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Gertrude Stein, fille d'Amelia et David Stein, naît enPennsylvanie dans une famillejuive aisée émigrée d'Allemagne où l'on parle anglais et allemand[1]. Son père a fait fortune dans l'immobilier et les tramways. Benjamine d'une fratrie de cinq enfants[2], elle vit jusqu'à l'âge de quatre ans àVienne et à Paris[3], avant de partir vivre àOakland (Californie), avec ses parents.
Elle étudie auRadcliffe College, alors une annexe de Harvard de 1893 à 1897 et commence des études en psychologie sous la direction deWilliam James, le frère du romancierHenry James. Elle s'intéresse à l'hystérie féminine et se penche sur les cas d'écriture pathologique.
Stein et Mendez Solomon s'intéressent à l'automatisme normal de la motilité, un phénomène qui prend théoriquement place chez une personne dont l'attention est divisée entre deux activités intelligentes comme parler et écrire. Ces expériences produisent des échantillons d'écritures censés représenter le « flux de conscience », une théorie psychologique attribuée à William James, notion qu'il présente dans son ouvrageThe Principles of Psychology (1890). En littérature, lecourant de conscience est une technique narrative utilisée notamment parVirginia Woolf etJames Joyce. En 1934, le psychologueBurrhus Frederic Skinner interprète le livre de poèmes de Gertrude SteinTender Buttons(en)[4] comme un exemple d'automatisme normal de la motilité. Dans le courant des années 1930, Stein écrit dans une lettre qu'elle n'a jamais accepté l'idée de l'écriture automatique. « Il peut y avoir des mouvements automatiques mais pas d'écriture automatique. Écrire pour une personne normale est une activité trop compliquée pour pouvoir être exécutée automatiquement »[5].
Pour approfondir cette première expérience académique, elle décide d'étudier la médecine à l'université Johns-Hopkins[6]. En 1892, elle part donc vivre chez sa tante à Baltimore. Elle rencontreClaribel Cone(en) qui devient un modèle pour elle, l'encourageant à poursuivre dans la recherche[7]. Elle publie avec Léon M. Solomons en 1896 un article dans la Psychological review intituléL'automatisme normal de la motilité[8],[4].
Bien qu'ayant publié un article sur l'écriture automatique, la question de l'inconscient et l'intuition, sujets pourtant abordés par William James, ne l'intéressent pas[9].
Étudiante à Radcliffe, elle commence une longue amitié avec Mabel Foote Weeks. Leur correspondance retrace en grande partie les évolutions de la vie de Stein. En 1897, Stein passe l'été àWoods Hole, dans leMassachusetts, étudiant l'embryologie au Marine Biological Laboratory. Elle obtient son bachelor magna cum laude de Radcliffe en 1898.
Gertrude Stein avec ses frères Léo et Michael vers 1906.
Gertrude Stein arrive à Paris en 1904, rejoignant son frèreLeo, arrivé en 1903. Elle a29 ans et vient de renoncer à mener une carrière scientifique. Elle sort d'une histoire amoureuse difficile[6]. Ils sont attirés par l'effervescence artistique duquartier du Montparnasse du début duXXe siècle. Michael, l'aîné de la fratrie, et sa femme emménagent à leur tour[10].
Les deux sont collectionneurs : Gertrude défend l'art moderne, notamment lescubistes etPicasso (qui peint, avant son invention du cubisme avec Braque,Portrait de Gertrude Stein en 1906), alors que son frère reste plus traditionaliste. Elle devient l'une des grandes collectionneuses de la jeune génération de l'École de Paris. L'achat deFemme au chapeau de Matisse par Leo en 1905 est considéré comme l'acte fondateur de la collection Stein. Il récidive en achetantLe Bonheur de vivre du même Matisse en 1906. Entre 1905 et 1920, près de600 tableaux vont passer entre leurs mains. Gertrude côtoie notammentHenri-Pierre Roché, marchand d'art, etFrancis Picabia. Elle ne fréquente pas particulièrement lesdadaïstes, mais considèreTristan Tzara comme un cousin.
Plaque commémorative au 27rue de Fleurus, où Gertrude Stein vécut et tint salon entre 1903 et 1938.
Son appartement du 27rue de Fleurus devient un lieu de rencontre pour l'avant-garde du monde entier[11]. Michael et Sarah reçoivent tous les samedis dans la tradition dessalons duXVIIIe siècle à18 h, tandis que Gertrude et Leo reçoivent à21 h. Le Tout-Paris artistique s'y presse tout comme les étrangers de passage et surtout les Américains[10].
En 1907, elle rencontreAlice B. Toklas, la secrétaire de Leo, avec qui elle partagera sa vie de 1909 jusqu'à sa mort. Cette relationamoureuse, ainsi que son soutien au mouvementcubiste, la brouille définitivement avec Leo.
Entre 1906 et 1908, elle écrit les mille pages deThe Making of the Americans[11], qu'elle considère comme sa grande œuvre, objet d'un différend avec son frère Leo, qui n'approuve pas cette écriture.
Lorsque éclate laPremière Guerre mondiale, Stein et Toklas, par fidélité à la France, leur patrie d'adoption, participent à l'approvisionnement deshôpitaux de campagne et au transport des blessés avec leur propre voiture. Elles seront récompensées par le gouvernement pour cet engagement.
Après la guerre, le salon de la rue de Fleurus a moins de succès. Elle a le plaisir de voir paraîtreThe Making of Americans en 1925 aux éditions Contact. Elle poursuit sa collection ; ses moyens ne lui permettant plus de s'offrir des Picasso, elle jette son dévolu surJuan Gris et sur Masson puis surBalthus et surPicabia[10].
Gertrude Stein photographiée par Carl Van Vechten le 12 juin 1934.
Le succès vient avecAutobiographie d'Alice Toklas[11] en 1933, son œuvre la plus connue et la plus facile d'accès, qui lui vaudra une tournée de conférences aux États-Unis. L'œuvre raconte l'aventure de la collection, en éliminant Léo et en s'attribuant le premier rôle. Le public découvrait Gertrude Stein, que ses œuvres antérieures avaient cantonnée dans le champ plus étroit de l'avant-garde.
En 1938, Alice et Gertrude quittent la rue de Fleurus pour s'installer au 5,rue Christine.
Américaines juives et lesbiennes[11], Gertrude Stein et sa compagneAlice B. Toklas se réfugièrent en zone libre dans la maison qu'elles louaient depuis plusieurs années dans le village deBilignin à Belley (Ain).
Sur ce point, dans sa récente biographie de Stein, Philippe Blanchon indique qu'en dépit de la recommandation de l'ambassade américaine à ses ressortissants de quitter la France dès le printemps 1940, les deux femmes, se sentant probablement en sécurité du fait de leur amitié avec le royaliste puis pétainisteBernard Faÿ, s'y prirent trop tard pour solliciter des visas de sortie du territoire, ce qui les obligea à rester dans la maison de Belley. Soudainement mises en demeure de la quitter en 1942, elles purent alors grâce à la baronne Pierlot, proche de Paul Claudel, se reloger dans la demeure nommée « Le Colombier » àCuloz (Ain). Le maire Justin Rey les protège et elles ne furent pas inquiétées.
Stein évoque cette période dans ses ouvragesParis France (1941) etLes Guerres que j'ai vues (1947), édités parEdmond Charlot, par ailleurs éditeur deCamus et considéré par lerégime de Vichy comme sympathisant communiste[12].
Charlot sera emprisonné en 1942 à la suite d'une phrase malheureuse prononcée par Gertrude Stein, fière d'être publiée par « un éditeur dynamique et résistant »[13].
Elle eut également une attitude très équivoque, traduisant les discours de Pétain et recevant chez elleBernard Faÿ, collaborateur zélé, qui supposément la protégeait[14],[15].
Dans son article sur la langue française, publié (probablement grâce à Faÿ) dans l'organe pétainisteLa Patrie, Stein est présentée comme « une Américaine établie à Long Island », pour des raisons de sécurité (Blanchon,op. cit.).
Dans sa récente biographie, Blanchon indique que deux semaines avant le départ des troupes allemandes de Paris, laGestapo força la porte de l'appartement et y repéra son contenu en vue d'y revenir le lendemain ; devant ce risque, Katherine Dudley, secrétaire de l'imprimeur qui occupait le rez-de-chaussée de l'immeuble, fit changer les serrures. La propriétaire retrouva sa collection quasiment intacte en décembre 1944.
Riba Rovira peignit le dernier portrait de Stein[16]. Selon lacorrespondance Carl Van Vechten-Gertrude Stein rapportée par Edward Burns, Riba Rovira en a peint plusieurs. Ce dernier visage que lui a donné le peintre est exposé en 2011/2012 dans les expositions à San Francisco, Washington, New York, intituléesThe Stein's Collect: Matisse, Cézanne, Picasso and the others etG. Stein: Five stories[17] où, pendant environ un an, bien des œuvres auxquelles elle avait été associée ainsi qu'avec ses frères ont été présentées.
DansParis est une fête,Ernest Hemingway se souvient que« Miss Stein, était très forte, mais pas très grande, lourdement charpentée comme une paysanne. Elle avait de beaux yeux, et un visage rude de juive allemande, qui aurait aussi bien pu êtrefriulano et elle me faisait penser à quelques paysannes du nord de l'Italie par la façon dont elle était habillée, par son visage expressif, et sa belle chevelure, lourde, vivante, une chevelure d'immigrante, qu'elle relevait en chignon, sans doute depuis le temps où elle était à l'université. Elle parlait sans cesse et surtout des gens et des lieux[18]. »
Son portrait par Picasso[23] (1905-1906) se fit avec beaucoup de difficultés. Près d'une centaine de séances de poses furent nécessaires à Picasso pour saisir la personnalité de Stein. Il trouva la solution en utilisant cette espèce de masque inexpressif, issu de ses travaux proches de l'art ibérique ancien et l'art africain, qui préfigure à la même époque un autre travail majeur :Les Demoiselles d'Avignon (1907). Personne n'aimait ce portrait à l'époque, sauf le peintre et son modèle. À ceux qui s'inquiétaient de la fidélité au modèle de son portrait de Gertrude Stein, Picasso répondait : « Vous verrez, elle finira par lui ressembler »[24],[25].
Le photographeCecil Beaton en fait plusieurs portraits, dont certains avecAlice B. Toklas, son amante[26]. Le photographeMan Ray les photographia ensemble dans le salon de la rue de Fleurus en 1922[27],[28].
Son portrait a également été peint parFélix Vallotton en 1907[29],Francis Picabia en 1933[30] et 1937[31],Pierre Tal Coat en 1934-1935[32], enfinFrancisco Riba Rovira en 1945 ; c'est le dernier peintre pour lequel elle a posé de son vivant. Pour la première fois depuis 1949 il est exposé au public en 2011 puis 2012 lors de l'expositionThe Stein's Collect ; Cezanne, Matisse, Picasso and the Parisian Avant-Garde au Metropolitan Museum of Art of New York.
Une phrase de son autobiographie inspire àTommy Orange le titre de son romanThere There publié en 2018. Il fait le rapprochement entre ce qu'a ressenti Stein en revenant à Oakland, la ville où ces deux écrivains ont grandi à un siècle d'intervalle, qu'elle ne reconnaît pas tant la ville a changé avec les années, et la perte de leur culture pour les amérindiens[36].
Matisse Picasso and Gertrude Stein with Two Shorter Pieces, Paris, Plain Édition, 1933.
Four Saints in Three Acts, an Opera to Be Sung, New York, Random House, 1934.
Portraits and Prayers, Random House, 1934.
Lectures in America, Random House, 1935.
Lectures en Amérique, traduit par Claude Grimal, Paris, Christian Bourgois, 1978 ; rééd., Paris, Christian Bourgois éditeur,coll. « Titres »no 146, 2011.
Narration, University of Chicago Press, 1935.
The Geographical History of America, York, Random House, 1936.
Everybody’s Autobiography, York, Random House, 1937.
Autobiographie de tout le monde, Paris, Le Seuil, 1978.
Paris France, Londres, Batsford, 1940.
Paris France, Edmond Charlot, 1941, traduit de l'américain par May d'Aiguy ; rééd., avec une préface de Chloé Thomas, suivi du texteRaoul Dufy, traduit par Éléonore Bille-de-Mot, Paris, Payot/Rivages,coll. « Rivages poche. Petite Bibliothèque », 2018.
The World is Round, 1939.
What Are Masterpieces, Los Angeles, Conference, 1940.
Le monde est rond, traduit parFrançoise Collin et Pierre Taminiaux, Paris, Tierce, 1984 ; Paris, Le Seuil, 1991 ; esperluète éditions (Noville-sur-Mehaigne, Belgique), 2011 (édition bilingue). Nouvelle traduction par Martin Richet, Paris, Cambourakis, 2019.
Poèmes, Textuel, « L’œil du poète », 1999.
Strophes en méditation, Romainville, Al Dante, 2005.
Flirter au Bon Marché, traduit parJean Pavans, Paris, Phébus, 2008.
Henry James, précédé deShakespeare, par Henry James), traduit parJean Pavans, Paris, Phébus, 2008.
Willie est Willie, Noville-sur-Mehaigne, Belgique, L'Esperluète, 2010.
Lève bas-ventre, traduit par Christophe Lamiot Enos, Paris, Corti, 2013.
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↑Il figure dans le catalogue de l'exposition qui a eu lieu auGrand Palais à Paris jusqu'au 15 janvier 2012, page 349 figure n°41 et dans le catalogueThe Steins Collect; Cezanne, Matisse, Picasso and the others de l'exposition qui a eu lieu auSan Francisco Museum of Modern Art (mai-septembre 2011), page 260, n° 203. Il a été montré de février à juin 2012 auMetropolitan Museum of Art (MET) de New York grâce au critique d'art Edward Burns et à la commissaire Rebecca Rabinow.
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Cécile Debray (dir.), Catalogue de l'expositionCézanne, Matisse, Picasso, l'aventure des Stein au Grand Palais, 2011-2012, Éditions RMN,(ISBN9782711857449)
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