Georges-René Pléville Le Pelley descend d'une très ancienne famille de la bourgeoisie granvillaise, qui avait jadis gagné dans les armements maritimes une fortune considérable[Note 3] et sera anoblie en 1816[4],[5]. Son père[1], Hervé Le Pelley (1699-1739)[6],[Note 4], sieur de Pléville, capitaine de navire est le fils de Jacques Le Pelley (1658-1726), sieur du Manoir. Sa mère[1], Jeanne Julienne Belliard du Saussey est la fille de Georges Belliard, sieur du Saussey dans la paroisse deLingreville.
La théorie selon laquelle il aurait fui du collège de Coutances pour s'embarquer sur un navire, contre l'avis de sa famille, est une légende[7],[Note 5]. Il poursuit en effet de bonnes études classiques et son oncle, René Pierre Le Pelley du Manoir, curé deGranville, l'aurait volontiers vu entrer dans les ordres, alors que le jeune garçon ne rêvait que de navigation[Note 6].
Son père meurt le[6],[Note 7] et le même mois Georges-René, presque âgé de treize ans, part en qualité de volontaire sur le navirele Comte-de-Thorigny, armé parThomas Couraye du Parc et commandé par Jacques Caillouet, tous deux des parents, à destination deGaspé pour la pêche à lamorue. Il sera inscrit comme mousse sur le rôle de l'équipage[8],[Note 6]. Les conditions de vie sont si rudes[Note 8] que le jeune mousse sera remarqué par MM. Dry et Clément, armateur et capitaine duClément qui le prendront à leur bord[9],[Note 9] pour un retour sur La Rochelle et Granville (désarmement le)[10].
« À son retour, on lui parle du séminaire. « La mer et rien d'autre » répond-il[11]. » On le laisse libre, il a treize ans. Il embarque auHavre en comme enseigne[Note 10] surla Ville-de-Québec, capitaine Haudet, pour Québec. Pour avoir pris la défense d'un jeune mousse[Note 11], il est frappé et mis aux arrêts.
Sa fierté n'accepte pas une telle punition. Lors d'une relâche à Pointe-Penouille (havre de Gaspé) à l'embouchure du Saint Laurent, il trompe un soir la surveillance dont il est l'objet et s'enfonce le dans la forêt. Il erre pendant cinquante-cinq jours en longeant leSaint-Laurent pour rejoindreQuébec. Pour s'orienter, le gamin n'a que le soleil ; pour se nourrir les fruits et les herbes de la forêt[Note 12]. Le55e jour, il arrive à une chaumière, frappe à la porte et tombe évanoui[Note 12]. C'est une famille de braves canadiens, la famille Dubuisson, qui le recueillent pendant deux mois et le soignent comme un fils[Note 13].
Le, pour échapper au capitaine Haudet, il embarque sous le nom de Duvivier[Note 14] comme matelot sur une goélette, capitaine Guyon deHonfleur, à destination de l'Amérique[9]. Il débarque auCap-Français puis s'engage sur unflibustier faisant contrebande[Note 15] sur Porte-Rico, Carthagène ou dans le golfe du Mexique et qui désarme au Cap en.
C'est sur leVictor-Amédée, du Havre de Grâce, capitaine Coignel que le patron de canot[12],[Note 16] Duvivier reprend la mer en pour l'Europe. Début avril, aux abords de la Manche,Le Victor-Amédée croise un navire granvillais, Duvivier est reconnu par le capitaine Clément et par son oncle Mulot du Rivage qui le croyaient mort[Note 17], il débarque au Havre le[9],[Note 15]. Il repart ensuite le pour l'Amérique, embarqué comme lieutenant[12] surle Fleury, commandé par son oncle Tilly Le Pelley[Note 18].
Revenu au mois de, il suit à Caen des cours de mathématiques et d'hydrographie. Il est reçu garde de la Marine mais doit renoncer à l'école royale de la Marine, faute de revenus suffisants[9]. Quand éclate la guerre avec l'Angleterre, il accourt au Havre en 1744 et s'engage sur un corsaire havrais de six canons, capitaine Vincent[Note 19]. C'est là qu'il reçoit le baptême du feu. Il monte à l'abordage, est blessé d'un coup de sabre au bras, et en donne beaucoup d'autres[12].
En juin, de retour à Granville, il est premier lieutenant surla Françoise-du-Lac[13],[Note 19], corsaire de 30 tonneaux, 6 canons et soixante hommes, goélette armée par Gille Vasse et commandée par Martin Poittevin. Près d'Ouessant, le corsaire granvillais ne peut éviter le combat inégal contre deux navires anglais mieux armés. Le combat durera 6 heures, Le Pelley, blessé par la mitraille au bras et à la cuisse gauche, est touché par un boulet ramé qui lui coupe la jambe droite[12],[Note 19] ; il a tout juste dix-huit ans.
Emmené à Falmouth, prisonnier, hospitalisé puis hébergé par un couple d'Anglais, il ne retrouvera Granville qu'au début de 1745 et, à la fin de l'année, il est parfaitement habitué à sa jambe de bois.M. Letourneur, lecommissaire de la marine de Granville lui obtient une pension d'invalide de 180 livres par an, mais Pléville n'est pas d'un caractère à rester inactif[12].
Il repart en course en août 1745, comme lieutenant de frégate surL’Argonaute commandé par Tilly Le Pelley[Note 20], son oncle. Le but de la campagne est d'aller avec l'escadre deM. de Salvert, au secours deLouisbourg, mais la place est tombée aux mains de l'ennemi et l'escadre revient sans dépasserTerre-Neuve. Pléville passe ensuite au mois d'avril de l'année suivante, toujours sous les ordres de son oncle, sur le vaisseauLe Mercure[Note 20] qui fait partie de l'escadre envoyée en1746, sous les ordres duduc d'Anville, pour reprendre leCap-Breton[12],[14].
L'escadre est attaquée à son retour deChibouctou par l'amiral Anson. Dans le combat unboulet emporte lajambe de bois de Pléville Le Pelley : « Le boulet s'est trompé, il n'a donné de l'ouvrage qu'au charpentier »[14],[Note 20]. Le vaisseau est capturé, l'équipage emmené à Plymouth, mais deux mois après Pléville est de retour à Granville[12].
On est au printemps de 1747. L'armement descorsaires est dans toute son activité etM. Léonor Couraye du Parc termine les préparatifs de sa superbe frégate,l'Aimable Grenot[15]. Au cours de sa première campagnel'Aimable Grenot (40 canons, 400 hommes d'équipage) fait relâche à Granville fin et embarque 9 hommes d'équipage en supplément dont Pléville comme lieutenant avec comme enseigne[Note 10] son jeune cousin Louis Pierre Etienne[16] âgé de 13 ans. La frégate croise dans la Manche et en quelques combats capture huit beaux navires anglais dont la vente produit de copieux dividendes. Pléville touche pour sa part2 400 livres : jamais il n'a rêvé pareille fortune[12] !
Il est bien moins heureux à la fin de l'année 1747 dans sa campagne sur leComte de Noailles où il est officier en second. Ce corsaire est capturé dès le début de la course et Pléville se retrouve de nouveau prisonnier sur parole àTavistock en Angleterre. Les échanges tardant à se faire, Pléville reprend sa parole et se fait mettre en prison. Quelques jours après, il trouve moyen d'escalader le mur, échappe, malgré sa jambe de bois, à la garde qui le poursuit et parvient, sans être vu, à se réfugier chez un tailleur français. La nuit suivante il prend la mer et ne tarde pas à arriver à Granville[12].
Lapaix est signée en 1748. Pléville prend alors le commandement de plusieurs navires de commerce. Observateur attentif, travailleur consciencieux, il devient fort instruit dans tout ce qui regarde son métier et les phénomènes atmosphériques n'ont presque plus de secrets pour lui. Il pousse si loin le goût de l'étude qu'il emploie ses loisirs à faire de Ouessant à Cherbourg les sondages que les ingénieurs n'ont pu mener à bien avec assez d'exactitude[12].
Un jour il passe pour perdu : un ouragan qui a fait de nombreuses victimes pendant l'automne de 1751, le sépare des navires avec lesquels il rentrait au port. On est sans nouvelles de lui et les matelots affirment avoir vu sur la côte de Cancale les épaves de son navire. Certains même témoignent, par écrit, avoir trouvé sur la grève son cadavre et l'avoir enterré. Pléville, pendant ce temps, fait en Angleterre un fructueux négoce et fait gagner 300 pour 100 à son armateur sans frustrer personne et peu de temps après il rentre tout joyeux à Granville[12].
Sa réputation lui fait confier quelques mois plus tard, en 1752 par l'armateurThomas Hamel Grandpré, le commandement du plus beau navire de Granville,le Brillant, de 500 tonneaux et de 140 hommes d'équipage bien qu'il soit le plus jeune de tous les capitaines du pays. Il va pendant quatre ans àTerre-Neuve, en Méditerranée, aux Antilles[12],[17].
En 1756, lemaréchal de Richelieu a besoin des navires du commerce pour l’expédition de Minorque. Pléville est délégué par les capitaines pour discuter leurs intérêts avec l'intendant, puis il prend part avecle Brillant au transport des troupes de l'expédition. L'amiral remarque la précision des manœuvres de ce navire, envoie ses compliments au capitaine etle Brillant est désigné pour aller chercher l'artillerie à Toulon et la débarquer, au fond d'une anse, en passant sous le feu du fort Malborough. Pléville remplit sa mission avec précision, mais son navire est criblé de boulets[12].
Il sert pourtant encore l'année suivante pour l'expédition deCorse car le maréchal veut garder Pléville et le charger du commandement dugolfe de Juan où se trouvent les gros transports. Une frégate anglaise vient pour les attaquer pendant la nuit ;le Brillant, malgré l'infériorité de son artillerie, s'avance à sa rencontre, la canonne et la force à la retraite[12].
Georges Pléville Le Pelley se marie[18] le1757 àMarseille à trente-et-un ans avec Marie Ursule de Rambaud, fille de Jean qui est à la fois corsaire etarmateur corsaire marseillais et négociant avec l'outre-mer. Le couple aura trois enfants[19]
Les armateurs de Granville et de Saint-Malo auraient désiré lui confier leurs meilleurs corsaires et lui font des offres séduisantes. Mais Pléville vient d'avoir un fils et préfère commander un bateau ayant Marseille pour port d'attache. Il choisitle Colibri, trois-mâts armé en guerre et marchandises qui porte douze canons. L'équipage est étranger, car tous les français sont à ce moment au service du roi, mais le capitaine sait si bien le tenir en main et l'aguerrir, qu'en peu de temps il capture huit navires ennemis parmi lesquels unmarchand de boulets qui ne se rend qu'après un combat acharné[12].
LeColibri accompagne ensuite en1758La Clue-Sabran qui doit se rendre aux Antilles et le choisit pour éclairer la marche de la division. Comme on ignore la force de l'ennemi dans le détroit, Pléville a l'audace d'aller louvoyer dans la rade même de Gibraltar sous le canon de 14 vaisseaux et rapporte des informations qui sauvent l'escadre[12].
À son retour le général reconnaissant, lui obtient le brevet provisoire de lieutenant de frégate et le commandement d'un petit bâtiment de la marine royalel'Hirondelle. Ce brigantin armé de 14 pièces de 6 n'est pas de force imposante mais son capitaine est de taille à en tirer le meilleur parti. Après l'avoir fait modifier pour en faire un marcheur de premier ordre, il met à la voile vers la fin de novembre. Dès le lendemain deux navires ennemis tombent entre ses mains. Il les conduit àAlicante et mouille dans le port, non loin d'un bâtiment anglais de 24 canons, battant guidon rouge[12].
Invité par le consul, il rencontre le capitaine d'un troisième navire anglais.« Vous avez pris mes compatriotes » lui dit celui-ci,« mais si je vous avais rencontré, c'est moi qui vous aurais pris ».« Cela se peut » lui répond tranquillement Pléville Le Pelley,« buvons à nos santés ». Quelques mois plus tard, revenant des Antilles en escortant des bateaux de Marseille, il aperçoit un navire ennemi, fonce dessus et le prend. Le capitaine vaincu monte à bord. C'était celui qui, à Alicante, avait promis de lui faire baisser pavillon. Pléville ne bronche pas, le fait asseoir et lui versant à boire :« Buvons encore à nos santés » dit-il[17].
Après une fructueuse campagne aux Antilles,l'Hirondelle a touché Toulon puis veut franchir de nouveau Gibraltar le quand trois corsaires anglais de laCompagnie anglaise des Indes[14] se mettent en travers pour lui barrer la route. Pléville n'a que ses 14 petites pièces à opposer à leurs 44 canons. Il les attaque néanmoins les uns après les autres, en faisant pointer ses canonniersà démâter. Durant le combat, par un curieux hasard, un boulet vient encore lui enlever sa jambe de bois.« C'est la troisième fois que je perds la même jambe » dit-il en riant[14],[17]. Au bout d'une heure les trois anglais se rendent. Cette capture couronne une campagne dontle commandant del'Hirondelle peut être fier, car il a fait, depuis sa sortie de Toulon, 32 prises et près de 1 500 prisonniers[12].
On finit par comprendre en haut lieu que ce simple capitaine du commerce, qui sert avec tant d'ardeur depuis vingt-cinq ans, mérite quelques égards et l'on croit faire beaucoup pour lui en lui accordant, le, le grade de lieutenant de frégate et la place de second sur lechebec du roi,le Renard[20].
L'année suivante, François Louis de Salignac, marquis de Fénélon,gouverneur de la Martinique qui a pu l'apprécier, le fait nommer auprès de lui comme capitaine de port[Note 21]. Aussitôt arrivé à la Martinique, Pléville se rend compte des besoins de la marine. Il y a de quoi, en vérité, exercer son activité et ses talents d'administrateur ; car tout semble à faire[20].
Le bassin deFort-Royal est comblé par onze navires marchands que les Anglais y ont coulés pendant leur occupation de l'île[Note 22]. Malgré le peu de moyens dont il dispose, le nouveau capitaine parvient à le dégager complètement. En peu de temps il dessèche le marécage, construit des quais, établit le poste. Toujours désintéressé, il croit devoir supprimer, à son détriment, la redevance que payaient les navires en entrant à Fort-Royal et qui avait été jusque-là le bénéfice du capitaine de port. Il rédige un traité sur lamâture ; les cartes étant défectueuses, il fait des sondages dans toutes lesAntilles et lève le plan de toutes les rades[20],[21].
Chargé en même temps de se procurer le croquis dufort Saint-Christophe, au risque de se faire pendre comme espion par les Anglais, il réussit, en se rendant la nuit dans cette île, à en dresser un plan détaillé qui sert plus tard aux troupes dugouverneur de Bouillé. Par malheur, un matin ayant manqué son embarquement, il doit passer toute la journée caché dans un plan de cannes à sucre sous un soleil de plomb et frappé de congestion, il manque de mourir. L'administration doit l'envoyer en congé en France pour lui permettre de se rétablir. Son congé expiré, Pléville, dont le marquis de Fénelon a signalé les talents, est chargé par intérim de la direction de la marine à Marseille et nommé le, au grade de capitaine de brûlot[20].
Il trouve le moyen d'exercer dans ce nouveau poste son esprit d'ordre et de justice et s'empresse de mettre fin aux abus.« Les agents ne protégèrent plus pour de l'argent, la police fut établie ; je fus la bête noire de tout le monde, mais on finit par m'estimer. »[20].
Dans la nuit du, première année de son commandement à Marseille, le tocsin sonne dans la tempête, un navire est en détresse ; à l'aube, on reconnaît lafrégate britannique HMSAlarme. Pléville Le Pelley lui signale de jeter une ligne amarrée à une bouée mais celle-ci ne peut, en raison des brisants s'approcher de la côte. Il faudrait un nageur vigoureux mais les assistants déclarent la tentative impossible[Note 23]. Pléville se jette à l'eau, disparaît cinq fois sous les vagues, prend la ligne entre les dents et regagne le rivage. Puis, passant une amarre, il remet la frégate à flot, va vers elle à bord d'unetartane et la rentre au port à demi coulée[17],[Note 24].
Les ingénieurs venus de Londres et de Toulon déclarent le renflouement du bateau impossible. Pléville le relève par des moyens de son invention, le radoube et le rend tout mâté à son capitaine. Celui-ci estLord Jervis, bientôt connu sous le nom d'amiral Saint Vincent.
Dès l'année suivante, les lords de l'Amirauté envoient le capitaine Jervis avec sa frégate à Marseille pour remettre au lieutenant Pléville Le Pelley la lettre suivante :« Monsieur, La qualité du service que vous avez rendu à la frégate l'Alarme fait la noble envie et l'admiration de l'Anglais ; des travaux comme les vôtres méritaient que la Providence les couronnât ; vous avez dans votre âme une bien flatteuse récompense mais nous vous prions d'accepter comme gage de notre estime éternelle ce que le capitaine Jervis est chargé de vous remettre. Au nom et par ordre de Milord, Stephans[14],[17]. »
Ce présent est une soupière d'argent[Note 25]. Dix ans après, lorsque son fils, jeune officier de marine, est capturé sur une frégate et conduit enGrande-Bretagne, l'amirauté britannique le fait renvoyer enFrance sans échange, après l'avoir autorisé à choisir trois de ses camarades pour les emmener avec lui[14],[Note 26].
Le il est nommé lieutenant de vaisseau et de port à Marseille : il n'a pas encore quarante-quatre ans et a enfin gravi tous les échelons des grades intermédiaires après 30 ans de services sur mer et près de 20 années de commandement. Le roi veut à son tour récompenser ses services et lui confère le, lacroix de Saint-Louis, cinq ans avant l'ancienneté réglementaire de service requise. Pléville est surpris de la diversité des emplois auxquels il est affecté cette année-là. Nommé successivement, lieutenant sur la corvette laFlèche, capitaine au régiment d'infanterie de Marseille, aide-major, puis commissaire de la marine, il reprend à la fin de 1773 son poste aux services du port. En 1776 il commande leSagittaire, vaisseau de 50 canons avec lequel il fait une campagne à la Martinique[20].
Désigné, à son retour, pour recevoir le frère du roi à Marseille en, il s'acquitte de cette mission à la satisfaction de tout le monde[Note 27]. Quelques semaines plus tard, il est chargé d'accompagner l'empereur d'Allemagne,Joseph II, frère de la reineMarie-Antoinette, et de lui répondre« sans trop éveiller sa curiosité. »[Note 28].
En1778 lecomte d'Estaing termine à Toulon l'armement de la flotte de 12 vaisseaux et 15 frégates avec lesquelles il s'apprête à soutenir la cause de l'indépendance américaine. Sentant la jalousie des officiers rouges[Note 29],[Note 30]pour sa trop rapide carrière maritime, il demande qu'on lui donne Pléville et son fils, déjà enseigne depuis cinq ans, pour les prendre avec lui sur leLanguedoc où il va arborer son pavillon. Pléville reçoit l'ordre le, prend 24 heures pour régler ses affaires et préparer ses équipages ; le 11 il est à bord et le 13 on met à la voile[20].
L'amiral ne tarde pas à lui accorder toute sa confiance. Pléville doit s'occuper de tout et subvenir, dans des conditions très difficiles, aux besoins des vaisseaux et à la subsistance de 12 000 hommes. Chargé d'aller vendre les nombreuses prises que l'escadre a faites devant New-York, il s'en acquitte en un mois avec une correction et une habileté remarquables. Le compte qu'il rend de sa gestion est si satisfaisant que le général veut lui allouer en récompense 2 pour cent des 15 millions de la vente[20].
Pléville refuse ces 300 000 francs et répond qu'il est satisfait du salaire que le roi lui donne pour servir. Ce désintéressement est d'autant plus remarquable que Pléville-Le-Pelley est véritablement pauvre et que c'est à peine si, avec l'aide de son fils, il arrive à assurer l'entretien de ses petits-enfants qu'il a dû prendre chez lui à Marseille[20].
Tandis qu'il s'occupe à Boston de réapprovisionner l'armée achetant des blés et des farines au prix que demandent les américains, une émeute populaire éclate, causée, dit-on, par un désaccord entre legénéral Sullivan et l'amiral d'Estaing ; les deux français qui se trouvent à terre sont agressés. Pléville, très grièvement blessé, demeure longtemps estropié du bras gauche etM. de Saint-Sauveur, son second, blessé mortellement, succombe peu de temps après[20].
À quelque temps de là, le comte d'Estaing a besoin de trois cent mille francs pour le service de son escadre mais malgré ses démarches il ne peut se les procurer ; un négociant américain, qui connait Pléville, sa délicatesse et sa probité, offre de les lui prêter. Pléville, malade, doit plus tard se résoudre à rentrer en France en 1779, mais avant de partir il met son amour-propre à rendre fidèlement ses comptes[20].
Dignement apprécié au nouveau monde, Pléville-Le-Pelley reçoit du Congrès américain ladécoration de Cincinnatus dès l'institution de cet ordre destiné à récompenser les officiers supérieurs qui ont le mieux servi la cause de la liberté[20].
À son arrivée en France, il apprend que sur la recommandation de l'amiral d'Estaing, le roi vient de le nommer capitaine de vaisseau. Toutes les puissances semblent s'unir en ce moment pour rendre justice à la valeur de Pléville-Le-Pelley. Désigné comme capitaine de vaisseau et de port pour aller prendre le commandement de la marine à Marseille, il rejoint son poste à la fin de 1779[20]. D'après les mémoires deBarras, c'est lui qui en dégage le port de Marseille bouché par leSartine échoué à l'entrée en le treuillant à quai[Note 31].
Au moment où la fortune semble lui sourire, deux malheurs imprévus le frappent cruellement : en 1780 il perd sa femme et deux ans après, au commencement de 1783, son fils, âgé de 25 ans, succombe, à une maladie de quelques jours[Note 32],[Note 33]. Pour vaincre sa tristesse, Pléville se plonge avec plus d'ardeur encore dans le travail. Appelé à Paris en 1785 par le ministre pour siéger dans diverses commissions maritimes ou commerciales qui réclament le concours de sa vieille expérience, il travaille pendant toute une année avec les plus hauts personnages du royaume : lemaréchal de Castries, ministre, lemaréchal de Beauveau, lemarquis de La Fayette etM. de Fleurieu[20]. Pléville est initié en franc-maçonnerie[Note 34].
Pléville-Le-Pelley, qui a toujours montré un vif attachement pour sa ville natale, ne manque aucune occasion de revoir ce rocher de Granville où il retrouve avec attendrissement les souvenirs de son enfance. Malgré les difficultés du voyage, il profite à plusieurs reprises de son séjour à Paris pour venir passer quelques semaines au milieu des parents qui lui restent et des nombreux amis qu'il compte dans le pays[Note 35]
Pléville est ensuite victime d'une injustice qui l'attriste profondément. Un camarade de son fils, le lieutenant de vaisseau de Viefville, qui revient de l'Inde où il a commandé l'Annibal dans la division deSuffren, s'éprend de la plus jeune des filles du Commandant Pléville et la demande en mariage. M. de Viefville a peu de fortune, il sait que le commandant n'en a pas du tout et il vient lui faire l'offre suivante :« Vous avez assez fait pour le pays, prenez votre retraite : la pension de capitaine de vaisseau de première classe suffira à vos goûts modestes. Demandez qu'on me donne votre place et nous serons tous à l'aise[20]. »
Pléville pense faire le bonheur de sa fille et sacrifie de sa carrière ; il demande au ministre d'accepter cette combinaison.M. de Montmorin, chargé du portefeuille de la marine, répond courrier pour courrier, envoie l'ordre du roi portant la retraite de Pléville et l'autorisation à Viefville de prendre immédiatement ses fonctions et d'en porter les insignes.M. de La Luzerne, le ministre, doit dès son retour à Paris envoyer les brevets. Le mariage se fait[20],[Note 32].
Comme la plupart de ses compagnons d'armes, Pléville-Le-Pelley a rapporté de la guerre d'Amérique des aspirations vers la liberté et il est tout disposé, lui qui a subi l'injustice des privilèges et le bon plaisir des grands, à saluer la Révolution qui commence, comme la réformatrice de tous les abus[22].
Au milieu de l'exaltation des esprits, il garde sagesse et dignité, insensible à la peur comme à l'intérêt, guidé seulement par sa conscience. Il entre au club patriotique qui s'est formé à Marseille en 1790 et comprend des hommes de toutes les classes. Il se trouve vite en butte aux suspicions de tous les partis. Regardé par les aristocrates comme un roturier trop libéral, suspect aux ouvriers à cause de son grade et de ses décorations, odieux aux exaltés à cause de sa sagesse, il est empêché de faire autant de bien qu'il souhaiterait[22].
Pléville est impatient de se dévouer encore pour la Patrie et à combattre sous les trois couleurs, comme il l'a fait auparavant sous lesfleurs-de-lys[Note 37]. En1792, la patrie est en danger. Il insiste pour que la marine à laquelle l'émigration vient d'enlever un grand nombre d'officiers[Note 38] consente à utiliser ses services[Note 39]. Vu son âge, la loi ne le permet pas et Pléville doit rester à Marseille où il rend de grands services pendant les troubles. Les mesures énergiques qu'il fait prendre en 1792 sauvent Marseille du pillage[23]. Puis il est envoyé pour rétablir l'ordre à Arles et à Cottignac où sa diplomatie obtient ce que la violence n'a pu imposer[22].
Au mois de, pendant laTerreur, il est envoyé par le comité du salut public prendre le commandement d’une division chargée d’escorter un convoi de ravitaillement bloqué àTunis, en remplacement deJean Gaspard de Vence accusé de trahison. Une fois sur place, il constate que Vence est réellement en difficulté et n’a aucunement failli à son devoir. Ignorant ses ordres, il le maintient à son commandement et lui offre simplement son aide. Ceci lui vaudra quelques difficultés avec les autorités au retour mais, grâce à lui, Vence sera totalement blanchi[22],[Note 40].
Il est appelé, peu de temps après, à Paris à la commission de la marine pour être l'un des trois administrateurs qui préparent la loi du3 brumaire anIII (). Après avoir terminé ce travail, il fait armer en course 24 frégates qui infligent à l'ennemi des pertes cruelles et ramènent en France pour huit cents millions de prises. LeDirectoire le veut comme ministre de la Marine, mais il refuse.Truguet est désigné et Pléville-Le-Pelley reste en réquisition auprès de lui comme chef de division[Note 41]. Sans ambition, il ne désire aucun grade et ne demande plus qu'à prendre du repos :« mon traitement actuel me tenant lieu de pension, écrit-il, je pourrais me retirer et finir ma carrière à Granville, ma patrie[20]. »
Les passions politiques commencent à se calmer et Pléville se trouve entraîné au club constitutionnel, queMadame de Staël vient d'établir dans l'hôtel du marquis de Salm, aujourd'hui le palais de la Légion d'Honneur. Ce club, de nuance indécise, bien queBenjamin Constant le dise composé« de tout ce qu'il a d'estimable dans le parti républicain » comprend des gens, de toute opinion ; mais il a acquis par sa lutte avec leclub royaliste de Clichy, une autorité, qui fait choisir en son sein les hommes dont a besoin le gouvernement[24].
Au mois d', Pléville-Le-Pelley est nomméplénipotentiaire, avec le citoyenLetourneur, qui vient de quitter le Directoire etMaret, le futurduc de Bassano. Sur instructions deLazare Carnot, la délégation se rend à Lille pour des négociations de paix infructueuses avec l'Angleterre représentée par Lord Malmesbury[25],[14],[24].
Trois mois après, le Directoire le rappelle pour lui confier le1er fructidor anV () leportefeuille de la marine, en remplacement de l'amiralLaurent Truguet[14], dans le ministère formé le. L'ardeur de ce vieux brave de soixante-et-onze ans n'a pas faibli ; il travaille au ministère comme il a travaillé toute sa vie. Dès quatre heures du matin il est à son bureau où il dépouille lui-même toute sa correspondance et, avant de se rendre au Directoire à 11 heures, il a vu tous les services et donné toutes ses instructions[24].
Il se montre constamment, homme d'état intègre, ministre éclairé.« Sa probité sévère, son austérité de mœurs devaient ressortir davantage dans un temps où la corruption, la cupidité, le vil égoïsme et les intérêts les plus bas, semblaient de toutes parts assiéger le pouvoir »[Note 42].
Le Directoire lui donne l'ordre d'aller inspecter les côtes depuis Granville jusqu'à Brest et lui fait délivrer 40 000 francs. Pléville remplit sa mission et ne dépense que 7 800 francs. À son retour il veut renvoyer à la trésorerie les 32 200 francs restants. On refuse de les reprendre ; il insiste :« Je ne reçois pas de gratifications pour avoir fait mon devoir ». Le gouvernement ne veut pas souscrire aux intentions du ministre mais Pléville se refuse à garder une somme à laquelle il estime n'avoir aucun droit et l'emploie à faire construire sur le ministère de la marine, un télégraphe qui jusqu'en 1840 rend de grands services à l'administration[24].
Les affaires sont alors dans un état déplorable ; il n'y a ni matériel dans les ports, ni argent pour continuer les travaux et payer les équipages.« J'étais sans cesse aux trousses du ministre des finances », nous dit Pléville. Mais le zèle du ministre de la marine ne peut suppléer à tout. Pour garder les équipages, on use d'un moyen qui a déjà réussi ; on prête les frégates à des particuliers pour en faire des corsaires[24].
La guerre est déclarée à l'Angleterre et le ministre s'enferme pendant huit jours pour préparer son plan de campagne. Le projet est applaudi par les marins les plus compétents, mais certains ont éveillé la défiance deBonaparte et le jeune général semble perplexe. Pléville l'interpelle ainsi :« Avant de rien commencer, général, il faut que le ministre de la marine et le chef de l'armée aient entre eux une confiance respective. Je joins la mienne à celle de la nation, mais je ne vous suis pas connu, si j'obtiens la vôtre nous irons ; sinon je quitterai sans regret le ministère. » Le projet est adopté et le ministre se remet au travail pour faire armer tous les bâtiments depuis Toulon jusqu'àFlessingue[24].
Les armements se terminent et Pléville est de retour de Brest quand il comprend que tout est changé et qu'on prépare, en secret, à Toulon, une nouvelle expédition dont l'objectif semble être l'Égypte. Il ne cache pas sa façon de penser, prédit la difficulté de vaincre dans un tel pays, l'impossibilité de s'y maintenir et annonce l'écrasement de la flotte dans le port d'Alexandrie, prédiction qui sera bientôt confirmée par le désastre d'Aboukir[Note 43]. Et Pléville se retire le[22].
Le, par arrêté du Directoire, il est nommé contre-amiral ; il est capitaine de vaisseau depuis dix-huit ans. Le suivant, au moment où il quitte le ministère, il est promu vice-amiral. On répare par cet avancement rapide les injustices passées[24].
Après un repos de six semaines seulement à Granville, le vice-amiral est nommé en 1799, à soixante-douze ans, au commandement des ports de la République dans la mer Adriatique. II réorganise les forces navales àAncône[Note 44] etCorfou[Note 44] avec tout ce que permet le peu d'argent dont il dispose. Quand il juge son rôle terminé il rentre en France. Après quarante-cinq jours d'un voyage pénible, il arrive enfin à Paris, remet ses rapports au ministre et prend définitivement sa retraite[24].
Après le coup d'État de Brumaire, le premier Consul le nomme le3 nivôse anVIII () dans la liste des soixante premierssénateurs[26],[27],[14] et, dès la création de laLégion d’honneur, le fait chevalier de l'ordre[27],[14],[23] le9 vendémiaire anXII (). Il sera nommé ensuite Grand-Officier le25 prairial anXIII ()[27].
Le lendemain, le président du Sénat, François de Neufchâteau, qui a été ministre avec lui, prononce son éloge funèbre. La population granvillaise ressent vivement sa disparition et le elle se rend tout entière au service funèbre que la municipalité fait célébrer à Notre-Dame.« Ce jour-là fut un jour de deuil public. Tous les bâtiments de la flotte impériale les vergues en croix attestaient les regrets de la marine et le canon tiré d'heure en heure n'a cessé de se faire entendre jusqu'à la nuit. »[Note 45].
L'amiral est inhumé dans l'un des deux cimetières de Montmartre[Note 46], mais sa tombe n'est pas localisée et fait l'objet de recherches. L'Empereur charge l'Académie de rédiger son épitaphe, composée en latin lapidaire par Lemaire désigné à cet effet par ses collègues[28],[Note 47] ; dans ses mémoires, il écrit à son sujet :
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
AntoineCallot,Voyage religieux et sentimental aux quatre cimetières de Paris ; ouvrage renfermant un grand nombre d'inscriptions funéraires, suvies de réflexions religieuses et morales, Paris, L. Haussmann,, 368 p.(lire en ligne),p. 80-83.
Prosper Levot et Alfred Doneaud,Les gloires maritimes de la France : Notices biographiques sur les plus célèbres marins, Paris, Arthus Bertrand éditeur,, 580 p.(lire en ligne),p. 397-399
JulesTrousset,Histoire nationale de la Marine et des marins français depuis Jean Bart jusqu'à nos jours, Paris, Librairie illustrée,, 796 p.(lire en ligne),p. 693-694.
Dickde Lonlay,Les marins français depuis les gaulois jusqu'à nos jours, Paris, Garnier frères,, 463 p.(lire en ligne).
Fougeray du Coudrey,Pléville-Le-Pelley : Mousse-Corsaire-Officier de Vaisseau Amiral-Ministre de la Marine, Granville, Imprimerie de l'Avenir républicain,, 69 p.(lire en ligne)
PierreGrandchamp,La mission de Pleville-Le-Pelley à Tunis (1793-1794), Tunis, Société anonyme de l'imprimerie rapide,, 133 p.(lire en ligne)
René Fernand MarieLe Pelley du Manoir,Yves Le Pelley du Manoir : 1904-1928, Paris, Société générale d’imprimerie et d’édition,, 97 p.
René Fernand Marie, vicomte Le Pelley du Manoir, est le frère aîné d'Yves du Manoir. L'ouvrage[Note 49] est consultable et téléchargeable depuis la bibliothèque centrale de l'École polytechnique[lire en ligne].
Monique Le Pelley-Fonteny, Gilles Désiré dit Gosset, Antoine Reffuveille, Rémy Villand,Les amiraux granvillais, catalogue de l'exposition 2006-2007, Conseil général de la Manche
HubertGranier,Marins de France au combat 1715-1789, Paris, Éditions France Empire,
Jean-MarcVan Hille,Les vicissitudes d'un marin provençal, Jean Gaspard Vence, 1747-1808, Paris, Service Historique de la Marine
↑a etb« L'oncle de Georges-René était curé de Granville ; il s'efforça d'orienter son neveu vers la carrière ecclésiastique ; mais celui-ci se sentait attiré par la mer où tant des siens avaient fait leur carrière. En 1739, son père mourut, peu de temps après être revenu d'une campagne de pêche à Terre-Neuve. On retira le petit Georges du collège de Coutances où il avait été envoyé et son oncle cédant à ses instances, l'engagea comme volontaire sur leThorigny commandé par des parents, non sans recommander à ceux-ci de faire tout leur possible pour dégoûter le jeune marin. Georges partit donc pour Terre-Neuve ; il avait douze ans. » (inYves Le Pelley du Manoir : 1904-1928,p. 2)
↑« “À quelque chose, malheur est bon” écrivit plus tard Pléville Le Pelley dans ses Mémoires ; car il se réjouissait d'apprendre son métier sans sauter les premiers échelons. Son bon cœur se révoltait contre les mauvais traitements infligés à ses camarades comme à lui-même. “Ce sont les mousses qui sont dans le lavoir, l'eau à la ceinture, pour laver le poisson et le jeter sur la claie, et, d'ordinaire, on prend les enfants qui n'ont pas eu deux heures de sommeil et on les jette endormis dans le lavoir, affaire de goût et d'usage chez les officiers terre-neuviers”. » (inYves Le Pelley du Manoir : 1904-1928,p. 2-3)
↑« Un hasard vint interrompre cette série d'épreuves. Tandis que le mousse s'efforçait de se rendre digne de ses fonctions, MM. Clément et Dry étant venus un jour visiter leur navire qui était amarré auprès duThorigny, reconnurent sous son accoutrement goudronné, le fils de leur ami. Indignés, ils firent honte au capitaine de ses procédés, emmenèrent, d'autorité, l'enfant à leur bord et le gardèrent avec eux. » (inPléville-Le-Pelley : Mousse-Corsaire-Officier de Vaisseau Amiral-Ministre de la Marine,p. 6)
↑« L'un des mousses à bord était un garçon délicat, neveu du capitaine lequel, particulièrement brutal, prétendait exiger de celui-ci la même adresse et la même force que de Pléville qui était vigoureux et mieux entraîné aux exercices du corps. Un jour, aux approches du Grand Banc, un violent coup de vent survient ; le capitaine ordonne à Pléville Le Pelley d'aller serrer le grand hunier et oblige son neveu à suivre ce dernier. Mais une fois dans la hune, le malheureux garçon, pris par le froid, se trouve incapable de faire un mouvement ; il faut le descendre avec des cordages. Son oncle fou de colère le fait saisir et jeter dans une barrique pleine d'eau. Alors Pléville Le Pelley n'y tient plus et insulte le capitaine qui le fait mettre aux fers (inYves Le Pelley du Manoir : 1904-1928,p. 3). »
↑a etb« Pour s'orienter, le gamin n'avait que le soleil ; pour se nourrir les fruits et les herbes de la forêt. “Je fus cent fois saisi de frayeur à l'aspect de quelques sauvages dont les uns me caressaient, me donnaient de la viande fumée, les autres me berçaient, ceux-ci me couchaient en joue avec leurs flèches, ceux-là me forçaient de danser avec eux. Mes premiers devoirs étaient de me prosterner ; à la fin, je m'y fis et je traitai avec eux de pair à pair. Il n'en était pas de même des ours et autres bêtes sauvages ; c'était pour ceux-ci que je faisais les meilleurs quarts”. Au bout de quinze jours, il était complètement nu ; le55e jour, il arriva à une chaumière, frappa à la porte et tomba évanoui. C'était une famille de braves canadiens qui le soignèrent comme un fils. » (inYves Le Pelley du Manoir : 1904-1928,p. 3-4)
↑« Pléville s'attendrit quand il parle dans ses mémoires de cette famille patriarcale des Dubuisson, “cette divine famille”, dit-il, “dont le souvenir ne finira qu'avec mon existence”. Pendant près de deux mois il resta auprès de ses bienfaiteurs, se rendant utile, fauchant le foin, aidant aux labours. » (inPléville-Le-Pelley : Mousse-Corsaire-Officier de Vaisseau Amiral-Ministre de la Marine,p. 6)
↑a etb« À Québec, il trouva une place de mousse sur un navire allant aux Antilles ; là, il dut s'engager sur un flibustier qui faisait la contrebande dans le golfe du Mexique. Enfin, il put trouver une place depatron de canot sur un voilier allant au Havre qu'il atteignit le 20 avril 1742. […] Aussitôt il accourut au Havre et s'enrôla comme lieutenant sur un petit corsaire de 6 canons. » (inYves Le Pelley du Manoir : 1904-1928,p. 4)
↑« Duvivier avait, dès le premier abord, reconnu un terre-neuvier granvillais, […] il eut beau rabattre son chapeau sur les yeux, refuser de monter à bord, l'officier du granvillais […] crut le reconnaître et appela M. Clément le capitaine, le même qui quatre ans plus tôt (coïncidence étonnante) avait trouvé le jeune mousse en train de servir lescalfats. “Bah !” répondit M. Clément en accourant, “Pléville ! il est mort, le pauvre. On a passé deux jours à le chercher, il y a deux ans dans les bois de Penouille”. Ils eurent cependant bientôt fait de reconnaître leur compatriote. Pléville un peu honteux, dut monter à bord »...« et l'on fêta joyeusement sur les deux bâtiments le retour de l'enfant prodigue. » (inPléville-Le-Pelley : Mousse-Corsaire-Officier de Vaisseau Amiral-Ministre de la Marine,p. 9 à 11)
↑« Le 8 mai, il repartit sur leFleury commandé par son oncle Tilly le Pelley ; il avait 16 ans ; il était officier. “J'appris à commander ce que je savais exécuter, mais avec le ton décent et convenable ; je savais combien les matelots étaient malmenés, j'adoucis leur sort”. » (inYves Le Pelley du Manoir : 1904-1928,p. 4)
↑ab etc« En 1743, éclate la guerre avec l'Angleterre. D'abord lieutenant sur un petit corsaire, Pléville Le Pelley fut l'année suivante premier lieutenant sur laFrançoise du Lac. À la suite d'un combat inégal, le capitaine décide d'amener son pavillon ; au même moment, un boulet arrive, coupe la jambe droite de Pléville. Le chirurgien anglais l'opère puis le fait étendre sur le pont. “Je fus altéré ; j'en fis le signe aux Anglais qui me donnaient alternativement pour tisane punch ou flip en sorte que je fus presque toujours ivre pendant onze jours que nous fûmes à nous rendre en Angleterre, pendant lesquels je glissais avec mon matelas de tribord à bâbord dans les forts roulis”. » (inYves Le Pelley du Manoir : 1904-1928,p. 4)
↑ab etc« Dès le mois d'août, il reprit son métier de corsaire sur l'Argonaute commandé par son oncle Tilly Le Pelley puis sur leMercure, même commandement. Au cours d'un combat, un obus le fit tomber de son banc de quart sur le pont ; comme son oncle accourait vers lui : “Le boulet s'est trompé”, lui cria de loin Pléville, “il n'a donné de l'ouvrage qu'au charpentier”. Il lui avait, en effet, coupé sa jambe de bois. » (inYves Le Pelley du Manoir : 1904-1928,p. 4-5)
↑Le présent qui accompagnait cette lettre consistait en une pièce d'argenterie en forme d'urne avec un dessus surmonté d'un triton finement ciselé. Elle contenait un plat, une cuillère à potage et avait pour soucoupe un très grand plat, le tout d'argent et du plus bel ouvrage. On en trouve la description dans le dossier de Pléville au ministère. Elle portait gravées d'un côté les armes de l'amirauté anglaise avec le profil del'Alarme, de l'autre l'inscription latine suivante rappelant le sauvetage de ce bâtiment :« Georgio Renato Pleville-Le-Pelley, nobili normano Grandivillensi, navis bellicæ portus-que Massiliensis prasfecto, ob navem regiam in littore Gallico periclitantem virtute diligentiaque servatam, septemviri rei navalis britannicte liberamente dono dicarunt. MDCCLXX. » (inPléville-Le-Pelley : Mousse-Corsaire-Officier de Vaisseau Amiral-Ministre de la Marine,p. 31)
↑« Le commandant de l'île Sainte-Lucie, lord Barington, lui envoya un parlementaire pour lui dire que la corvetteStanley sur laquelle était son fils avait été prise par le vaisseau leCulloden, que l'enseigne Pléville-Le-Pelley, emmené à Bristol, était en ce moment chez le ministre à Londres et qu'on le priait de croire qu'il y serait fort bien traité. Le jeune homme en effet très bien reçu par les lords de l'amirauté avait été renvoyé en France sans échange et sans donner sa parole de ne pas servir, en souvenir du service rendu jadis par le père à l'équipage de l'Alarme. On lui avait même permis de choisir trois camarades qui rentrèrent en France avec lui. » (inPléville-Le-Pelley : Mousse-Corsaire-Officier de Vaisseau Amiral-Ministre de la Marine,p. 39)
↑Les officiers généraux, solides et habiles marins, sont nommés au choix et doivent s'entraîner à la mer ; la rivalité reste tenace entre les officiers de la Royale, les Rouges comme on les appelait d'après la couleur dominante de leur uniforme, et les gentils hommes temporaires, recrutés de la Marine marchande ou acceptés à titre exceptionnel, les Bleus.[p.9 lire en ligne]
↑« À noter aussi que le corps n'est pas aussi homogène qu'on le croit. Existent dans le corps des officiers contestés par leurs homologues, leurs chefs et leurs subordonnés. Et ces officiers - et cela n'a jamais été dit - sont ceux qui vont être les soutiens de la Révolution : d'Estaing est unintrus ; c'est un officier de terre entré dans la marine comme officier général ; le corps le déteste au point que les gardes-marine de Brest refusaient de se rendre aux bals qu'il organisait dans ce port lorsqu'il y commandait la marine. (inMarine et Révolution : Les officiers de 1789 et leur devenir,p. 261) »
↑« mai 1780 : Dès que notre vaisseau fut réparé, nous quittâmesCadix et prîmes la direction de Marseille. Nous échouâmes à l'entrée du port par la maladresse d'un remplaçant du capitaine Dallés, tué sous lecap Saint-Vincent. M. de Pléville, commandant du port et de la marine, plein d'activité, quoiqu'il eût une jambe de bois, parvint par des manœuvres qui lui étaient familières, à remorquer notre vaisseau sur le quai. (inMémoires de Barras, membre du Directoire : Ancien régime-Révolution,p. 24-25) »
↑a etbGeorges-René Le Pelley, sieur de Pléville, appellé M. de Pléville Le Pelley, lieutenant de frégate (), capitaine de brûlot (), capitaine de vaisseau (1779), membre de la Commission consultative de la marine et chef de division (1797), contre-amiral (), vice-amiral (), fut nomméMinistre de la marine et des colonies ( -), et membre duSénat conservateur le. Il avait été créé chevalier de Saint-Louis le et grand officier de la Légion d'honneur en 1804. M. de Pléville Le Pelley épousa à Marseille en, Marie Ursule Rambaud, morte à Marseille le. Né à Granville le, il mourut à Paris le, ayant eu un fils et deux filles :
N..., né en 1756, mort en 1783.
Marie Thérèse, mariée à Claude Luc Laugier, inspecteur général des Douanes, et mère de trois filles, dont les enfants furent autorisés par ordonnance royale du, à joindre à leur nom celui de « Pléville »
N... Le Pelley, mariée en à N... de Viefville, lieutenant de vaisseau.
↑« En 1783, son fils, marin comme lui, mourut à 25 ans. "Ce que n'avaient pu faire cinq années de guerre sur mer, sans congé ni maladie, ce que n'avaient pas touché les armes de l'ennemi dans huit combats majeurs, une fièvre ardente vient de le consommer en six jours." » (inYves Le Pelley du Manoir : 1904-1928,p. 7).
↑Ce fut au cours d'un de ces voyages que la municipalité de Granville lui témoigna le désir d'avoir son portrait pour le placer dans la grande salle de la mairie. La modestie du vieux marin s'effaroucha d'une telle proposition, mais M. Perrée du Hamel, maire et ses deux échevins, MM. Lucas-Desaulnays et Fougeray, renouvelèrent par lettre leur demande et insistèrent si bien qu'il fallut que le brave homme cédât à leurs instances. La ville conserve pieusement ce souvenir d'un des plus illustres de ses enfants. Le portrait, fort ressemblant, d'après le témoignage même des contemporains, et d'un véritable intérêt artistique, représente Pléville-Le-Pelley, en costume de capitaine de vaisseau, c'est-à-dire avec l'habit de drap bleu bordé des galons tressés qui sont les insignes des officiers de port, le gilet rouge galonné et la culotte de même couleur. (inPléville-Le-Pelley : Mousse-Corsaire-Officier de Vaisseau Amiral-Ministre de la Marine,p. 41 à 44)
↑abc etdSastatue, œuvre du sculpteurJean Magrou, est inaugurée àGranville le (in Le Journal de Paris[lire en ligne]) ; elle est déposée en 1942 pour être fondue par legouvernement de Vichy, du fait de l'appartenance de Pléville à lafranc-maçonnerie. Son portrait le plus connu est aumusée du Vieux Granville et depuis 2000, unenouvelle statue, œuvre en bronze et granit deSerge Santucci, sculpteur, et François Pougheol, architecte, domine le port de sa ville natale[lire en ligne]. On peut voir son buste au château de Versailles, mais le Sénat en possède un double qu’il n’expose plus dans sa Grande Galerie
↑En 1772, il avait écrit au ministre :« J'ai quarante-cinq ans, de la santé, à la vérité leste encore assez pour disputer à un matelot d'arriver le premier à la tête d'un mât ; mais j'ai perdu la jambe droite par le canon et j'ai sur le corps une douzaine de blessures ; aussi, je m'attends à être vieux avant le temps ». En 1792, il écrit encore :« J'ai soixante-cinq ans, mais je suis en aussi bonne santé qu'à cinquante. Ma jambe de bois ne m'incommode point et la mer est mon élément puisque je l'ai battue pendant quarante-cinq ans sans relâche. »[23]
↑« Après 1792 sous la pression des événements (les massacres de septembre notamment) l'émigration devient massive et Castries-Vagnas écrit : "La marine composée de plus de 1 000 officiers (1 655 moins 361 élèves font 1 294 officiers en effet)... (en a vu émigrer) plus de 900". Et dans l'armée des princes en 1792 la marine formant un bataillon de 600 hommes et deux escadrons de 150 autres chacun, le chiffre de 900 à 1 000 émigrés ne paraît guère contestable même s'il a besoin d'être affiné. » (inMarine et Révolution : Les officiers de 1789 et leur devenir,p. 275)
↑« Dans cette espèce de détresse, tout citoyen doit se présenter et, en cette qualité, si mes services peuvent encore être utiles, au litre de la loi, je demande à rentrer dans la marine. […] Je redemande donc de servir, par ce qu'on manque d'officiers dont beaucoup étaient du plus grand mérite, parce que la patrie est en danger, parce que mon zèle ne finira qu'avec moi […] et si, contre mon attente, le roi n'agréait pas mon offre, je n'aurais rien à me reprocher et j'aurais, au pis aller, le plaisir de servir comme soldai-artilleur, si l'ennemi attaquait Marseille. » (inPléville-Le-Pelley : Mousse-Corsaire-Officier de Vaisseau Amiral-Ministre de la Marine,p. 48-49)
↑« Jour pris, nous nous rendîmes au comité, je dis : “Citoyen président, je suis Pléville que vous chargeâtes, il y a cinq mois, d'aller à Tunis destituer le citoyen Vence avec ordre de lui faire mettre les fers aux pieds et aux mains et de l'envoyer à Paris pour être jugé au tribunal révolutionnaire. Je n'en ai rien fait, je l'ai maintenu dans son commandement, il s'est conformé aux ordres que je lui ai donnés : il est arrivé avec sa division à Toulon et le voilà. Pour moi qui ai désobéi formellement, je vous apporte ici ma tête.” Le comité conféra secrètement, après quoi le président me dit : “Tu as été plus sage que nous, tu as bien fait, tu mérites récompense, dis celle que tu veux”. Je répondis : “Rien pour moi, mais Vence a été calomnié, déshonoré; je demande pour lui la réparation dans le brevet de contre-amiral.”Dalbarade, ministre, observa qu'il n'y avait pas un an qu'il était capitaine de vaisseau. “N'importe”, lui dis-je ; Vence fut fait contre-amiral. Quand cela se passait, un des membres était dans un coin et disait : “Voilà cependant une désobéissance formelle”. Je n'y fis pas attention, mais le jour que l'on conduisait Robespierre à la mort, je voulus le connaître ; on me l'indiqua et je reconnus en lui l'homme qui avait fait cette dernière observation. Je sentis en moi la nature frémir du danger que j'avais couru. » (inPléville-Le-Pelley : Mousse-Corsaire-Officier de Vaisseau Amiral-Ministre de la Marine,p. 57-58)
↑Pour la fête des victoires du10 prairial anIV (), le citoyen Henri Jones (17..-18..? ; révolutionnaire) dédie au citoyen Pléville-le-Pelley, ancien officier de la marine de France, un hymne qui se chante sur l'air de la Marseillaise[lire en ligne]
↑« "Cette expédition ne peut être que funeste", disait-il ; "si je donne des ordres en conséquence la nation sera fondée à croire que je la connais et que je l'approuve. Au moindre échec, elle dira : le ministre est cependant un vieux marin, comment a-t-il pu adopter et faire exécuter un pareil projet ; c'est donc un traître à la Patrie ! Les 10 millions comptés me rendent responsable devant la loi, plus forte qu'un arrêté du Directoire ; pour mon honneur, au moins je ne dois pas rester au ministère." » (inPléville-Le-Pelley : Mousse-Corsaire-Officier de Vaisseau Amiral-Ministre de la Marine,p. 57-58)
↑Certains biographes par erreur ont donné comme lieu d’inhumation lecimetière de l'Est. En 1808, 3 ans après le décès de Pléville Le Pelley,Antoine Caillot décrit très exactement la topographie du cimetière sous Montmartre qu'il visite en notant les inscriptions sur les sépultures. Il retranscrit celle de Pléville Le Pelley et la traduit (il était, entre autres, professeur de latin). À noter l'erreur sur la date de naissance dans l'épitaphe recopiée qui sera reprise abondamment par d'autres biographes : il est avéré aujourd'hui qu'il s'agit du 18[1] et non pas du[28].
↑En voici la traduction : “Ici repose Georges-René Pléville-le-Pelley, né à Granville le, mort à Paris le10 vendémiaire anXIV de la République, âgé de 80 ans, homme vraiment homme, bon père. Citoyen infiniment recommandable par son amour pour sa patrie, par la pureté de ses mœurs, par un attachement à toute épreuve à ses amis : guerrier illustre par se valeur et par ses blessures. Il eut la jambe droite emportée dans un combat, la jambe de bois qui la remplaça éprouva ensuite le même sort”. “Les Anglais le redoutaient également, soit qu'il parcourût les mers en lançant les foudres de la guerre, soit qu'il traitât avec eux des conditions de la paix. Ces mêmes Anglais, qui avaient éprouvé sa valeur, admirèrent son humanité quand, près de faire naufrage, ils furent repoussés par la tempête sur les côtes de Marseille”. “Le Gouvernement se glorifie d'avoir eu en sa personne, un Ministre de la marine et des colonies, incorruptible, prévoyant, courageux. Le sénat français l'écoutait comme un autreNestor, soit qu'il délibérât, soit qu'il émît son vœu”. “Sa fille, son gendre, ses petits-enfants, ses neveux, ses autres parents et amis, inconsolables de sa mort, lui ont élevé cet humble monument qui, hélas !, ne doit pas toujours subsister”. (inPléville-Le-Pelley : Mousse-Corsaire-Officier de Vaisseau Amiral-Ministre de la Marine,p. 68-69)
↑La préface de ce livre de souvenirs qui parlent à la famille fait comprendre qu'il a d'abord été commencé dans les mois qui ont suivi le décès d'Yves du Manoir mais, après que la maladie a obligé l'auteur d'interrompre son travail, terminé seulement en 1931 notamment« pour tous ceux enfin qui m'ont demandé ce livre en souvenir de lui » lors de la création du challenge éponyme. Le livre débute par une biographie de Georges-René Le Pelley :« Je crois utile de parler ici tout spécialement de notre aïeul, Georges-René Le Pelley, sieur de Pléville, (1726-1805). Nous lui avons voué un culte en raison des sentiments élevés qui furent la ligne de conduite de toute son existence et qui constituent pour ceux qui viennent après lui le plus beau des exemples. Celui que nous pleurons se montra digne en tous points d'un modèle aussi illustre ; bien que les destinées de l'un et de l'autre aient été fort différentes, on retrouve cependant dans leurs caractères de frappantes ressemblances : la même loyauté, la même sérénité dans l'accomplissement du devoir, la même modestie ».
↑Migrations.fr, Navires au départ de Granville, 1739Le Comte de Torigny allant à Gaspé.
↑abc etdAnne Cahierre,Dictionnaire des capitaines corsaires granvillais, Conseil Général de la Manche, Archives départementales —Georges Pléville le Pelley,Mémoires d'un marin granvillais, Les cahiers culturels de la Manche.
↑Migrations.fr, Navires au départ de Granville, 1739Le Clément allant à Gaspé.