L'atmosphère terrestre laisse passer la majeure partie durayonnement solaire (environ 70 %) et, sous l'effet des gaz à effet de serre, retient une partie durayonnement infrarouge réémis par le sol[1]. La différence entre la puissance reçue du Soleil et la puissance émise sous forme de rayonnement est appeléeforçage radiatif.
La transparence de l'atmosphère dans lespectre visible permet en effet au rayonnement solaire d'atteindre le sol. L'énergie ainsi apportée s'y transforme en chaleur. De plus, comme tout corps chaud, la surface de laTerre rayonne sa chaleur, dans l'infrarouge. Les GES et lesnuages[n 2] (constitués de glace ou d'eau liquide) étant opaques aux rayons infrarouges, ils absorbent ces rayonnements. Ce faisant, ils emprisonnent l'énergie thermique près de la surface du globe, où elle réchauffe l'atmosphère basse.
Selon Sandrine Anquetin, du Laboratoire d’étude des transferts en hydrologie et environnement (LTHE) de Grenoble, les scientifiques observent et anticipent une intensification mondiale ducycle de l'eau. Le réchauffement mondial moyen accroît l'évaporation de l’eau, donc l'humidité dans l’atmosphère. Plus l’atmosphère se réchauffe, plus elle stocke et transporte l’humidité. Il convient désormais de comprendre et d’anticiper la déclinaison du cycle de l'eau à l’échelle régionale[6].
Les principaux gaz à effet de serre (GES) naturellement présents dans l'atmosphère sont[G 1] :
lavapeur d'eau, sur laquelle les activités humaines n'ont que très peu d'influence directe mais qui contribue à l'effet de serre à hauteur de 60 %[7],[8]. Lesnuages contribuent aussi à l'effet de serre, mais l'importance de leur contribution, estimée par leGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) à 10 %, est encore débattue[9]. Lechangement climatique accentue l’évaporation de l'eau, ce qui modifie les équilibres ducycle de l'eau vers une augmentation de la quantité moyenne de vapeur dans l'atmosphère, renforçant ainsi son effet de serre, donc le réchauffement climatique lui-même : c'est unerétroaction climatique positive. Larétroaction des nuages (eau liquide atmosphérique) est plus discutée : son caractère positif ou négatif est lié à l'altitude des nuages formés ;
ledioxyde de carbone (CO2), responsable de près de 65 % de l'effet de serre anthropique, c'est-à-dire dû aux activités humaines[3]. Sa concentration a augmenté de 47 % depuis 1750[10] : le CO2 est le principal gaz contributeur à l'augmentation actuelle de l'effet de serre terrestre[n 3] ;
leméthane (CH4), qui est responsable de 17 % de l'effet de serre anthropique[11] du fait de sonpotentiel de réchauffement global élevé, égal à 34 fois celui du CO2 à cent ans (en prenant en compte les rétroactions climatiques[12]), mais qui persiste moins de dix ans dans l'atmosphère[13]. En 2020, les deux tiers des émissions mondiales de méthane sont d'origine anthropique[14] ;
Émissions de carbone fossile par sources depuis 1800.
Les concentrations en GES dans l'atmosphère terrestre augmentent fortement depuis leXIXe siècle[17] pour des raisons essentiellement anthropiques, avec un nouveau record en 2012 selon l'Organisation météorologique mondiale (OMM)[18]. Depuis 1991, selon les estimations de l'Agence internationale de l'énergie, les émissions de gaz à effet de serre du secteur énergétique (toutes sauf celles liées à l'agriculture ou auxincendies, soit 80 % des émissions) ont toujours augmenté d'une année sur l'autre, à l'exception de 1992, 1993, 2016 et 2019 (stagnation) et des baisses en 2009 (−1,4 %) et 2015 (−0,3 %)[19].
Répartition de l’ensemble des émissions anthropiques de GES en 2010 entre les secteurs économiques. La couronne montre les parts (en pourcentage des émissions anthropiques totales de GES) des émissions directes de GES attribuées en 2010 à cinq secteurs économiques.
(i) indique la répartition des émissions indirectes de CO2 découlant de laproduction d'électricité et de chaleur entre les secteurs qui consomment l'énergie finale.
La part attribuée aux « autres énergies » correspond à toutes les sources d’émissions de GES dans le secteur de l’énergie, autres que la production d’électricité et de chaleur.
Bien que lenumérique (au sens destechnologies de l'information et de la communication) ait tendance à être considéré comme « virtuel » ou « immatériel », sonempreinte carbone est loin d'être négligeable, en raison de la forte consommation énergétique qu'il implique. Ainsi, il correspondrait à 3,7 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2018 selonThe Shift Project[25] et à 3,8 % en2019 selon GreenIT.fr[26]. Selon The Shift Project, cette part connaît une très forte croissance qui devrait se poursuivre, notamment en raison de la multiplication desobjets connectés[26] et du développement de la vidéo en ligne (streaming), qui représente à elle seule 1 % des émissions. Ce phénomène amène l'association à appeler à une posture desobriété numérique[27].
Lescombustibles fossiles sont principalement lecharbon, lepétrole et legaz. Leur combustion a libéré, dans l'atmosphère, depuis deux siècles, de très importantes quantités dedioxyde de carbone (CO2) provenant ducarbone accumulé dans le sous-sol depuis lePaléozoïque. L'augmentation de concentration atmosphérique de CO2 qui en résulte est le principal facteur de l'augmentation de température moyenne de l'atmosphère, induisant lechangement climatique.
Une forêt mature est un réservoir important de carbone. La disparition de surfaces de forêts toujours plus grandes au profit de cultures ou de pâturages (emmagasinant une quantité moindre de matière organique) libère du CO2 dans l'atmosphère, surtout quand ladéforestation se fait parbrûlis[réf. nécessaire]. En effet, la pousse de jeunes arbres ne peut plus absorber autant de carbone qu'en génère la dégradation des arbres morts ou brûlés remplacés par des cultures industrielles ou des pâturages. Si le bois exporté pour la construction permet de poursuivre le stockage du carbone, son utilisation en combustion (chauffage, séchage par exemple du tabac, etc.) émet également des gaz à effet de serre.
L'élevage contribue au réchauffement climatique à hauteur de 14,5 % des émissions anthropiques mondiales de gaz à effet de serre en 2013[n 4],[33], part dont 44 %[33] à 60 %[35] sont dus au méthane, les autres composantes étant le N2O (25 %, issus principalement de la fertilisation azotée et des effluents d’élevage) et le CO2 (15 %, issus principalement de la consommation de carburant pour le fonctionnement de la ferme et la production d’intrants)[35]. L'élevage extensif émet 20 % de GES en moins que lesystème intensif, grâce au puits de carbone et à l'alimentation locale que représentent les surfaces herbagères[35]. D'autres mesures d'atténuation, parfois déjà appliquées, sont une alimentation étudiée pour réduire lafermentation entérique, la mise en place d'usines debiogaz pour recycler le fumier et le recours à des méthodes deconservation des sols et desylvopastoralisme[36].
Après deux ans deguerre russo-ukrainienne, le groupe de recherche Initiative sur la comptabilisation des gaz à effet de serre dans les guerres (IGGAW) a estimé dans un rapport de que ce conflit a émis 175 millions de tonnes d’équivalent-CO2 (tCO2e), soit autant que lesPays-Bas en un an, ou que90 millions de voitures thermiques. Un tiers de ces gaz proviennent directement des activités militaires (fabrication d’explosifs, engins, munitions et utilisation massive de carburant, à lui seul responsable pour l'armée russe de35 millions de tCO2e dans l’atmosphère ; un tiers provient de l'acier et dubéton utilisés pour reconstruire les écoles, les maisons, les ponts, les usines, les barrages et les stations d’épuration endommagés ou détruits ; le dernier tiers est émis par le détournement des avions commerciaux, les frappes dégradant les infrastructures énergétiques, le déplacement de près de sept millions d’Ukrainiens et de Russes[37],[38].
Remplacés par leshydrochlorofluorocarbures (HCFC), leschlorofluorocarbures (CFC) ont vu leur utilisation dans les systèmes deréfrigération et declimatisation fortement réglementée par leprotocole de Montréal. Malgré cela, les rejets restent préoccupants. Par exemple, le HCFC le plus communément utilisé, lemonochlorodifluorométhane ou HCFC-22, a unpotentiel de réchauffement global (PRG) 1 800 fois plus élevé que le CO2[39]. De plus, les CFC présents dans les systèmes de réfrigération et de refroidissement et dans les mousses isolantes déjà en place représentent des émissions potentielles si elles ne sont pas captées lors de la destruction des systèmes ou des immeubles concernés. Une étude publiée en mars 2020 dansNature Communications évalue ces stocks sur vingt ans aux émissions des véhicules de tourisme aux États-Unis. Pour les chercheurs, la taille de ces stocks est telle que la gestion prudente de la déconstruction serait peu coûteuse en regard de leurs émissions. Ils mettent également en évidence une production illégale de CFC-113 et de CFC-11[40].
Les processus à l'origine du méthane, qui font encore l'objet d'études visant à mieux les identifier et les quantifier, sont à l'œuvre dans des sources ponctuelles ou diffuses de trois types : biogéniques, thermogéniques et pyrogéniques. Chacun de ces types comporte des émissions naturelles aussi bien que liées aux activités humaines[41].
Ces émissions tendaient à se stabiliser en 2005-2007, mais sont à nouveau en forte hausse, après un record en 2012 (1,819ppm, soit +260 % par rapport au niveau préindustriel)[18], surtout à partir des zones tropicales. L'élevage, en plein développement[36],[45], est une des causes de l'augmentation de ce gaz à fortpotentiel de réchauffement global (pour 37 % environ du total en 2006[34]), les autres sources étant notamment l'extension des surfaces immergées (rizières[46][source insuffisante], marécages).
Pour le vocabulaire officiel de l’environnement, tel que défini par laCommission d'enrichissement de la langue française en 2019, l’« intensité des émissions de gaz à effet de serre » (en anglais « greenhouse gas intensity ») est :« [un] indicateur qui rapporte la quantité de gaz à effet de serre émis, mesurée par son équivalent en dioxyde de carbone, auproduit intérieur brut » ; il est précisé que :
« L'intensité des émissions de gaz à effet de serre permet d'effectuer des comparaisons, notamment entre des pays ou des secteurs économiques » ;
« Bien que l'intensité des émissions de gaz à effet de serre ne concerne pas exclusivement le dioxyde de carbone, on parle fréquemment d'« intensité carbone » (en anglais : « carbone intensity »)[47]. »
Labiodégradation des végétaux est source de CO2 quand elle se fait en présence d'air et deméthane (CH4) quand elle estanaérobie, comme c'est le cas sur les surfaces inondées (estuaires,marais).
Levolcanisme est également source de CO2. Le seul volcan de laSolfatare émet environ 1 500 tonnes de CO2 par jour.
Larespiration des êtres vivants : source de CO2 (partiellement ré-absorbée par laphotosynthèse des plantes).
Les hommes et les animaux rejettent également du protoxyde d'azote en respirant[48]. Ce rejet est accru par l'addition de nitrates à l'alimentation des animaux d'élevage, une mesure qui permet à l'inverse de réduire les émissions de méthane au cours de la digestion[49],[50].
Lutte contre les émissions de gaz à effet de serre
Données pour l'année 2000[51]. Dans le premier graphique, les émissions sont pondérées par lepotentiel de réchauffement global de chaque gaz et par leur proportion (soit 72 % de CO2, 18 % de méthane, 9 % d'oxydes d'azote et 1 % d'autres gaz). Note : les émissions desavions et dutransport maritime, et les « émissions grises » ne sont pas intégrées dans ce type de graphique.
Chaque gaz à effet de serre a un effet différent sur lechangement climatique. Par exemple, sur une période de100 ans, unkilogramme deméthane a un impact sur l'effet de serre25 fois plus fort qu'un kilogramme de CO2[52]. Ce facteur est lepotentiel de réchauffement global (PRG), soit le pouvoir réchauffant d'un gaz, rapporté au pouvoir réchauffant de la mêmemasse dedioxyde de carbone. Il permet de comparer l'influence de différents gaz à effet de serre sur lesystème climatique.
Le PRG vaut donc 1 pour le dioxyde de carbone, qui sert de référence. Il n'y a pas de PRG pour la vapeur d'eau, car son excès réside moins de deux semaines dans l'atmosphère, puis est éliminé par précipitation. L'augmentation de sa concentration à l'équilibre peut contribuer à l'effet de serre, mais il s'agit d'un effet de rétroaction lié à l'augmentation des températures ; l'émission directe de vapeur d'eau par les activités humaines n'est pas en cause[T 1].
Concentrations atmosphériques en volume, durée de séjour et potentiel de réchauffement des principaux gaz à effet de serre
L'équivalent CO2 d'une masse de gaz est la masse de dioxyde de carbone qui provoquerait le mêmeforçage radiatif que ce gaz, c'est-à-dire qui aurait la même capacité à retenir lerayonnement solaire[52]. Le potentiel de réchauffement global (PRG) est donc l'équivalent CO2 d'un kilogramme du gaz à effet de serre considéré, soit :
Hormis la vapeur d'eau, qui est évacuée en quelques jours[réf. nécessaire], les gaz à effet de serre mettent très longtemps à s'éliminer de l'atmosphère. Étant donné la complexité du système atmosphérique, il est difficile de préciser la durée exacte de leur séjour[n 8]. Ainsi, si un tiers à la moitié dudioxyde de carbone CO2 émis est absorbé au cours des premières décennies, le rythme d'absorption ralentit toutefois substantiellement par la suite : au bout de 10 000 ans, de 10 à 25 % du surcroit initial de CO2 persistent dans l'atmosphère[56].
Les gaz à effet de serre peuvent être évacués de plusieurs manières :
par une réaction chimique intervenant dans l'atmosphère : leméthane, par exemple, réagit avec les radicauxhydroxyle naturellement présents dans l'atmosphère pour créer du CO2 ;
par une réaction chimique intervenant à l'interface entre l'atmosphère et la surface du globe : le CO2 est réduit parphotosynthèse par les végétaux ou est dissous dans lesocéans pour former des ionsbicarbonate etcarbonate (le CO2 est chimiquement stable dans l'atmosphère) ;
par des rayonnements : par exemple, lesrayonnements électromagnétiques émis par le soleil et lesrayonnements cosmiques « brisent » les molécules dans les couches supérieures de l'atmosphère. Une partie deshalocarbures disparaissent de cette manière (ils sont généralement chimiquement inertes, donc stables lorsque introduits et mélangés dans l'atmosphère).
Voici quelques estimations de ladurée de séjour des gaz, c'est-à-dire le temps nécessaire pour que leur concentration diminue de moitié.
Durée de séjour des principaux gaz à effet de serre[T 3]
globalement, leforçage radiatif de l'atmosphère par les gaz à effet de serre s'est accru de 40 % entre 1990 et 2016 ; le dioxyde de carbone est responsable d'environ 80 % de cette progression ;
l'océan absorbe 26 % des émissions anthropiques de CO2, limitant l'accroissement du CO2 atmosphérique causé par l'exploitation des combustibles fossiles, mais l'absorption de quantités accrues de ce gaz (4 kg par jour et par personne) par les mers modifie lecycle des carbonates marins et entraîne uneacidification de l'eau de mer. Le rythme actuel d'acidification des océans semble sans précédent depuis au moins300 millions d'années ; cette acidification a une influence néfaste sur la calcification chez beaucoup d'organismes marins et tend à réduire leur taux de survie et altérer leurs fonctions physiologiques et diminue la biodiversité.
L’Organisation météorologique mondiale annonce en, avant laCOP26, que« au rythme où augmentent les concentrations de gaz à effet de serre, l'élévation des températures à la fin du siècle sera bien supérieure aux objectifs de l'accord de Paris ». En 2020, la concentration de CO2 se situait à 149 % des niveaux de 1750, celle de méthane à 262 % et celle de protoxyde d'azote à 123 %[61].
La progression et les fluctuations de la teneur en CO2 sont retracées quasiment en temps réel sur le site duEarth System Research Laboratory (ESRL)[63].
Évolution des émissions de GES des principaux pays parties à la Convention, entre 1990 et 2015, classés par ordre décroissant d'émission en 2015 (enMtCO2éq, horsUTCATF*)[65]
Évolution des émissions de GES des principaux pays hors Convention, entre 1994 et 2012, classés par ordre décroissant d'émission en dernière année (enMtCO2éq, hors UTCATF*)[66]
Après trois ans de relatif répit, les émissions mondiales de gaz à effet de serre devraient croître d'environ 2 % en 2017 par rapport à 2016 et atteindre le niveau record de36,8 milliards de tonnes, selon les estimations établies par leGlobal Carbon Project, une plate-forme animée par des scientifiques issus du monde entier[67].
Au deuxième trimestre 2024, laChine baisse ses émissions de CO2 de 1 % par rapport au trimestre précédent, grâce à une plus grande électrification des transports, à un développement des énergiesrenouvelables et nucléaire, et à une baisse d'activité du secteur du bâtiment[68],[69].
les pays aux émissions de gaz à effet de serre les plus élevées par habitant utilisent des sources d'énergie à fortes émissions (en particulier pour la production d'électricité) :
la Belgique a des émissions particulièrement élevées du fait de la part importante de l'industrie dans son économie. Ce facteur joue aussi dans le cas de l'Allemagne, eta fortiori pour le Luxembourg : 19,8 t CO2éq/hab ;
les Pays-Bas ont des émissions de méthane particulièrement élevées (9,2 % du total de leurs émissions de GES contre 2,6 % pour le total de l'Union européenne)[73] ; cela provient surtout de leurs gisements de gaz naturel (Groningue).
Répartition des émissions de l'Union européenne à 28 + Islande par gaz à effet de serre (MtCO2éq)[74]
Les émissions de CO2 liées à l'énergie ont enregistré un coup d'arrêt en 2014 ; c'est la première fois, depuis40 ans que l'Agence internationale de l'énergie (AIE) établit ses statistiques d'émissions de CO2, que ces émissions cessent de croître dans un contexte de croissance économique (+3 %) ; elles avaient connu trois baisses : au début des années 1980, en 1992 et en 2009, toutes causées par un recul de l'activité économique. Le secteur de l'énergie a émis 32,3 gigatonnes de CO2 comme en 2013. L'AIE attribue les mérites de cette stabilisation pour l'essentiel à la Chine et aux pays de l'OCDE. En Chine,« l'année 2014 a été marquée par la croissance de la production électrique issue des énergies renouvelables, hydraulique, solaire, éolienne. L'électricité fournie par les centrales au charbon a moins compté », et la consommation a fortement ralenti. Les pays développés de l'OCDE sont parvenus à découpler la croissance de leurs émissions de gaz à effet de serre de celle de leur économie, grâce à leurs progrès dans l'efficacité énergétique et l'utilisation des énergies renouvelables[78],[79].
Les émissions de CO2 liées à l'énergie sont reparties à la hausse en 2017, après trois années de stagnation, selon l'Agence internationale de l'énergie, à 32,5 gigatonnes, soit +1,4 %. Cette augmentation résulte d'une robuste croissance économique mondiale (+3,7 %), de prix bas pour les combustibles fossiles et de moindre efforts réalisés en matière d'efficacité énergétique. Les émissions de CO2 de la plupart des grandes économies ont augmenté en 2017, mais elles ont reculé au Royaume-Uni, au Mexique, au Japon et aux États-Unis ; leur recul de 0,5 % aux États-Unis s'explique par le déploiement plus important d'énergies renouvelables, combiné à un déclin de la demande d'électricité. L'Asie est responsable des deux tiers de l'augmentation des émissions ; les émissions n'ont progressé que de 1,7 % en Chine malgré une croissance de près de 7 %, en raison du déploiement d'énergies renouvelables et du remplacement de charbon par du gaz. Dans l'Union européenne, les émissions ont progressé de 1,5 %, inversant les progrès réalisés ces dernières années, en raison d'un recours accru au pétrole et au gaz[80].
Dans l'Union européenne, laFrance est l'un des plus faibles émetteurs, par rapport à sa population, ce qui est dû à une très forte proportion de production d'électricité d'origine nucléaire et hydraulique.
La question de la répartition des responsabilités des émissions anthropiques a été un des points les plus épineux des négociations internationales sur le réchauffement climatique. Lespays émergents font valoir que le réchauffement climatique est causé pour l'essentiel par les gaz à effet de serre émis et accumulé dans l'atmosphère par les pays développés depuis la révolution industrielle et que les objectifs d'efforts de réduction des émissions devraient donc être répartis en fonction des émissions cumulées depuis le début de l'ère industrielle de chaque pays. Ce raisonnement a débouché sur le « principe des responsabilités communes mais différenciées » admis à partir de laConférence des Nations unies sur l'environnement et le développement, à Rio, en 1992[81].
Le point de vue adopté le plus fréquemment (approche territoire) consiste à attribuer à chaque pays les émissions produites sur son territoire.
Deux autres points de vue peuvent être soutenus selon les responsables de ces émissions :
lesproducteurs : une étude retraçant les émissions responsables du réchauffement climatique de 1854 à 2010 a mis en exergue la responsabilité de90 entités productrices de combustibles fossiles et de ciment comme étant responsables des deux tiers des émissions mondiales de CO2 liées à l'énergie (un tiers par des entreprises privées, un tiers par des entreprises publiques, un tiers par les États)[82]. Cette présentation a surtout pour but de minorer la responsabilité des pays consommateurs en faisant porter une part majorée des responsabilités aux pays exportateurs de pétrole et de gaz (Arabie Saoudite, Russie, Iran, Irak, Émirats, Venezuela, etc.) et de charbon (Pologne, Australie, Indonésie, Colombie, etc.) ;
lesconsommateurs (approche consommation) : une approche au niveau de laconsommation finale et non au niveau de la production d'énergie, dénommée ECO2Climat, comptabilise l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre générées par la consommation de produits et services des Français (y compris les services publics), par la construction et la consommation d’énergie de leur habitat ainsi que par leurs déplacements, que ces émissions aient lieu sur le territoire français ou qu'elles proviennent des importations (« émissions importées »). Cette méthode permet d'éliminer l'effet des échanges internationaux et des délocalisations, qui font baisser lesémissions en France en les déplaçant à l'étranger. Avec cette approche, les émissions de GES par personne pour la consommation finale se sont élevées en 2012 à 10,1 tonneséquivalent CO2 en moyenne. De 2008 à 2012, l'empreinte carbone des Français ainsi calculée a augmenté de 1,3 % à662 millions de tonnes de CO2éq ; la population française ayant augmenté de 2 % dans le même temps, les émissions par personne ont légèrement diminué, de 10,23 à 10,15 t CO2éq (−0,7 %)[83].
Avec la même approche, mais avec une méthodologie différente et une envergure mondiale, leGlobal Carbon Project[84] fournit un atlas mondial du carbone qui présente les données suivantes :
Émissions de CO2 dues aux combustibles fossiles des principaux pays en 2015[85]
Approche territoriale : les émissions sont attribuées au pays sur le territoire duquel elles se produisent. Approche consommation : les émissions sont attribuées au pays où sont consommés les biens dont la production les a causées.
Émissions de GES par habitant et par région, en 2019.
Émissions anthropiques cumulées de CO2 par région pour la période 1850-2019.
La responsabilité historique des émissions de CO2, principal facteur du réchauffement présent, est elle aussi très inégalement répartie entre les régions, la plus grande part revenant aux pays développés. S'agissant des seules émissions de CO2 dues à la combustion des énergies fossiles et aux industries, les pays développés en sont responsables pour 57 %, contre 0,4 % pour les pays les moins avancés et 0,5 % pour lespetits États insulaires en développement[87],[90],[88],[91].
En novembre 2015,Lucas Chancel etThomas Piketty publient une étude intituléeCarbon and inequality : from Kyoto to Paris. Elle estime notamment que,« dans un contexte de forte hausse des émissions globales depuis 1998 [...] le niveau d’inégalité mondiale d’émissions a diminué » et que 10 % des émetteurs mondiaux sont responsables de près de la moitié des émissions totales et émettent2,3 fois plus que la moyenne mondiale. Les auteurs préconisent la mise en place d'unetaxe carbone mondiale progressive sur le CO2, qui aboutirait à une participation nord-américaine à hauteur de 46,2 % des fonds, à une participation européenne de l’ordre de 16 % et à une contribution chinoise de 12 % ; ou bien un financement assuré par les 1 % des plus gros émetteurs (soit les individus émettant9,1 fois plus que la moyenne mondiale) : l’Amérique du Nord contribuerait alors à hauteur de 57,3 % des efforts, contre 15 % pour l’Europe et 6 % pour la Chine[92],[93].
Selon Lucas Chancel,« plusieurs travaux portant sur de nombreux pays ont montré que le revenu (ou le niveau de dépense, qui lui est fortement associé) est le principal facteur expliquant les différences d’émission deCO2e, entre individus à l’intérieur des pays »[94],[95]. Il précise que les émissions directes — « produites sur le lieu d’utilisation de l’énergie (par une chaudière à gaz ou le pot d’échappement d’une voiture, par exemple » — augmentent« moins que proportionnellement » par rapport aux revenus :« Il y a une limite à la quantité de chaleur dont nous avons besoin chaque jour ou au volume d’essence que nous pouvons mettre dans notre voiture (et ceux qui ont plusieurs voitures ne peuvent pas les conduire toutes à la fois) »[95]. En revanche,« il n’y a pas vraiment de limite à la quantité de biens et de services que l’on peut acheter avec son argent », ce qui correspond aux émissions indirectes — les« émissions nécessaires pour réaliser les services ou les biens que l’on consomme » — qui, elles,« sont davantage corrélées au revenu que les directes : pour les 20 % des Français et Américains les plus riches, elles représentent les trois quarts de leurs émissions totales, contre deux tiers pour les 20 % les plus modestes »[95]. L'ingénieure-économiste Audrey Berry souligne que« le niveau d'émissions carbone varie en fait beaucoup au sein d'un même niveau de vie, avec de très fortes émissions chez certains individus pauvres et de très faibles émissions chez certains individus riches »[96].
En 2013, selon Chancel et Piketty, si lesémissions des Français s’élèvent à11 tonnes par personne et par an, les émissions des 10 % les plus modestes seraient d’environ4 tonnes, contre31 tonnes pour les plus aisés, soit près de huit fois moins[95]. Ce rapport des émissions entre les 10 % les plus modestes et les 10 % les plus riches serait de 24 aux États-Unis (3,6 contre84,5 tonnes), de 46 au Brésil (0,5 tonne contre 23) et de 22 au Rwanda (0,1 contre2,2 tonnes)[95]. En 2023, Lucas Chancel et Yannic Rehm mettent en évidence le fait que l'empreinte carbone des 10 % les plus riches augmente fortement si on inclut les émissions liées à leursplacements financiers : en France, elle est de 16 tonnes si l’on ne considère que ce que les plus riches consomment, contre 10 tonnes en moyenne pour l'ensemble des Français, mais elle s'élève à 38 tonnes si l’on considère que ceux qui détiennent les entreprises sont responsables des émissions liées à ce qu’elles produisent[97].
En janvier 2020, l'Observatoire français des conjonctures économiques et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie publient une étude qui confirme la relation positive entre le niveau de vie et lesémissions de gaz à effet de serre en France[98],[99]. Les émissions ne sont toutefois pas proportionnelles au revenu. L'étude obtient un ratio interdécile d'émissions de gaz à effet de serre inférieur de moitié à celui obtenu par Piketty et Chancel : 3,9 au lieu de 7,7 ; elle note une forte hétérogénéité au sein même des déciles de niveau de vie, ce qui tend à accréditer l'idée que le revenu ne saurait expliquer à lui seul le niveau d'empreinte carbone des ménages[100].
Selon Richard Heede, de l'Institut de responsabilité climatique (Climate Accountability Institute), en supposant que les producteurs de combustibles fossiles seraient responsables des émissions dues à leurs produits,103 entreprises sont à elles seules responsables de plus de 69,8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre entre 1751 et le début duXXIe siècle[101],[102], et les20 entreprises les plus émettrices depuis 1965 (dont12 détenues par des États) ont contribué à 35 % de l'ensemble des émissions de dioxyde de carbone et de méthane liés à l'énergie dans le monde[103].
une approche interne, qui comptabilise les émissions que l'on engendre chez soi ;
une approche « émissions intermédiaires », qui comptabilise les émissions qui correspondent à une partie des processus externes à l'activité, mais qui sont nécessaires pour permettre à l'activité d'exister sous sa forme actuelle. Les émissions intermédiaires sont très importantes dans le cas des activités deservices ;
une approche globale, qui estime la pression totale que l'on exerce sur l'environnement en matière de gaz à effet de serre.
↑Le potentiel de réchauffement climatique pour leCH4 comprend des effets indirects tels des augmentations d’ozone et de vapeur d’eau dans la stratosphère.
↑Audrey Berry,« La carte carbone, limiter les émissions individuelles pour respecter notre budget carbone », dans Aline Aurias,Roland Lehoucq, Daniel Suchet et Jérôme Vincent (dir.),Nos futurs : imaginer les possibles du changement climatique, ActuSF,,p. 259.