Entre les deux guerres mondiales, Patton est l'un des principaux partisans de l'introduction des techniques de la guerre mécanisée dans l'armée américaine et il exerce diverses fonctions administratives militaires sur le territoire américain. Ayant gravi les échelons de la hiérarchie, il est à la tête de la2e division blindée au moment de l'entrée en guerre desÉtats-Unis fin 1941.
Patton mène les troupes américaines lors de l'opération Torch auMaroc en 1942 et, sous son commandement efficace, le2e corps d'armée démoralisé recouvre sa cohésion au cours de lacampagne de Tunisie. Il commande la7e armée lors de l'invasion de la Sicile et devance les troupes britanniques deMontgomery, en arrivant le premier àMessine. Il est néanmoins impliqué dans une controverse après avoir giflé deux de ses hommes souffrant destress post-traumatique et est temporairement relevé de son commandement.
Craint de l’ennemi, Patton est affecté à une vasteopération de désinformation destinée à tromper les Allemands sur le lieu exact de l'attaque alliée qui doit avoir lieu en Normandie début. À l'issue du débarquement, il est réaffecté en juillet à la tête de la3e armée qui intervient dans labataille de Normandie et il mène une offensive éclair jusqu'enLorraine. Il se porte au secours des troupes américaines encerclées àBastogne durant labataille des Ardennes et entre enAllemagne auprintemps 1945.
À la fin de la guerre, il est nommé gouverneur militaire deBavière avant d'être relevé de ses fonctions et affecté au commandement de la15e armée stationnée dans l'Allemagne occupée. Il est victime d'unaccident de la route, alors qu'il est assis à l'arrière de sa berline qui heurte un camion militaire le : il succombe à ses blessures douze jours plus tard dans l'hôpital deHeidelberg.
Le caractère pittoresque et énergique de Patton, ainsi que ses succès militaires ont parfois éclipsé ses déclarations maladroites à la presse.
Sa philosophie de commander depuis le front et d'encourager ses hommes avec des discours comportant des grossièretés apparentes — « On ne vous demande pas de mourir pour votre pays, mais que le salaud d'en face meure pour le sien »[N 3] — a néanmoins entraîné l'apparition de nouvelles méthodes de commandement au sein du corps des officiers de l'Armée américaine.
De même, ses tactiques basées sur des offensives rapides et percutantes se sont traduites par le développement de nouvelles doctrines de combat dans le domaine de la guerre mécanisée. Si les opinions descommandants alliés à son sujet étaient souvent mitigées, il était tenu en haute estime par ses adversairesallemands.
Dans sa jeunesse, Patton eut des difficultés pour apprendre à lire et à écrire mais parvint à surmonter ce handicap et devint un lecteur avide à l'âge adulte[N 4]. Il fut éduqué par un précepteur jusqu'à l'âge de onze ans avant de rejoindre l'école privéeStephen Clark's School for Boys àPasadena où il étudia pendant six ans. Patton fut décrit comme un garçon intelligent passionné par l'histoire militaire et les exploits deJules César, deJeanne d'Arc, deNapoléon Bonaparte, deScipion l'Africain et deJohn Singleton Mosby, un ami de la famille[6]. Il était également uncavalier émérite[3]. Durant un voyage en famille sur l'île Santa Catalina à l'été 1902, Patton rencontra Beatrice Banning Ayer (1886-1953), la fille de l'industrielbostonien Frederick Ayer[7]. Ils se marièrent le àBeverly dans leMassachusetts. Ils eurent trois enfants : Beatrice Smith (1911-1952)[8], Ruth Ellen (1915-1993)[9] etGeorge Patton IV (1923-2004)[10].
Patton n'envisagea jamais sérieusement une carrière autre que militaire[3] et en 1902, il écrivit une lettre ausénateur Thomas R. Bard pour qu'il soutienne sa candidature à l'académie militaire de West Point. Bard lui demanda de réussir un examen d'entrée et Patton, craignant de ne pas le réussir, s'inscrivit à plusieurs universités ayant un programme duReserve Officers Training Corps. Il fut admis à l'université de Princeton mais rejoignit finalement l'institut militaire de Virginie où il étudia de 1903 à 1904[7]. Malgré ses difficultés en lecture et en écriture, ses performances exceptionnelles lors desdéfilés lui valurent l'admiration de ses camarades et le respect des étudiants plus âgés. Le, Patton réussit le concours d'entrée et Bard soutint son admission à West Point[11].
Patton s'habitua facilement à la routine de West Point[12] mais ses résultats étaient mauvais et il fut obligé de redoubler sa première année[13]. Il étudia pendant tout l'été et ses performances s'améliorèrent sensiblement l'année suivante. Tout au long de ses études à l'académie, Patton excella lors des exercices militaires mais ses résultats académiques restèrent moyens. Il futcadetsergent-major en troisième année et cadetadjudant en quatrième année. Il rejoignit l'équipe defootball américain mais abandonna après s'être blessé au bras. Il s'essaya alors à l'athlétisme[14] et à l'escrime et devint rapidement l'un des meilleurssabreurs de l'académie[15]. Patton arriva46e de sa promotion de103 élèves[16] et devintsous-lieutenant decavalerie le[17].
La première affectation de Patton fut au sein du15e régiment de cavalerie àFort Sheridan dans l'Illinois[18] où son caractère énergique fut remarqué par ses supérieurs[19]. À la fin de l'année 1911, Patton et sa famille furent transférés à Fort Myers en Virginie, où la plupart des officiers supérieurs de l'armée étaient stationnés. S'étant lié d'amitié avec lesecrétaire à la GuerreHenry L. Stimson, Patton l'assista dans ses fonctions officielles en plus de ses activités dequartier-maître auprès de ses hommes[8].
Grâce à ses talents en course à pied et en escrime, Patton fut sélectionné pour participer aux épreuves depentathlon moderne auxJeux olympiques de 1912 organisés àStockholm enSuède[20]. Sur les42 concurrents, Patton arriva9e en escrime,3e ensaut d'obstacles,7e en natation,21e entir au pistolet,15e en course à pied et arriva donc à la5e place au classement final[21]. Il y eut une certaine controverse quant à la performance de Patton au tir au pistolet. Il utilisa uncalibre .38 alors que la plupart de ses concurrents utilisaient uncalibre.22 plus petit. Patton avança que ses premiers tirs avaient fait des trous tellement grands dans le papier que certaines balles passèrent au travers lors des tirs suivants ; les juges considérèrent cependant qu'il avait raté la cible. Les compétitions actuelles de ce niveau utilisent fréquemment des arrière-plans mobiles pour pouvoir contrôler si des balles passent à travers le même trou[22],[23]. Si cette affirmation était correcte, Patton aurait certainement remporté unemédaille olympique mais la décision des juges fut confirmée[24].
Patton avec son cheval Wooltex en 1914.
Après les Jeux olympiques, Patton se rendit à l'école de cavalerie deSaumur (enFrance) où il apprit de nouvelles techniques d'escrime avec Charles Cléry, un instructeur duCadre noir[25]. Fort de cet enseignement, Patton modifia la doctrine du combat au sabre pour la cavalerie à son retour à Fort Myers pour mettre l'accent sur l'estoc plutôt que sur la taille. Il fut temporairement affecté au bureau duchef d'état-major de l'armée pour concevoir unsabre droit et non plus courbé destiné à cette nouvelle utilisation. 20 000 exemplaires de ce sabre de cavalerie modèle 1913, communément appelé « sabre Patton », furent commandés en 1913. Patton retourna à Saumur pour recevoir de nouveaux enseignements et intégra l'école de cavalerie deFort Riley dans leKansas où il fut à la fois élève et instructeur et enseigna ses techniques à d'autres officiers de cavalerie souvent plus gradés que lui[26]. Patton fut diplômé en et devait initialement rejoindre le15e régiment de cavalerie[27] en partance pour lesPhilippines. Craignant qu'il ne s'agisse d'une voie de garage pour sa carrière, Patton se rendit àWashington durant une permission de onze jours pour convaincre des amis influents d'obtenir son affectation au sein du8e régiment de cavalerie deFort Bliss auTexas car il anticipait que l'instabilité auMexique allait déboucher sur une guerre civile[9]. Dans le même temps, il fut sélectionné pour participer auxJeux olympiques de 1916 mais l'événement fut annulé du fait de laPremière Guerre mondiale[28].
Une Dodgemodèle 30-35 de 1915 au musée Walter P. Chrysler dans leMichigan. Patton et ses hommes utilisaient ce type de véhicule lors de leurs patrouilles au Mexique en 1916[29].
En 1915, Patton fut affecté à des missions de surveillance de lafrontière avec le Mexique dans une compagnie du8e régiment de cavalerie basé àSierra Blanca au Texas[30],[31]. Durant son séjour dans cette ville agitée, Patton prit l'habitude de porter sonColt .45 à la ceinture plutôt que dans son étui pour imiter l'image descow-boys. Alors qu'il se trouvait dans un bar, l'arme tira accidentellement et Patton l'échangea contre unColt Single Action Army avec unecrosse enivoire ; il conserva cerévolver jusqu'à sa mort et elle devint l'un des éléments caractéristiques de son image. Il fut brièvement affecté àFort Leonard Wood dans leMissouri à la fin de l'année 1915[32].
Alors que le Mexique sombrait dans laguerre civile, des forces mexicaines loyales àPancho Villa franchirent la frontière avec leNouveau-Mexique et attaquèrent la ville deColumbus en représailles pour l'arrêt des livraisons d'armes et de fournitures par le gouvernement américain. Les combats firent plusieurs dizaines de morts et les États-Unis lancèrent uneexpédition punitive contre Villa. Déçu d'apprendre que son unité n'y participerait pas, Patton implora le commandant de l'expédition, lemajor-généralJohn Pershing, et ce dernier en fit sonaide de camp. Patton pourrait donc jouer un rôle dans la campagne et son impatience et son application impressionnèrent Pershing[33],[34]. Le jeune officier développa son style de commandement fort et offensif en s'inspirant de celui de Pershing qui préférait commander depuis le front[35],[36]. En tant qu'aide de camp, Patton supervisa la logistique de l'opération et servait d'estafette personnelle au général[37].
Au milieu du mois d'avril, Patton sollicita Pershing pour obtenir des fonctions de commandement et fut affecté à latroupe C du13e régiment de cavalerie qui pourchassait Villa et ses subordonnés[38]. Le baptême du feu de Patton eut lieu le dans ce qui fut la première attaque motorisée de l'histoire militaire américaine. À la tête d'une force composée de dix soldats du6e régiment d'infanterie et de deux guides civils à bord de troistorpédosDodge, il surprit et tua trois hommes de Villa qui cherchaient du ravitaillement ; parmi eux figurait Julio Cárdenas, lecommandant en second de Villa[34],[39]. On ne sait pas précisément si Patton tua personnellement l'un des trois hommes mais il fut affirmé qu'il avait blessé les trois[40]. Il fut félicité par Pershing et célébré par la presse comme un « tueur de bandit[34],[41] ». Il fut promufirst lieutenant le alors qu'il appartenait au10e régiment de cavalerie[30]. Patton resta au Mexique jusqu'à la fin de l'année mais la poursuite des opérations fut entravée par des considérations politiques. LeprésidentWoodrow Wilson interdit les poursuites loin au sud de la frontière et les forces expéditionnaires sur place restèrent dans leurs campements une grande partie du temps. En octobre, Patton se rendit brièvement en Californie après avoir été brûlé lors de l'explosion d'unelampe à pétrole[42]. Il quitta définitivement l'expédition en[43].
Patton devant un charRenault FT en 1918 en France.
Après l'expédition, Patton fut initialement affecté àFront Royal en Virginie pour superviser l'acquisition de chevaux pour l'armée[43]. À la suite de l'entrée en guerre des États-Unis contre lesempires centraux en avril et la nomination de Pershing à la tête de laforce expéditionnaire américaine, Patton demanda à rejoindre son état-major[34]. Il fut promucapitaine le et embarqua pour l'Europe le avant d'arriver àLiverpool le[44]. Devenu l'assistant personnel de Pershing, Patton supervisa l'entraînement des troupes américaines àParis en septembre avant d'être affecté au commandement du quartier-général de la base deChaumont. Il n'appréciait pas cette fonction et commença à s'intéresser auxchars d'assaut alors que Pershing songeait à lui donner le commandement d'unbataillon d'infanterie[45]. Alors qu'il était hospitalisé pour unictère, il rencontra lecolonelFox Conner qui l'encouragea à poursuivre dans cette voie[46].
Le, Patton reçut l'ordre d'établir l'école des blindés légers de la force expéditionnaire[34]. Il quitta Paris et rejoignit le camp d'entraînement de l'armée française à Champlieu près d'Orrouy (Oise) où il conduisit unchar légerRenault FT pour tester sa capacité à franchir lestranchées. Il visita également une usineRenault pour voir la fabrication des blindés. Le, les Britanniques lancèrent ce qui était alors la plus grande offensive de chars de la guerre près deCambrai[47]. Dix jours plus tard, Patton se rendit àAlbert à environ 50 km deCambrai pour être informé des résultats de l'attaque parJohn Frederick Charles Fuller, le commandant britannique duRoyal Tank Regiment[48]. Patton fut promumajor le[46] et reçut le, les dix premiers chars de son école àBourg, petit village près deLangres où est installée l'école de chars légers de l'armée américaine. Étant le seul soldat ayant une expérience de la conduite de ces engins, Patton descendit personnellement sept chars du train qui les avait transportés[49]. À son poste, Patton entraîna les équipages des chars à opérer en soutien de l'infanterie et défendit son usage auprès des officiers réticents[50]. Il fut promulieutenant-colonel le[51].
Patton au grade temporaire decolonel à Fort Meade dans le Maryland en 1919.
Patton quitta la France pourNew York le. Après la guerre, il fut assigné àFort Meade, dans leMaryland, et ramené à sonrang permanent de capitaine le même s'il fut à nouveau promu major le lendemain. Il rejoignit à Washington un comité chargé de rédiger un manuel sur l'utilisation des chars d'assaut. Il commença à développer l'idée que les blindés devaient former un groupe de combat indépendant et non plus opérer uniquement en soutien de l'infanterie. Il défendit le projet dechar M1919 conçu parJ. Walter Christie qui fut néanmoins abandonné pour des raisons budgétaires[61]. Alors qu'il se trouvait à Washington en 1919, Patton rencontraDwight D. Eisenhower[62], qui joua un rôle déterminant dans la suite de sa carrière. Pendant et après l'affectation de Patton àHawaï, Eisenhower et lui échangeaient régulièrement par courrier. Patton lui apporta en particulier son soutien pour l'aider à obtenir son diplôme auGeneral Staff College[10]. Avec Christie, Eisenhower et quelques autres officiers, Patton défendit le développement des forces mécanisées durant l'Entre-deux-guerres. Ces idées étaient soutenues par le secrétaire à la GuerreDwight Davis, mais leur application fut entravée par les faibles budgets militaires et la domination de l'infanterie et de la cavalerie ; les États-Unis développèrent ainsi peu leur corps blindé avant 1940[63].
Le, Patton quitta le commandement de la304e brigade de chars et fut réaffecté à Fort Myers pour commander le3eescadron du3e régiment de cavalerie[10]. Détestant son travail d'officier d'état-major en temps de paix, Patton consacra beaucoup de temps à la rédaction de documents techniques et donna des conférences sur son expérience du combat auGeneral Staff College[61]. De 1922 au milieu del'année 1923, il étudia à l'école de cavalerie de Fort Riley puis auGeneral Staff College jusqu'au milieu de l'année 1924[10][pas clair] dont il sortit25e sur 248[64]. En, Patton sauva plusieurs enfants de la noyade lorsqu'ils tombèrent d'un yacht lors d'une croisière au large deSalem dans le Massachusetts. Cette action lui valut uneLifesaving Medal d'argent[65]. Il fut temporairement nommé auGeneral Staff Corps de Boston avant d'être réaffecté à l'état-major de la division hawaïenne àSchofield Barracks(en) sur l'île d'Honolulu en[10]. Il appartenait aux unités militaires responsables de la défense de l'archipel et rédigea un plan de défense appelé « Surprise » qui envisageait une attaque aérienne contre la base navale dePearl Harbor, dix ans avant l'attaquejaponaise du[66].
Patton resta à Hawaï pendant plusieurs mois avant d'être transféré en au bureau du chef de la Cavalerie à Washington. Il continua le développement des concepts de guerre mécanisée, mais une brève expérience visant à fusionner l'infanterie, la cavalerie et l'artillerie dans une force combinée fut annulée après que leCongrès eut mis fin aux financements. Patton quitta son poste en 1931 et étudia à l'académie militaire deCarlisle, enPennsylvanie, dont il fut diplômé avec les honneurs en[67].
En, Patton devint commandant en second du3e régiment de cavalerie qui fut déployé à Washington par le chef d'état-major de l'arméeDouglas MacArthur. À la tête de ses600 hommes, il participa le à la dispersion de la manifestation des vétérans de laBonus Army avec desgaz lacrymogènes et desbaïonnettes. Parmi ces vétérans figurait Joe Angelo qui avait sauvé la vie de Patton pendant la Première Guerre mondiale. Patton était mécontent de l'ordre de MacArthur, car il jugeait que les demandes des vétérans étaient légitimes et il avait auparavant refusé de délivrer un ordre autorisant l'emploi de la force armée pour disperser les vétérans. Il déclara néanmoins plus tard que s'il avait trouvé ce devoir« très déplaisant », il considérait également que réprimer la manifestation avait empêché une insurrection et protégé des vies et des biens. Il mena ainsi personnellement la dispersion des manifestants à la tête de ses hommes surPennsylvania Avenue[68],[69].
Patton fut promulieutenant-colonel le et fut transféré à la division hawaïenne au début de l'année 1935. Déprimé par le fait qu'aucun conflit ne soit sur le point d'éclater, Patton commença à beaucoup boire et entama plusieurs liaisons extra-conjugales, dont une avec sa nièce par alliance Jean Gordon[70], âgée de vingt et un ans.
Patton mena la division durant des manœuvres dans leTennessee en et fut félicité pour son commandement car les objectifs fixés avaient été atteints en neuf heures au lieu des48 demandées. Durant des manœuvres enLouisiane en septembre, sa division appartenait durant laphase I à l'armée rouge perdante mais dans laphase II, elle fut rattachée à l'armée bleue. Patton organisa une manœuvre de 640 km pour contourner l'armée rouge et « capturer » la ville deShreveport. Lors des manœuvres enCaroline en octobre-novembre, la division de Patton captura Hugh A. Drum qui commandait l'armée adverse[77]. Le, il reçut le commandement du1er corps blindé et établit leDesert Training Center[78] dans laVallée impériale en Californie pour entraîner les troupes au combat dans ledésert. Il organisa des exercices à la fin del'année 1941 et jusqu'àl'été 1942[79]. Dès qu'il avait commencé à commander, Patton avait mis l'accent sur le besoin de rester constamment au contact avec les troupes adverses. Sa préférence instinctive pour l'offensive fut illustrée dans la réponse qu'il donna à uncorrespondant de guerre en 1944. Lorsqu'on lui demanda si la progression rapide de la3e armée en France devrait être ralentie pour réduire le nombre de pertes américaines, Patton répondit :« Dès que vous ralentissez quelque chose, vous gaspillez des vies humaines[80] ». Durant la guerre, Patton gagna le surnom deOld Blood and Guts (« Vieux sang et tripes ») du fait de son enthousiasme pour le combat[81]; ses hommes ironisaient sur« notre sang, ses tripes » mais Patton était connu pour être très respecté par les soldats sous son commandement[82]. Il était également parfois appeléThe Old Man (« le Vieux ») par ses troupes[83].
Sous la supervision d'Eisenhower, Patton participa à la planification de l'invasion des territoires français d'Afrique du Nord dans le cadre de l'opérationTorch à l'été 1942[84],[85]. Il commanda ensuite ledébarquement de 24 000 hommes autour deCasablanca auMaroc le. Les forcesvichystes opposèrent une forte résistance mais Casablanca tomba le et Patton négocia un cessez-le-feu avec le général françaisCharles Noguès[86],[87]. Lesultan marocain fut tellement impressionné qu'il le fitgrand-croix de l'ordre du Ouissam alaouite avec la citation« les lions dans leurs tanières tremblent en le voyant approcher[88] ». Patton supervisa la conversion de Casablanca en port militaire et l'organisation de laconférence de Casablanca en[89].
À la suite de la défaite du2e corps d'armée face à l'Afrikakorps lors de labataille de Kasserine, Patton remplaça le major-généralLloyd Fredendall à la tête de l'unité et fut promu lieutenant-général le. Peu après, il obtint la réaffectation du major-généralOmar Bradley dans son unité où il devint son commandant en second[90]. Ayant ordre de ramener au front la formation épuisée et démoralisée en seulement dix jours, Patton prit immédiatement des mesures pour ramener la discipline. Il ordonna aux soldats de porter des uniformes complets, propres et repassés, établit un emploi du temps rigoureux et fit appliquer de manière stricte les protocoles militaires. Il déplaçait constamment son état-major pour être le plus possible au contact de ses hommes afin d'en faire des soldats efficaces[91].
La conduite de Patton durant cette campagne fut controversée. Lorsque Alexander lui demanda le de limiter sa progression vers Palerme, son chef d'état-major, le brigadier-généralHobart R. Gay avança que le message avait« été perdu dans les transmissions » jusqu'à ce que la ville soit tombée. Le, il tua deuxmulets tirant un chariot qui s'étaient arrêtés sur un pont bloquant une colonne blindée américaine se trouvant sous le feu de l'aviation allemande. Lorsque le propriétaire sicilien protesta, Patton le frappa avec une canne et poussa les deux mulets du pont[96]. Après avoir été informé dumassacre de prisonniers de guerre italiens àAcate par des soldats sous son commandement, Patton écrivit dans son journal :
« J'ai dit à Bradley que c'était probablement une exagération, mais en tout cas il faut demander à l'officier de certifier que les morts étaient desfranc-tireurs ou avaient tenté de s'évader ou quelque chose de ce genre, car cela ferait un scandale dans la presse et rendrait les civils furieux. Quoi qu'il en soit, ils sont morts et on ne peut rien y faire[98]. »
Patton discute avec des soldats blessés attendant leur évacuation.
Le, alors qu'il était en visite dans unhôpital militaire àNicosie sur l'île deChypre, Patton frappa et injuria lesoldat Charles H. Kuhl qui souffrait destress post-traumatique[100]. Le, Patton frappa également le soldat Paul G. Bennett dans des circonstances similaires[100]. Ordonnant que les deux hommes soient renvoyés sur le front[101], Patton écrivit que ses officiers devaient discipliner tout homme se plaignant d'« usure au combat » et que si ces derniers se défilaient,« ils devraient être jugés pour lâcheté et fusillés[102] »
Après avoir pris connaissance de l'incident, Eisenhower réprimanda Patton en privé et insista pour qu'il présente ses excuses[103]. Patton s'excusa auprès des deux soldats, des médecins qui avaient assisté aux altercations[104] et de tous les soldats sous son commandement lors de plusieurs discours[105]. Eisenhower étouffa l'affaire dans les médias[106] mais ennovembre, elle fut dévoilée par le journaliste Drew Pearson dans son émission de radio[107]. Les critiques envers Patton venant de membres du Congrès et d'anciens généraux dont Pershing furent violentes[108],[109]. L'opinion publique était néanmoins plus mitigée[110] et le secrétaire à la Guerre Henry L. Stimson avança que Patton ne devait pas être limogé du fait du besoin pour son« commandement agressif et victorieux dans les dures batailles à venir avant la victoire finale[111] ».
Patton ne commanda néanmoins aucune force combattante jusqu'à l'été 1944[112]. En septembre, Bradley fut choisi pour commander la1re armée en cours de rassemblement en Angleterre en prévision desdébarquements de Normandie même s'il était moins expérimenté et moins gradé que Patton[113]. Cette décision avait été prise avant que l'incident des gifles ne soit rendu public mais Patton crut qu'il n'avait pas obtenu ce commandement pour cette raison[114]. Eisenhower considérait que l'invasion de l'Europe était trop importante pour prendre le moindre risque et l'incident des gifles avait démontré l'incapacité de Patton à se contrôler. Même si Eisenhower et Marshall tenaient en haute estime ses qualités de commandant, ils considéraient que Bradley était moins impulsif et prompt à faire des erreurs[115]. Le, Patton reçut formellement le commandement de la3e armée américaine en Angleterre ; il s'agissait d'une unité nouvellement formée et Patton devait préparer ses soldats inexpérimentés aux combats à venir[116],[117].
Lehaut-commandement allemand avait plus de respect pour Patton que pour tout autre commandantallié et le considérait comme une figure centrale dans la préparation de toute invasion de l'Europe[118]. Patton fut donc largement impliqué dans l'opérationFortitude visant à tromper les Allemands sur le véritable lieu de l'attaque[119]. Les Alliés fournirent aux espions allemands de faux renseignements selon lesquels Patton avait été nommé commandant du premier groupe de l'armée américaine et qu'il préparait un débarquement dans lePas-de-Calais. En réalité, l'unité n'existait pas, tandis que de faux équipements comme des chars gonflables et une intense activité radio autour deDouvres devaient permettre de masquer le fait que la véritable cible des débarquements était laNormandie. Patton reçut l'ordre de rester discret pour que les Allemands croient qu'il se trouvait à Douvres, alors qu'il entraînait la3e armée[118]. Du fait de cetteopération de désinformation, laXVe armée allemande resta dans le Pas-de-Calais pour repousser l'attaque de Patton[120] et elle ne fut redéployée qu'en, bien après lesdébarquements du. Patton arriva en France en et reprit le commandement d'une unité de combat[121].
La tactique de Patton reposait sur des offensives rapides et agressives même si ses forces rencontrèrent moins d'opposition que les trois autres armées alliées dans les premières semaines de sa progression[124]. La3e armée déployait descanons automoteurs au sein des unités defer-de-lance pour pouvoir engager rapidement les positions fortifiées allemandes. Une fois que les reconnaissances aériennes avaient été effectuées, l'infanterie passait à l'attaque avec le soutien des blindés tandis que d'autres unités mécanisées profitaient de l'affaiblissement des lignes ennemies pour percer le front et empêcher le regroupement des forces allemandes[125].
Lescombats devant Metz, qui se poursuivirent durant tout le mois d' et la plus grande partie du mois de, se soldèrent par de lourdes pertes dans les deux camps[136]. La ville de Metz fut prise le[137], mais les derniersforts ne déposèrent les armes qu'en[138], immobilisant pas moins de 9 000 soldats américains. La décision de Patton de prendre Metz fut plus tard critiquée. Après la guerre, des officiers allemands avancèrent qu'il aurait pu contourner la ville et progresser au nord vers leLuxembourg pour menacer les arrières de laVIIe armée[139]. L'un des responsables du secteur de Metz, le généralHermann Balck, affirma notamment que la ville serait tombée plus vite si l'attaque avait eu lieu plus tôt. L'historienCarlo D'Este écrivit plus tard que lacampagne de Lorraine fut l'offensive la moins réussie de Patton et le blâma de ne pas avoir utilisé ses divisions de manière plus agressive[140]. Les possibilités de Patton étaient néanmoins limitées, compte tenu de la priorité accordée à Montgomery jusqu'à ce que leport d'Anvers soit utilisable. Ces contraintes logistiques expliquent donc, en partie, que les troupes de Patton n'aient progressé que de 65 km entre le et le[141].
Le, l'armée allemande commandée par le maréchalvon Rundstedt lança une offensive enBelgique et auLuxembourg. 250 000 soldats attaquèrent le point faible du dispositif allié et progressèrent rapidement vers laMeuse malgré l'un des hivers les plus rudes que l'Europe ait connu. Eisenhower convoqua tous les principaux commandants alliés du front de l'Ouest près deVerdun le pour élaborer une stratégie[142].
À ce moment, la3e armée était engagée dans de durs combats près deSarrebruck. Présageant de l'objectif de la réunion des chefs alliés, Patton ordonna à son état-major de préparer trois plans d'urgence pour retirer les éléments de la3e armée de leurs positions actuelles et mener une offensive en direction du saillant conquis par les troupes allemandes[143]. Au quartier-général allié, Eisenhower présida la réunion à laquelle participaient Patton, Bradley,Devers, le major-généralKenneth Strong(en), leAir Chief MarshalTedder et de nombreux officiers d'état-major[144]. Lorsque Eisenhower demanda à Patton combien de temps il lui faudrait pour désengager six divisions de sa3e armée et lancer une contre-attaque vers le nord pour secourir la101e division aéroportée encerclée àBastogne, il répondit :« Dès que vous en aurez fini avec moi[145] ». Patton expliqua ensuite qu'il avait déjà planifié une contre-attaque avec trois divisions complètes pour le soit deux jours plus tard[145]. Eisenhower était incrédule :« Ne soyez pas présomptueux, George. Si vous tentez d'y aller aussi tôt, vos trois divisions ne seront pas prêtes et vous vous engagerez par petits groupes ». Patton répondit que son état-major avait déjà préparé des plans d'urgence et qu'il n'avait plus qu'à les appliquer. Toujours sceptique, Eisenhower ordonna à Patton d'attaquer à l'aube du avec au moins trois divisions[146]. Patton quitta la salle de réunion et téléphona à son état-major pour lui dire « Play ball » (« démarrez la partie »). Cette phrase codée signifiait l'application d'un plan impliquant le déploiement de trois divisions vers Bastogne[143]. Finalement, Patton redéploya six divisions complètes depuis leurs positions sur laSarre le long d'une ligne passant par Bastogne,Diekirch etEchternach[147].
Patton fut nommé gouverneur militaire de Bavière, où il supervisa les opérations dedénazification[159]. Il fut particulièrement irrité par la fin de la guerre contre le Japon, et écrivit dans son journal :« Une autre guerre s'est achevée et avec elle mon utilité dans le monde[159]. » Mécontent de ses fonctions et déprimé par le fait qu'il n'aurait peut-être plus jamais à combattre dans une autre guerre, le comportement et les déclarations de Patton devinrent de plus en plus incohérents. Diverses explications, au-delà de sa déception, ont été proposées pour expliquer ces actions. Carlo D'Este écrit qu'il« semble quasiment inévitable... que Patton ait été victime des différentes séquelles cérébrales causées par les nombreux traumatismes crâniens » associés à une vie d'accidents de voiture et de cheval[106]. Patton passa quelque temps avec sa nièce, Jean Gordon, à Londres en 1944 et en Bavière en 1945. Jean Gordon aimait, en réalité, un jeune capitaine marié qui l'abandonna quand il retourna chez lui avec sa femme en[160]. Patton se vanta à plusieurs reprises de ses performances sexuelles avec la jeune femme mais ses biographes sont sceptiques. Hirshson avance que la relation était plus ou moinsplatonique[161] tandis que Showalter considère que Patton, soumis à un intense stress physique et psychologique, inventa ses conquêtes sexuelles pour démontrer sa virilité[162]. D'Este avance que« son comportement suggère qu'en 1936 [à Hawaï] et en 1944-1945, la présence de la jeune et attirante Jean était un moyen d'apaiser l'anxiété d'un homme d'âge mûr sur sa virilité et la peur de la vieillesse[163] ».
Patton provoqua une nouvelle controverse lorsqu'il fut rapporté que plusieurs anciens membres duparti nazi continuaient d'exercer des fonctions politiques, dans la région où il était gouverneur[159]. Lors d'une conférence de presse à ce sujet, Patton compara à plusieurs reprises les nazis auxdémocrates et auxrépublicains en avançant que la plupart des personnes disposant d'une expérience administrative avaient été contraintes de rejoindre le parti durant la guerre ; cela fit scandale dans la presse et ulcéra Eisenhower[164],[165].
La dernière affectation de Patton fut le commandement de la15e armée basée àBad Nauheim. L'unité ne comptait alors plus que quelques officiers d'état-major chargés de compiler les informations sur la conduite des opérations durant le conflit en Europe. Patton avait accepté le poste du fait de son amour de l'Histoire mais perdit rapidement tout intérêt pour la mission. Il voyagea et visita Paris,Rennes,Chartres,Bruxelles,Metz,Reims,Luxembourg et Verdun[164] ainsi que Stockholm, où il retrouva d'autres athlètes des Jeux olympiques de 1912.
Le, le chef d'état-major de Patton, le major-général Hobart R. Gay, l'invita à une chasse aufaisan près deSpire pour lui permettre de se changer les idées. Le à11 h 45, Gay et Patton se trouvaient dans laCadillacmodèle 75 de ce dernier, conduite par le1re classe Horace L. Woodring. Après avoir franchi unpassage à niveau, Woodring détourna le regard de la route au moment où uncamion militaire, conduit par le sergent Robert L. Thompson se dirigeant vers le quartier-général, coupa soudainement la trajectoire de la voiture de Patton en prenant un virage à gauche devant elle. Woodring freina de toutes ses forces et tourna brusquement à gauche pour tenter d’éviter le camion qu'il percuta néanmoins à faible vitesse[166].
Thompson dans le camion d’une part, Woodring et Gay — dans la voiture d’autre part — ne furent que légèrement blessés mais Patton n'avait pas eu le temps de se préparer au choc et sa tête avait violemment heurté une vitre arrière de la voiture. Profondément entaillé à la tête, il saignait abondamment et se plaignit à Woodring et Gay qu'il était paralysé et avait des difficultés pour respirer. Emmené à l'hôpital d'Heidelberg, les médecins diagnostiquèrent untassement vertébral et une fracture des troisième et quatrièmevertèbres ayant pour conséquence des lésions sur lamoelle épinière à l'origine d’unetétraplégie. Il passa les douze jours qui suivirent entraction cervicale pour réduire la pression sur sa moelle épinière. Même si la technique était douloureuse, il ne s'en plaignait pas. Aucun visiteur, en dehors de son épouse, ne fut admis dans sa chambre. Patton, à qui on avait dit qu'il ne pourrait jamais plus monter à cheval ou mener une vie normale, commenta :« C'est une satanée façon de mourir ». Il décéda dans son sommeil d'unœdème pulmonaire et d'uneinsuffisance cardiaque le[167] vers18 h.
Le caractère pittoresque et énergique de Patton, ses succès militaires et ses fréquentes erreurs politiques ont produit une image complexe et souvent contradictoire. L'historien Terry Brighton conclut que Patton était« arrogant, à la recherche de la gloire et bourré de défauts mais... parmi les plus grands généraux de la guerre[169] ». Son impact sur la guerre mécanisée et la manière de commander furent considérables et l'Armée américaine adopta le style agressif de Patton pour les programmes d'entraînement qu'elle mit en place après sa disparition. De nombreux officiers ont d'ailleurs affirmé qu'ils s'inspiraient de son héritage. La première série de chars américains conçue après la guerre fut baptisée « Patton » et regroupe lesM46,M47,M48 etM60 Patton[170]. Uneplace parisienne et unecourse cycliste luxembourgeoise furent également nommées en son honneur. On doit également à Patton d'avoir participé au sauvetage dulipizzan, une race chevaline autrichienne, décimée par les bombardements et les réquisitions en 1945[171].
Réplique du véhicule de commandement de Patton pendant la Seconde Guerre mondiale auLone Star Flight Museum deGalveston au Texas.
Patton cultivait délibérément une image ostentatoire, dans l'espoir qu'elle encouragerait ses hommes. Il portait fréquemment son revolver à crosse en ivoire[32],[81], un casque lustré ainsi qu'un pantalon et des bottes d'équitation[174]. L'historien Alan Axelrod écrit que« pour Patton, le commandement ne se résumait jamais à simplement donner des ordres et préparer la stratégie, il s'agissait de se transformer en symbole[77] ». Sa soif de gloire, évidente et intentionnellement soulignée, était atypique parmi les officiers de l'époque qui mettaient l'accent sur le rapprochement avec les hommes sur le terrain. Il était également unfataliste convaincu[175] et était persuadé d'être laréincarnation d'ungrognard napoléonien ou d'unlégionnaire romain[6],[176].
Patton développa des talents d'orateur, en partie car il avait des difficultés pour lire[67]. Ses discours pleins de grossièretés étaient généralement appréciés par ses soldats mais irritaient les autres généraux, dont Bradley[177]. Il donna sondiscours à la3e armée(en) avant les débarquements de Normandie[178]. Il était réputé pour sa franchise et ses traits d'humour et déclara ainsi :« Les armes les plus dangereuses qu'ont les Allemands sont nossemi-chenillés et nosjeeps. Le semi-chenillé car les gars à l'intérieur s'y croient en confiance pensant qu'ils sont dans un char. La jeep car nous avons tellement de conducteurs du dimanche[179] ». Il suggéra également facétieusement que sa3e armée pourrait« renvoyer les Britanniques à la mer dans un autreDunkerque[179] ». Alors que l'attention des médias s'accrut, les saillies de Patton entraînèrent de nombreuses controverses comme lorsqu'il compara les nazis aux hommes politiques américains[164] ou quand il tenta d'honorer les vétérans blessés, en les appelant les « véritables héros » de la guerre ce qui choqua involontairement les parents de soldats tués au combat[159]. Il déclara également avant les débarquements de Normandie que les Britanniques et les Américains, et non les Soviétiques, devaient dominer le monde d'après-guerre, ce qui accrut les tensions au sein de cette alliance déjà fragile[180]. Eisenhower indiqua que son manque de tact limitait son potentiel de commandement malgré ses nombreuses réussites[181].
En tant que commandant, Patton était connu pour être intraitable et critiquer vigoureusement la moindre erreur de ses subordonnés, mais également prompt à accorder ses félicitations pour leurs réussites[74]. S'il gagna une réputation de général impatient et impulsif, ne tolérant pas les échecs de ses officiers, il ne limogea qu'un seul général durant la Seconde Guerre mondiale, Orlando Ward, et uniquement après deux avertissements, alors que Bradley renvoya plusieurs généraux pendant le conflit[182]. Patton avait le plus profond respect pour les hommes servant sous ses ordres, en particulier les blessés, même s'il avait tendance à traiter les victimes de troubles psychologiques, aujourd'hui identifiés comme souffrant destress post-traumatique, de « lâches[183] ». Dans de nombreux ordres, il démontra l'intérêt qu'il portait au bien-être de ses soldats et s'arrangeait pour fournir du ravitaillement supplémentaire ainsi que des couvertures, des paires de chaussettes et d'autres objets habituellement rares sur le front[184].
Patton exprima sans honte ses opinionsracistes tout au long de sa vie[175]. Ces dernières étaient probablement liées à sa jeunesse privilégiée et à ses racines familiales dans leSud des États-Unis[185]. Il écrivit ainsi en privé sur les soldatsafro-américains :« Individuellement, ils sont de bons soldats mais j'ai par le passé exprimé mon opinion, et n'ai jamais trouvé le besoin d'en changer, qu'un soldat de couleur ne réfléchit pas assez vite pour combattre dans un blindé[186]. » Il affirma néanmoins que les performances étaient plus importantes que la race ou la religion :« Je me fous de ce qu'un homme peut être. Il peut être un nègre ou un juif mais s'il a la carrure et fait son devoir, il peut avoir tout ce que j'ai eu[187]. » Après avoir lu leCoran et observé lesMaghrébins, il écrivit à son épouse :« Viens de finir de lire le Coran, un livre intéressant. » Il indiqua néanmoins :« Il me semble évident que les enseignements fatalistes deMahomet et la profonde dégradation des femmes sont les causes fondamentales du non-développement desArabes… Il y a ici, je pense, matière à un éloquent sermon sur les vertus du christianisme[188]. » Patton était impressionné par l'Union soviétique mais méprisait les Russes, qu'il qualifiait d'« ivrognes sans respect pour la vie humaine[189] ». À la fin de sa vie, il exprima des opinions de plus en plusantisémites etanticommunistes, du fait des fréquentes controverses qu'il avait eues dans la presse[164].
Le1er février 1945, Eisenhower rédigea une note classant les capacités militaires des généraux américains en Europe. Bradley et le général d'aviationCarl A. Spaatz partageaient la première place suivis parWalter B. Smith tandis que Patton était en troisième position[191]. Il expliqua son raisonnement dans une critique de 1946 du livrePatton and his Third Army :« George Patton était le plus brillant commandant d'armée en rase campagne que nos services aient pu produire. Mais son armée appartenait à une organisation et ses opérations n'étaient qu'un élément d'une grande campagne[192] ». Eisenhower considérait que d'autres généraux comme Bradley devaient être félicités pour la planification des campagnes alliées victorieuses en Europe dans lesquelles Patton n'était qu'un« brillant exécutant[192] ». Malgré cette estimation des capacités stratégiques de Patton, son refus de le limoger après l'incident des gifles en Sicile témoigne de ce qu'il pensait de sa valeur militaire. Eisenhower remarqua en privé que« Patton est indispensable à l'effort de guerre et l'un des garants de notre victoire[193] ». Comme lesecrétaire à la Guerre adjoint,John McCloy, dit à Eisenhower :« La remarque deLincoln après les attaques contreGrant me vient à l'esprit quand je pense à Patton : « Je ne peux pas me passer de cet homme, il se bat[194]» ». Après la mort de Patton, Eisenhower lui rendit un hommage appuyé :« Il était l'un de ces hommes nés pour être soldat... Il n'est pas exagéré de dire que le nom de Patton fait régner la terreur dans le cœur de l'ennemi[192] ».
Patton (à droite) serre la main de Montgomery à Palerme en 1943.
Patton fut sévèrement critiqué par Bradley dans ses mémoires et il écrivit que s'il avait été son supérieur en Sicile en 1943, il ne l'aurait pas simplement immédiatement relevé de son commandement mais« n'aurait plus rien voulu avoir à faire avec lui[195] ». Les deux hommes avaient des personnalités complètement opposées et de nombreux éléments témoignent du fait que Bradley le détestait autant sur le plan personnel que professionnel[196],[197]. Le présidentFranklin D. Roosevelt semblait estimer grandement Patton et ses talents :« Il est notre plus grand général et un pur bonheur[198] ». À l'inverse, son successeurHarry S. Truman semble avoir eu une antipathie immédiate envers Patton et il compara MacArthur et lui àGeorge A. Custer[198].
En majorité, les commandants britanniques ne tenaient pas Patton en grande estime. LemaréchalAlan Brooke écrivit en :« J'ai entendu parler de lui mais je dois avouer que sa personnalité aventurière dépasse toutes mes espérances. Un commandant fringant, courageux, surexcité et déséquilibré, adapté pour les opérations demandant une charge et une percée mais perdant dans toute opération nécessitant habileté et jugement[199] ». L'une des possibles exceptions était Montgomery. Même si la rivalité entre les deux hommes est bien connue, Montgomery semble avoir admiré la capacité de commandement de Patton sur le terrain, même s'il était plus critique sur son jugement stratégique[200]. Les autres commandants alliés étaient plus enthousiastes. Le général françaisHenri Giraud fut incrédule quand il apprit son limogeage en 1945 et l'invita à Paris pour être décoré par leprésidentCharles de Gaulle lors d'une cérémonie officielle. Lors du dîner, de Gaulle donna un discours plaçant les réussites de Patton au niveau de celles de Napoléon[201]. Le dirigeant soviétiqueJoseph Staline était également un admirateur et affirma que l'Armée rouge n'aurait jamais pu planifier ou exécuter la progression fulgurante des colonnes blindées de Patton en France[202].
Si les opinions des commandants alliés étaient partagées, le haut-commandement allemand avait, après 1943, plus d'estime pour lui que pour tout autre officier allié[118].Adolf Hitler en aurait parlé comme de« ce général cow-boy fou[203] ».Alfred Jodl, le chef d'état-major de l'armée allemande déclara que Patton était« leGuderian américain... Il prenait de grands risques et remportait de grandes victoires[203] ». Faisant référence à la retraite de l'Afrikakorps après labataille d'El Alamein, le généralFritz Bayerlein indiqua :« Je ne pense pas que le général Patton nous aurait permis de nous en tirer aussi facilement[203] ». Dans un entretien réalisé pour le journalStars and Stripes peu après sa capture, lemaréchal Gerd von Rundstedt déclara simplement de Patton :« Il est votre meilleur élément[204] ».
↑Il s'agit du plus haut grade de l'Armée américaine attribué en temps de paix. Seuls trois généraux de l'Armée de terre américaine (Marshall,MacArthur etEisenhower), un général de l'Armée de l'air (Arnold) et quatreamiraux ont reçu les « cinq étoiles » en fin du second conflit mondial.
↑Une lecture différente de cette déclaration peut montrer que son auteur tient à la protection de la vie de ses hommes qui ainsi ne doivent pas se mettre inutilement en danger.
↑Les historiensCarlo D'Este et Alan Axelrod notent dans leurs biographies que ces difficultés étaient probablement liées à unedyslexie non-diagnostiquée[6].
↑L'insigne de bras « Metz 1944 », ouÄrmelband Metz 1944, fut ainsi créé à cette occasion en, par Adolf Hitler.
↑« June 19, 1943 Colonel Chauvin informed me that he would like to confer upon me and two other officers designated by me, who had served with me in the Tunisian Campaign, an honorary membership in the 2e Regiment de Marche de Tirailleurs Algeriens, together with the regiment's Fourragere of the Legion of Honor. I named General Bradley and General Gaffey,' and then asked if it would be possible to confer the same honor post-humously upon Major R. N. Jenson,' which request was granted.... The French Color Guard consisted of Lieutenant Biard, who carried the flag, and four tirailleurs. Each of these four men was decorated with the Military Medal, which is the highest award a French soldier can receive, it being restricted to enlisted men and army commanders. The Lieutenant had the Grand Cross of the Legion of Honor, and the Croix de Guerre with a number of palms. The officers in the French company were all Frenchmen. The men were all Berbers and were extremely fine-looking. », George Patton, War as I Knew it, Houghton Mifflin Company, 1947, pp. 50-51.Lire en ligne..