| Équivalent nordique | Glaciation vistulienne |
|---|---|
| Équivalent russe | Valdaï (ru) |
| Équivalent sibérien | Zyrian (Зырянское оледенение) |
| Début | Fin |
|---|---|
| 115 000 ans | 11 700 ans |
Interglaciaire Riss-WürmHolocène
WürmI,
WürmII,
WürmIII,
WürmIV, dontTardiglaciaire
Faune et flore
Remplacement de l'Homme de Néandertal et de l'Homme de Denisova parHomo sapiens
Laglaciation de Würm est le nom donné à ladernière période glaciaire duPléistocène dans lesAlpes. Elle s'étend de 115 000 à 11 700 ansavant le présent (AP).
La glaciation de Würm se subdivise en quatre grandes phases : Würm I (période fraiche), Würm II (premier pléniglaciaire) de 71 000 à 57 000 ans AP, Würm III (interpléniglaciaire), et Würm IV (second pléniglaciaire) de 30 000 à 11 700 ans AP.
La glaciation de Würm a été définie au début duXXe siècle par les géologues allemandsAlbrecht Penck etEduard Brückner[1]. Ils lui ont donné le nom d'un affluent duDanube, laWürm[N 1], selon le même principe qu'ont été nommées lesglaciations alpines précédentes (Riss,Mindel,Günz).
Sa définition repose sur les observations des conséquences géologiques de la baisse importante des températures moyennes sur une longue période (nappe fluvio-glaciaire,moraines) dans le massif alpin.
La glaciation de Würm a été découpée en quatre grandes phases, Würm I à IV, correspondant aux principales variations climatiques enregistrées au cours de la période. Ultérieurement, cette segmentation a été affinée et renommée dans le cadre de lachronologie isotopique globale duPléistocène (voir ci-après).



La glaciation würmienne correspond aux stadesSIO 2, 3, 4 et 5a-d de lachronologie isotopique mise au point depuis les années 1950. Sa limite inférieure est généralement fixée à 115 000 ansAP (fin de l'interglaciaire Riss-Würm et début dustade 5d)[3]. Sa limite supérieure correspond à la fin du stade 2 et au début de l'Holocène, il y a 11 700 ans. Lemaximum glaciaire a été atteint il y a environ 21 000 ans[4]. À cette époque, les températures annuelles moyennes dans les Alpes étaient plus basses de 10 à12 °C qu'actuellement, comme le montrent les changements dans la végétation mis en évidence par lapalynologie.
Le Würm est plus ou moinssynchrone d'autres glaciations de l'hémisphère nord, dont le Wisconsinien enAmérique du Nord, leVistulien (ouWeichselien) en Europe du Nord, et leDevensien dans lesÎles Britanniques. L'appellation Würm n'a qu'une signification chronologique locale, limitée à la région située autour desAlpes.
Dans les montagnes d'Europe, des petits glaciers se sont aussi formés dans lesVosges, laForêt-Noire, leMassif central, lesCarpates, lesPyrénées, lesApennins, lesBalkans et laSierra Nevada, mais aussi dans le Nord-Ouest de l'Espagne, enCrète et enCorse[5].
Le Würm commence par le long intercycle de Saint-Germain (stades isotopiques 5a à 5d, ou Würm I[6], de 115 000 à 71 000 ans AP), où les températures sont froides mais pas encore glaciales. Le climat est alors semi-sec. Au sud des Alpes, dans leLuberon, lepin d'Alep et lechêne blanc sont peu à peu remplacés par lepin sylvestre et lehêtre, mais aussi le noisetier, le tilleul, l'aulne et les fougères. La faune correspond encore à celle des pays tempérés (cerf, ours brun, sanglier, loup, lynx, panthère,lion des cavernes, belette, putois, martre, loutre...)[7].
Le premier grand coup de froid intervient avec le Würm II, oustade isotopique 4, d'environ 71 000 à 57 000 ans AP. Le climat s'assèche, la forêt disparait, laissant place à une steppe parsemée de petits pins sylvestres et de bouleaux. Après une phase légèrement plus clémente, le Würm III, ou stade isotopique 3, d'environ 57 000 à 30 000 ans AP, le froid et la sécheresse atteignent leur paroxysme au Würm IV, ou stade isotopique 2, d'environ 30 000 à 11 700 ans AP. En Provence, le sanglier disparaît, remplacé par des chevaux, des chamois et aussi par des antilopessaïgas, animal caractéristique des steppes sèches[7].
Le maximum glaciaire du Würmien est encore l'objet de controverses entre deux écoles. Dans les Alpes orientales, il est supposé que les glaciers sont restés cantonnés en haute montagne pendant la plus grande partie du Würm, n'envahissant les vallées qu'au Würm tardif lors dudernier maximum glaciaire, en même temps que les grandsinlandsis du Nord il y a environ 21 000 ans ; et qu'il aurait été suivi d'un retrait rapide[8]. Dans les Alpes occidentales, il se serait produit nettement avant, peut-être même dès le Würm II, et le retrait se serait produit de manière très graduelle[9]. La cause en serait la plus grande sécheresse lors de la dernière période froide.
Les interstades correspondent à desoscillations climatiques de courte durée relative à l'intérieur des quatre grandes phases de la glaciation de Würm, c'est-à-dire de brèves périodes fraîches au cours d'une phase froide, ou froides au cours d'une phase fraîche.

Jusque vers 48 000 ans AP, l'Europe est peuplée exclusivement par l'Homme de Néandertal. Des traces de peuplement par desNéandertaliens ont été trouvées par exemple aubau de l'Aubésier, à labaume des Peyrards et à labaume Bonne en France, dans les grottes deWildkirchli etCotencher enSuisse et dans lagrotte Gudenus enAutriche.
Homo sapiens arrive en Europe en provenance duProche-Orient par vagues successives, qui donneront successivement lePaléolithique supérieur initial (48 000 ans AP), l'Aurignacien (43 000 ans AP), et leGravettien (31 000 ans AP).
Pendant ledernier maximum glaciaire, d'environ 26 000 à 19 000 ans AP, le froid extrême entraîne un large dépeuplement de l'Europe, à l'exception des trois péninsules refuges que sont lapéninsule Ibérique, l'Italie, et lesBalkans. La remontée des températures au cours duTardiglaciaire permet une recolonisation de l'Europe centrale et septentrionale à partir de ces péninsules.
La divergence entre les ancêtres des populations de l'Ouest et de l'Est de l'Europe au Paléolithique est estimée à environ 25 600 ans[16]. Elle se produit probablement en raison d'une détérioration de l'habitat et d'une contraction des refuges lors du dernier maximum glaciaire (LGM) potentiellement situés dans des régions plus douces. Ainsi, les populations européennes de chasseurs-cueilleurs après avoir connu ungoulet d'étranglement très sévère s'étaient déjà divisées lors du dernier maximum glaciaire il y a environ 22 800 ans. Une étude de paléogénétique publiée en 2022 estime la taille de population effective du goulot d'étranglement à 383 individus. Ce faible nombre serait conforme aux données archéologiques suggérant une diminution de 60 % de la taille de la population de recensement dans la dernière partie duGravettien, datée entre 29 000 et 25 000 ans AP, avec une population totale en Europe aussi faible que 700 à 1 550 individus. Ces analyses indiquent en outre que les chasseurs-cueilleurs européens se sont alors différenciés en deux refuges distincts à la fin du dernier maximum glaciaire il y a 21 700 ans, correspondant peut-être à ce que les archéologues identifient traditionnellement comme les aires de distribution des technocomplexessolutréens etépigravettiens[16].
Par rapport aux glaciations de Riss et de Mindel, le Würm a une étendue maximale relativement limitée. Toutefois, les glaciers des vallées sont suffisamment grands pour se rejoindre et former une immense calotte qui ne laisse dépasser que les montagnes les plus élevées.

Dans le sud des Alpes, les glaciers restent cantonnés dans le haut de leurs vallées ; seul le glacier de la Durance acquiert une étendue considérable et descend jusqu'àSisteron. Dans le Dauphiné, leTrièves reste épargné par les glaces ; cependant, un lac se forme car les eaux duDrac sont bloquées par leglacier de l'Isère avant d'arriver à Grenoble. De même, les glaces des Alpes occidentales se joignent à celles de la calottejurassienne mais s'arrêtent 30 km avant Lyon. Sur lePlateau suisse, leglacier du Rhône, rejoint par leglacier de l'Aar, s'arrête au niveau deWangen an der Aare et ne rejoint pas leglacier du Rhin qui s'arrête àSchaffhouse[17]. En Allemagne, le glacier duLech s'arrête àPürgen, celui de l'Isar àSchäftlarn et leglacier de l'Inn àHaag. En Autriche, les glaciers restent à l'intérieur des vallées et ne sortent pas dans l'avant-pays. Le glacier de laSalzach dépasse toutefoisSalzbourg et celui de laDrave atteintVölkermarkt. Dans l'Est du pays, seul le sommet des massifs est recouvert de glace. En Italie, les glaciers s'avancent jusqu'à laplaine du Pô et sont à l'origine des grands lacs qui la bordent. Dans les régions plates (Lyon, Bavière), les glaces s'étalent en forme delobe et les eaux de fonte sortent en de multiples endroits en se répartissant largement dans la plaine.
À cette époque, la température moyenne de lamer Méditerranée au pied des Alpes varie entre8 °C en hiver et 11 en été[18].
Le réchauffement commence par toucher l'hémisphère nord, au-dessus de 60° de latitude, à cause d'un légerchangement orbital qui a rapproché la Terre du Soleil à l'été boréal. De plus, l'axe de rotation est incliné de sorte que l'hémisphère Nord bénéficie le premier du surplus d'insolation[19].

Dans les Alpes, le retrait est rapide. Lelac Léman et lelac d'Annecy sont libres de glace il y a 17 000 ans. Lors du dernier coup de froid duDryas récent, l'avancée des glaciers reste limitée. Ainsi, au pied duMont Blanc, les glaciers ne parviennent même pas à remplir la vallée deChamonix[9].
Dans bien des cas, le retrait des glaciers s'est produit dans un milieu lacustre[9]. Ces lacs sont issus d'un surcreusement de la vallée à l'amont d'un verrou. Presque tous les lacs alpins sont d'origine glaciaire. De nombreux autres lacs avaient aussi été initialement formés tels que lelac du Grésivaudan, lelac de Rosenheim et les lacs des vallées de l'Arve et de l'Inn. Ceux-ci ont été cependant très rapidement comblés car ils étaient traversés par une grande rivière chargée de sédiments. Ce sont surtout les lacs à l'écart des grandes vallées ou alimentés par une rivière provenant d'une régioncalcaire qui ont pu survivre jusqu'à notre époque. Les eaux issues des glaciers sont trop troubles et trop froides pour que les poissons puissent y vivre. Ce n'est qu'il y a 14 600 ans, lors du réchauffement duBölling-Allerød, qu'ils ont pu recoloniser les Alpes à partir des basses vallées du Danube, du Rhône et du Pô[20].
Bien qu'au plus fort de la glaciation le couloir rhodanien ait encore fourni de beaux exemples de la présence humaine (Roche de Solutré,baume d'Oullins,grotte de la Salpêtrière,grotte Chauvet), le repeuplement des Alpes ne se fait que lentement. En Suisse, le retrait glaciaire permet l'arrivée des hommes (Homo sapiens) dans la région. Le premier témoignage de leur retour se trouve dans la grotte de Kastelhöhle près deSoleure vers 17 500 ans AP, avec une industrie de typeBadegoulien. Les sites se multiplient au temps desMagdaléniens (16 500 à 14 500 ans AP) mais seulement sur leplateau suisse et dans le Jura à basse altitude (moins de 900 m). Les hommes vivent dans une steppe froide et chassent les rennes et les chevaux. Leur présence en milieu montagnard ne commence vraiment qu'avec la phase fraîche duBölling-Alleröd (14 600 à 12 900 ans AP), comme le montre l'abri sous bloc de Château d'Oex occupé par des chasseursaziliens qui s'attaquaient aux cerfs et aux sangliers dans une forêt de bouleaux et de pins. Toutefois, cette première arrivée est rapidement interrompue par le bref mais intense retour du froid lors duDryas récent (12 900 à 11 700 ans AP) qui forme le dernier épisode de la glaciation de Würm[21].

Au maximum glaciaire, sur les hauteurs non couvertes par les glaces, la végétation correspond à celle de l'étage nival et le sol est soumis à lasolifluxion. Dans les plaines côté nord, c'est latoundra, caractérisée par la présence dedryade octopétale (Dryas octopetala), une plante qui a donné son nom à une des dernièrespériodes climatiques du Würm. Elle est accompagnée d'armoises, dechenopodiaceae, degraminées, dubouleau nain et dusaule polaire. Côté sud, c'est unesteppe d'armoise de type méditerranéen avec quelques bosquets.
Après la glaciation, la recolonisation des Alpes s'est produite à partir de certaines zones de retrait spécifique. À partir de la toundra des plaines de l'Allemagne sont revenus l'armoise, le bouleau et legenévrier. Lepin et l'épicéa sont revenus depuis l'Europe orientale et sonclimat continental tandis que lesapin, letilleul et lechêne avaient trouvé refuge sur les bords de la Méditerranée en profitant de sonclimat océanique et doux.



Les traces de la glaciation de Würm sont celles qui sont le mieux conservées car elles n'ont pas été recouvertes ni détruites par d'autres glaciations puisque c'est la dernière grande glaciation. Elle a pu être reconstituée par l'analyse de la position des anciennesmoraines, destrimlines et desblocs erratiques ainsi que de leur lieu d'origine.
Au Quaternaire, l'inlandsis, qui couvrait de nombreuses montagnes, laissa derrière lui des modelés d'accumulation et d'érosion tout à fait caractéristiques. Lesesker,drumlin et chenaux proglaciaires marquent de nombreux paysages dans les régions périglaciaires.
Dans les Alpes, de nombreuses stries glaciaires, provoquées par le frottement des blocs contre la paroi de lavallée glaciaire, sont visibles. Des blocs erratiques laissés là par le glacier lors de sa fonte sont aussi facilement observables. On voit également des restes de glaciers ainsi que des cirques, notamment ceux du Taillefer dans le massif éponyme, au-dessus de la vallée de la Romanche. Ils sont des parfaits exemples de cirques glaciaires, avec un verrou glaciaire immense.
Les vestiges du Würm sont aussi les torrents, les lacs pro-glaciaires tels leLauvitel, dans leparc national des Écrins, ou lelac Léman, en grande partie vestige duglacier du Rhône.
Dans lesVosges, les marques laissées par les glaciers sont également très identifiables : hautes vallées en auge (par exemple, la haute vallée de laSavoureuse),moraines, stries, lacs d'origine glaciaire.