Elle est choquée par la discrimination contre les Juifs, notant dans son journal enmai1941 : « Ceux qui devraient être éveillés sont ceux qui endorment les autres[6] », puis au mois dejuin1941 : « L'Église, la hiérarchie, demeurent silencieuses. Elles laissent la vérité être profanée[7] ». Enmai1941, Germaine Ribière est présente lors de l'arrestation de Juifs dans leMarais, le quartier juif de Paris également connu sous son surnom dePletzl, « petite place » enyiddish)[8].
« Aux Cahiers du témoignage Chrétien fondés et dirigés par le père Chaillet, j'étais celle que l’on a coutume de nommer "le bras droit". Entre autres responsabilités, j’avais celle de l’organisation du service social, qui comprenait aussi le camouflage des enfants juifs. Une amie Marcelle Deschamps, étudiante en médecine était chargée de lafabrication des faux papiers. Nous habitions ensemble 114 rue du Bac, un appartement au troisième étage, qui servait de PC aux Cahiers du Témoignage chrétien. Voici l’aide que nous avons apportée au père Devaux : nous lui avons fourni les faux papiers dont il avait besoin pour les enfants ainsi que les accompagnatrices qui devaient les conduire là où on acceptait de les recevoir »[11]
Lors des rafles enZone libre, enHaute-Vienne,Creuse etIndre, le et en septembre 1942, Germaine Ribière et le pasteur Chaudier deLimoges procurent des cachettes[12] dans des familles non juives[13], pour des enfants des lieux d'accueil de l'OSE duMasgelier et deChabannes. Le médecin de cette organisation,Gaston Lévy, appelle Germaine Ribière « notre héroïne des temps de détresse »[14].
Le, l’OSE, lesÉclaireurs israélites de France, les Amitiés chrétiennes et plusieurs autres organisations humanitaires participent à la commission de « criblage » des 1200 juifs de la région lyonnaise arrêtés lors des rafles de l’été 1942 et internés aucamp de Vénissieux[15]. La commission parvint à sauver momentanément 160 adultes, dont 80 sont à nouveau interpellés le lendemain, puis 108 enfants. Cet évènement tragique est connu sous le nom de « nuit de Vénissieux ». Les organisations refusent de rendre les enfants malgré les ordres donnés par Vichy au préfet régional Angéli de « ne pas séparer les familles ». Ils sont dispersés avec de faux papiers dans des institutions catholiques, sous la surveillance de l’OSE[15],[16],[17].
Germaine Ribière était en relation avec des amiesjécistes,Hélène Durand etConstance de Saint-Seine, qui secondaient àPoitiers, lepère Fleury dans son assistance apportée aux familles juives[18]. Elle leur fournissait du matériel (carte vierges, tampons, etc.) afin de confectionner de faux papiers. Il lui arrivait également d’accompagner jusqu’à Poitiers, des enfants juifs qui lui étaient confiés pour être cachés dans des familles catholiques.
Germaine Ribière se charge de fournir des faux-papiers à ceux qui en ont besoin et de fournir à des résistantes du matériel pour en fabriquer. Elle est aidée dans cette tâche par le dessinateurJean Stetten-Bernard[19],[4].
Le, « Amitié chrétienne » tient une réunion d'urgence au domicile du pasteur protestant suisseRoland de Pury, à Lyon, afin de trouver le moyen de prévenir les Juifs venant se faire établir des faux papiers que les bureaux de l'UGIF, rue Sainte-Catherine, étaient surveillés par la Gestapo. La solution trouvée fut que Germaine Ribière se ferait passer dès le lendemain matin pour une femme de ménage nettoyant les escaliers et avertirait ceux-ci de ne pas entrer dans l'immeuble[14],[20].
Germaine Ribière intervient également pour faire fabriquer une fausse carte d'identité pour Jean-Marie Soutou[21], grand animateur de la résistance catholique (Amitiés judéo-chrétiennes), incarcéré à laprison Montluc deLyon durant trois semaines[22]. Le document lui est transmis dans un stylo, et il réussit à gagner la Suisse[14].
« Elle avait réussi à se faire admettre dans le train de déportés quittantNexon[Note 3] comme infirmière convoyeuse. En accompagnant ces pauvres gens jusqu'à la ligne de démarcation elle ne se contentait pas d'être pour eux un soutien moral et de prodiguer quelques soins à ceux qui se sentaient mal au milieu de ces convois tragiques, mais elle rapporta de ce voyage de multiples renseignements utiles, indications et adresses que les gens avaient données, relatives à ceux, vieillards, enfants, malades, qu'ils laissaient derrière eux[14]. »
Son activité à Limoges limite le nombre d'arrestations effectives (environ 100, au lieu des 1 200 prévues)[4]. Elle aide égalementAntoinette Feuerwerker, en prenant en charge l'évacuation de jeunes gens recherchés par l'autorité occupante[23]. Tout comme Feuerwerker, elle fait partie du mouvementCombat, dont elle est agent de liaison enLimousin[24].
Robert et Gérald Finaly, deux enfants juifs, sont cachés sous l’Occupation par un réseau catholique, dont Antoinette Brun est membre. La guerre finie, Brun continue à cacher les enfants, et refuse de les rendre aux membres survivants de leur famille ; elle les fait baptiser en1948[25]. Les enfants sont alors soustraits à la justice via des réseaux catholiques qui tentent d'empêcher leur restitution à leur famille, et qui leur font passer la frontière franco-espagnole. Germaine Ribière, qui a la confiance à la fois de la communauté juive et del'Église catholique romaine, sert d'intermédiaire à partir de 1953, aidant à la recherche des enfants et à leur restitution finale[26],[25],[27].Pierre Pierrard écrit: "C'est au grand rabbinJacob Kaplan et à Germaine Ribière qu'on doit, en 1953, l'issue heureuse de l'affaire Finaly qui, un temps, empoisonna les relations entre l'Eglise catholique et la communauté juive"[28].
: à Lyon, Germaine Ribière informe le cardinalPierre Gerlier que les enfants Finaly sont détenus par des Basques.
: laCour de Cassation ayant décidé que les enfants Finaly devaient être rendus à leur famille juive, 48 heures plus tard, Germaine Ribière fait son dernier voyage enEspagne, pour les retrouver[29]. Les enfants Finaly sont conduits au Consulat de France àSaint-Sébastien, en Espagne, le. Germaine Ribière les ramène enFrance, accompagnés à travers la France par une escorte motocycliste, dans la propriété du banquier André Weil, près deSenlis, dans l'Oise, où ils rencontrent leur tante paternelle et gardienne légale, Hedwige Rosner[29].
Peu après laGuerre de Kippour, elle crée leComité chrétien pour Israël afin d’apporter une aide aux enfants dans le besoin enIsraël[30]. Elle est aussi présidente duFront commun pour Israël[31].
Germaine Ribière. In:Églises et chrétiens dans la Deuxième Guerre mondiale. La Région Rhône-Alpes. Actes du colloque de Grenoble. PUL: Lyon, 1978. [Cité par Grynberg,1999,p. 184, en note].
Une enfance volée : l'affaire Finaly, réalisé parFabrice Genestal ; le rôle de Germaine Ribière est tenu parDelphine Chuillot. Madeleine Comte, du site Chrétiens dans l'Enseignement Public, critique la description donnée de Ribière :« Germaine Ribière n’était pas la petite jeune fille docile du film mais une femme au caractère bien trempé, qui d’emblée s’est battue pour la remise des enfants[34] ».
LedocumentaireL'Affaire Finaly, le documentaire deDavid Korn-Brzoza, a également été diffusé parFrance 2, le. Écrit parNoël Mamère, Alain Moreau et David Korn-Brzoza, il a été produit par la société de production Program 33 pourFrance 3.
(en)Gerda Bikales,« Getting To Know Germaine », dans Yitta Halberstam & Judith Leventhal,Small Miracles of the Holocaust : Extraordinary Coincidences of Faith, Hope, and Survival, Guilford, Connecticut, The Lyons Press,(ISBN978-1-59921-407-8),p. 194-197.
Claude Penin.Germaine Ribière (1917-1999). Une figure majeure de la Résistance chrétienne. Presses universitaires de Limoges,2023.(ISBN9782842878672)
Maurice Lugassy, Enguerrand Serrurier (dir.),Les hérauts de la Résistance catholique. Quatre-vingts ans après la Lettre de Mgr Saliège, Paris, Cerf, 2024, 440 p.
↑Citée quasi universellement commeGermaine Ribière, certaines de ses interventions dans la dernière partie de sa vie sont signéesGermaine Anne Ribière.
↑L'Amitié chrétienne fut établie àLyon en1941, dans le but d'aider les juifs et autres victimes soumis aux décrets de Vichy et de l'occupant, associant des catholiques et des protestants.
↑Céline Marrot-Fellag Ariouet,Les enfants cachés pendant la Seconde Guerre mondiale aux sources d'une histoire clandestine, Université de Versailles et Saint-Quentin en Yvelines,(lire en ligne),chap. III (« Juifs et chrétiens »)
↑« Le Sauvetage des Enfants Cachés durant la Dernière Guerre »,Association des professeurs d'histoire et de géographie,(lire en ligne)
Intervention de Betty Saville
↑Céline Marrot-Fellag Ariouet,Les enfants cachés pendant la Seconde Guerre mondiale aux sources d'une histoire clandestine, Université de Versailles et Saint-Quentin en Yvelines,(lire en ligne),chap. III (« Juifs et chrétiens »)
↑« La Poste rend hommage à Germaine Ribière »,Le Populaire du Centre,(lire en ligne)
↑Martial Codet-Boisse, « Germaine Ribière. Un timbre en hommage à une "Juste parmi les Nations" »,France info Aquitaine/Haute-Vienne/Limoges,(lire en ligne).