Vers la fin de sa vie,GeorgeIII souffre d'unealiénation mentale récurrente puis permanente. Ses médecins ignorent la cause de la maladie et sont incapables d'aider le souverain ; les spécialistes modernes jugent qu'il souffrait de laporphyrie ou d'accès debipolarité. À la suite d'une rechute finale en 1810, unerégence est instaurée et son fils aîné,George de Galles, règne en tant que prince-régent. Celui-ci monte sur le trône à la mort de son père en sous le nom deGeorgeIV.
George ne garde pas de séquelles de sa naissance prématurée et grandit en bonne santé, même s'il est un garçon timide et réservé. Sa famille s'installe àLeicester Square où George et son frère cadet,Édouard-Auguste, sont éduqués ensemble par des tuteurs privés. Les lettres familiales montrent qu'il peut lire et écrire enanglais et enallemand, et commenter les événements politiques de l'époque alors qu'il n'a que huit ans[3]. Il est le premier monarque britannique à étudier les sciences, dont lachimie et laphysique ; en plus des cours demathématiques, d'astronomie, defrançais, delatin, d'histoire, degéographie, decommerce, d'agriculture et dedroit, il reçoit des leçons desport, dedanse, d'escrime et d'équitation. Son éducation religieuse est exclusivementanglicane[4].
Le grand-père de George, le roiGeorgeII, déteste le princeFrédéric de Galles et ne s'intéresse pas à ses petits-enfants. Après la mort soudaine de Frédéric des suites d'une maladie pulmonaire en 1751, George devient leprince héritier au trône britannique. Il hérite les titres de son père et devientduc d'Édimbourg puisprince de Galles[5].
En 1759, George tombe éperdument amoureux deSarah Lennox, la sœur duduc de Richmond, mais John Stuart exprime son opposition à l'union et George abandonne ses idées de mariage :« je suis désigné pour le bonheur et la misère d'un grand peuple et par conséquent je dois agir contrairement à ma passion »[10],[11]. Les tentatives du roi pour le marier à la duchesseSophie-Caroline-Marie de Brunswick-Wolfenbüttel sont repoussées par George et sa mère[12],[13],[14] ; la duchesse épouse finalement lemargraveFrédéricIII de Brandebourg-Bayreuth[15].
Le, il épouse dans la chapelle royale du palais Saint James la princesseCharlotte de Mecklembourg-Strelitz qu'il rencontre pour la première fois six heures avant la cérémonie[16]. Deux semaines plus tard, le couple royal estcouronné dans l'abbaye de Westminster. Contrairement à ses prédécesseurs et à ses fils, il n'a pas de liaison extraconjugale ;GeorgeIII et Charlotte de Mecklemburg-Strelitz forment un couple uni[17],[18]. Ils ont neuf fils et six filles.
3pence à l'effigie deGeorgesIII à la tête laurée, 1762.
Dans son discours d'accession devant le Parlement, George proclame : « né et éduqué dans ce pays, je trouve ma gloire dans le nom de l'Angleterre »[23]. Il ajoute cette phrase, écrite parLord Hardwicke, pour démontrer sa volonté de rompre avec ses ascendants allemands qui sont jugés comme plus intéressés par le Hanovre que par la Grande-Bretagne[24],[25].
Même si son accession au trône est initialement bien accueillie par les membres de tous les partis politiques[26], les premières années de son règne sont marquées par l'instabilité politique essentiellement liée aux désaccords concernant la gestion de laguerre de Sept Ans[27],[28].GeorgeIII est également perçu comme plus favorable aux ministrestories et il est accusé par leswhigs d'être unautocrate[17]. Dans lesannées 1760, les propriétés royales génèrent relativement peu de revenus et la plupart des recettes de la monarchie proviennent des impôts et desdroits d'accise.GeorgeIII cède le contrôle despropriétés royales au Parlement en retour d'uneliste civile annuelle pour la gestion de ses résidences et les dépenses royales[29]. Les rumeurs selon lesquelles il aurait utilisé cet argent pour récompenser ses partisans et corrompre ses opposants[30] sont rejetées par les historiens qui affirment qu'elles ne « reposent sur rien hormis des mensonges inventés par l'opposition mécontente »[31],[32]. Les dettes accumulées pendant le règne deGeorgeIII sont réglées par le Parlement et la liste civile est augmentée de temps à autre[33]. Il accorde de grandes sommes d'argent provenant de ses fonds privés à laRoyal Academy[34],[35] et donnerait jusqu'à la moitié de ses revenus personnels à des organisations caritatives[36]. Il achète de nombreux tableaux réalisés entre autres parCanaletto etJohannes Vermeer mais c'est en tant que collectionneur de livres qu'il reste le plus connu[37]. La King's Library (aujourd'hui laBritish Library) est ouverte aux universitaires et le roi achète personnellement 6 000 ouvrages[38].
Plus tard dans l'année, laproclamation royale de 1763 crée une limite à l'expansion vers l'ouest des colonies américaines pour favoriser le développement des territoires au nord et au sud et apaiser les relations tendues avec lesAmérindiens. La limite ne gène pas la majorité des colons, qui étaient desagriculteurs, mais elle était impopulaire auprès d'une minorité influente et elle joue un rôle dans le conflit entre les colons et le gouvernement britannique[43]. Comme les colons américains sont généralement épargnés par les taxes britanniques, le gouvernement juge qu'il serait approprié qu'ils en payent pour financer la défense des colonies contre les soulèvements amérindiens ou de possibles incursions françaises[44]. L'opposition des colons ne porte pas sur le fait de payer des impôts mais sur le fait de savoir si le Parlement peut lever des taxes sans l'accord des Américains ; or ceux-ci ne sont pas représentés au Parlement[45]. Le gouvernement britannique rejette ces demandes de représentation et, en 1765, Grenville introduit leStamp Act qui impose l'ajout d'untimbre fiscal sur tous les documents américains. Comme lesjournaux sont particulièrement touchés par cette taxation, ils deviennent les principaux vecteurs du mouvement d'opposition[46]. Dans le même temps, le roi est irrité par les tentatives de Grenville pour réduire les prérogatives du roi et il essaie sans succès de persuaderWilliam Pitt l'Ancien d'accepter le poste de Premier ministre[47],[48],[49]. Après un bref épisode de maladie,GeorgeIII demande àCharles Watson-Wentworth, Lord Rockingham, de former un gouvernement et limogeGrenville[47],[50].
Watson-Wentworth, avec le soutien de Pitt et du roi, annule l'impopulaireStamp Act de Grenville mais son gouvernement est faible et il est remplacé par Pitt en 1766. L'annulation de la loi par Pitt etGeorgeIII est si populaire dans les colonies que des statues sont érigées en leur honneur àNew York[51],[52]. Pitt tombe malade en 1767 etAugustus FitzRoy le remplace, mais il ne devient formellement Premier ministre qu'en 1768. La même année,John Wilkes rentre en Angleterre et se présente auxélections générales. Il arrive en tête dans leMiddlesex mais est à nouveau exclu du Parlement. Il est réélu et exclu deux fois de plus avant que le Parlement ne décide d'invalider sa candidature et de choisir le deuxième de l'élection[53],[54]. Le gouvernement de Fitzroy se désintègre en 1770 et les tories menés parFrederick North reviennent au pouvoir[55],[56].
GeorgeIII est profondément pieux et passe des heures à prier[57],[58], mais sa piété n'est pas partagée par ses frères. Le roi est choqué par ce qu'il juge comme étant des mœurs dissolues. En 1770, il est révélé que son frère, le princeHenri de Cumberland et Strathearn, estadultère et, l'année suivante, il épouse la jeune veuve Anne Horton. Le roi ne la considère pas comme une épouse royale convenable, car elle est issue d'une classe sociale inférieure et la loi allemande interdit aux enfants du couple de monter sur le trône du Hanovre.GeorgeIII demande l'introduction d'une loi qui empêcherait les membres de la famille royale de se marier sans l'accord du souverain. La législation est impopulaire, y compris auprès des ministres de George, mais elle est adoptée en tant queRoyal Marriages Act de 1772. Peu après, un autre frère deGeorgeIII, le princeWilliam Henry de Gloucester et Édimbourg révèle qu'il était secrètement marié àMaria Walpole (fille naturelle d'Edward Walpole et petite-fille deRobert). L'affaire convaincGeorgeIII qu'il a eu raison d'introduire la loi. Aucune des deux femmes n'est reçue à la cour[59],[60].
Le gouvernement deLord North est essentiellement occupé par le mécontentement grandissant dans les colonies. Pour apaiser l'opinion américaine, la plupart des droits douaniers sont supprimés, à l'exception de ceux sur lethé[61]. En 1773, les navires amarrés dans leport de Boston sont abordés par des colons et les ballots de thé qu'ils transportent sont jetés à la mer lors du « Boston Tea Party ». L'opinion publique britannique se radicalise et Pitt s'accorde avec Lord North pour déclarer que la destruction des marchandises est« certainement criminelle »[62]. Avec le soutien du Parlement, North introduit des législations qui sont surnommés lesActes intolérables par les colons : le port de Boston est fermé et lacharte de laprovince de la baie du Massachusetts est modifiée pour que les dirigeants de la colonie soient nommés directement par le roi[63]. Jusqu'à ce moment, selon l'historien Peter Thomas,GeorgeIII« espérait obtenir une solution politique et il suivait toujours les avis de son Cabinet même s'il doutait de leur succès. Les documents détaillés desannées 1763 à tendent à exonérerGeorgeIII de toute véritable responsabilité dans larévolution américaine »[64]. Même si les Américains qualifientGeorgeIII de « tyran », il se contente alors d'agir en monarque constitutionnel soutenant les initiatives de ses ministres[65].
À la suite duBoston Tea Party, les colons commencent à refuser la tutelle britannique et les colonies se dotent de gouvernements autonomes. Les tensions s'accrurent et les soldats britanniques affrontent les miliciens américains lors desbatailles de Lexington et Concord en.
Le jour même de l’entrée en vigueur de l’Acte de Québec (1775), des Anglais mécontents vandalisent un monument à George III érigé à Montréal en l'affublant d'un collier depatates pourries et de l'inscription « Le pape du Canada ou le sot anglais » ; l’hiver suivant, pendant l’invasion américaine du Québec, des insurgésdéboulonnent la statue et la jettent au fond d’un puits de laplace d’Armes. Le buste ne sera retrouvé qu'en 1834[66],[67].
Lespétitions destinées à obtenir un règlement pacifique de la dispute sont ignorées par le Parlement britannique et les chefs rebelles sont qualifiés de traîtres par la Couronne. Les coloniesdéclarent l'indépendance en devenant lesÉtats-Unis en et listent leurs griefs envers le roi et le Parlement. La Déclaration accuseGeorgeIII d'avoir« abdiqué le gouvernement de notre pays… Il a pillé nos mers, ravagé nos côtes, brûlé nos villes et massacré nos concitoyens ». La statue équestre du souverain àNew York est démantelée[68]. Les Britanniques prennent la ville en 1776 maisperdent Boston et leurplan pour envahir la Nouvelle-Angleterre depuis leCanada échoue avec la défaite du généralJohn Burgoyne lors desbatailles de Saratoga.
GeorgeIII est souvent critiqué pour s'être obstiné dans la guerre engagée contre les colons d'Amérique malgré les conseils de ses ministres. Pour l'écrivainGeorge Trevelyan, le roi est déterminé à« ne jamais reconnaître l'indépendance des Américains et à punir leur rébellion par la prolongation illimitée d'une guerre qui promettait d'être éternelle »[69]. Le roi veut « maintenir les rebelles harcelés, anxieux et pauvres jusqu'au jour où, à la suite d'un processus naturel et inévitable, le mécontentement et la déception se seront transformés en pénitence et remords »[69]. Les études plus modernes défendent le comportement deGeorgeIII en avançant que, à l'époque, aucun roi n'aurait abandonné un si grand territoire[18],[70] et que sa conduite est bien moins impitoyable que celle des autres souverains européens[71]. Après ladéfaite de Saratoga, le Parlement et les Britanniques sont favorables à la guerre ; les recrutements sont nombreux et, si les opposants sont actifs, ils ne sont qu'une faible minorité[18],[72]. Du fait des revers en Amérique, le Premier ministre North demande que le pouvoir soit transféré àWilliam Pitt l'Ancien qu'il juge plus capable ;GeorgeIII refuse cette proposition et demande à Pitt de se mettre au service de North. Pitt décline l'offre et décède quelques mois plus tard[73]. Au début de l'année 1778, laFrance signe untraité d'alliance avec les États-Unis et le conflit devient international. La France et les États-Unis sont rapidement rejoints par l'Espagne et lesProvinces-Unies tandis que la Grande-Bretagne demeure isolée. En 1779,Lord Gower etLord Weymouth démissionnent du gouvernement etLord North demande à nouveau le droit de démissionner ; il reste néanmoins en poste du fait de l'insistance du souverain[74]. L'opinion publique commence à se retourner du fait du coût du conflit et cette opposition contribue auxémeutes anticatholiques à Londres en[75].
Jusqu'en 1780, lesloyalistes peuvent croire en une victoire, car les troupes britanniques remportent de nombreuses batailles comme celles deCamden et deGuilford Court House[76]. Néanmoins, lorsque les nouvelles de la défaite deCharles Cornwallis lors de labataille de Yorktown atteignent Londres à la fin de l'année 1781, Lord North démissionne de son poste de Premier ministre du fait de l'érosion de ses soutiens parlementaires. Le roi rédige une proclamation d'abdication qui n'est jamais délivrée[70],[77] et accepte la défaite en Amérique du Nord. Il autorise des négociations de paix qui débouchent sur la signature dutraité de Paris en 1783 par lequel la Grande-Bretagne reconnait l'indépendance des États-Unis[78]. LorsqueJohn Adams est nomméambassadeur à Londres en 1785,GeorgeIII se résigne aux nouvelles relations entre son pays et ses anciennes colonies. Il dit à Adams :« j'étais le dernier à consentir à la séparation ; mais la séparation ayant été réalisée et étant devenue inévitable, j'ai toujours dit, comme je dis maintenant, que je serai le premier à reconnaître les États-Unis comme une puissance indépendante »[79].
Le roi déteste profondémentFox, autant ses politiques que sa personnalité ; il considère que Fox est sans scrupules et a une mauvaise influence sur leprince de Galles[80].GeorgeIII n'apprécie pas de ne pas pouvoir choisir les ministres de son choix, mais le gouvernement de Portland rassemble rapidement une majorité et ne peut donc pas être limogé facilement. Il est encore plus déçu quand le gouvernement présente l'India Bill qui propose de réformer l'administration de l'Inde en transférant le pouvoir politique de laCompagnie britannique des Indes orientales vers des commissaires parlementaires[81],[82]. Même si le roi défend un plus grand contrôle sur la Compagnie, les commissaires proposés sont tous des alliés politiques de Fox[83]. Juste après l'adoption de la loi par la Chambre des communes,GeorgeIII demande àGeorge Nugent-Temple-Grenville d'informer laChambre des lords qu'il considèrerait comme un ennemi tous ceux qui voteraient en faveur de la législation. La loi est rejetée par les lords et Lord Portland démissionne trois jours plus tard ; il est remplacé parWilliam Pitt le Jeune et George Nugent-Temple-Grenville devient secrétaire d'État aux Affaires étrangères. Le, le Parlement vote une motion qui qualifie l'influence du souverain dans le vote parlementaire de « grand crime » et George Nugent-Temple-Grenville est obligé de démissionner. Le départ du secrétaire d'État déstabilise le gouvernement durant les trois mois suivants et il perd sa majorité. Le Parlement est dissous mais l'élection de 1784 donne une base solide à Pitt[18].
PourGeorgeIII, la nomination deWilliam Pitt le Jeune est une grande victoire, et elle prouve qu'il était capable de choisir les Premiers ministres sur la base de ce qu'il pense être l'opinion publique sans avoir à suivre les recommandations de la majorité à laChambre des communes. Tout au long du mandat de l'administration Pitt,GeorgeIII défend la plupart de ses objectifs politiques et créé de nouveauxlords à un rythme encore jamais vu pour accroître le nombre des partisans de Pitt à laChambre des lords[84].GeorgeIII est alors extrêmement populaire en Grande-Bretagne[85],[86] du fait de sa piété et de sa fidélité à son épouse[87]. Il adore ses enfants et est bouleversé par la mort en bas âge de deux de ses fils en 1782 et en 1783[88]. Il met néanmoins en place un programme d'éducation rigoureux afin qu'ils suivent une vie pieuse et vertueuse[89]. Lorsque ses enfants, devenus adultes, s'éloignent de ces principes,GeorgeIII en est très affecté[90].
La santé du souverain commence à se détériorer dans lesannées 1780. Il est atteint detroubles mentaux qui sont peut-être liés à une maladie du sang appeléeporphyrie[91],[92], même si ce diagnostic a été remis en cause[93]. Une étude sur des mèches de cheveux deGeorgeIII publiée en 2005 a révélé un fort taux d'arsenic, qui est peut-être le déclencheur de cette maladie. Son origine est inconnue mais il est peut-être utilisé dans les médicaments ou les cosmétiques[94]. Le roi a peut-être un bref accès de la maladie en 1765 mais un épisode plus long commença à l'. À la fin de la session parlementaire, il se rendit dans la ville thermale deCheltenham pour récupérer. Ce fut l'endroit le plus éloigné deLondres (160 km) où il se rendit. En novembre, il est gravement atteint et parle parfois pendant de longues heures sans s'arrêter[95]. De fausses histoires circulent au sujet de sa maladie, telle que celle où il voulut serrer la main à un arbre qu'il prenait pour leroi de Prusse[96],[97],[98],[99]. Le traitement des maladies mentales est alors primitif et les médecins du roi essaient de le soigner en l'immobilisant de force jusqu'à ce qu'il soit calme ou en appliquant descataplasmes caustiques pour chasser les « mauvaises humeurs »[100],[101],[102].
En, lors de la convocation du Parlement,Fox etPitt le Jeune se disputent au sujet de la mise en place d'unerégence durant l'incapacité du monarque. Les deux hommes s'accordent sur le fait qu'il est préférable que leprince de Galles,fils aîné et héritier deGeorgeIII, deviennerégent. Néanmoins Fox suggère que le régent reçoive l'ensemble des pouvoirs du souverain tandis que Pitt, qui craignait d'être limogé si le prince de Galles montait sur le trône, propose que le régent soit nommé par le Parlement et que ses pouvoirs soient limités[103],[104]. En, la loi sur la Régence autorise le prince de Galles à agir en tant que prince-régent est adoptée par la Chambre des communes, maisGeorgeIII se rétablit avant que laChambre des lords ne se prononce[105].
Après l'amélioration de l'état de santé deGeorgeIII, sa popularité et celle de Pitt continuent de s'accroître au détriment de celles de Fox et du prince de Galles[106],[107],[102],[108],[109].
Deux assaillants déments, Margaret Nicholson et John Frith, tentent respectivement d'assassiner le roi en 1786 et 1790. Malgré tout, le traitement humain et compréhensif deGeorgeIII envers les agresseurs est salué par l'opinion publique[110]. Le, James Hadfield, un ancien soldat également dément, tire sur le balcon royal duthéâtre de Drury Lane où se trouve alors le roi. Le tir manque sa cible etGeorgeIII est tellement peu affecté par l'incident qu'il s'endort pendant l'entracte[111],[102].
Une brève accalmie des hostilités permet à Pitt le Jeune de concentrer ses efforts sur l'Irlande où unsoulèvement éclate en 1798 avec lesoutien des Français[114]. En 1800, les parlements britanniques etirlandais adoptent l'Acte d'Union qui entre en vigueur le et rassemble la Grande-Bretagne et l'Irlande dans un seul État appeléRoyaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande.GeorgeIII profite de l'opportunité pour abandonner le titre de « roi de France » que les souverains anglais puis britanniques revendiquent depuis le règne d'ÉdouardIII[115]. Il est suggéré queGeorgeIII adopte le titre d'« empereur des îles Britanniques » mais il s'y refuse[18]. Dans le cadre de sa politique irlandaise, Pitt envisage de supprimer certaines restrictions légales frappant lescatholiques. CependantGeorgeIII refuse catégoriquement en avançant que l'émancipation des catholiques serait une violation de son serment de couronnement qui stipulait le maintien duprotestantisme dans le royaume[116]. Devant l'opposition du souverain et de l'opinion publique à ses réformes religieuses, Pitt menace de démissionner[117]. Au même moment, le roi recommence à souffrir de troubles mentaux et il accuse les inquiétudes au sujet de la question catholique d'en être la cause[118],[119],[120]. Pitt est formellement remplacé le par leprésident de la Chambre des communes,Henry Addington. Ce dernier s'oppose à l'émancipation et, devant l'état catastrophique des finances publiques, signe lapaix avec la France en 1802[121].
GeorgeIII ne considère pas la paix avec la France comme une réalité ; pour lui, il s'agit d'une « expérience[122] ». En, la guerre reprend mais l'opinion publique n'a pas confiance en Addington pour mener la guerre et elle demande le retour de Pitt le Jeune. Uneinvasion de l'Angleterre semblait imminente et de nombreux volontaires se présentent pour défendre le pays. La revue de 27 000 volontaires par le roi les et àHyde Park, au maximum de la peur d'une invasion, attire 500 000 spectateurs[123].The Times déclare que« l'enthousiasme de la multitude était au-delà de toute description »[124].GeorgeIII écrit à son ami l'évêqueRichard Hurd :« Nous attendons ici chaque jour que Bonaparte mette à exécution sa menace d'invasion… Si ses troupes parviennent à débarquer, je ne manquerai pas de me mettre à la tête des miennes, et de mes autres sujets armés, pour les repousser »[125]. Après la victoire deNelson lors de labataille navale de Trafalgar, la menace d'une invasion s'éloigne[126].
Caricature de James Gillray montrant le limogeage du Ministère de tous les talents parGeorgeIII (caché derrière le pilier), 1807.
En 1804,GeorgeIII est à nouveau affecté par sa maladie intermittente ; après son rétablissement,Addington démissionne etPitt revint au pouvoir. Pitt envisage de nommerFox dans son administration maisGeorgeIII refuse.William Grenville considère qu'il s'agissait d'une injustice envers Fox et il refuse de rejoindre le gouvernement[18]. Pitt concentre tous ses efforts à former une nouvelle coalition avec l'Autriche, laRussie et laSuède. LaTroisième Coalition échoue comme les deux précédentes et s'effondre en 1805. La lutte contre la France a raison de la santé deWilliam Pitt le Jeune, qui décède en 1806. Grenville devient Premier ministre et sonministère de Tous les Talents inclut Fox. Le roi se montre conciliant avec lui, mais après la mort de Fox en,GeorgeIII et son gouvernement entrent en conflit ouvert. Pour accroître le recrutement de l'armée, l'administration présente une mesure en visant à autoriser les catholiques à servir à tous les grades des forces armées. Non seulementGeorgeIII refuse cette proposition, mais il fait rédiger par les membres du gouvernement Grenville un accord afin que cette mesure ne soit jamais applicable dans le futur. Les ministres acceptent d'abandonner cette législation mais refusent de se prononcer sur l'avenir[127]. Ils sont limogés etWilliam Cavendish-Bentinck devient nominalement Premier ministre bien que le pouvoir apparient auchancelier de l'ÉchiquierSpencer Perceval. Le Parlement est dissous et l'élection générale de 1807 offre une large majorité au gouvernement à la Chambre des communes.GeorgeIII ne prend pas d'autres décisions importantes durant le reste de son règne ; le remplacement de Cavendish-Bentinck par Perceval en 1809 a peu d'importance[128].
Gravure deGeorgeIII réalisée par Charles Turner vers 1820.
À la fin de l'année 1810, à l'apogée de sa popularité[129],[130],GeorgeIII devient gravement malade, presque aveugle du fait de lacataracte et souffrant derhumatismes. Il considère que la maladie a été déclenchée par la mort de sa plus jeune et fille préférée, laprincesse Amélie[131]. L'infirmière de la princesse rapporte que« les scènes de détresse et de pleurs journaliers… étaient tristes au-delà de la description »[132]. En 1811,GeorgeIII accepte la loi de Régence et le prince de Galles reste alorsprince-régent jusqu'au décès de son père. Malgré des signes de convalescence en, le roi sombre dans une aliénation complète et permanente ; il vit isolé dans lechâteau de Windsor jusqu'à sa mort[133],[134].
Dans le même temps, la santé deGeorgeIII continue de se dégrader. Il présente des signes dedémence, devient complètement aveugle et de plus en plus sourd. Il est incapable de comprendre son accession au trône de Hanovre en 1814 ou la mort de son épouse en 1818[137],[138],[139]. AvantNoël 1819, il parle de manière incohérente pendant58 heures et, dans les dernières semaines de sa vie, il est incapable de marcher[140].
Son règne de 59 ans, 4 mois et 3 jours est le troisièmeplus long de toute l'histoire duRoyaume-Uni après celui de sa petite-filleVictoria, et d'ÉlisabethII, et reste le plus long d'un monarque de sexe masculin au Royaume-Uni.
Les successeurs deGeorgeIII, ses filsGeorgeIV etGuillaumeIV, meurent tous deux sans enfants légitimes, respectivement en et. Après leur mort, la seule fille légitime du duc de Kent,Victoria, monte sur le trône en 1837 et elle devient la dernière souveraine britannique de lamaison de Hanovre.
Extrait deObservations on the Transit of Venus, un texte manuscrit de la collection deGeorgesIII, où apparaissent son nom et celui de sa femme Charlotte.
Il est surnommé « George le fermier » par les satiristes initialement pour moquer son intérêt des sujets prosaïques par rapport aux questions politiques puis pour marquer sa différence par rapport à la grandiloquence de son fils et le représenter comme un homme du peuple[144]. Sous le règne deGeorgeIII, qui est passionné par l'agriculture[145], larévolution agricole atteint son apogée et de nombreux progrès sont réalisés dans les domaines scientifiques et industriels. La population rurale augmente fortement et elle fournit une grande part de la main-d'œuvre nécessaire à larévolution industrielle[146]. La collection d'instruments scientifiques et mathématiques deGeorgeIII est aujourd'hui exposée auScience Museum de Londres ; il finance la construction et l'entretien dutélescope de40 pieds (12,2 m) defocale deWilliam Herschel qui est alors le plus grand au monde[147]. Lorsque Herschel découvre la planèteUranus en 1781 avec ce télescope, il la nommaSidus Georgium (« Étoile de George ») en son honneur. Quelques localités sont nommées d'après lui, dontGeorgetown, la capitale duGuyana.
GeorgeIII espère que « les langues malveillantes ne peignent pas [ses] intentions dans les couleurs qu'elle admire ou que les flagorneurs ne [le] louent au-delà de ce [qu'il mérite] »[148], mais dans l'esprit du public, il est à la fois diabolisé et loué. Bien que populaire au début de son règne, George devient la cible des révolutionnaires américains[149] même si environ la moitié des colons restent loyaux à la monarchie[150]. Les griefs listés dans laDéclaration d'indépendance des États-Unis sont présentés comme des« injustices et des usurpations répétées » qui ont pour objectif d'établir une« tyrannie absolue » sur les colonies. Les termes de la Déclaration contribuent à ce queGeorgeIII soit considéré comme un tyran par l'opinion américaine. Les études contemporaines sur sa vie se divisent en deux camps : l'un décrivant les« opinions dominantes vers la fin de son règne lorsque le roi est devenu un symbole vénéré de résistance aux idées et au pouvoir français », tandis que l'autre« tire ses vues sur le roi des âpres luttes partisanes dans les deux premières décennies de son règne et exprime l'opinion de l'opposition dans ses travaux »[151]. En s'appuyant sur ce deuxième type d'études, les historiens britanniques duXIXe siècle et du début duXXe siècle, comme George Trevelyan et Erskine May, défendent des interprétations hostiles du règne deGeorgeIII. Néanmoins, les travaux deLewis Namier(en) au milieu duXXe siècle, qui considère que George a été« énormément calomnié », ont entraîné une réévaluation de sa personnalité et de son règne[151]. Les historiens de la fin duXXe siècle, commeHerbert Butterfield ou Richard Pares, tendent ainsi à le traiter avec plus de sympathie en le considérant comme la victime des événements et de la maladie. Ainsi en combattant les colons américains,GeorgeIII croyait qu'il défendait le droit d'un Parlement élu à lever des taxes et ne cherchait pas particulièrement à étendre son pouvoir ou ses prérogatives[152]. Les historiens considèrent que, durant le long règne deGeorgeIII, la monarchie continua de perdre son pouvoir politique et elle devint l'incarnation de la moralité nationale[18].
Pièce de deuxpence de 1797 à l'effigie deGeorgeIII.
En Grande-Bretagne,GeorgeIII porte le titre officiel de « GeorgeIII, par la Grâce de Dieu, roi de Grande-Bretagne, de France et d'Irlande, Défenseur de la Foi, etc. » En 1801, lorsque laGrande-Bretagne s'unit avec l'Irlande, il abandonne le titre de roi de France que tous les souverains anglais et britanniques revendiquent depuisÉdouardIII[115]. Son titre devient alors « GeorgeIII, par la Grâce de Dieu, roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande, Défenseur de la Foi[154] ».
Avant son accession au trône,GeorgeIII porte lesarmoiries royales différenciées par unlambel de cinq pointsazur dont le point central portait unefleur de lys or. À la mort de son père, il hérite des armoiries deGeorgeII et de son lambel simple de trois pointsargent[155].
De son accession au trône à 1800,GeorgeIII porte les armoiries royales de Grande-Bretagne et de Hanovre superposées : écartelé, au 1, troislions passant enpal or (qui est Angleterre), au lion degueules, au doubletrescheur fleuronné et contre-fleuronné du même (qui estÉcosse), au 2, d'azur, trois fleurs de lys or (qui est France), au 3, d'azur, à la harpe d'or, cordée d'argent (qui estIrlande), au 4, sur le tout tiercé en pairle renversé (qui est Hanovre), 1, de gueules, à deux léopards d'or ; 2, d'or (pour le Brunswick), semé de cœurs de gueules, au lion d'azur (qui est Lunebourg), armé et lampassé du deuxième, brochant sur le tout ; 3, de gueules, au cheval cabré d'argent (qui est Westphalie) ; sur le tout de gueules à la couronne de Charlemagne d'or[156].
À la suite de l'Acte d'Union, les armoiries royales sont amendées et le quart français est supprimé. Ils deviennent : écartelé, au 1 et 4, Angleterre ; au 2, Écosse ; au 3, Irlande ; sous un écusson du Hanovre surmonté par le calot d'électeur[157]. En 1816, lorsque l'électorat devient un royaume, le calot électoral devient une couronne[158].
Armoiries de 1751 à 1760 du prince George de Galles.
Armoiries de 1760 à 1801 du roiGeorgeIII de Grande-Bretagne.
Armoiries de 1801 à 1816 du roiGeorgeIII du Royaume-Uni.
(1) Mariage en 1793 avec Augusta Murray, deux enfants (invalide suivant leRoyal Marriages Act de 1772) (2) Mariage en 1831 avec Cecilia Underwood (par la suite1re duchesse d'Inverness), pas d'enfants
↑Selon des rumeurs, George aurait épousé unequaker appelée Hannah Lightfoot le et au moins un enfant serait issu de cette union. Lightfoot avait néanmoins épousé Isaac Axford en 1753 et était morte en 1759. Lors du procès en 1866 de Lavinia Ryves, la fille de l'imposteur Olivia Serres qui se présentait comme la « princesse Olive de Cumberland », le jury considéra à l'unanimité que le certificat de mariage de George présenté par Ryves était un faux (consulter les documents conservés parThe National Archives :(en) Treasury Solicitor et HM Procurator General's Department, « Serres, Olivia Wilmot: claim to be "Olive, Princess of Cumberland" », 1767-1843).
↑a etb(en) « GeorgeIII », The Royal Household, (site de la monarchie britannique).
↑(en)John C. G.Röhl, MartinWarren et DavidHunt,Purple Secret, Genes, "Madness" and the Royal Houses of Europe, Londres, Bantam Press,(ISBN0-593-04148-8).
↑Paléopathologie suggérée par l'analyse de sa mèche de cheveux qui montre un taux anormalement élevé d'arsenic probablement dû à la contamination des médicaments (à base de tartrate d'antimoine et de potassium) qu'il prenait pour traiter sa maladie du sang (Claude-Henry du Bord,Les Rois fous, Éditions du Moment,,p. 87).