Issue d'une famille de protestantsvaldo-genevois[5] aisée, elle est la fille du ministre des finances de Louis XVIJacques Necker, et deSuzanne Curchod qui tient salon littéraire et lui donne accès à un savoir encyclopédique. Elle épouse, en 1786, le baronErik Magnus Staël von Holstein, ambassadeur du roiGustave III de Suède auprès de la cour de France à Versailles. Le couple se séparera en 1800. Devenue baronne de Staël, elle mène une vie sentimentale agitée et entretient en particulier une relation orageuse avecBenjamin Constant, écrivain ethomme politique franco-vaudois rencontré en 1794.
Entretemps, sa réputation littéraire et intellectuelle s'est affirmée grâce à trois essais philosophiques que sont lesLettres sur les ouvrages et le caractère de Jean-Jacques Rousseau (1788),De l'influence des passions sur le bonheur de l'individu et des nations (1796) etDe la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (1800)[a].
Favorable à laRévolution française et aux idéaux de 1789, elle adopte une position critique dès 1791 et ses idées d'une monarchie constitutionnelle la font considérer comme une opposante gênante par les maîtres de la révolution. Malgré le statut de diplomate de son mari, elle doit se réfugier auprès de son père en Suisse à plusieurs reprises. Interdite de séjour sur le sol français parNapoléon Bonaparte qui la considère comme un obstacle à sa politique, elle s'installe en Suisse dans le château familial deCoppet qui sert de lieu principal de rencontres augroupe du même nom, et d'où elle fait paraîtreDelphine (1802),Corinne ou l'Italie (1807)[6] etDe l'Allemagne (1810/1813[b]).
Grâce à la publication deDe l'Allemagne (1813-14), elle popularise en France les œuvres des auteurs de langue allemande, jusqu'alors relativement méconnues. Elle ouvre ainsi la voie auromantisme français, directement inspiré des premiers romantiques allemands et anglais. Ses œuvres fictionnelles majeures, dans lesquelles elle représente des femmes victimes des contraintes sociales qui les enchaînent, sontDelphine (1802) etCorinne ou l'Italie édité à Londres en 1807 et 1808 parJean-Gabriel Peltier.
Elle meurt en 1817, peu de temps après une attaque deparalysie qui la terrasse au cours d'un bal que donnait le ducDecazes, laissant inachevées sesConsidérations sur les principaux événements de la Révolution française, ouvrage posthume publié en 1818, ainsi que sesDix années d'exil, parues à titre posthume en 1821.
Suzanne Curchod (Madame Jacques Necker), mère de Germaine Necker.
Germaine Necker naît à Paris, dans l'ancienhôtel d'Hallwyll,rue Michel-le-Comte, le. Élevée par sa mèreSuzanne Curchod, fille d'un pasteur calviniste, aux conceptions religieuses dévotes, Germaine reçoit une éducation opposée au système deRousseau, qui considérait que le développement moral devait suivre le perfectionnement des organes de perception,Mme Necker considérant qu'il faut exercer l'intelligence par un afflux précoce d'idées[7]. Elle lui donne une instruction encyclopédique et l'enfant suscite rapidement la curiosité des hôtes de ses parents par l'étendue de son érudition. Son père est le financierJacques Necker qui a fait fortune comme banquier à Paris. Il sera ministre des finances du roi de FranceLouis XVI de 1776 à 1781.
Le goût de la vie sociale parisienne et l'intérêt de sa famille pour la politique la lient cependant davantage à la France. Très jeune, à quatorze ans à peine, elle tient son cercle et sait converser avec les hôtes du salon de sa mère. Elle a appris l'anglais et le latin, l'art de la danse et la musique, la récitation et la diction, est souvent allée au théâtre. Tout fait d'elle une jeune fille différente, par son érudition et sa culture, des jeunes filles de son milieu, élevées de façon plus traditionnelle, qui étonne ses contemporains par la vivacité de son intelligence[8].
Erik de Staël, premier mari de Germaine Necker vers 1782.
Le prestige de son père lui ouvre les portes de ce que l'Europe compte à la fois d'aristocrates et d'intellectuels éclairés. Ses parents ne veulent pas d'un gendre catholique, mais il y a fort peu de protestants dans la noblesse française, et les amis suisses qu'ils fréquentent sont jugés trop provinciaux. Elle rejette inlassablement ses nombreux prétendants :Axel de Fersen, ambassadeur de Suède,Georges-Auguste de Mecklembourg, pourtant beau-frère du roiGeorges III du Royaume-Uni,Louis Marie de Narbonne-Lara, réputé fils naturel de Louis XV[9], qui devient un de ses amants par la suite, et mêmeWilliam Pitt[10], Premier ministre britannique, sont parmi les plus connus.
À dix-neuf ans, obéissant au projet de ses parents, elle se marie avecle baron de Staël-Holstein, ambassadeur de Suède, de dix-sept ans son aîné, en 1786[11]. S'étant porté candidat alors qu'elle n'a que treize ans, il sait attendre, et leur mariage est célébré le dans la chapelle luthérienne de l'ambassade de Suède. Le soir de son mariage, en changeant de nom, elle décide d'utiliser son troisième prénom, devenant Germaine de Staël[12].
L'Ambassade de Suède à l’hôtel de Ségur, devenu hôtel de Salm-Dyck.
Ce mariage arrangé avec un homme de 17 ans son aîné n'est pas un mariage d'amour, pas même un mariage heureux, et la jeune femme cherche ailleurs un bonheur qu'elle n'a pas. Sa vie entière est d'ailleurs une quête perpétuelle d'un bonheur, qu'elle ne trouve guère. Son mari de noblesse immémoriale mais désargenté est parvenu à se faire nommer ambassadeur de Suède auprès de la cour de France, ce qui lui procure une pension confortable de25 000 livres alors que sa femme lui apporte une dot de25 000 livres[13],[14]. La fortune de son épouse permet au diplomate scandinave de mener un train de vie qui rehausse l'éclat de sa patrie aux yeux des Français.
À la suite de sa mère, elle ouvre un salon à l'hôtel de Suède, rue du Bac, en 1795, où elle reçoit les représentants d'une nouvelle génération professant les idées neuves proches des siennes, contemporains de laguerre d'indépendance en Amérique, qui y ont participé parfois –La Fayette,Noailles,Clermont-Tonnerre,Condorcet,François de Pange et les trois hommes qu'elle aime le plus à cette époque :Louis Marie de Narbonne-Lara, sa première grande passion,Mathieu de Montmorency, l'ami de toute sa vie,Talleyrand, le traître à l'amitié. Elle favorisera notamment le retour d'exil aux États-Unis d'Amérique de ce dernier. Ils entretiendront une relation épistolaire fournie tout au long de leur vie.
Le 5 mai 1789, Germaine de Staël assiste à l'ouverture des États généraux à Versailles où elle rencontre le jeune Mathieu de Montmorency.
Voyant dans l'Angleterre la meilleure expression de la liberté, lectrice passionnée deRousseau, marquée par les idées desLumières, elle accueille favorablement laRévolution et, le, assiste à l'ouverture desÉtats généraux. Son père doit démissionner en, contraint de laisser au Trésor royal deux millions de livres qu'il lui avait prêtés, et que sa fille s'efforcera en vain de réclamer toute sa vie. À partir de 1792, la situation devient difficile. Elle déploie une grande énergie dans les dernières semaines de la monarchie s'efforçant de sauver proches et amis. Soutenant l'idée d'une monarchie constitutionnelle, elle se coupe tant des partisans d'une République que des tenants de l'absolutisme, et doit s'exiler, en 1793, en Angleterre, où elle séjourne quelques mois avec les amis qui fréquentaient son salon. Sa vie est par la suite souvent marquée par l'exil.
En Suisse, elle s'éprend deFrançois de Pange, qui a émigré dans des conditions difficiles et qui, devenu imprimeur pour survivre, publiera ses œuvresLa Paix puisZulma. Ami sincère, il se montrera un critique objectif et sévère. En revanche, nature délicate et droite, il ne répond pas aux sentiments passionnés de Germaine. Ayant appris que sa cousineAnne-Louise de Domangeville avait échappé de peu à la guillotine et avait été libérée après lachute de Robespierre, il retourne en France et l'épouse, au grand dam de Germaine. Lorsqu’il meurt, quelques mois plus tard, Anne-Louise de Domangeville se résout, pour faire face à ses créanciers, à convoler pour la troisième fois, suscitant les remarques amères de Germaine de Staël.
Revenue à son tour en France, Germaine publie, en septembre, desRéflexions sur le procès de la Reine, plaidoyer en faveur deMarie-Antoinette à l'adresse des autres femmes[15] où elle dénonce les misères de lacondition féminine. Désormais, elle fait publier elle-même ses œuvres littéraires, rejetant d'une part le merveilleux et l'allégorique des contes, et d'autre part le roman historique et le décor antique, mettant en scène, d'une manière moderne pour l'époque, les caractères et les conditions sociales de son temps.
« Un seul homme de moins et le monde serait en repos[16]. »
Elle est de retour en France pendant leDirectoire, elle parvient à se mettre à dos aussi bien royalistes que jacobins, ces derniers dénonçant l'aide qu'elle apporte aux émigrés et les deux partis étant agacés par la prétention de Germaine et de Benjamin Constant de devenir les mentors de la vie politique parisienne. Lorsque le Directoire envisage d'envahir les cantons suisses, elle s'efforce d'en dissuaderBonaparte, par crainte que la France n’y abroge les droits féodaux dont jouit son père àCoppet.
Elle est fascinée par le jeune général, mais celui-ci répond par une grande froideur à ses avances. Le, Talleyrand lui ménage une entrevue avec Bonaparte, en qui elle voit unlibéral appelé à faire triompher le véritable idéal de la Révolution ; elle le rencontre plusieurs fois par la suite. Impressionnée, elle l'assaille de questions : « — Général, quelle est pour vous la première des femmes ? — Celle qui fait le plus d'enfants, Madame » lui aurait-il répondu. C'est le début d'une longue animosité.
Madame de Staël achève de perdre ses illusions, après lecoup d'État du 18 Brumaire et la promulgation de laConstitution de l'an VIII. Elle devient l'une des pierres angulaires de la résistance contre le régime de plus en plus dictatorial de Bonaparte.Victor Hugo cite Madame de Staël parmi les rares qui ne se sont pas agenouillés devantNapoléon[17]. Beaucoup d'intellectuels doivent opter pour une vie dans la clandestinité, et c'est dans l'interdit qu'elle poursuit son œuvre de philosophie politique. Plutôt que de se réfugier dans le silence, elle publie les romans qui lui valent une grande célébrité, mais ne tardent pas à lui valoir un exil – de Paris d'abord, puis de France.
En, Madame de Staël est chassée de Paris dont elle ne doit pas s'approcher de moins de « quarante lieues »[18]. Avec la publication deDelphine, roman où se mêlent les questions politiques et sociales de son temps, l'anglophilie de l'époque, la supériorité du protestantisme sur le catholicisme, le divorce[19], qui dénonce ouvertement la régression de la condition féminine, malgré la Révolution, les malheurs auxquels leur position dans la famille patriarcale condamne les femmes. Cela n'est pas pour plaire à Napoléon, devenu empereur, à qui on doit unCode civil français qui fait perdre aux femmes certains acquis de la Révolution qu'elles vont mettre plus d'un siècle à recouvrer.
Cela lui vaut, en revanche, un immense succès dans toute l'Europe. La parution de ses œuvres est mentionnée de 1805 jusqu'en 1813 dans l'Ambigu à Londres, dirigé parJean-Gabriel Peltier.— elle subit des critiques, virulentes, attisées par l'hostilité de l'Empereur à son encontre.
Veuve en 1802, elle entretient une longue relation avecBenjamin Constant, rencontré en 1794, qui l'accompagne dans son exil. Vaudois comme elle, il est en définitive issu de la même région et protestant comme elle, mais il aime vivre seulement à Paris. Il ne parvient à se fixer ni auprès d'elle ni ailleurs. Cette liaison, longue et orageuse, est l'une des plus surprenantes qu’ait laissées l'histoire du monde littéraire.« Je n'avais rien vu de pareil au monde », écrit-il. « J'en devins passionnément amoureux. » Dans une copie de l'original duMémorial de Sainte Hélène, retrouvée par Peter Hicks, et en date du,Napoléon cite une lettre de Madame de Staël interceptée par la police impériale :« Benjamin… je suis loin de vous, venez à l'instant… je l'ordonne, je le veux… Je suis à genou, ma fille est à mes côtés. Je vous implore ! Si tu hésites, je la tue, je me donne la mort ; toi seul seras coupable de notre destruction, etc. »[20]. Dès l'apparition des premiers volumes de la version imprimée du Mémorial en 1823, inquiets qu'il en dise un peu trop sur sa vie privée, les héritiers de Madame de Staël firent pression auprès deEmmanuel de Las Cases, si bien que lorsque la lettre sera citée au volume 5[21] le nom de Benjamin sera remplacé par celui de« à son mari, apparemment » et l'allusion à sa fille retirée[22]. Mais la volonté de tout régenter de Madame de Staël, et les tromperies de Benjamin Constant, font qu'ils se séparent après une demande en mariage que Madame de Staël refuse.
Johann Wolfgang von Goethe.
De la fin de l'année 1803 au printemps 1804, Madame de Staël fait avec Benjamin Constant un voyage de plusieurs mois enAllemagne, où elle est reçue dans les cours princières comme un chef d'État. Sur le chemin de l'exil, elle s'arrête plus d'une semaine à Metz, pour y rencontrerCharles de Villers avec qui elle entretenait une importante correspondance, et qui se rendait à Paris[23]. Elle a appris l'allemand auprès du précepteur de ses enfants, ce qui est une curiosité originale à l'époque alors que la plupart de ses contemporains tiennent les États allemands pour des nations arriérées. Elle rencontreSchiller,Goethe et, de façon générale, la majeure partie de l'intelligentsia allemande. Elle y découvre une littérature inconnue en France, qu'elle révèle aux Français dans son ouvrageDe l'Allemagne, où elle dépeint une Allemagne sentimentale et candide, image qui eut une grande influence sur le regard que les Français ont porté sur ce pays durant tout leXIXe siècle. Elle entreprend également un voyage enItalie à la fin de la même année : il faut, dit-elle, avoir « l'esprit européen » ; elle ne cessera, de sa vie, de défendre cette position.
Benjamin Constant s'éprend deJuliette Récamier, dans une passion malheureuse. Son ancienne amante écrit de lui :« Un homme qui n'aime que l'impossible ».
Le château de Coppet.
En 1805, de retour auchâteau de Coppet[18], le seul endroit où elle peut vivre dans l'Europe napoléonienne, elle y commenceCorinne ou l'Italie, roman dans lequel l'héroïne, à la recherche de son indépendance, meurt de cette recherche. Elle s'inspire du défuntFrançois de Pange pour créer le personnage d'Oswald. En ce lieu, elle reçoit également nombre de personnalités et d'intellectuels européens gravitant autour duGroupe de Coppet.
Elle se remarie, en 1811, avecAlbert de Rocca, jeune officier d'origine suisse, de 22 ans son cadet, dont elle a un fils.
Albert Jean Michel Rocca, deuxième mari de Germaine de Staël.
À la parution deDe l'Allemagne, en 1810, où elle appelle explicitement à l'unité allemande, l'ouvrage est immédiatement saisi et mis au pilon[18] sur ordre de Napoléon. Cela marque pour Madame de Staël le début des années d'exil. Le, le ministre de la Police,Savary, duc de Rovigo, lui envoie un courrier :« Votre dernier ouvrage n’est point français. Il m’a paru que l’air de ce pays-ci ne vous convenait point, et nous n’en sommes pas encore réduits à chercher des modèles dans les peuples que vous admirez »[24]. L'assignant à résidence dans son château deCoppet, l'Empereur la fait espionner sans trêve, lui interdisant toute publication et punissant d'exil toutes les personnes ayant souhaité adoucir ses souffrances en lui rendant visite, parmi lesquelles Juliette Récamier. En, elle quitte Coppet avec ses deux enfants et son époux, Albert de Rocca. Espérant rallier l'Angleterre, elle est contrainte de passer par laRussie et séjourne àSaint-Pétersbourg. Là, elle prend des notes pour le futurDe la Russie et des royaumes du Nord — les futuresDix années d'exil.
Charles XIV Jean de Suède.
Elle rencontre aussi à Saint-Pétersbourg lebaron vom Stein, fervent opposant de Napoléon. Elle parvient enfin à se réfugier àStockholm, auprès deBernadotte, devenu prince héritier du trône de Suède, où elle devient l'inspiratrice d'une alliance anti-napoléonienne, acquérant ainsi une stature politique plus marquée.
Le 12 juillet 1813, son fils Albert, qu'elle a eu du généralLouis Marie de Narbonne-Lara, est tué en duel à 21 ans en Suède[25], où il était aide de camp du général Bernadotte. La même année, elle se rend en Angleterre, et rencontre à Londres le futurLouis XVIII, en qui elle souhaite voir un souverain capable de réaliser la monarchie constitutionnelle.
Elle rentre en France au printemps 1814, après avoir publié outre-MancheSapho, où reparaît le thème de la femme géniale et incomprise qui finit par mourir de douleur et d'amour, ainsi que sesRéflexions sur le suicide.
De retour à Paris, Germaine de Staël reçoit rois, ministres et généraux. Madame de Staël se démarque par une réelle ambition politique ; combative et passée à l'opposition, elle est une propagandiste très active. Durant le premier exil de Napoléon, bien qu'alliée avec circonspection aux Bourbons[26], elle fait prévenir l'empereur d'une tentative d'assassinat[27], et celui-ci, pour la rallier à sa cause, lui fait promettre le remboursement d'une somme jadis prêtée par son père au trésor[28]. Cette thèse est vue différemment par l'historienJean Tulard. En effet Madame de Staël aurait offert ses services à l'Empereur en échange de deux millions de francs. Elle était disposée àlui offrir sa plume et ses principes. Napoléon répondit qu'il n'était pas assez riche pour les payer tout ce prix[29].
Affligée, depuis quelque temps, d’un gonflement œdémateux des jambes, elle consulte, à son retour à Paris, leDr Portal, son médecin depuis l’enfance, ainsi que celui de son père[30]. Celui-ci constate, outre l’aggravation de l’œdème, que son teint, naturellement sombre, est devenu encore plus sombre, que ses yeux ont même pris une couleur jaune et que sa digestion était douloureuse[30].
Éprouvant une grande agitation et un manque de sommeil, elle avait longtemps été incapable de les soulager à l’aide d’un ou plusieurs grains d’opium, qu’elle prenait tous les soirs[30]. L’ennui qui la consumait en Suisse l’a amenée à trop user de l’opium, qui soutenait son génie[31], mais dont elle a fini par devenir dépendante[32].
Elle est inhumée conformément à ses vœux auprès de ses parents dans la chapelle funéraire qu'avait fait édifier sa mère, fille d'un pasteur vaudois, en 1793-1794 (architecte Jean-Pierre Noblet, marbrier Jean-François Doret) à peu de distance du château de Coppet[33].
L'histoire littéraire laisse d'elle l'image d'une femme curieuse de tout, à la conversation brillante et aux écrits avant-gardistes. Car Germaine de Staël est une pionnière dans bien des domaines, ayant touché dans ses écrits tant à l'histoire qu'à la théorie littéraire, en passant par le roman. Si on lui doit notamment (ainsi qu'àChateaubriand) l'introduction du romantisme en littérature française, c'est également elle qui popularise en France le terme de « romantisme »[34], introduit parPierre Le Tourneur[35], et celui de « littérature », qui se substitue dès lors à celui de « belles-lettres », achevant de consacrer l'émancipation de la littérature vis-à-vis des sciences normatives notamment. Dans ses romans, elle présente les femmes comme les victimes des contraintes sociales les empêchant d'affirmer leur personnalité, et ne pouvant vivre de leur talent qu'au prix de la renonciation à l'amour. Elle revendique le droit au bonheur pour toutes, et pour elle-même. Cette revendication de droit au bonheur (qui se confondait avec le droit d'aimer) sera reprise, bien que sous des modalités différentes, parGeorge Sand. Égérie, par sa place centrale dans le Groupe de Coppet, d'un cosmopolitisme en avance sur son temps, Germaine de Staël est une femme moderne dans une Europe qu'elle parcourt en tous sens et décrit abondamment. La première édition d'œuvres complètes est publiée par son fils dans la maisonTreuttel et Würtz, 1820-1821[36].
À Paris, sa mémoire est honorée par unerue et unestatue, donnant sur lejardin du côté sud de l'hôtel de ville. AGenève, une rue porte son nom depuis le, laRue Madame-De-Staël[37]. LaBibliothèque de Genève possède unbuste de Germaine de Staël, ce qui fait d'elle une des rares femmes à avoir été portraiturée de cette manière à Genève auXIXe siècle[38].
Réflexions sur la paix adressées à M. Pitt et aux Français, 1795,lire en ligne surGallica.
Réflexions sur la paix intérieure.
Recueil de morceaux détachés (comprenant :Épître au malheur ou Adèle et Édouard,Essai sur les fictions et trois nouvelles :Mirza ou lettre d'un voyageur,Adélaïde et Théodore etHistoire de Pauline), 1795.
De l'influence des passions sur le bonheur des individus et des nations, 1796,lire en ligne surGallica.
Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution et des principes qui doivent fonder la République en France.
De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, 1800,lire en ligne surGallica.
Le Capitaine Kernadec ou sept années en un jour (comédie en deux actes et en prose).
La Signora Fantastici.
Le Mannequin, comédie.
Sapho, 1811.
De l'Allemagne, publié à Londres en 1813 et à Paris en 1814, André Lagarde, Laurent Michard,XIXe siècle (Les Grands auteurs du programme français - Anthologie et histoire littéraire), Paris, Bordas, 1985,p. 13.
Mémoires sur la vie privée de mon père, suivis des Mélanges de M. Necker (posthume), 1818, Paris & Londres, 373 pages,lire en ligne ;
Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, depuis son origine jusques et compris le, ouvrage posthume publié par M. le duc de Broglie et M. le baron de Staël, 1818, 3 volumes, Paris,tome premier,tome second,tome troisième ;
Lettres de Madame de Staël à Madame de Récamier (première édition intégrale, présentées et annotées parEmmanuel Beau de Loménie), Paris, éditions Domat,
Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution ;
Considérations sur la Révolution française ;
Dix années d'exil ;
Madame de Staël ou l'intelligence politique. Sa pensée, ses amis, ses amants, ses ennemis… (textes de présentation et de liaison deMichel Aubouin), Omnibus,, 576 p.(ISBN978-2-258-14267-1)
Lettres de Mme de Staël, extraits de ses textes politiques et de ses romans, textes et extraits de lettres de Chateaubriand, Talleyrand, Napoléon, Benjamin Constant…
↑Dans l'essaiDe la littérature…, elle présenteOssian comme « l'Homère du Nord ».
↑Mais en octobre 1810, la censure ayant été renforcée en France napoléonienne,De l'Allemagne est envoyé au pilon avant sa parution. Un jeu d'épreuves est sauvé par A.W. Schlegel et mis en sûreté à Vienne en mai 1811, tandis que Madame de Staël commence lesDix années d'exil.De l'Allemagne paraît en français à Londres en 1813. Voir la « Chronologie » de Simone Balayé dans Madame de Staël,De l'Allemagne, Paris,GF-Flammarion, 1968.
↑EnzoNeppi,« Corinne ou l’Italie de Germaine de Staël. Les impasses de la rencontre culturelle et amoureuse entre les "nations" dans l’Europe du XIXe siècle », dansLa pensée de la race en Italie, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté,(ISBN978-2-84867-621-0,DOI10.4000/books.pufc.5153,lire en ligne),p. 23-38
↑« Notice sur le caractère et les écrits de Madame de Staël »,Œuvres complètes de Madame la baronne de Staël-Holstein, Paris, Firmin Didot frères, 1836, tome 2,p. 5.
↑Béatrix d'Andlau,La Jeunesse de Madame de Staël (de 1766 à 1786),Librairie Droz,, 165 p.
↑Annales historiques de la révolution française : organe de la Société des études robespierristes, Firmin-Didot & Cie,(lire en ligne), « 247 à 250 »,p. 308.
↑Jean Serruys,De Colbert au Marché commun : la princesse de Chalais, les Talleyrand et quelques autres, Paris, Émile-Paul,, 305 p.(OCLC977237476,lire en ligne),p. 154.
↑Voir l'avertissement desRéflexions dans le volume desŒuvres de Madame la baronne de Staël-Holstein, Paris, Lefèvre,(lire en ligne),p. 50-51.
↑Las Cases et al., Le Mémorial de Sainte-Hélène, le manuscrit retrouvé, 2022, p. 732(ISBN978-2-262-09642-7)
↑Emmanuel Las Cases,Mémorial de Sainte-Hélène, ou, Journal où se trouve consigné, jour par jour, ce qu'a dit et fait, l'auteur,, 463 p.(lire en ligne),p. 312
↑Las Cases et al., Le Mémorial de Sainte-Hélène, le manuscrit retrouvé, 2022, p. 892,(ISBN978-2-262-09642-7)
↑Monique Bernard, "Une rencontre historique. Charles de Villers et Germaine de Stael à Metz en 1803", inLes Cahiers lorrains, 1-2, 2018, p.. 61-71
Enzo Neppi,« Corinne ou l’Italie de Germaine de Staël. Les impasses de la rencontre culturelle et amoureuse entre les « nations » dans l’Europe du XIXe siècle », dans Aurélien Aramini et Elena Bovo (dir.),La pensée de la race en Italie : Du romantisme au fascisme, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté,(ISBN978-2-84867-621-0,DOI10.4000/books.pufc.5153,lire en ligne),p. 23-38.
Winfried Wehle, « Trauma et Éruption : La Littérature comme mise en scène de l'inconscient. Réflexions surCorinne ou l’Italie de Madame de Staël »,Revue d'histoire littéraire de la France : revue trimestrielle,no 110,,p. 35-64(lire en ligne[PDF]).