich : Pétain a bel et bien voulu la collaboration, mais il la subordonne aux intérêts de son nouveau régime[51]. Malgré son grand âge et les atermoiements dont il fait souvent preuve, Pétain est bien l'inspirateur de la révolution nationale[52]. Il entend « régénérer la France » en instaurant un régime autoritaire qui s'appuie sur l'armée[52], l'Église[52],[53], les notables et les élites[52],[53]. Il ne s'est pas signalé dans son passé par des positions fascistes et a même été considéré jusque dans lesannées 1930 comme un maréchal « républicain »[54]. Marc Ferro conclut, après avoir fait l'inventaire des différences et des ressemblances entre le régime de Vichy et les régimes fasciste et nazi :« Mais, paradoxe de l'analyse, l'inventaire des différences avec le fascisme ne signifie-t-il pas aussi que la France ne fut aussi « fasciste » que durant ces années-là ? »[55]. Selon les mots de Robert Frank,« l'antisémitisme d'État de Vichy est en grande partie le sien, puisqu'il a contribué personnellement à la rédaction du premier statut desJuifs »[56].
Pierre Laval, le seul membre du gouvernement à être muni d'unAusweis permanent (permission de passer d'une zone à l'autre) pense être l'homme de la situation pour entamer une négociation globale avec le vainqueur. Il n'est impliqué ni dans l'élaboration ni dans l'application de la révolution nationale. Pragmatique, ancien membre de laSFIO ensuite passé àdroite, son passé de pacifiste proche des francs-maçons l'éloigne considérablement des amiraux et des cardinaux, compagnons naturels dePétain. La collaboration avec l'Allemagne est la grande politique à laquelle il doit attacher son nom. Au nom de celle-ci, il accepte de collaborer aussi pour la déportation des Juifs. Il n'hésite pas à faire inclure les enfants de moins de 16 ans dans les convois de déportation, alors que les Allemands ne le demandaient pas.
François Darlan, chef d'état-major de la marine et artisan du réarmement naval de la France dans les années 1930, était considéré comme un républicain en ce sens qu'il n'avait aucun penchantmonarchiste ou clérical. Il est initialement jusqu'au-boutiste, farouche partisan de la poursuite des combats jusqu'enjuin 1940, mais se rallie à l'armistice et pousse ensuite la collaboration d'État avec l'Allemagne plus loin queLaval pendant la période, dedécembre 1940 àavril 1942, où ce dernier avait été écarté de la place de vice-président du Conseil. Il tente ensuite de concilier les Alliés avec Vichy pendant la période du au où il est au pouvoir enAfrique du Nord. Il peut paraître comme un opportuniste ambitieux, ce qu'il est sans doute, mais selon Robert Frank, l'ensemble de ses positions s'explique aussi par des considérations de géostratégie biaisée par une phobie des Britanniques consécutive à latragique agression de Mers el-Kébir. Il veut préserver la marine française et l'Empire. Sans affinité particulière avec le fascisme, il ne cessera pourtant de penser qu'une victoire du Royaume-Uni serait pire que la domination allemande et entraînerait « le retour au pouvoir des Juifs cosmopolites et des francs-maçons inféodés à la politiqueanglo-saxonne » (notes deDarlan,). Son antisémitisme est durable puisque c'est son gouvernement qui prépare et promulgue le deuxième statut des Juifs en. Contrairement àLaval, il adhère globalement au projet de révolution nationale.
Les serviteurs du régime de Vichy qui sont les protagonistes de la « révolution nationale » sont recrutés à l'extrême droite, mais aussi parfois dans d'autres courants politiques, y compris à droite, au centre ou à gauche. Dans l'ensemble, selon l'historienJean-Pierre Azéma, avec Vichy et Pétain « la droite extrême allait occuper, pour la première fois – et d'ailleurs l'unique fois auXXe siècle –, le pouvoir »[59]. Nous sommes alors dans une période où beaucoup de formes deracisme conscient ou non, étaient une manière de « penser les Hommes » très répandue enEurope etAmérique du Nord, de sorte que des hommes aux parcours idéologiques divers ont pu être séduits par ledroit du sang qui imprègne toute la « révolution nationale, et par les idéesantisémites selon lesquelles « les Juifs » en tant que groupe « sont ceci » ou « font cela » et « posent un problème » aux autresnations, dont on les exclut : ce « problème » requiert une « solution », si possible définitive[60]. La logique de ces idées mènera à la « Solution finale » mais ceux qui les adoptent dans les années1935 à1941 n'en comprennent pas tous à l'avance la portéecriminogène, et/ou ne s'en soucient pas.
Quelques parlementaires ou intellectuels pacifistes,philosémites ou même les deux avant la guerre, le plus souvent de gauche, anciens membres ou sympathisants de laLICA (Ligue internationale contre l'antisémitisme) dans les années1920-1930, vont également s'engager dans la collaboration, considérant les Juifs comme responsables de la guerre contre l'Allemagne nazie.
Dans le dernier gouvernement de la Troisième République, ditgouvernement Pétain, Pétain est leprésident du Conseil. Tout en devenantchef de l'État, il conserve par l'acte constitutionnel du la« plénitude du pouvoir gouvernemental […] »[68]. Le titre deprésident du Conseil n'est plus utilisé par la suite dans les actes constitutionnels pour désigner Pétain, cependant« Pétain continue d'en être le détenteur et d'en exercer les pouvoirs afférents »[69].
À partir du premier gouvernement Laval (), les cabinets sont couramment désignés du nom duvice-président du Conseil, titre assumé successivement parPierre Laval,Pierre-Étienne Flandin,François Darlan, puis de nouveau Pierre Laval.
Le, Pierre Laval revient au pouvoir, avec le titre dechef du gouvernement, Pétain lui abandonnant, par l'Acte constitutionnelno 11 du, la« direction effective de la politique intérieure et extérieure de la France […] »[70]. Le chef du gouvernement demeure cependant responsable devant le chef de l'État.
Pétain, Laval et Darlan sont les trois personnalités qui ont exercé les plus hautes responsabilités dans l'« État français », de à laLibération. Autour d'eux, on peut distinguer plusieurs vagues successives dans le personnel politique du régime de Vichy. Régime autoritaire dès sa création, Vichy connaît plusieurs évolutions politiques, avec sur la fin une nette radicalisation :
Le Vichy de la « revanche réactionnaire » (1940-1941)
avec l'arrivée deDarlan (1941), un personnel beaucoup plus jeune – que l'on appellerait plus tard destechnocrates – fait son entrée en politique :Pierre Pucheu, ministre de l'Intérieur,François Lehideux, à la production industrielle, souvent présentés comme proches de labanque Worms,René Bousquet à la police[71].
Le Vichy « pragmatique » de Laval (1942-1943)
le retour dePierre Laval en 1942 marque aussi celui d'un personnel politique plus républicain, très éloigné de la volonté de revanche politique du Vichy de 1940. L'objectif du gouvernementLaval est très pragmatique : donner des gages à l'Allemagne par la collaboration pour obtenir une plus grande autonomie de la France et une bonne place dans l'Europe nouvelle. Le gouvernementLaval marque un peu la fin de larévolution nationale (avec par exemple la réhabilitation des départements républicains contre le régionalisme prôné par le Vichy traditionaliste de 1940).
Le Vichy des « ultra-collabos », ou « Vichy milicien » (1944)
à partir de la fin1943 et surtout du début1944, les collaborationnistes de Paris, sympathisants du nazisme à côté desquelsLaval paraît presque modéré, entrent en force au gouvernement :Philippe Henriot,Marcel Déat. LaMilice française deJoseph Darnand, notamment, voit son influence s'accroître fortement. Darnand entre aussi au gouvernement.
À la suite deStanley Hoffmann (1974), d'autres historiens, comme Robert Paxton ou Jean-Pierre Azéma, ont coutume de désigner sous le terme de « collaborationnistes » ceux qui souhaitaient, pour des raisons idéologiques, parce qu'ils étaient sympathisants fascistes ou nazis, une collaboration renforcée avec l'Allemagne hitlérienne. Il s'agit, par exemple, du chef duParti populaire français (PPF),Jacques Doriot, de l'écrivainRobert Brasillach, à la tête de la revueJe suis partout, ou encore deMarcel Déat. Ceux-ci ont pu influencer la politique menée par les gouvernements de Vichy, quoique ce n'est qu'en 1944 que les ultra-collaborationnistes deviennent majoritaires au gouvernement. En sens inverse, les historiens relèvent dans l’opinion une désaffection croissante pour la politique de Vichy et un rejet quasi immédiat de lacollaboration[72],[73], surtout à partir de l’été 1942 avec les rafles des Juifs opérées par les forces de l’ordre françaises. Tout en épargnant encore la figure du maréchal, vainqueur de Verdun, le commissaire spécial de Caen estimait la proportion de gaullistes dans la population locale à 75 %, dès l'été 1941[74].
Même dans la presse « collaborationniste » (le terme est employé parJeantet dansJe suis partout), il est fait en le constat (pour le déplorer) que les partisans de la collaboration sont minoritaires dans l’opinion, qui attend majoritairement la Libération par les Alliés[75].
La collaboration économique, au sens où l'entendent des historiens commePaxton[76] découle d'abord de la dette de guerre théoriquement fixée parl'armistice de (essentiellement l'indemnité d'occupation, mais pas uniquement), mais pratiquement fixée au cours des ans de façon unilatérale par les Allemands qui établissaient arbitrairement le taux dufranc par rapport aumark. D’ailleurs, seul le principe est fixé par la convention d’armistice, mais pas le montant (art. 18), l’exécution étant renvoyée à une commission allemande d’armistice (à Wiesbaden) devant laquelle la représentation française « reçoit les ordres » (art. 22). La fixation du montant, malgré l’accablement et l’impuissance dugénéral Huntzinger à Wiesbaden[77] est sans commune mesure avec les frais réels de l’occupant. Cette dette, censée correspondre à l'entretien des troupes d'occupation, a été en moyenne de 400 millions de francs par jour, l'équivalent de quatre millions de salaires journaliers d'ouvriers. L'emploi de l'expression« collaboration économique » signifie que la politique prédatrice de l'Allemagne s'est effectuée sous administration française comme conséquence désastreuse de l'armistice de 1940.
Sur l'ensemble de l'année 1943, ces paiements représentent 36 % du revenu national et environ la moitié de la dépense publique française[78]. Par exemple, les dépenses du budget ordinaire de l’État en 1941 s'élevaient à 97 milliards de francs, alors que celles du budget extraordinaire établi pour régler les charges liées à laconvention d'armistice se sont élevées cette année-là à 129 milliards[79].
En effet, aux 122 milliards de l’indemnité journalière d’occupation s’ajoutent l’équilibrage des exportations vers l’Allemagne (accord de « clearing » particulièrement défavorable) et diverses dépenses supplémentaires de cantonnement et de logement des Allemands[80]. Les charges d’occupation totales, réglées par un budget spécial, représentent ainsi 133 % du budget ordinaire de l’État en 1941 et 89 % du déficit cumulé[80].
Après l’invasion de la zone sud en, les Allemands exigent que la dette d’occupation passe à 500 millions de francs par jour. Globalement, la somme versée au titre de l’entretien de troupes d’occupation s’est élevée à 631,8 milliards de francs, soit, au cours imposé, 31,6 milliards de marks[81]. Par comparaison, les revenus budgétaires annuels ordinaires du Reich en 1942 (y compris les prélèvements sur les pays occupés) s’élevaient à 49 milliards de marks[82] dont 35 milliards d’impôts. De l’été 1940 à l’été 1944, le régime de Vichy a donc versé à l’occupant l’équivalent d’une année de recettes fiscales allemandes.
De même on peut également ajouter lesprisonniers de guerre, qui sont environ 1,8 million à travailler pour l'Allemagne en Allemagne pendant presque toute la durée de la guerre[83].
En, on comptait en France un million dechômeurs, conséquence de la désorganisation complète de l'économie due à la débâcle. Rapidement après l'armistice, le gouvernement de Vichy décida d'autoriser les entreprises françaises à accepter des contrats avec les Allemands[84]. Les commandes allemandes seront le principal moteur du redémarrage de l'économie française. Le nombre de chômeurs était descendu à 125 000 en 1942, et à la Libération, il était pratiquement nul. De façon générale, avec les indemnités d'occupation, l'Allemagne arrive à faire travailler l'agriculture et l'industrie française en grande partie pour son compte : en 1943, d'après les statistiques de l'Office central de la production industrielle, 100 % de l'industrie aéronautique, 100 % de la grosse forge, 80 % desBTP, 60 % de l'industrie ducaoutchouc travaille pour le compte de l'Allemagne.Henry Rousso note que les chiffres sont probablement surévalués, mais qu'ils donnent un ordre de grandeur correct. Selon l'historien allemandEberhard Jäckel,« Au printemps de 1942, 170 000 Français travaillaient sur place dans les services de laWehrmacht […], 275 000 à la construction d'aérodromes et de fortifications comme lemur de l'Atlantique, 400 000 enfin à la fabrication d'armements »[85].
Au, la France représentait déjà la moitié de la valeur globale des commandes transférées aux territoires occupés (1,6 milliard sur 3,1 milliards de RM). À cette date, 1 331 entreprises françaises produisaient directement ou indirectement pour la Wehrmacht. La partie de la production industrielle destinée à l’Allemagne, grâce à l’intensification de l’intégration économique de la France à la division allemande du travail et à la rationalisation dans la direction de l’industrie française exercée par les organismes de Vichy, augmenta sans cesse, passant de 34 % au premier semestre 1942 à plus de 40 % au deuxième semestre 1943[86]. L'appareil productif est entièrement tourné vers les besoins allemands : en 1943 et 1944 (avant l'effondrement du régime), l'industrie automobile a fourni à l'occupant 60 % puis 70 % de sa production[78]. Pour l'industrie aéronautique, il s'agit de la totalité.
Cette contribution économique s’inscrit très largement dans le cadre d’une politique volontariste de Vichy, qui souhaite après Montoire obtenir des avantages tangibles (retour des prisonniers, assouplissement de la ligne de démarcation) en échange d’une insertion économique dans la nouvelle Europe allemande[87]. Ces propositions rencontrent un désintérêt des interlocuteurs allemands, qui au début du conflit ne visent qu’à désarmer et désindustrialiser la France pour lui enlever sa puissance : les Allemands démontent usines et machines-outils pour les transporter outre-Rhin, pillent les stocks. Après le fiasco du limogeage de Laval, qui tend les relations, et l’intermède Flandin, l’équipe de Darlan revient à la charge en. Elle propose un« plan d’un ordre nouveau » avec union douanière entre la France et l’Allemagne. Ce plan conclut :« Nous voulons sauver la France. Nous prions Hitler de nous aider »[87],[88]. Se montrant transitoirement intéressées, les autorités allemandes, alors que le front méditerranéen se développe, négocient un accès aux bases syriennes dans un premier temps. Vichy accepte le contrôle allemand sur les devises et un accord de « clearing » défavorable contre l’ouverture de la ligne de démarcation aux échanges économiques. La fin de la campagne de Syrie puis l’ouverture du front russe avec l’opération Barbarossa marque le retour d’une large indifférence allemande. C’est l’arrivée d’Albert Speer au gouvernement nazi, en, qui changera à nouveau la donne[87].
À la fin de l’Occupation, le, la valeur totale des commandes passées depuis 4 ans s’éleva à environ 10 milliards de reichsmark. En se plaçant du point de vue allemand, la contribution française à l’effort était fondamentale et indispensable : pour la fabrication de matériels complets pour laWehrmacht, la France représentait en 1943 11,9 % des automobiles livrées par l’économie de guerre, Allemagne incluse) et 6,5 % des avions[86].
En outre, entre 1942 et 1944, le commissaire général du Reich pour l'emploi et la main d'œuvre,Fritz Sauckel va exiger que la France envoie deux millions de travailleurs au titre duSTO. Les travailleurs français sont les seuls d’Europe à avoir été requis par les lois de leur propre État et non par une ordonnance allemande (loi du). Seuls 600 000 partent effectivement, qui s'ajoutent aux 700 000 travailleurs volontaires. Volontaires et STO sont plus ou moins rémunérés. De nombreux réfractaires au STO iront rejoindre lesmaquis de la résistance.
Selon le général von Senger und Utterlin de la Commission d'armistice allemande :
« L'industrie française des armements de guerre fut remise à pleins tours pour les armements allemands. […] Sans le potentiel économique de la France, Hitler n'aurait pas pu faire durer la guerre aussi longtemps. C'est cela qui fut le grand profit qu'Hitler tira de la conquête de la France. »
Deux auteurs,Fabrizio Calvi et Marc Masurovsky, montrent dans un ouvrage,Le Festin du Reich (2006)[89], que des banques américaines à Paris« avaient continué à faire commerce avec les nazis pendant toute la guerre » (malgré les« lois, ordonnances [américaines] réprimant le commerce avec l’ennemi ») et qu'elles ne furent guère inquiétées par lamission Matteoli[90],[91].
La collaboration conduit par ailleurs à une perte importante du patrimoine architectural. Le, un décret est publié dans la presse parisienne, annonçant l’enlèvement de monuments, dans le but affiché de réinjecter les métaux dans le circuit de la production industrielle et agraire. L’étendue des pertes subies par le patrimoine national est énorme : selon certaines estimations des conservateurs, environ 1 700 statues furent détruites sur ordre du gouvernement de Vichy, dont plus de cent pour la seule capitale parisienne.
« Police nationale révolution nationale. » Affiche de propagande pour le recrutement de laPolice nationale dans le cadre de larévolution nationale, fin 1941 - début 1942.
Indépendamment de la collaboration avec l'occupant, les autorités de Vichy mettent en œuvre dès 1940« une politique répressive au nom de l'ordre et de la lutte contre "l'Anti-France" »[92]. Vichy renforce ensuite son organisation policière en étatisant les polices municipales () et en instituant d'innombrables polices parallèles spécialisées comme le Service de police anticommuniste (SPAC) ou la Police aux questions juives (PQJ), et le ministre de l'IntérieurPierre Pucheu crée dès 1941 lesGroupes mobiles de réserve (GMR) qui participeront à la lutte contre les maquis aux côtés de laMilice. En, on dénombre ainsi plus de 120 000 hommes participant au maintien de l'ordre[93].
Dans la zone occupée, les relations entre la police française et les autorités d'occupation sont normalement régies par l'article 3 de laconvention d’armistice qui spécifie notamment que :« […] Dans les régions françaises occupées, le Reich allemand exerce tous les droits de la puissance occupante […] Le gouvernement français invitera immédiatement toutes les autorités et tous les services administratifs français du territoire occupé à se conformer aux règlementations des autorités militaires allemandes et à collaborer avec ces dernières d’une manière correcte […] ».
Dès l'armistice de, les Allemands sont venus chercher dans les camps de prisonniers de guerre les républicains espagnols, sans que l'« État français » (le régime de Vichy) proteste[94]. Ces derniers sont alors la seule catégorie recherchée par les Allemands dans les camps de prisonniers, et la plupart d'entre eux sont déportés dans lecamp de concentration deMauthausen. Hitler cherche à ce moment-là à entraîner l'Espagne deFranco dans la guerre[94]. Jusqu'à l'invasion de l'Union soviétique en, la lutte anticommuniste n'est pas une priorité pour l'Allemagne nazie. Néanmoins, Vichy continue l'œuvre amorcée parDaladier, avant d'obtenir une autorisation en bonne et due forme des autorités d'occupation en. Ultérieurement, lorsque les communistes commencent à perpétrer des attentats contre les Allemands, puis à mettre sur pied diverses formes de résistances, les communistes arrêtés par la police française sont livrés aux forces d'occupation[94].
Arrestation de Juifs à Paris par des policiers français le.
En, avant de prendre ses fonctions deMilitärbefehlshaber in Frankreich(de), c'est-à-dire, commandant militaire en France en remplacement de son cousinOtto, le généralCarl-Heinrich von Stülpnagel avait exigé« une séparation nette et claire entre ses attributions militaires et toutes les questions politiques »[95]. Cette demande allait par ailleurs dans le sens des visées deHimmler et deHeydrich qui s'efforçaient d'étendre leur emprise policière et politique partout dans le Reich en expansion[95]. Hitler pour qui il était essentiel d'avoir aux postes-clés des exécutants partageant sa manière de voir signe donc le, un décret instituant dans la juridiction duMilitärbefehlshaber unHöherer SS-und Polizeiführer qui était donc une sorte de Himmler pour la France[95]. Le nouveau venu a sur les services français un droit d'autorité et de surveillance qu'il partage avec bien d'autres et décide de l'emploi des forces de police françaises en zone occupée[95]. Le décret précise que :« Sont également rangées au nombre des mesures policières, les sanctions contre les criminels, les Juifs et les communistes motivées par des attentats non élucidés contre le Reich allemand ou ses ressortissants »[95]. C'est le général SSCarl Oberg qui est nommé au nouveau poste créé par Hitler. Il est assisté parHelmut Knochen,Chef de la police de sûreté (SIPO) et du service de sécurité (SD) pour la France. Deux mois après laconférence de Wannsee, Heydrich effectue sa première visite en France entre le5 et le pour mettre en route la coopération des polices qu'il appelle« sentiment de camaraderie policière » : il promet à la police française l'indépendance dans la zone occupée, à condition qu'elle poursuive efficacement la répression contre les ennemis de l'armée d'occupation[71] qui sont aussi ceux de la révolution nationale[96].
À ce moment, dans toute la France occupée, la police régulière allemande n'a à sa disposition que trois bataillons, soit 3 000 hommes en tout, alors que ces effectifs sont de 5 000 en Hollande[97]. Sans doute pour la garde des trains, le RSHA peut s'assurer du concours de la Feldgendarmerie, mais pour les arrestations, les SS doivent faire appel à la police française dont les effectifs se montent à 47 000 hommes en zone occupée[97].
René Bousquet nommé au secrétariat général à la police parPierre Laval en[71], animé de la même volonté quePierre Pucheu de disputer aux occupants l'exercice de la répression, est amené à adopter à la fois une politique de reconquête de la répression contre les Allemands et contre les officines parallèles mises en place par Pucheu en 1941[98]. Cette attitude se trouve en phase avec celle d'Oberg de Knochen et de leur chef Heydrich qui décident, contrairement à leurs prédécesseurs, de jouer la carte de la police française[98]. Lui confier davantage d'autonomie et de responsabilité, sans comporter de gros risques, pouvait comporter des avantages substantiels : une efficacité supérieure, l'économie de réactions patriotiques toujours à craindre avec la population, l'espoir d'un engagement plus net de policiers désormais compromis[98].
La formalisation de la collaboration résultant de cette nouvelle donne est formalisée par ce qu'on appelle les « accords » Bousquet-Oberg de qui prévoit que ce soit la police française qui prenne en charge les rafles de Juifs[71], première étape de la déportation dans descamps d'extermination. Les gendarmes français ainsi que les douanes se verront confier la surveillance des voies d'accès et des abords limitrophes ducamp de Drancy. Le « fichier Tulard », recensant les Juifs du département de laSeine, qui avait été constitué sur ordonnance allemande par lapréfecture de police à partir d' sert à préparer les rafles qui sont opérées conjointement par les Allemands et la police française à partir de, puis à partir de par la seule police parisienne[99].
La police française doit normalement pourchasser tous lesrésistants. Cependant, les actions de la police enzone sud restent relativement discrètes jusqu'en[N 2]. En effet, pendant cette période, la chasse aux dissidents est l'affaire des services de renseignements de la Marine et de l'Armée d'armistice (ce qui n'empêche pas quelques éléments des services secrets de l'Armée de terre et de la Marine de tremper secrètement dans la Résistance)[100].
Le, plus de deux cents policiers allemands, munis defaux papiers français sont autorisés à pénétrer en zone sud avec des voituresgonio pour y faire la chasse aux radios clandestines[101]. Constituées d'unités franco-allemandes, elles démantèlent des émetteurs clandestins et arrêtent de nombreux résistants[102]. La collaboration policière ne s'arrête pas avec l'invasion de la zone libre par les Allemands en.
En, Hitler a l'occasion de livrer comment il envisageait la collaboration de la police, alors queJodl venait d'annoncer que la police française avait arrêté six membres d'un groupe terroriste, Hitler s'exclama :« Bien ! La police est bonne. Nous allons lui passer le mors et travailler avec elle seule. Himmler connaît sa police. Il se sert de moyens condamnables et il arrive comme cela à racoler les gens petit à petit. Ce sera une alliance avec la police ! Rien n'est plus haï que la police dans le pays et elle recherche des appuis auprès d'une autorité plus forte que celle de son propre État ; c'est nous. La police nous suppliera un jour de ne pas quitter le pays ». Eberhard Jäckel, qui rapporte le propos, conclut que rarement Hitler a exposé si crûment un des principes fondamentaux non seulement de sa politique française, mais aussi et surtout de sa politique tout court. La collaboration volontairement et librement consentie lui paraissait toujours suspecte ; mais si elle venait de gens compromis à fond, alors, il la jugeait digne de confiance[103].
Une des dernières opérations d'envergure menée par la police française sera larafle de Marseille organisée les22,23 et. Le, le quartier duVieux-Port sautait, miné par la police française qui avait néanmoins, écrit Eberhard Jäckel, obtenu un certain adoucissement par rapport aux ordres allemands[104].
Par la suite, à partir de 1943, la charge de la lutte contre les résistants est globalement transférée à laMilice deDarnand, notamment la lutte contre les maquis[105],[106].
Hitler ne veut pas d'une collaboration militaire institutionnelle entre la France et l’Allemagne : il se méfie des Français, et même des collaborateurs déclarés. De plus, après l'écrasante défaite de 1940, l'armée française fait bien pâle figure[107],[108]. D'un autre côté,Pétain et les différents personnages de Vichy, pratiquent la collaboration d'État dans divers domaines, précisément dans l'espoir d'obtenir pour la France un rôle de second dans l'Europe de l'« ordre nouveau »[108].
La neutralité française initialement affichée permet de fait aux Allemands de se reposer sur l'armée française pour repousser d'éventuelles attaques britanniques en métropole ou dans l'Empire français[107]. L'armée d'armistice est limitée à 100 000 hommes en métropole, mais elle comprend 450 000 hommes dans les diverses colonies[109]. En, après que l'Afrique-Équatoriale française (AEF) a basculé dans le camp de laFrance libre, àDakar, l'armée restée loyale à Vichy repousse les forces navales anglaises et françaises libres[110].
Darlan essaye de marchander d'importantes concessions militaires et politiques, en signant lesprotocoles de Paris paraphés le. Ces protocoles consistent en quatre documents dont les trois premiers concernant l'utilisation par les Allemands des bases deBizerte (Tunisie), deDakar (Sénégal) et d'Alep (Syrie), et l'engagement par les Français à défendre ces bases contre une éventuelle attaque britannique ou américaine (alors que l'Allemagne, elle-même, n'est pas encore en guerre avec lesÉtats-Unis)[111],[112]. Ces concessions visaient à obtenir un renforcement de l'armée d'armistice. La véritable contrepartie espérée résidait dans un quatrième document qui contenait toutes les concessions politiques demandées aux Allemands, mais ne fût jamais signé par une autorité allemande d'un niveau supérieur à celui de l'ambassadeur d'AllemagneOtto Abetz[111],[112].
Malgré l'opposition de Weygand, chef des armées en Afrique, le gouvernement de Vichy relance les Allemands durant tout l'automne1941, mais ne ratifiera jamais ces accords[111]. Darlan consentira alors, à la manière deLaval, à des concessions sans contreparties : des fournitures (camions, carburant, pièces d'artillerie) sont livrées àRommelvia la Tunisie. Quelques vedettes lance-torpilles transitent par leRhône[111]. Quant au protocole sur la Syrie, il a été immédiatement appliqué, avant toute signature, et permis à laLuftwaffe de bombarder à partir de la Syrie les forces britanniques enIrak. Aussi a-t-il entraîné une riposte des Anglais et desFrançais libres auLevant, qui vont récupérer les territoires deSyrie et duLiban après plus d'un mois de combats fratricides ayant fait plusieurs milliers de victimes dans les deux camps[113]. Il représente le cas de concessions militaires les plus poussées de la part de Darlan et de Pétain[113].
Une tentative de récupération de la LVF sous l'appellation deLégion tricolore par le gouvernement de Vichy sera un cuisant échec, en grande partie parce que le gouvernement voulait en faire une force française sous uniforme français ce qui n'était pas du tout du goût des Allemands[114].
Le, lors de l'opérationTorch, les alliés débarquent enAfrique du Nord àCasablanca,Alger etOran. À Casablanca les combats sont violents. La marine de Vichy, inférieure en nombre, se livre à un « baroud d'honneur » qu'ordonne legénéral Noguès pour résister aux Américains. À partir du, l'amiralDarlan et le généralJuin ainsi que la plupart des officiers français en Afrique du Nord se sont joints aux Alliés, en Algérie et au Maroc[117]. Cependant en Tunisie, les amirauxDerrien etEsteva restent fidèles au maréchal qui a ordonné aux forces françaises d'Afrique de résister et de combattre les Alliés[118],[119].
À la suite du débarquement allié en Afrique du Nord, une unité militaire, laPhalange africaine (parfois appelée « compagnie Frankonia »)[120] qui ne regroupera pas plus de 300 hommes est constituée en Tunisie pour combattre les Alliés aux côtés des forces de l'Axe. Elle sera écrasée fin[114],[121].
À la fin du régime et en métropole, pour contrer lesrésistants de plus en plus nombreux dans les maquis, la police française laisse la place à laMilice, en contact direct avec laWaffen-SS. En, la Milice participe à l'assaut contre lemaquis des Glières (Haute-Savoie), aux côtés des forces allemandes, et aux répressions qui s'ensuivirent.
La pratique de la collaboration des gouvernements de Vichy
L'entrevue Hitler-Pétain à Montoire, dont le but est de manifester la bonne volonté française afin d'obtenir des concessions, ne débouche sur aucun résultat concret : juste après l'entrevue, sur ordre dugauleiterBürckel, près de 100 000 Mosellans sont expulsés deLorraine vers la France. De plus, 6 500 Juifs allemands, que les nazis ne veulent pas interner dans leur propre pays, sont raflés auPalatinat et enBade-Wurtemberg, pour être confiés au gouvernement de Vichy. Celui-ci les interne aucamp de Gurs, en zone sud, en attendant de les relivrer à l'ennemi, lorsque celui-ci aura pu mettre en route sescamps d'extermination dePologne.
À partir de l'automne 1940,Laval commence à faire des concessions unilatérales aux Allemands, dans l'espoir d'être payé de retour d'une façon ou d'une autre : il cède ainsi les intérêts français dans les mines d'or de Bor, enYougoslavie, ainsi que les réserves d'or que les Belges avaient confiées à la France en[122].
Darlan pousse la politique de collaboration un peu plus loin que ne l'a fait Laval en essayant de pratiquer avec Hitler la politique dudonnant-donnant. En fait, Hitler ne sera jamais vraiment favorable à une collaboration avec les Français, et les concessions militaires et policières faites par Darlan n'obtiendront pas les contreparties politiques souhaitées[122].
En, Laval revient au pouvoir et essaye de promouvoir la politique de la « relève », c'est-à-dire le départ en Allemagne de jeunes travailleurs français dans le cadre duService du travail obligatoire (STO), en échange du rapatriement de prisonniers dans la proportion d'un prisonnier pour trois ouvriers. Quelques mois plus tard, en, à la suite de l'opérationTorch, lazone libre est envahie, et la France devient entièrement vassalisée par l'Allemagne.
Elle devient à ce moment-là incapable de s’opposer aux demandes allemandes les plus fortes. Néanmoins dès l’origine le régime est marqué diplomatiquement par une « neutralité asymétrique » (en faveur de l’Axe)[123] dans ses relations avec les belligérants[124]. Elle s’explique par une contradiction insurmontable qui minait le régime depuis sa fondation. Pour que Vichy puisse durer, il fallait que le IIIe Reich parvînt à son but : dominer l’Europe. Mais dans l’Europe allemande telle que les nazis la conçoivent, il n’y avait pas de place pour la France, sinon dépecée et transformée en « potager » et en « Luna Park » des aryens[125] (l’expression est de l’historien britannique Julian Jackson[126],[122].
Affiche reproduisant une allocution de Pétain, radiodiffusée le.
Dès le le commandement militaire allemand met en place laPropaganda abteilung qui a un rôle de contrôle et de censure sur la presse écrite, la radio, la littérature, le cinéma et l'ensemble des manifestations culturelles et bénéficie de larges moyens.
Le régime de Vichy tente également d'établir un réseau local pour diffuser sa propagande[127]. Parallèlement est instauré un « contrôle postal » qui contraint les facteurs à ouvrir de manière aléatoire 370 000 lettres par semaine, ce qui correspond de 2 à 3 % de courrier et nourrit un climat de méfiance qui attribue les dénonciations à ladélation alors qu’une grande part revient à ce contrôle et aux « imprudences » laissées dans ces lettres[128].
Pétain lisant un discours radiodiffusé, vers 1940-1944.
France-Actualités-Pathé-Gaumont qui diffuse dans les cinémas de la zone libre etLes Actualités mondiales, version française de laDeutsche Wochenschau diffusée en zone occupée, intensifient leurs échanges d'actualités filmées à partir de. On assiste, en, à une unification sous le titreFrance-Actualités placé sous l'autorité d'un conseil d'administration formé de représentants allemands et de représentants de Vichy dont l'influence diminue progressivement, tendant à devenir une fiction[130].
3octobre 1940 : premierstatut des Juifs. Les citoyens juifs français sont exclus de la fonction publique, de l'armée, de l'enseignement, de la presse, de la radio et du cinéma. Les Juifs « en surnombre » sont exclus des professions libérales.
2juin 1941 : deuxièmestatut des Juifs : par rapport au premier statut, durcissement de la définition du Juif, allongement des interdictions professionnelles,numerus clausus à l'université (3 %), et les professions libérales (2 %). Les Juifs sont obligés de se faire recenser enzone libre.
Janvier 1942 :conférence de Wannsee : les officiels nazis définissent les modalités pratiques de la « solution finale », c'est-à-dire l'extermination complète des Juifs d'Europe, enfants compris.
20mai 1942 : port de l'étoile jaune obligatoire (application le) en zone occupée.
16-17juillet 1942 :rafle du Vel' d'Hiv à Paris, arrestation de 12 884 Juifs déclarés « apatrides » (3 031 hommes, 5 802 femmes et 4 051 enfants).
8septembre 1943 : capitulation de l'Italie conduisant à l'occupation par les Allemands de lazone italienne (Nice) jusqu'alors épargnée par les rafles.
15août 1944 : dernier convoi de déportation depuis Clermont-Ferrand.
Il y a en 1940 environ 300 000 Juifs en France métropolitaine, parmi lesquels 150 000 citoyens français et 150 000 étrangers. Les deux tiers de l'ensemble, mais la très grosse majorité des Juifs étrangers vivent en région parisienne. Sur les 150 000 Juifs français, 90 000 sont de vieille souche et parmi les Juifs naturalisés ou étrangers, souvent immigrés de l'Europe de l'Est, la moitié est arrivée dans les années 1930[133]. Les derniers arrivés sont des juifs envoyés d'Allemagne par le gouvernement nazi dans les semaines qui suivent l'armistice. Les Juifs français qui se partagent, sur le plan religieux, entre orthodoxes, libéraux et agnostiques, revendiquent plus volontiers l'appellation d'« Israélites » que celle de « Juifs ». Ils ne se reconnaissent pas forcément dans leconsistoire central censé régir depuisNapoléon leur vie communautaire. Ils appartiennent souvent à des milieux aisés et cultivés, alors que les Juifs étrangers qui vivent en majorité à Paris se situent en majorité aux bas de l'échelle sociale. Ces mêmes Juifs étrangers sont généralement attachés à layiddishkeit, symbole de la fidélité aux coutumes ancestrales[133].
Les Juifs de France vivent une situation d'oppression depuis jusqu'à la mi-1942. À partir du printemps 1942, ils doivent faire face à la politiquegénocidaire de la « solution finale » décidée par les nazis dans l'Europe occupée. Cette tentative d'extermination des Juifs dans toute l'Europe occupée est maintenant connue sous le nom d'Holocauste ou deShoah. Il s'agissait pour les nazis de déporter tous les Juifs d'Europe vers descamps d'extermination situés principalement dans l'Est de l'Allemagne et en Pologne. Jusqu'en, date de l'occupation de la zone libre, la situation des Juifs n'est pas exactement la même enzone libre et enzone occupée. Les lois françaisesantijuives s'appliquent sur l'ensemble du territoire, mais en zone occupée s'ajoutent des décrets allemands[134].
Le gouvernement de Vichy mène une politique de restriction des droits des Juifs et des francs-maçons dès son installation, avant même que les Allemands n'en expriment la demande expresse[135]. Dès, le ministre de la JusticeAlibert crée une commission de révision des 500 000 naturalisations prononcées depuis 1927, chargée de l'application de laloi du 22 juillet 1940[136]. Le retrait de la nationalité concernera 15 154 personnes[136] dont 7 000 Juifs environ[137],[122].
Le, ledécret-loi Marchandeau du réprimant l'injure et la diffamation raciales est abrogé par une loi du gouvernement de Vichy[138].
Le, leMilitärbefehlshaber in Frankreich(de) (Chef de l'administration militaire allemande en France), promulgue une ordonnance qui interdit aux Juifs qui ont fui la zone occupée d'y retourner, oblige les commerces juifs de la zone occupée de se signaler par une affiche spéciale, et oblige les Juifs de la zone occupée à se faire recenser auprès de leursous-préfecture avant le[139].
En, le Conseil des ministres de Vichy promulgue le premier statut des Juifs (voirLois sur le statut des Juifs du régime de Vichy) : les citoyens juifs français sont exclus de la fonction publique, de l'armée, de l'enseignement, de la presse, de la radio et du cinéma. Les Juifs « en surnombre » sont exclus des professions libérales. Le, l'abrogation dudécret Crémieux prive 100 000Juifs d'Algérie de la citoyenneté française[134].
Un Commissariat général aux questions juives est créé en, sous la direction deXavier Vallat[134]. Sa mission est de veiller à l'application de la législation antijuive.
Le deuxième statut des Juifs de est encore un peu plus restrictif : il allonge la liste des professions d'où sont exclus les Juifs et établit unnumerus clausus limitant la proportion de Juifs à 3 % dans l'université et 2 % dans les professions libérales. Ce statut autorise les préfets à pratiquer l'internement administratif de Juifs de nationalité française[140].
Enfin, en, les Juifs doivent céder leurs droits sur les entreprises à des « Aryens ». Les Allemands avaient appliqué cette mesure en zone occupée depuis.
Selon les mots d'Asher Cohen :
« Sans cette législation sanctionnée par un gouvernement français respecté parce que légitime, les déportations ultérieures étaient presque impensables, en tout cas, bien plus compliquées à exécuter […] L'aryanisation semble être le domaine où une certaine efficacité fut obtenue et où les résultats furent impressionnants. Les Juifs furent effectivement écartés de la vie économique de la nation, apparemment sans grande difficulté<[141]. »
Quant aux Juifs étrangers, venus des pays de l'Est à la suite déjà des menaces et persécutions nazies d'avant-guerre, ils sont considérés comme des indésirables en France. Les difficultés de la capitulation ont, aussi, rendu les conditions d'accueil beaucoup plus précaires[134]. À partir du, les préfets peuvent interner les étrangers de « race juive » dans des camps spéciaux ou les assigner à résidence. En, 40 000 Juifs étrangers croupissent dans une série de camps :Les Milles,Gurs,Rivesaltes, etc.[134]. En, alors que la « solution finale » n'était pas encore à l'ordre du jour, les Allemands avaient expulsé 20 000 Juifs d'Alsace et de Lorraine vers lazone non occupée[142]. Plus tard, à partir de 1942, lorsque des pressions commencent à s'exercer pour pouvoir mettre en œuvre la « solution finale », le gouvernement français sut toujours se montrer conciliant pour livrer aux Allemands des Juifs étrangers. La collaboration entre les polices allemandes et françaises est renforcée par ce qu'on appelle les accordsBousquet-Oberg, du nom du chef de la police française et du représentant en France de la police allemande. Les Allemands peuvent compter sur la police française pour rafler les Juifs étrangers, du moins jusqu'à la fin 1942. En, sous la pression allemande, Xavier Vallat crée l'Union générale des israélites de France (UGIF) qui doit intégrer toutes les organisations sociales juives. Pour les nazis, il s'agissait de faciliter les persécutions antisémites, comme ils l'avaient fait avec lesJudenrat en Europe de l'Est. Xavier Vallat met à la tête de l'UGIF des notables français qui pratiquent un légalisme souvent contesté par les organisations juives immigrées.
Les Allemands commencent à mettre en œuvre en France leur politique d'extermination massive des Juifs d'Europe dès, où un convoi de déportés juifs quitteCompiègne, plaque tournante vers lescamps d'extermination. Officiellement, il s'agit de les regrouper dans une région mal définie (on parle de la Pologne) que les Allemands auraient décidé de mettre à la disposition des Juifs. Parmi eux se trouvent des Juifs français, et le gouvernement de Vichy n'exprime pas de protestation. En zone occupée, les Juifs sont obligés de porter l'étoile jaune à partir de. Cette mesure ne sera jamais imposée en zone sud, même après son occupation par les Allemands. La déportation des Juifs va prendre une grande ampleur à partir de larafle du Vel' d'hiv, les 16 et : 12 884 Juifs apatrides (3 031 hommes, 5 802 femmes et 4 051 enfants) sont arrêtés par la police française, rassemblés au Vélodrome d'hiver dans des conditions sordides, puis àDrancy, d'où ils seront acheminés vers les camps d'extermination. Fin, en zone libre, 7 000 Juifs étrangers sont raflés et livrés aux Allemands.
Contrairement aux premières lois antijuives, mais comme pour l'aryanisation, l'initiative de la déportation qui coïncide avec l'imposition de l'étoile jaune à Paris fut allemande[143]. La rafle du Vel' d'hiv avait été précédée en d'un certain nombre de pourparlers entreHeydrich,Oberg,Knochen etDannecker du côté allemand etPierre Laval,Bousquet[71] et Legay du côté français. Les différents interlocuteurs français n'accédèrent pas aux demandes des Allemands de procéder à la déportation de Juifs français, mais par contre acceptèrent d'étendre à la zone libre la déportation de Juifs étrangers[71]. L'organisation des rafles était confiée à la police française selon les termes d'une sorte de protocole signé le que l'on appelle les accords Oberg-Bousquet[143],[144],[71]. Au Conseil des ministres du, Pierre Laval aurait déclaré :
« Il faut distinguer entre Juifs français et déchets expédiés par les Allemands eux-mêmes. L'intention du gouvernement allemand serait de faire un État juif à l'est de l'Europe. Je ne serais pas déshonoré si j'expédie un jour vers cet État juif les innombrables Juifs étrangers qui sont en France[145]. »
Les deux trains de mesures antijuives, celui d' et celui de n'avaient guère soulevé de protestations de la part des autorités religieuses qui restaient le plus fidèle soutien du régime[146]. Tout juste, le cardinal Gerlier, primat des Gaules, avait-il remis au chef de l'État, en une note exprimant des réserves sur la politique antisémite. Son homologueprotestant, le pasteur Boegner, avait adressé une lettre personnelle à l'amiralDarlan un peu plus tôt, en. De même, les conditions très dures d'internement des Juifs étrangers n'avaient guère ému l'opinion publique. Seules quelques organisations charitables, soit juives, soit protestantes (la CIMADE), rejointes par quelques catholiques s'étaient préoccupées de porter secours aux internés des camps de Gurs, Noë, Récébédou, etc.[134].
À partir de la mi-1942, on assiste à un revirement de l'opinion publique[147]. Le port de l'étoile jaune, d'abord avait suscité la réprobation de beaucoup de Français, ainsi qu'une nouvelle protestation du pasteur Boegner. Ce sont enfin les rafles de l'été 1942 qui provoquent un tournant décisif[148]. Non seulement parmi les chrétiens de base, mais également parmi la hiérarchie catholique[149]. En plus des démarches confidentielles, cinq prélats catholiques de la zone sud font connaître publiquement, en chaire, leur désapprobation. La protestation la plus célèbre est celle deMgrJules Saliège, archevêque de Toulouse, dont la lettre est lue en chaire le[149].
Dorénavant,Laval et Bousquet mettront en avant l'opposition de l'Église dans les pourparlers avec Oberg pour réduire l'implication de la police française dans le processus de déportation des Juifs[150]. Selon les mots deSerge Klarsfeld,« la fin de cette coopération massive ne se situe pas en 1943, après ladéfaite de Stalingrad […] mais en, alors que l'Allemagne est encore victorieuse »[151]. Ce tournant ne veut pas dire arrêt : la police française, toujours sous les ordres de Bousquet, arrête dans la région parisienne 700 personnes en octobre, 600 en novembre et 835 en décembre, dont la plupart étaient françaises[152].
En, les Allemands envahissent la zone sud. Aussitôt, leHöherer SS und Polizeiführer s'installe dans toutes les préfectures pour développer ses activités antijuives[153]. La police allemande montre sans doute moins d'efficacité que la police française[71], mais elle traque aussi bien les Juifs français que les étrangers[153], et beaucoup de Juifs français de la zone sud, se croyant protégés ou oubliés par le gouvernement de Vichy, n’avaient pas pris l'habitude de se cacher. De à, la zone d'occupation italienne, à savoir les deux départements de la Savoie et surtout les Alpes-Maritimes, devient le dernier refuge pour les Juifs[154]. On en trouve près de 30 000, en dans ce qui deviendra une souricière, lorsque les Allemands envahissent la zone après la capitulation de l'Italie[155]. Sous la conduite d'Alois Brunner, la police allemande et une unité deWaffen-SS ratissent les trois départements, mais faute d'un appui suffisant des autorités françaises, l'opération n'aboutit qu'à l'arrestation de 2 000 Juifs, déportés àDrancy puis àAuschwitz[156].
PourLaurent Joly, les dirigeants de Vichy n'envisageaient initialement probablement pas un« assassinat systématique » des Juifs déportés mais leur attitude depuis l'été 1942 « se décrypte de manière évidente comme la volonté de masquer leur participation à un crime »[157]. Pierre Laval ment en Conseil des ministres sur le nombre de Juifs déportés. En septembre 1942 Laval ne pose plus aux Allemands la question sur ce que vont devenir les Juifs, mais leur demande ce qu'il faut dire. Laval« calcule que si crime il y a, la victoire militaire de l'Allemagne le fera oublier, les vainqueurs ayant toujours raison ».
Renaud Meltz mentionne que le 4 juillet 1942, une entrevue entre Bousquet, Knochen et Dannecker, donne ce résultat :« Le fait de débarrasser la France des Juifs, malgré la guerre, est plus qu'un geste de la part de l'Allemagne et témoigne, sans aucune ambiguïté possible, de notre volonté de résoudre la question à l'échelle européenne ». Meltz etBénédicte Vergez-Chaignon ajoutent que Bousquet annonce aux évêques français qui veulent protester sur le sort des Juifs après la rafle qu'ils sont« Destinés à disparaître du continent »[158],[159]. L. Joly considère que Bousquet, comme Laval, "s'enferme dans la même logique de déni et de camouflage de la réalité"[160].
Au sein de la population, si la réalité du programme d'extermination industrielle n'est pas connue avec précision en France, le sort des juifs parait funeste pour beaucoup[161],[162]. Le chef de cabinet civil de Philippe Pétain écrit dans son journal à la date du 23 juillet 1942 :« Ils seront envoyés en Pologne avec des vivres pour 17 jours, cinquante par wagon plombé, sans eau. Les Allemands verront à l'arrivée ce qui reste de vivant »[163]. En octobre, plus personne à Vichy n’ignore le sort final des déportés juifs selonPaul Morand : le gazage[164].
Pour l'opinion publique, les protestations des évêques à l'été 1942 mentionnent sans ambiguïté qu'on peut s'attendre à la mort des déportés. Certains tracts des mouvements de Résistance sont tout aussi explicites[165],[166]. Laval et Bouquet sont extrêmement contrariés de ces protestations, car elles jettent une lumière crue sur une réalité qu'ils se refusent à voir : le destin fatal des déportés[161].
En juillet 1942, au moins un journal ultra-collaborationniste,Au Pilori, publie un article qui annonce, au-delà des seules déclarations d'intention d'Hitler, un « plan général et définitif » pour exterminer le judaïsme européen[160]. Selon Annick Durafour et Pierre-André Taguieff, ce dévoilement imprudent est sans doute ce qui explique la mise à l'écart quelques semaines plus tard du commanditaire et responsable duPilori, Jean Lestandi[167].
Réactions aux déportations organisées par le régime de Vichy et sauvetage des Juifs
Une grande partie des 75 000 Juifs déportés vers lescamps de la mort le furent avec la participation de la police du gouvernement de Vichy. L’historienSerge Klarsfeld établit que sur près de 320 000 juifs établis en France avant 1940, environ 74 150 ont été déportés, soit un taux de survie de 75 %[168]. L’historienJacques Sémelin explique ce taux de survie, parmi les plus forts d’Europe occupée par les Nazis, grâce aux« réseaux de sociabilité » au sein de la population française mais rejette cependant la thèse d’une quelconque protection du régime de Vichy[168]. Cette thèse est également rejetée parLaurent Joly qui rappelle que la politique de Pétain ne fut« nullement une politique de sauvetage »[169]. L'ensemble des Français est resté relativement passif devant les lois antijuives dans les années 1940-1941[170], mais un revirement de l'opinion s'opère avec les grandes rafles de l'été 1942. Dès lors s'est enclenché un processus de complicité, active ou passive, de milliers de Français non juifs pour leur venir en aide, à commencer par les enfants. Un grand nombre d'établissements religieux, couvents, écoles, pensionnats, orphelinats, ouvrent leurs portes aux proscrits. D'autres sont accueillis dans des familles[171].
Lors des rafles ou arrestations importantes nécessitant une préparation et une logistique, par exemple celle duVel' d'Hiv, des agents de préfecture ou des policiers français ont pu, à titre individuel, prévenir des arrestations[172],[169]. Des Juifs sont ainsi sauvés ou bénéficient également de protections de la part d'une partie de la population. Localement, des auteurs ont mis en évidence des cas de désobéissance civile qui, la plupart du temps, demeurent anonymes[173].
Unerésistance juive spécifique se développa également pour s'opposer à la politique d'extermination nazie et notamment pour mettre sur pied des filières permettant de mettre à l'abri les enfants juifs dans des familles nourricières « aryennes » ou dans des institutions religieuses[174] . Face aux déportations certaines institutions religieuses, juives, protestantes ou catholiques jouèrent un rôle de premier plan pour l'accueil, la production de faux papiers et l'organisation de filières d'évasion. Par exemple, sous la conduite du pasteurAndré Trocmé et de sa femme Magda,Le Chambon-sur-Lignon, village deHaute-Loire, accueille, de 1941 à 1944, pour des périodes plus ou moins longues, un total de 2 500 Juifs[175]. De même, certains prélats catholiques, telJean-Joseph Moussaron àAlbi, protestèrent publiquement contre les persécutions organisèrent l’accueil clandestin de réfugiés Juifs dans un réseau d’institutions choisies, ainsi que la délivrance de faux certificats de baptême[176].
En 1940, entre 300 000 et 330 000 Juifs vivent en France métropolitaine[177]. Entre le printemps 1942 et à la Libération en 1944, 76 000 Juifs sont déportés vers les camps d'extermination, en 79 convois[178]. 2 500 seulement reviendront. Un tiers étaient des Français juifs, et deux tiers des Juifs étrangers. 14 % avaient moins de dix-huit ans et 12 % plus de soixante ans[179].
De mars à, 43 000 Juifs ont été déportés en 43 convois, à destination d'Auschwitz. Les trois quarts venaient de la zone nord et le quart restant de la zone sud[179].
En 1943, 17 000 Juifs sont déportés en 17 convois, 13 pour Auschwitz, 2 pourMajdanek et 2 pourSobibor[179].
En 1944, (7 premiers mois), 16 000 Juifs sont déportés en 14 convois pour Auschwitz[179].
Au terme d'un livre consacré à la persécution et au sauvetage des Juifs sous l'occupation et sous Vichy, l'historien israélien Asher Cohen conclut :
« La perte d'un quart de la population juive résulte donc, non seulement de la décision allemande, mais aussi de la collaboration française. La survie des trois quarts tient autant à l'inefficacité des persécuteurs qu'à des actions de sauvetage. La pression de l'opinion, l'intervention publique de quelques prélats et les réticences dans le gouvernement et dans l'administration, dès la fin de 1942, limitèrent les pertes. La réaction juive, inefficace dans ses débuts, réussit ensuite à profiter d'une sympathie dans la population assez large pour organiser des actions de sauvetage importantes[180]. »
: l’opération Torch et l'occupation de la zone libre
Troupes américaines s'apprêtant à débarquer à Oran, en, lors de l'opérationTorch.
Le mois de est un tournant dans la Seconde Guerre mondiale, qui marque le moment où, pour la première fois depuis lesaccords de Munich (1938),Hitler a perdu l'initiative à l'Ouest. Pour la France de Vichy, il s'agit d'une rupture qui n'a pas échappé aux contemporains. En perdant à la fois sa souveraineté sur une partie de la France et sur l'Empire, la situation spécifique qui permettait de justifier la politique de neutralité et de collaboration s'effondre.
Dans le cadre de l'opération Torch, les Américains et les Anglais débarquent le sur les côtes d'Afrique du Nord, enAlgérie et auMaroc. Grâce à l'action desrésistants locaux, qui, en accord avec les consuls américains, occupent les points stratégiques d'Alger, et y neutralisent pendant plusieurs heures les officiers généraux vichystes, à commencer parJuin etDarlan, les Alliés peuvent débarquer sans opposition, puis encercler la ville et obtenir dans la journée sa capitulation avec son port intact. Par contre, àOran, et surtout au Maroc, à Casablanca, le généralNoguès, résident général et le vice-amiralMichelier, fidèles à Vichy, opposent une résistance tant héroïque qu'inutile qui se solde par 1 346 morts français et 2 000 blessés d'une part et 479 morts américains et 720 blessés. Il s'ensuit une situation politique complexe àAlger où les Américains traiteront avec Darlan qui s'y trouve par hasard, et prend le pouvoir en Afrique au nom du maréchal Pétain. Darlan conserve toutes les lois de Vichy et maintient les déportés politiques dans lescamps de concentration d'Afrique du Nord. L'amiral Darlan est assassiné le parFernand Bonnier de La Chapelle, et remplacé parGiraud. Ce dernier maintient le régime de Vichy et fait arrêter 27 chefs de la résistance qu'il envoie dans différents camps dont ils ne seront libérés que courant 1943. Il faudra attendre le pour que de Gaulle s'installe à Alger, mais sur la pointe des pieds, et plusieurs mois encore pour que, après avoir évincé Giraud en, il parvienne enfin à rétablir la législation républicaine.
Pour Vichy, l'opération a une double conséquence :
D'une part, la perte complète de l'Empire, car après que l'AEF (Afrique équatoriale française) est passée dans le camp de laFrance libre dès, puis la Syrie et le Liban, après l'intervention des Britanniques, c'est non seulement l'Afrique du Nord qui échappe au contrôle de Vichy, mais aussi l'AOF (Afrique occidentale française) qui se rallie à Darlan le. Le,La Réunion se rallie à la France combattante.
D’autre part, l'invasion par laWehrmacht de lazone libre le, met fin au statut très particulier de laFrance occupée. L'armée d'armistice, qui a combattu les Alliés au Maroc livre la zone sud aux forces de l'Axe sans tirer un coup de feu, ce qui n'empêche pas les occupants de la dissoudre.Laval crée alors laMilice, dirigée par Darnand, pour remplacer l'armée dissoute et réprimer les dissidents. Quant à laflotte de Toulon,elle se sabordein extremis le, contre la demande de Laval, et après s'être laissée encercler par les Allemands et avoir refusé de rejoindre les Alliés, malgré l'ordre donné dès le, par Darlan, à l'amiralde Laborde, commandant les forces maritimes de haute mer àToulon, de se rallier à lui.
Les conditions de l'armistice permettent, sous très strictes conditions, que la France conserve l’utilisation de saMarine nationale. Le régime de Vichy s’est toutefois engagé auprès des Alliés à ce qu’elle ne tombe pas dans les mains de l'Allemagne du Troisième Reich, mais il a refusé de l’envoyer hors d’atteinte de la zone d’influence de l'Allemagne, soit au Royaume-Uni, ou soit dans les lointains territoires de l'Empire colonial français (comme dans lesAntilles françaises). Ce refus de mettre hors d’atteinte la Marine nationale n'est pas sécurisant pourWinston Churchill. Celui-ci fait donc saisir par laRoyal Navy les bâtiments français amarrés dans les ports britanniques, par la ruse ou par la force. Sous le commandement de l’amiralRené-Émile Godfroy, une escadre française est mouillée dans le port d'Alexandrie. Après la conclusion d’un accord avec l’amiralAndrew Cunningham (commandant de laRoyal Navy enMéditerranée) elle est immobilisée jusqu'à l'été 1943, ses munitions débarquées et sans mazout pour appareiller[181].
L'URSS maintient, jusqu'au, ses relations diplomatiques avec le régime de Vichy : elle les rompt lorsque Vichy annonce son soutien à l'opérationBarbarossa[29],[30].
LesÉtats-Unis accordent leur reconnaissance diplomatique au régime de Vichy et envoient en France, jusqu’en (invasion de lazone libre par les troupes duIIIe Reich), l’amiralWilliam Leahy en tant qu'ambassadeur des États-Unis[28]. Le présidentFranklin Delano Roosevelt et son secrétaire d'ÉtatCordell Hull espèrent user de l'influence américaine pour encourager la résistance des éléments du gouvernement de Vichy opposés à la collaboration militaire avec l'Allemagne. Ils veulent aussi encourager le régime de Vichy à la résistance envers des demandes militaires allemandes comme l’usage des bases aériennes françaises enSyrie, ou le déplacement de matériel de guerre du territoire métropolitain en Afrique du Nord. La position américaine est que le régime de Vichy ne doit prendre aucune mesure qui ne soit explicitement exigée par les termes de l’armistice et/ou qui pourrait compromettre les efforts desAlliés dans la guerre.
LeCanada maintient, jusqu'au début de, ses relations diplomatiques avec le régime de Vichy, il le fait tant de sa propre initiative qu'à la demande du gouvernement britannique qui souhaite conserver une voie de communication. Il les rompt avec l'entrée des troupes allemandes dans la zone libre administrée par le régime de Vichy[182].
L'Australie maintient, jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ses relations diplomatiques avec le régime de Vichy et entretient également des relations diplomatiques avec laFrance libre dugénéral de Gaulle ; citation de l’ambassade de France àCanberra :« De à, la représentation diplomatique française basée àSydney était duale, une représentation officiant pour le gouvernement de Vichy et l’autre pour le général de Gaulle »[183].
La période 1940-1944 voit s'affronter certains Français les uns contre les autres, dans une forme de guerre « franco-française ». Deux pouvoirs se disputent la légitimité : le gouvernement de Vichy et l'autorité de Londres sont amenés à des confrontations directes pour se disputer les morceaux del'Empire français. À Dakar, en, les forces fidèles àPétain repoussent l'intervention des Forces françaises libres et des Britanniques, et en Syrie, les troupes de la France libre affrontent aux côtés des Britanniques les troupes fidèles à Vichy dans des combats meurtriers.
Dès l'été 1940, des territoires français dePacifique, d'Asie, et d'Afrique subsaharienne passent dans le camp de laFrance libre. À l'automne 1940, l'intégralité de l'Afrique-Équatoriale française est dans le camp gaulliste, à l'exception duGabon, que lesForces françaises libres et les Britanniques envahissent en novembre. Une tentative de débarquement à Dakar a cependant été repoussée en septembre : l'Afrique-Occidentale française demeure dans le camp vichyste. Le, une escadre des Forces françaises libres, composée de trois corvettes et du croiseur sous-marinSurcouf, commandée par l'amiralÉmile Muselier, partie deHalifax, au Canada, rallie aux Alliés le territoire deSaint-Pierre-et-Miquelon jusqu'alors soumis au régime de Vichy.
L'empire constituant le dernier vestige de la grandeur de la France, le régime de Vichy intensifie la propagande coloniale afin de s'assurer de la stabilité des colonies et de conquérir la jeunesse métropolitaine au travers de manifestations phares comme la semaine coloniale en 1941 et laquinzaine impériale en 1942.
Le, il se produit enIrak (pays sous influence britannique) un coup d'État anti-britannique soutenu par les services allemands. L'enjeu pétrolier est évidemment de première importance. Tout en négociant les protocoles de Paris dont l'un est relatif auLevant (nom alors donné auMoyen-Orient),Darlan, avec l'accord personnel du maréchal Pétain, approfondit la collaboration avec l'ennemi en lui accordant enSyrie un soutien technique, ainsi que la possibilité pour les avions de laLuftwaffe, d'utiliser les aérodromes de la Syrie pour aller bombarder les Britanniques en Irak. Darlan rencontreHitler le, puis l'ambassadeurOtto Abetz avec lequel il signe les accords de Paris qui prévoient, entre autres, de façon explicite, l'utilisation des bases françaises en Syrie[186].
Cette situation nouvelle ne fait qu’aggraver l’inquiétude des Britanniques et des Américains. Lorsque les Britanniques en ont fini avec la rébellion deRachid Ali al-Gillani en Irak, ils attaquent les forces françaises de la Syrie et du Liban le. 30 000 soldats britanniques épaulés par unedivision de Français libres attaquent les 37 700 hommes du général Dentz. Loin de se limiter à un « baroud d'honneur », les Français du général Dentz résistent. Les combats durent jusqu'au et se soldent par 1 066 tués et 5 400 blessés pour les Français du général Dentz, 650 tués et blessés pour lesFrançais libres et 4 060 tués et blessés pour les Britanniques[184]. Le gros des troupes regagne la France, mais, malgré la dureté des combats qui viennent de les opposer, 5 500 hommes se rallient à la France libre. Pourtant les Britanniques qui ne souhaitaient peut-être pas le maintien d'une force française importante au Moyen-Orient, avaient rendu difficile le contact entre officiers français libres et les prisonniers vichystes[185].
Ce n'est qu'après l'opérationTorch, débarquement allié de enAfrique française du Nord, que l'Afrique occidentale française et leTogo se rallient aux Alliés. L'amiral Darlan, conservé au pouvoir à Alger par les États-Unis, prétend gouverner l'Afrique française« au nom du Maréchal empêché », bien qu'étant désavoué par Vichy de manière répétée.Les lois de Vichy sont conservées[187]. Après l'assassinat de Darlan, elles sont encore maintenues durant plusieurs mois par le généralHenri Giraud, chef des forces françaises alliées en Afrique du Nord, mais sont ensuite progressivement abandonnées : les effigies de Pétain disparaissent peu à peu en Algérie. Avec la fusion en des forces de Charles de Gaulle et d'Henri Giraud — qui amène avec lui l'Afrique-Occidentale — l'ensemble de l'Empire est réunifié sous l'égide des forces de résistance. Vichy n'a plus d'Empire colonial, à l'exception de l'Indochine française, dirigée par le gouverneurJean Decoux etsoumise à une occupation par l'empire du Japon.
Affiche vichyste incriminant laRésistance. Secrétariat général à l'information et à la propagande, imprimerie Bedos & Cie, Paris, vers 1943.
La« guerre franco-française » se déroule également en métropole. Elle voit s'affronter laRésistance intérieure (globalement ralliée au Général de Gaulle, mais en partie influencée par leParti communiste, et qui s'étoffe considérablement à partir de 1943) et les autorités de Vichy, notamment laMilice française, créée en pour lutter contre le « terrorisme », c'est-à-dire contre laRésistance, et qui opère sous les ordres des occupants.
Certains des premiers groupes deRésistance qui se sont développés enzone libre, comme le mouvementCombat d'Henri Frenay, ne s'opposent – dans un premier temps – pas à proprement parler au maréchalPétain. En revanche, les mouvementsLibération-Sud etFranc-Tireur, entre autres, sont eux dès le début très nettement anti-pétainistes. Les investigations policières restent discrètes, alors que dès 1940, la police de Vichy traque sans merci les militants communistes qui ne se sont pas encore engagés clairement dans laRésistance. Dans les divers camps d'internement contrôlés par le gouvernement français, l'historienDenis Peschanski ne relève pas de présence appréciable de détenus politiques français qui ne soient pas communistes : « Entre 1940 et 1942, le camp répressif fut largement à dominanteanticommuniste »[188]. Il n'empêche qu'au fur et à mesure que laRésistance monte en puissance, le gouvernement de Vichy est amené à faire respecter son autorité. Le retournement de l’opinion publique, patent depuis l’été 1942, monte en puissance et est évoqué jusque dans les colonnes de la presse vichyste[189].
La lutte contre laRésistance est l'une des principales missions de laMilice, créée le et dont le chef estJoseph Darnand. Ses effectifs atteignent 30 000 hommes. Mais seulement 6 000 sont actifs à un moment donné, en participant également, comme supplétifs des Allemands, à des opérations contre les maquis, notamment celui desGlières. Ils participent également à toutes sortes d'exactions et d'assassinats.
Jusqu'en, selon l'historien etrésistantMarcel Baudot, 2 000 Français réputés collaborateurs sont tués : ce sont des membres des partis collaborationnistes, comme le PPF ou la Milice, mais aussi des fonctionnaires de Vichy ou des individus accusés d'activité en faveur de l'occupant. 4 000 cas semblables sont dénombrés entre le et la libération des différents départements concernés.
Les archives de la Milice ont été entièrement détruites et ne sont donc pas consultables.
Les malades mentaux en France pendant le régime de Vichy
Le nombre desmalades mentaux qui succombent à ladénutrition dans les hôpitaux psychiatriques en France, de 1940 à 1944, est de 40 000 selon Max Lafont[190] etLucien Bonnafé[191]. Selon Claude Quétel et Olivier Bonnet, il serait plus proche de 50 000[192]. Ces décès surviennent en grande majorité entre 1941 et 1943[193]. Ce bilan s'explique par l'indifférence et l'oubli contre lesquels ne s'élèvent que de très rares et faibles protestations. Les artistesSylvain Fusco,Léona Delcourt,Séraphine de Senlis etCamille Claudel font partie de ces victimes[190].
Pour les Français,1944 est une année de nouveaux bouleversements. Des bombardements, causant de nombreux morts civils, précèdent et accompagnent les deux débarquements deNormandie () et deProvence (). Au sud et au nord du pays, lesAlliés occidentaux, dont l'Armée française de la Libération, chassent progressivement les occupants nazis qui entraînent dans leur retraite les autorités vichystes. Uneépuration, judiciaire et extrajudiciaire, frappe pendant et après la Libération les collaborateurs et les cadres du gouvernement de Vichy.
Les forcesAlliées, aidées par laRésistance intérieure française, repoussent peu à peu lesAllemands, tandis que laMilice française combat la Résistance. Créé le[194],[195], quelques jours avant le débarquement des Alliés, leGouvernement provisoire de la République française (GPRF) installe son autorité sur le territoire libéré dans les semaines suivant labataille de Normandie, et se substitue progressivement dans les faits au régime de Vichy. Ce dernier, né de la défaite de la France en 1940, menant une politique répressive et réactionnaire parallèlement à une collaboration avec l'occupant, s’est progressivement discrédité à l’égard de la population civile[39].
Malgré cela, les autorités de Vichy, adoptant une façade de neutralité[196], tentent de détourner les Français de la résistance :« Nous ne sommes pas dans la guerre », déclarePétain en demandant aux fonctionnaires de demeurer à leurs postes[197]. En son nom, l'amiral Auphan essaye de prendre contact avec les Alliés et même avec de Gaulle. Il est éconduit[198] pendant queLaval est à la recherche de solutions parlementaires et invente des combinaisons politiques oùHenri Queuille serait à l'Élysée etHerriot àMatignon.
Par sonordonnance du, toujours en vigueur, relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, le GPRF affirme la permanence en droit de la République française et nie toute légitimité au gouvernement de Vichy et de ses actes (constitutionnels ou pas)[5].
L’article premier précise :
« La forme du gouvernement de la France est et demeure la République. En droit, celle-ci n'a pas cessé d'exister[5]. »
D’où découle l’article deux :
« Sont en conséquence, nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels, législatifs ou réglementaires, ainsi que les arrêtés pris pour leur exécution, sous quelque dénomination que ce soit, promulgués sur le territoire continental postérieurement au 16 juin 1940 et jusqu'au rétablissement du Gouvernement provisoire de la République française[5]. […] »
L’article sept de l’ordonnance décrit le régime de Vichy comme« l’autorité de fait se disant « gouvernement de l’État français »[5] », lui niant toute forme de légalité.
Vue extérieure duchâteau de Sigmaringen.LesFrancs-tireurs et partisans français font don de leur p… Un membre des FTPF expédie Pétain, à coup de pied au derrière, vers l'autre rive du Rhin tandis qu'un minusculemilicien s'agrippe à la canne du maréchal. Carte postale éditée par les FTPF, vers 1944.
Laval tient, le, à Paris, un simulacre de Conseil avec cinq ministres[199]. Il se démet de ses fonctions et est conduit à Belfort par les Allemands[200]. Ceux-ci, le même jour, en la personne deCecil von Renthe-Fink, ministre délégué, demandent à Pétain de se laisser transférer en zone nord[201]. Celui-ci refuse et demande une formulation écrite de cette exigence[202]. Von Renthe-Fink renouvelle sa requête par deux fois le18, puis revient à l'hôtel du Parc, résidence du Maréchal, le19, à11 h 30, accompagné du général von Neubroon qui indique qu'il a des« ordres formels deBerlin »[202]. Le texte écrit est soumis à Pétain :« Le gouvernement du Reich donne instruction d’opérer le transfert du chef de l’État, même contre sa volonté »[202]. Devant le refus renouvelé du maréchal, les Allemands menacent de faire intervenir la Wehrmacht pour bombarder Vichy[202]. Après avoir pris à témoin l'ambassadeur deSuisse,Walter Stucki, du chantage dont il est l’objet, Pétain se soumet, et« […] lorsqu'à19 h 30 Renthe-Fink entre dans le bureau du Maréchal avec le général von Neubronn, le chef de l’État est en train de surveiller la confection de ses valises et de ranger ses papiers »[202]. Le lendemain, il est emmené contre son gré auchâteau de Morvillars[203] à côté de Belfort, puis en Allemagne[1],[N 3]. Il arrive le au château deSigmaringen (Bade-Wurtemberg) où sont regroupés un certain nombre de rescapés du régime de Vichy et de la collaboration, dont Laval. Le départ de Pétain le, puis lalibération de Paris le, achèvent de consommer la disparition du régime de Vichy.
Les Américains menacent de mettre la France sous administration militaire. De Gaulle parvient à retourner la situation. Lorsqu'il arrive le àBayeux, il est accueilli par les ovations de la foule, prononce sonpremier discours sur le sol de métropole libéré et y installe uncommissaire de la République. Par la suite de Gaulle se rend dans Paris libéré par lesRésistants et la division Leclerc, et y reçoit un bain de foule triomphal. Son gouvernement provisoire est enfin reconnu par tous les Alliés le, et Roosevelt renonce définitivement à l’installation en métropole libérée d’un gouvernement militaire de l'AMGOT – certains historiens estiment même que les Américains n'y avaient jamais vraiment songé aussi sérieusement qu'il a longtemps été cru. De Gaulle rend alors visite au président américain, qui affecte d’avoir abandonné ses préventions à son égard.
La France, libérée et à nouveau souveraine, reprend sa place dans le camp allié, et les préfets vichystes n’ayant fait aucune difficulté pour passer leurs pouvoirs aux nouveaux commissaires de la République, l’administration se rallie en bloc au nouveau gouvernement provisoire sans secousses majeures.
Lors de lalibération de la France enaoût 1944, legénéral de Gaulle, président duGouvernement provisoire de la République française (GPRF), refuse d'accéder aux demandes de ceux, dontGeorges Bidault alors président duConseil national de la Résistance, qui le pressaient de « rétablir la République », leur signifiant qu'elle n'avait jamais cessé d'exister car ayant toujours considéré l’« État français » comme illégitime : « La République n'a jamais cessé d'être. La France libre, la France combattante, le Comité français de libération nationale l'ont tour à tour incorporée. Vichy fut toujours et demeure nul et non avenu. Moi-même suis le président du gouvernement de la République. Pourquoi irais-je la proclamer ? »[204],[205].
Un certain nombre de cadres et de personnalités politiques du régime de Vichy sont condamnés après le conflit mondial ; plusieurs dizaines de milliers de personnes sont convaincues du crime d'indignité nationale, créé parordonnance du GPRF.Pierre Laval est condamné à mort pourhaute trahison et fusillé le.Philippe Pétain, lui aussi condamné à mort, voit, en raison de son grand âge, sa peine commuée par le général de Gaulle enemprisonnement à perpétuité.
Bien qu'au lendemain de la libération, la République française déclara que « sont, en conséquence, nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels, législatifs ou réglementaires » élaborés sous Vichy, plusieurs mesures prises durant cette période sont demeurées par la suite car l'ordonnance du relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental[206] précise que« cette nullité doit être expressément constatée »[207] :
La question desarchives de Vichy et, plus largement, de la Seconde Guerre mondiale a pu susciter quelques interrogations, controverses et une certaine lenteur de l'État àdéclassifier certains documents (ainsi, par exemple, la controverse à propos dufichier Tulard, fichier répertoriant les juifs de la région parisienne). Le, unarrêté dugouvernement Valls II « portant ouverture d'archives relatives à la Seconde Guerre mondiale » a institué une dérogation générale concernant les archives de Vichy, permettant ainsi à tout citoyen (et non plus seulement à des chercheurs dont la demande de consultation est acceptée par l'administration) à consulter les archives classifiées, ceci avant l'expiration des délais légaux fixés à 75 ans. Ceci concerne en particulier les archives des différentes juridictions et de lapolice[212]. Une circulaire du relative à l'accès aux archives publiques de la période 1940-1945 avait initié cette politique d'ouverture[212].
: signature de la convention d'armistice franco-allemande àRethondes dans le wagon où avait été signé l'armistice du ; le 25, signature de l'armistice franco-italien.
3- :opération Catapult ; le 3, les Britanniques saisissent tous les navires français réfugiés en Grande-Bretagne ; le 3 et le 6, une escadre française composée notamment de 2 croiseurs de bataille et de 2 cuirassés est attaquée àMers el-Kébir, le cuirasséBretagne est coulé, le cuirasséProvence et le croiseur de batailleDunkerque plus le contre-torpilleursMogador sont mis hors de combat. 1 297 marins français sont tués ; l’escadre française se trouvant à Alexandrie est immobilisée et neutralisée ; le 8, à Dakar, le cuirasséRichelieu est torpillé, et immobilisé.
18 avril 1942 : remplacement deDarlan parLaval. Celui-ci prend le titre officiel de chef du gouvernement de Vichy.René Bousquet secrétaire général à la police, membre du Gouvernement[71].
: débarquement britannique àDiégo-Suarez (Madagascar), les combats avec les forces françaises obéissant à Vichy cesseront le.
↑Laloi constitutionnelle du 10 juillet 1940 donne mandat à Pétain pour préparer une nouvelleconstitution. Lesactes constitutionnels du régime de Vichy abrogent les articles des lois de 1875 concernant l'élection du président de la République et les séances du parlement. Les institutions de laRépublique française sont officiellement maintenues, mais le terme deRépublique n'est jamais utilisé dans les documents officiels du régime, dont le type de gouvernement n'est pas précisé. Le motRépublique réapparaît, en janvier 1944, dans le projet de constitution, qui ne sera jamais promulgué. Certains médias et auteurs, principalement étrangers, utilisent parfois le terme impropre de « République de Vichy » (cf.« Processo all'ultimo gerarca di Vichy »,La Repubblica, 19 septembre 1996).
↑Sur la relative faiblesse de la répression policière en zone sud avant 1942 vis-à-vis de la Résistance non communiste, voir notamment :
D. Peschanski, « Répression de la Résistance par Vichy », inDictionnaire historique de la Résistance, éd. Robert Laffont, 2006,p. 789.
Peschanski insiste sur le caractère très ciblé de la répression vis-à-vis des communistes, avant ou après leur entrée en résistance. L'ensemble des auteurs soulignent qu'avant 1942, une frange de la Résistance non communiste était relativement bienveillante vis-à-vis du maréchal, en même temps qu'une partie des services chargés de lutter contre les résistants, tel le BMA (Bureau des menées antinationales) sont engagés dans une forme de Résistance. Certains dirigeants de la Résistance non communistes seront arrêtés, mais relâchés : Chevance-Bertin,Bertie Albrecht, François de Menthon, Marie-Madeleine Fourcade, Bertrande d'Astier de la Vigerie (nièce d'Emmanuel).
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↑Ce décalage entre l’appui à la personne du Maréchal Pétain et l’opposition ou la méfiance envers la politique menée par Vichy est diagnostiquée sans fard par Maurras en.« Étapes douloureuses »,Candide,,p. 1(lire en ligne)
↑a etbFrançois et Renée Bédarida, « La Persécution des Juifs », dansLa France des années noires,t. 2, Éditions du Seuil, 1993, section « Une « La solution finale » ».
↑Revue d'histoire de la Shoah, n° 212, oct. 2020, article I.5, « Laval, antisémite qui s'ignore et persécuteur cynique », deRenaud Meltz (p. 121-151) :« Ni Laval, ni Bousquet ne peut ignorer le sort des enfants qu'ils livrent aux autorités allemandes. Le 4 juillet 1942, Bousquet est reçu par Knochen et Dannecker : « Le fait de débarrasser la France des Juifs, malgré la guerre, est plus qu'un geste de la part de l'Allemagne et témoigne, sans aucune ambiguïté possible, de notre volonté de résoudre la question à l'échelle européenne ». « Dans la foulée, Bousquet éclaire les évêques français qui veulent protester auprès d'Abetz sur le sort des Juifs déportés : « Destinés à disparaître du continent » » (p. 138).
↑Revue d'histoire de la Shoah, n°212, oct. 2020, article I.4 « Le Maréchal Pétain et la « question juive » » deBénédicte Vergez-Chaignon, p. 105-119 :« Quatre semaines plus tard se déroule la rafle du Vélodrome d'Hiver […] les déductions sont vite tirées par le chef du cabinet civil de Pétain : « [Les Juifs arrêtés] seront envoyés en Pologne avec des vivres pour 17 jours, cinquante par wagon plombé, sans eau. Les Allemands verront, à l'arrivée, ce qui reste de vivant » » (p. 114-115) et« Destinés à disparaître du continent, a noté le cardinal-archevêque de Lille en retranscrivant les propos tenus par Bousquet […] au cardinal archevêque de Paris immédiatement après la rafle du Vél' d'Hiv' (note : Sylvie Bernay, L’Église de France et la persécution des Juifs, 2012, p. 324) » (p.115).
↑"Sans que l’opinion, dans son ensemble, ni par aucun de ses organes collectifs, partis, syndicats, corps constitués, académies, s’y soient opposés, il y eut tout de même, à la publication du statut des Juifs et des lois adjacentes, des colères, des protestations" :Le procès Pétain, Les Juifs à la barre () par Henri Hertz, repris dansLe Monde Juif, 1992/2 (No 145), p. 236-241.
↑François et RenéeBédarida, « La persécution des juifs », dansLa France des années noires,t. 2, Éditions du Seuil, 1993,p. 158.
↑« « G. Wellers : la tragédie de deux journées » »,Le Monde Juif, vol. 28-29, no. 1-2,,p. 3-26 (§88)(lire en ligne)
↑a etbJean-Louis Crémieux-Brilhac, « La France Libre », dansLa France des années noires,t. 1, éditions du Seuil, 1993,coll. « Points histoire », 2000,p. 205-206.
↑La France des camps, l'internement 1938-1946, Gallimard, 2002,p. 212.
↑Dans Candidedu, Raymond Lachal, chef de la Légion française des combattants, fait part de ses doléances (armer la LFC face aux attentats) et déclare devant Laval : « [Notre] tâche est d’ouvrir les yeux des Français, tâche qui s’apparente à la quadrature du cercle ».
↑En tant que préfacier, Lucien Bonnafé souscrit au titre du livre de Max LafontL'extermination douce. La mort de 40 000 malades mentaux dans les hôpitaux psychiatriques en France, sous le régime de Vichy, Éditions de l'AREFPPI, 1987.
↑L'édito duBulletin des Jeunes, organe de propagande de Vichy, proclame ainsi le, après le débarquement :« Trop d'entre nous (…) espèrent bêtement que le salut sera pour eux un don gratuit de la Providence qu'il n'auront pas à mériter (…). La France ne sera pas sauvée parce que dans tel ou tel secteur de la guerre, le dieu des combats aura décidé blanc ou noir ».
↑Dans sonmessage de Noël 1943 aux Français, il adjure ceux-ci sur un ton dramatique :« Je vous supplie, Français, de renoncer aux stériles discussions, aux vaines rivalités, aux haines mortelles (…). Je vous adjure de penser, par-dessus tout, au péril de mort que courrait notre pays si sur lui s'abattait la hideuse guerre civile, ou si triomphait le communisme et sa barbarie païenne ».
Un article bibliographique spécifique serait utile(octobre 2025). Compte tenu du nombre d'ouvrages ou d'études relatives au sujet de l'article, il serait utile de créer unarticle bibliographique spécifique. On ne garderait alors dans l'article que les ouvrages biographiques ou de référence principaux, ainsi que ceux utilisés pour écrire l'article.
Michel Slitinsky,L'affairePapon,Edit. Alain Moreau, 1983 ;Le pouvoir préfectoral Lavaliste à Bordeaux, Edit. Wallada ;Indiscrétions des archives sous l'occupation, Edit. CMD ;Procès Papon, le devoir de mémoire, Edit. de l'Aube, 1997.
(de) Michael Mayer (préface deGeorges-Henri Soutou etHorst Möller),Staaten als Täter – Ministerialbürokratie und „Judenpolitik“ in NS-Deutschland und Vichy-Frankreich – Ein Vergleich, Studien zur Zeitgeschichte,t. 80, Oldenbourg, 2010(ISBN978-3-486-58945-0) (étude comparative de la politique antijuive de l’Allemagne nazie, des forces d’occupation allemandes en France entre 1940 et 1944 et du régime de Vichy).
Labase de données « Écrits de Guerre et d’Occupation » (EGO 1939-1945) est destinée à recenser de façon exhaustive l’ensemble des témoignages, récits, carnets, journaux intimes et mémoires, concernant la France et les Français durant la Seconde Guerre mondiale, publiés de 1939 jusqu’à nos jours.