Legentilé (/ʒɑ̃.ti.le/) est le nom générique donné à chaque personne qui habite un lieu, et donné pour cette raison. Ce lieu peut être unvillage, uneville, unLand, undépartement, une région, uneprovince, unétat, unpays, uncontinent. Le gentilé est le plus souvent dérivémorphologiquement dutoponyme désignant ce lieu et parfois pas. Ainsiparisien,japonais,africain,hennuyer etnaborien sont des gentilés enfrançais,engels est un gentilé ennéerlandais, etBayern un gentilé enallemand. Certaines publications francophones utilisent parfois, comme synonyme de « gentilé », les expressions « démonyme » ou « nom ethnique »[1]. (Quelques auteurs désignent par un gentilé l'ensemble des personnes « originaires » d'un lieu, quel que soit le sens qu'ils donnent au mot « origine »).
« GENTILÉ,s.m. […] Le gentilé d’un seul homme peut être de trois manières et de trois sortes de dénominations : le gentilé, par exemple, du peintreJean Rothénamer est Allemand, Bavarois et Munichien ; Allemand signifie qu’il est d’Allemagne ; Bavarois, qu’il est deBavière et Munichien, qu’il est deMunich. » Note :le gentilé actuel est Munichois.
Le terme est bien documenté dans leLittré et les divers dictionnaires Robert, mais inconnu duTrésor de la langue française informatisé (TLFi), inconnu aussi du Portail lexical du CNRS (CNRTL[2]). Le mot « gentilé » ne se trouve pas dans le Petit Robert 1 (1993) ni dans « Préférences Larousse, langue française : petit dictionnaire de la langue française » (35 000 mots). Mais on le trouve, non défini, dans le Larousse « Anti-fautes d'orthographe » en 2008, qui recense 65 000 mots.
Selon les conventions typographiques dufrançais[3] :
le substantif (le gentilé à proprement parler) prend unemajuscule (« Les Français ont répandu le goût français ») ;
l’adjectif correspondant au gentilé ne prend pas de majuscule (« un béret basque », « un far breton ») ;
le nom delangue (ouglottonyme) prend aussi la minuscule (« Né Breton, je parle lebreton et je l’enseigne dans uneécole bretonne »).
Cela permet même de distinguer :
« Un savant allemand » qui est un savant de nationalitéallemande ;
« Un savant Allemand », c’est-à-dire unAllemand qui sait beaucoup de choses ; dans ce deuxième cas on fait laliaison (c’est-à-dire que l’on prononce let de l’adjectifsavant)[4].
L’adjectif est identique au gentilé à lamajuscule près ; le cas suivant, où le gentilé diffère de l’adjectif non seulement par sa majuscule initiale, mais aussi par sa terminaison-esse propre auxsubstantifs féminins, est peut-être unique : « lesSuissesses ne portent que des montres suisses ».
On peut souvent utiliser l’adjectif aussi bien que le gentilé : « je suis français » est tout aussi correct que « je suis un Français », moins employé.
L’usage a pu, du reste, changer dans le temps et l’on peut observer des chassés-croisés entre lerusse et lefrançais à propos des majuscules[5].
Il arrive que le gentilé perde sa majuscule lorsqu’il finit par désigner simplement un type humain :
suisse (suisse d’église par exemple) parce que l’on recrutait souvent des gardes enSuisse autrefois ;
leslesbiennes sont les femmes homosexuelles et non plus les habitantes deLesbos ;
sybarite fait référence aux habitants de l’antiqueSybaris, mais au sens figuré à un amateur de luxe ;
en 1938 les Français se divisèrent enmunichois partisans desaccords de Munich etanti-munichois ;
depuis 1945, la classe politique française se répartit entreatlantistes plaçant leur confiance dans l’OTAN eteuropéistes (avec minuscule) partisans de la construction européenne.
Pour les villes-centres, on prendra l’exemple suivant : un habitant d’Orléans est unOrléanais, la région dont Orléans est le centre s’appelle l’Orléanais (à comprendrepays orléanais) : les habitants de l’Orléanais sont aussi appelés lesOrléanais tout comme ceux de la seule Orléans ; le français n’a jamais développé de surcomposés du type*-aisien ou*-oisien. Mais le français fait la distinctionAlgérois (habitants d'Alger) /Algériens (citoyens d'Algérie).
Le cas où le gentilé ou l’adjectif correspondant désigne autre chose qu’un type humain ne pose guère de difficulté pratique et prend aussi la minuscule :
le danois (oudogue allemand) est une race dechiens ; par exemple : « Le danois du Danois d'Annois aboyait sans cesse » ;
Un gentilé peut devenir unanthroponyme. Par exemple, il vint un moment où la reineMarie-Antoinette d’Autriche ne fut plus que « l’Autrichienne » pour ses sujets. L’une des cinq composantes dunom arabe traditionnel, la nisba, généralise le procédé :Abdelkader l’Algérien par exemple ; ou encoreAbou Moussab Al-Zarqaoui (ainsi nommé pour être né à Zarqa, enJordanie).
Alors que la science des toponymes ou noms de lieux est latoponymie et que la science des anthroponymes ou noms de personnes est l’anthroponymie, l'étude des gentilés est généralement appeléegentilistique, terme principalement employé au Québec.André Rolland de Denus fait figure de « précurseur » dans l’étude des gentilés. Parmi les grands ancêtres, on citeraÉtienne de Byzance et sesEthniques.
L’usage d’un gentilé n’est pas systématique pour tous les toponymes et il n’y a pas d’emploi légal arrêté ou réglementaire pour les petits toponymes. Dans certaines régions on se contente de désigner « ceux de… » ou, simplement, le nom du village ; exemple, « les Sireuil ». Le plus souvent, le choix d’un gentilé est laissé à l’appréciation d’un érudit local, ce qui donne parfois des approximations fautives par rapport à l’étymon du nom, ou au contraire des hypercorrections inutiles, ce qui peut conduire à des doublons :les Pétrocoriens / les Périgourdins.
Un gentilé est souvent cité au masculin pluriel (les Français, les Allemands), mais on peut aussi trouver le masculin singulier (l’Anglais).
Lessuffixes formateurs de gentilés les plus courants sont enfrançais (entre parenthèses, quand elles sont distinctes, les formes féminin singulier, masculin pluriel et féminin pluriel) :
-ain(e)(s) ou -in(e)(s)(che) : surtout pour les villes et quartiers (par exemple : chapelains et chapelaines deLa Chapelle-sur-Erdre, valloirins et valloirinches deValloire) mais parfois pour des régions (lestransylvains) ;
-ais(e)(s) : pour les villes (par exemple : Bayonnais deBayonne) mais aussi pour les pays (par exemple : Français deFrance, Taïwanais deTaïwan) ;
-ien(ne)(s), -in(e)(s) ou -éen(ne)(s) : surtout pour les pays (Italie :Italiens,Malaisie :Malaisiens ;Monténégro :Monténégrins ;Niue :Niuéens), mais aussi les villes (Paris :Parisiens ;Calais :Calaisiens ;Arles :Arlésiens) ;
-ois(e)(s) : un peu vieilli enFrance, s’utilise surtout pour les villes (Reims :Rémois ;Amiens :Amiénois) et villages les plus anciens (Perret :Perretois). Il est fréquent auQuébec où il représente plus de la moitié des gentilés, ainsi qu’enSuisse (Lausannois, Bernois, Genevois) et enBelgique (Bruxellois, Liégeois, Namurois, Anversois).
D’autres suffixes plus rares sont rencontrés :
-an(e)(s) ou -an(ne)(s) : par exemple Mosellans et Mosellanes du département de laMoselle, Nauruans deNauru, Valaisans et Valaisannes du canton duValais, Pulliérans de la commune suisse dePully ;
-ar(e)(s) : un ou une Bulgare deBulgarie, Kosovars duKosovo (d’après le gentilé albanaiskosovar) ; lesTatars ou Tartares ;
-ard(e)(s) ou -art(e)(s) – vieilli : les Chamoniards de la ville deChamonix,Savoyards de la région deSavoie ; suffixe parfois employé de façon péjorative ou argotique au lieu d’un autre suffixe usuel. Lensards et Lensardes de la commune suisse deLens ;
-(i)te(s) : un ou une Moscovite deMoscou, Yéménite duYemen… ;
-(i)ot(e)(s) ou -(i)at(e)(s), lei étant supprimé s’il suit un autrei semi-voyelle : un ou une Cairote duCaire, Cypriote ou Chypriote deChypre, Spartiate deSparte… ;
-(n)ol(e)(s), Caillanols, Caillanoles de Cailla dans l'aude ;
-(l/t)oque(s) : le plus souvent populaire et argotique, fréquemment péjoratif (unChinetoque, unAmerloque) ;
-uche(s) : assez rare et toujours argotique (unLibanuche, unAlbanuche) ;
-yen(ne)(s): Un Beaufayens de Beaufai dans l'Orne.
Quand le toponyme se termine par le suffixe -ie, le plus souvent, ce suffixe est souvent supprimé si le gentilé obtenu se termine par un des suffixes ci-avant, ou converti en -ien(ne)(s) si cela crée une ambigüité de sens.
Les gentilés correspondant à des toponymes composés sont le plus souvent irréguliers en français, souvent assez éloignés du toponyme (même s’il peut rester une origine historique commune) comme pour les Trifluviens deTrois-Rivières. Il n’y a pas de règle établie pour leur formation, même pour les toponymes courant commençant parSaint- ouSainte- (cet élément n’est souvent pas représenté dans le gentilé ;Saint-Étienne :Stéphanois), mais l’article initial préfixant certains toponymes est pratiquement toujours ignoré dans le gentilé (par exemple,La Rochelle :Rochelais).
Les racines de toponymes contenant des prénoms (souvent très anciens et internationaux) sont souvent dérivés en gentilés français à l’aide d’anciennes racineslatines,grecques ou issues d’autres langues. Les gentilés français issus de toponymes composés sont le plus souvent contractés en un terme non composé, après élimination des articles internes et réduction des autres racines.
Leradical d’un gentilé se voit modifié lorsqu’il ne constitue pas la dernière composante d’un gentilé composé (par exemple :un film franco-hispano-russo-américain, où « américain », la dernière composante du gentilé composé, est la seule composante à conserver sa forme originale de gentilé). Voici quelques exemples de radicaux destinés aux gentilés composés (liste non exhaustive).
En sciences humaines, on distingue désormais lesgentilés scientifiques fondés sur les définitions ethnologiques essentiellement linguistiques, et identifiés par le suffixe…phones, et lesgentilés politiques fondés sur des définitions prises par les pouvoirs législatifs ou exécutifs des États, et identifiés par une majuscule initiale[7].
Pour éviter les imprécisions et ne plus confondre nationalité (c’est-à-direcitoyenneté en France), appartenance religieuse (c’est-à-direconfession), appartenance géographique (c’est-à-dire lieu d’origine ou de résidence), et communauté linguistique, la règle scientifique est d’employer, pour définir cette dernière, le suffixe :phones. Selon cette règle, la communautéfrancophone (au sens ethnologique du mot) comprend des Français (mais pas tous), desCanadiens (mais pas tous), desBelges (mais pas tous), desSuisses (mais pas tous).
Ethnologiquement, unanglophone, unfrancophone, ungermanophone ou unrussophone est un locuteur habituel de langue parentale respectivement anglaise, française, allemande ou russe, mais n’est pas forcément un Anglais, un Français, un Allemand ou un Russe : il peut être par exemple Américain, Canadien, Autrichien, Suisse, Belge, Moldave.
l’isoglosse qui réunit deux locuteurs lorsqu’ils peuvent se comprendre spontanément et complètement sans traducteur. Dans le cas contraire, il les sépare. Par exemple, un Allemand et un Autrichien se comprennent spontanément et complètement sans traducteur : ils sont tous deux germanophones, un isoglosse les réunit. Même chose pour un Français et un Suisse romand. En revanche, deux Suisses, deux Belges ou deux Moldaves (pays où l'on parle plusieurs langues) peuvent ne pas se comprendre s'ils ne parlent pas la même langue : un isoglosse les sépare ;
lediasystème qui désigne des langues dont les locuteurs se comprennent spontanément et presque complètement sans traducteur ni dictionnaire et qui ont une origine commune, telles legascon et leprovençal. Dans un diasystème, leslanguesabstand « spontanées » ou « populaires » ont évolué à partir dedialectes passés ou présents présentant assez de traits structurels communs scientifiquement établis, pour constituer une langue unitaire. Quant auxlanguesausbau « codifiées » ou « savantes », définies par une académie ou par un pouvoir politique, leurs formes devenues officielles sont généralement différentes de la forme originelle ; parmi les languesausbau, certaines sont deslangueabstand modernisées (lefrançais est la forme moderne de lalangue d'oïl), d’autres des dialectes d’une langueabstand dont on a volontairement accentué les différences (néerlandais par rapport aubas-saxon,croate ouserbe par rapport auserbo-croate,macédonien par rapport aubulgare…), d’autres sont deslangues politiques que seule l’écriture (hindî/ourdou) et parfois seul le nom officiel (roumain/moldave,serbe/monténégrin) différencient ;
Les gentilés scientifiques, basés sur des définitions ethnographiques, peuvent aussi prendre en compte la religion, voire le mode de vie, lorsque ceux-ci se traduisent par unisopraxe : il y a isopraxe lorsque la religion ou le mode de vie, et à leur suite les coutumes, l’écriture et l’identité d’un groupe, le séparent des groupes voisins, fussent-ils de même langue. Par exemple, un Croate, un Bosno-musulman et un Serbe parlent à peu de chose près la même langue, mais les différences de religion, d’écriture, de coutumes depuis le haut Moyen Âge ont créé des isopraxes entre eux : ils ont créé des États différents, ont pris des partis historiques différents, et constituent des groupes fortement identifiés, différents. Ce sont également des isopraxes qui identifient lesAshkénazes germanophones d’Allemagne, ou anglophones d’Amérique, ou lesSéfarades arabophones du Maroc, ou encore lesGitans hispanophones et catholiques d’Espagne, les Cingene turcophones et musulmans de Turquie ou lesTziganes roumanophones et orthodoxes de Roumanie.
Un gentilé politique n’a pas besoin de règles scientifiques : il découle d’une volonté politique (partagée ou non par les populations concernées) soit de rassembler, soit de distinguer. Ainsi, dans la Yougoslavie des années 1930, la population majoritaire était définie commeserbo-croate sans distinction, sur critère exclusivement linguistique (volonté de rassembler, traduite sur le terrain par le découpage territorial en Banovines qui « effaçaient » les anciennes frontières croates, bosniaques, monténégrines et serbes). Aujourd’hui, au contraire, la même langue s’appelle officiellementcroate,bosniaque,monténégrin ouserbe selon les nouveaux États, et sert à définir leurs identités nationales (volonté de distinguer). On pourrait tout aussi bien, enEurope occidentale, appeler legascon, lecatalan et leprovençal « occitan » (volonté de rassembler) ou au contraire définir des langueswallonne enBelgique ouromande enSuissedifférentes dufrançais (volonté de distinguer). EnRépublique de Moldavie, depuis 1991 unecontroverse divise les mouvements politiques pour savoir si la langue de la majorité autochtone (roumanophone selon les scientifiques) est duroumain (volonté de rassembler) ou dumoldave (volonté de distinguer). On pourrait multiplier les exemples à travers l’Europe et le monde.
Parmi les gentilés politiques, on trouve la règle dupolitiquement correct, inventée dès leXIXe siècle non par des Américains, comme on le pense souvent, mais par des Français :Émile Ollivier,Edgar Quinet,Élisée Reclus. Elle fut appliquée par les Soviétiques dans les années 1920 (ils renommèrent presque tous les peuples sibériens) bien avant d’être adoptée, dans les années 1970, par laNational Geographic Society, puis, dans les années suivantes, par le monde universitaire américain, qui l’étendit également aux minorités sociales. Le but de cette règle est d’éviter les imprécisions et ne plus risquer de désigner les communautés par des sobriquets péjoratifs, en leur donnant le nom par lequel elles se désignent elles-mêmes. C’est ainsi qu’on est passé d’« Esquimaux » àInuits, ou de « Gitans », « Bohémiens », « Romanichels » ou « Tziganes » àRoms par exemple.
Certains gentilés d’origine scientifique peuvent eux aussi devenir politiques : par exemple, « francophones », dans le senspolitique du mot, ne désigne pas seulement des locuteurs habituels de langue parentale française, mais toute personne et tout État comprenant le français ou membre de laFrancophonie.
↑Non trouvé sur ce portail qui agglomère différents dictionnaires dont ceux de l'Académie française et la Base de Données Lexicographiques Panfrancophone.
↑SergeAslanoff,Manuel typographique du russiste, Paris, Institut d’études slaves,, 255 p.[détail des éditions](ISBN2-72040-225-7) : note **** du § 535.1 (page 168) : « On observe une sorte de chassé-croisé dans l’histoire des usages russes et français. À la même époque où Grot considérait les noms de peuples comme des noms propres qui devaient s’écrire avec majuscule, Victor Hugo laissait délibérément la minuscule aux noms de nationalité, même substantifs :
le polonais secourt Spoctocus, duc des russes ;
comme un plus grand boucher en aide un plus petit ;
Recommandation officielle française concernant les noms d’États, d’habitants, de capitales, de sièges diplomatiques ou consulaires (liste établie par le ministère des affaires étrangères et européennes),Journal officiel du, qui annule et remplace larecommandation du.
Liste de gentilés sur un site d'une société commerciale (gentilés de sept pays : Autriche, Belgique, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni et Suisse)