Les notions de gauche et de droite en politique sont une construction progressive entre la fin duXVIIIe siècle et le début duXXe siècle.
Le terme « gauche » trouve son origine dans laRévolution française, où les députés favorables aux idées républicaines et progressistes prenaient place à gauche de l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Ces députés, souvent partisans de l'égalité sociale, des droits des citoyens et d’une transformation radicale de l’ordre ancien, se distinguaient par leur opposition à la monarchie et aux structures de pouvoir traditionnelles.
L'appartenance à la gauche de lacyberdémocratie (partis ditspirates) n'a rien de consensuel ni d'officiel. Le terme est essentiellement associé aux partis et organisations politiques, mais on parle aussi parfois de gauche syndicale ou, plus rarement, de gauche associative[4].
L'origine de l'utilisation des termesdroite etgauche en politique remonte à laRévolution française, bien qu'il faille un certain temps avant que cette division devienne caractéristique de la politique française[5]. Le, lors du débat sur leveto royal à laConstituante, les députés opposés à cette mesure se regroupent à gauche du président du bureau (la salle n'avait pas encore la forme d'unhémicycle), tandis que les partisans du veto royal se placent à droite[6]. Un observateur de l'époque note dans ses mémoires que les députés « de droite » se sont ainsi spontanément regroupés pour échapper à l'agitation, à la violence, aux provocations de leurs collègues « de gauche »[7].
Bien qu'historiquement datées et géographiquement situées, les notions de gauche et droite se répandent progressivement au cours desXIXe et XXe siècles enEurope puis à travers le monde, pour ensuite structurer la vie politique de la plupart des paysdémocratiques de la planète, de manière plus durable dans les pays latins, plus circonstancielle dans les pays germaniques et anglo-saxons[8].
On notera toutefois que laConvention nationale française a aussi utilisé une autre disposition, même si l'on a continué à parler de « côté gauche » et de « côté droit ». À partir des affrontements d', les « montagnards » choisissent, dans lasalle du Manège, les bancs les plus élevés à la droite du président (alors que les « patriotes » de la Constituante et de laLégislative se tenaient à sa gauche) — on parle même deCrêtois en l'an III. De leur côté, lesGirondins, également qualifiés de « Rolandins », de « Brissotins » ou de faction des « Hommes d'État », se placent sur les bancs à gauche du président. Enfin, le tiers parti du « Marais », également baptisé la « Plaine », occupe les rangs inférieurs (comme les Indépendants de la Législative), entre les deux autres groupes. Cette assemblée quitte ensuite le Manège et s'installe le dans la galerie des Machines duPalais des Tuileries[9].
Certaines valeurs ont un caractère plus transversal et peuvent se retrouver, selon les cas, à droite comme à gauche. Il s'agit par exemple de ladémocratie, de lalaïcité ou de lajustice[12],[15].
Dans les pays occidentaux, conservatisme et progressisme désignent aujourd’hui plutôt le positionnement quant aux mœurs, même si les thèses critiques vis-à-vis du capitalisme n'ont pas disparu du débat politique. Le tournant social-démocrate entamé par des partis comme lePS ou leSPD a réduit le clivage droite/gauche sur les questions économiques et sociales autour de l’acceptation ducapitalisme, l’Union européenne, l’insécurité ou le désendettement. Ce clivage demeure cependant prégnant quant autravail (valeur, temps hebdomadaire), à lafiscalité, à l’immigration…[réf. nécessaire]
Ainsi, des partis politiquessociaux-démocrates comme lePS en France mettent en avant un libéralisme des mœurs en se réclamant solidaires de causes comme ladéfense des femmes ou l'extension des droits des« minorités », comme ceux de lacommunauté homosexuelle[16].
Pour le sociologueRaymond Aron, la gauche est animée par trois idées différentes qui s'expriment plus ou moins fortement et peuvent entrer en contradiction[17] :
« liberté contre l'arbitraire des pouvoirs et pour la sécurité des personnes » ;
« organisation afin de substituer, à l'ordre spontané de la tradition ou à l'anarchie des initiatives individuelles, un ordre rationnel » ;
« égalité contre les privilèges de la naissance et de la richesse ».
Pour cet auteur, la tendance libérale au sens large ou organisationnelle s'exprime le plus, selon les pays et les époques.
DansLes mystères de la gauche (2014),Jean-Claude Michéa poursuit cette critique de la gauche, qui selon lui,« ne signifie plus que la seule aptitude à devancer fièrement tous les mouvements qui travaillent la société capitaliste moderne, qu'ils soient ou non conformes à l'intérêt du peuple, ou même au simple bon sens ». La gauche étant devenue identique à la droite, cherche à dissimuler cette proximité en mettant en avant les questions« sociétales ». Pour retrouver les classes populaires, la gauche devrait« opérer un changement complet de paradigme »[18].
Il est indispensable dedifférencier l'égalité économique et la liberté démocratique[précision nécessaire], dans l'analyse de la gauche comme la liberté économique et la liberté démocratique dans l'analyse de la droite, sinon la droite et la gauche se mélangent. Il faut aussi différencierl'ordre conservateur anti-progressiste qui s'oppose à la liberté démocratique, liée généralement au progrès[réf. nécessaire]. Il y a donc la gauche économique (égalitariste), gouvernementale (démocratie libérale ou gouvernement autoritaire), mais aussi culturelle (libérale ou conservatrice)[19].
Les sens du motsocialisme et de l'adjectifsocialiste varient beaucoup selon les époques et les contextes. À l'origine, le terme de socialisme désigne principalement les courants d'idées visant à résoudre laquestion sociale par une évolution vers davantage dejustice sociale. À l'époque du« socialisme utopique », le mot est déjà rattaché à un ensemble d'organisation théoriques de la société souvent très différentes les unes des autres. Dans un sens très large, le socialisme désigne une forme d'organisationsociale etéconomique s'opposant aulaissez-faire sur le plan économique.Marx etEngels utilisent le terme« socialisme » pour désigner les idéologies et organisations propres aumouvement ouvrier. À compter de l'époque de l'Internationale ouvrière, le motsocialisme est employé, notamment dans les écritsmarxistes, pour désigner la forme d'organisation sociale mise en place après la mise à bas ducapitalisme par le biais de lalutte des classes, et fondée sur lapropriété sociale desmoyens de production. L'exercice de ladictature du prolétariat doit alors servir à bâtir unesociété sans classes.[réf. nécessaire] Dans cette optique, reprise par la tendanceléniniste et ses divers héritiers, le socialisme correspond alors à la« phase inférieure » de la sociétécommuniste, la« phase supérieure » correspondant au communisme intégral, c'est-à-dire à une société fonctionnant théoriquement sansÉtat nipropriété privée ; le socialisme est donc l'organisation sociale de transition entre le capitalisme et le communisme intégral[20].
L'URSS, puis les autresÉtats communistes, se présentent à ce titre comme appliquant le« socialisme réel ».
Après la rupture entre communistes et socialistes consécutive à larévolution d'Octobre, une partie dusocialisme démocratique continue de préconiser une forme de dictature du prolétariat, mais en s'opposant nettement aux conceptions et aux pratiques léninistes. Lasocial-démocratie scandinave, elle, s'éloigne graduellement de toute aspiration révolutionnaire pour s'orienter vers uneapproche réformiste et s'identifie à une réforme pacifique et égalitaire de la société.
La qualité desocialiste est revendiquée par des courants politiques très divers, incluant aussi bien lecentre gauche que l'extrême gauche. Historiquement, le mot« socialisme », qui désigne, de manière très large, une forme d'organisation de l'économie et de la société, allant dans le sens d'une plus grandejustice sociale et d'une réduction desinégalités[23], fait son apparition dans le vocabulaire politique dans les années 1820, dans le contexte de larévolution industrielle et du phénomène d'urbanisation qui l'accompagne. Le courant de pensée socialiste se développe en réaction à la formation en Europe d'une importanteclasse ouvrière, aux conditions de vie souvent très difficiles[24]. Cette première époque du socialisme, caractérisée par l'apparition de doctrines cherchant, par des moyens parfoisutopiques, à résoudre laquestion sociale, est appeléea posteriori« socialisme utopique ». AuRoyaume-Uni, qui connaît uneindustrialisation précoce par rapport au reste du continent, le terme de socialisme est tout d'abord associé au courantoweniste, du nom deRobert Owen, chef d'entreprise et écrivain attaché à concevoir un modèle de société égalitaire destiné à améliorer le sort des travailleurs. EnFrance, lesaint-simonisme, doctrine inspirée des idées ducomte de Saint Simon, est apparenté au courant disparate du socialisme utopique. D'autres écrivains commeCharles Fourier,Pierre Leroux,Étienne Cabet (ce dernier se disant avant tout« communiste », c'est-à-dire favorable à une société sanspropriété privée),Louis Blanc ouPierre-Joseph Proudhon, s'emploient chacun à leur manière à réfléchir à des modes d'organisation plus justes et égalitaires de la société. Les AllemandsKarl Marx etFriedrich Engels rédigent au début de 1848 leManifeste du Parti communiste, destiné à exposer la ligne de laLigue des communistes : l'appellation de« communiste » tend dès lors à être revendiquée par les courants les plus radicaux du socialisme. C'est également à partir de 1848, dans le contexte du« Printemps des peuples », que le socialisme fait réellement son apparition au premier plan de la scène politique, différents théoriciens et militants socialistes profitant des bouleversements politiques pour faire mieux connaître leurs théories du grand public, ou participant activement aux mouvements révolutionnaires de divers pays d'Europe continentale[25]. C'est à cette même époque qu'apparaît le motsocial-démocrate, qui désigne alors ceux qui associent dans leurs revendications la démocratie politique – soit l'instauration dusuffrage universel – et lajustice sociale.
La fin ou l'échec des mouvements révolutionnaires de 1848 donnent un coup d'arrêt provisoire à la progression des idées socialistes : les socialistes français et allemands, notamment, sont dans leur majorité contraints au silence, à la clandestinité ou à l'exil. Ce reflux n'est cependant que temporaire : au Royaume-Uni, qui n'a pas été touché par la vague révolutionnaire européenne, la pensée socialiste continue de se développer, en parallèle à un important mouvementsyndical ; en France, des auteurs comme le révolutionnaireAuguste Blanqui ou l'anarchistePierre-Joseph Proudhon continuent de publier et de développer leurs thèses ;Karl Marx, en exil, se consacre à ses travaux d'économie politique. En 1863,Ferdinand Lassalle crée le premier parti social-démocrate allemand ; en 1864 est créée à Londres l'Association internationale des travailleurs, ouPremière Internationale, au sein de laquelleMarx et ses partisans acquièrent bientôt la prééminence. L'épisode de laCommune de Paris de 1871, à laquelle les socialistes français participent, nourrit dans les décennies suivantes l'imaginaire et les luttes socialistes.
La fin de l'Internationale, du fait notamment du conflit entre les partisans de Marx et ceux de l'anarchiste russeBakounine, n'empêche pas les idées socialistes de continuer à progresser. C'est notamment le cas du courant de penséemarxiste, qui prône un dépassement ducapitalisme par le biais de lalutte des classes et le passage à lapropriété sociale desmoyens de production avec pour objectif, après une période dedictature du prolétariat, la mise en place d'unesociété sans classes. Les marxistes, qui gagnent en influence dans les rangs socialistes, se posent en représentants d'un« socialisme scientifique », par opposition au« socialisme utopique » des décennies précédentes. Le socialisme s'incarne désormais dans despartis politiques, qui naissent sur tous les continents dans les dernières décennies duXIXe siècle.
EnAllemagne, leParti social-démocrate d'Allemagne, au sein duquel l'influence du marxisme est très prégnante, s'adosse à un important mouvement syndical pour incarner une véritable« contre-société » : lasocial-démocratie, nom utilisé dans divers pays européens pour désigner le socialisme au sens d'organisation politique, se définit alors comme une alliance étroite entre parti et syndicat[26].
En 1889, est fondée l'Internationale ouvrière, ouDeuxième Internationale, chargée de fédérer les partis socialistes. EnFrance, les socialistes, longtemps divisés, s'unissent en 1905 au sein de laSection française de l'Internationale ouvrière. AuRoyaume-Uni, c'est le mouvement syndical qui donne naissance à une représentation politique, qui s'incarne avec les années dans leParti travailliste : le socialisme britannique est néanmoins d'inspiration nettement plusréformiste que dans les partis d'Europe continentale, le marxisme n'ayant jamais eu de position dominante au sein de la gauche britannique. Le degré d'influence du marxisme est en effet inégal selon les pays : très fort en Allemagne ou en Autriche, il est nettement plus superficiel en France.
Discours de Jaurès au Pré-Saint-Gervais (25 mai 1913)
LaPremière Guerre mondiale marque un tournant dans l'histoire du socialisme : l'Internationale ouvrière échoue totalement à définir une stratégie commune face au conflit qui s'annonce, la plupart des dirigeants socialistes se ralliant à la politique de leurs gouvernements respectifs. L'un des rares à s'opposer ouvertement au conflit, le françaisJean Jaurès, est assassiné trois jours avant le début des hostilités. Les idées pacifistes montent cependant en puissance dans les rangs socialistes à mesure que le conflit s'éternise. En France, laSFIO se rallie majoritairement au pacifisme et, en Allemagne, leSPD scissionne.
Mais le bouleversement le plus important a lieu en Russie : le régime tsariste s'effondre à la faveur de larévolution de février 1917 ; quelques mois plus tard, lors de larévolution d'Octobre, lesbolcheviks, conduits notamment parLénine, prennent le pouvoir. En 1918, les bolcheviks se rebaptisent du nom deParti communiste ; l'année suivante, l'Internationale communiste est créée. Au cours des années suivantes, des partis communistes apparaissent dans le monde entier, souvent par scission des partis socialistes. Ainsi en France, lors ducongrès de Tours de 1920, une majorité de délégués de la SFIO choisit de fonder ce qui devient leParti communiste français, tandis que les minoritaires, conduits notamment parLéon Blum, conservent la« vieille maison ». Les minoritaires ne tardent pas, d'ailleurs, à redevenir majoritaires car de nombreux militants reviennent à la SFIO.
En Allemagne, la rupture entre socialistes réformistes et révolutionnaires est consommée de manière sanglante au cours de larévolution de 1918-1919. Le mouvementcommuniste, auréolé du prestige d'une révolution réussie, se pose désormais en concurrent direct des partis socialistes[28]. Le communisme continue lui-même de se réclamer du socialisme, mais dans une perspective résolument révolutionnaire - l'URSS, constituée en 1922, est ainsi proclamée« patrie du socialisme » ; lesocialisme démocratique affirme désormais son identité en tant que famille politique distincte du communisme, et tend à être le camp le plus couramment désigné par l'adjectif« socialiste ». Les partis socialistes se réunissent à partir de 1923 au sein de l'Internationale ouvrière socialiste, qui remplace l'Internationale ouvrière. Durant l'entre-deux-guerres, la famille du socialisme démocratique, qui doit définir son identité politique face au défi communiste, connaît des évolutions contrastées. Des socialistes européens, notamment la tendance desnéo-socialistes, tentent de redéfinir leur identité politique, la place dumarxisme, et la permanence ou non de la dimensionrévolutionnaire. EnScandinavie, et notamment enSuède, les sociaux-démocrates accèdent au pouvoir dans les années 1920-1930 et mettent en place dans leurs pays des systèmes d'État-providence : ce« modèle scandinave » desocial-démocratie devient synonyme d'une société égalitaire sans équivalent dans les pays industriels, éloignée de toute aspiration révolutionnaire et visant avant tout l'harmonie sociale[29].
L'opposition entre communistes et socialistes est d'abord particulièrement vive : au tournant des années 1930, les premiers, sur instruction de l'Internationale communiste, privilégient le combat contre les seconds, qualifiés de« sociaux-traîtres » ou de« sociaux-fascistes »[30] : cette ligne« classe contre classe », préconisée parStaline, a des conséquences désastreuses, le combat entre les familles de la gauche laissant le champ libre à la montée desfascismes, et tout particulièrement dunazisme en Allemagne. À partir de 1934, les communistes, s'étant rendu compte du danger, optent pour une allianceantifasciste avec les socialistes, abandonnant la ligne« classe contre classe » au profit de la logique des« Fronts populaires ». Les alliances entre socialistes et communistes remportent des succès électoraux ; c'est notamment le cas duFront populaire français, qui accède au pouvoir en 1936 et se livre à des réformes comme lasemaine de 40 heures et lescongés payés, mais se divise bientôt face aux difficultés économiques ou, dans des circonstances beaucoup plus dramatiques, leFront populaire espagnol, dont le gouvernement est rapidement confronté à uneguerre civile[31].
LaSeconde Guerre mondiale est une nouvelle épreuve pour les socialistes, dont certains défendent avant tout le pacifisme, ce qui les amène parfois, durant l'occupation allemande, à glisser jusqu'à lacollaboration. D'autres au contraire s'engagent dans larésistance. Après la libération du continent européen de l'occupation nazie, les socialistes retrouvent leur place sur l'échiquier politique, mais doivent dans plusieurs pays, principalement en France et en Italie, compter avec des partis communistes sortis renforcés par le conflit mondial[32]. Les partis socialistes européens, durant laguerre froide, se rangent résolument dans le camp du« monde libre » et de l'opposition aucommunisme : réunis à partir de 1951 au sein d'une nouvelle internationale, l'Internationale socialiste, les partis adoptent une approche réformiste de l'économie de marché et délaissent dans leur majorité, à des rythmes et à des degrés divers, les références marxistes, pour adopter des discours centrés sur la liberté et ladémocratie. Le discours révolutionnaire et le vocabulaire marxiste continuent d'être utilisés par certains partis socialistes, mais à un niveau essentiellement verbal, en décalage avec une pratique politique réformiste. Dans de nombreux pays européens, les socialistes accèdent ou reviennent au pouvoir dans l'après-guerre ; les chefs de gouvernement socialistes sont, avec lesdémocrates chrétiens, des acteurs de premier plan de laconstruction européenne. Les socialistes s'emploient désormais, non pas à bouleverser la société, mais à la moderniser par des réformes portant sur la justice, l'éducation, l'État-providence et les droits humains, ainsi qu'à administrer de manière rationnelle l'économie de marché, en en corrigeant les injustices[33].
Les dernières décennies duXXe siècle voient de nouvelles évolutions du mouvement socialiste : les références marxistes, déjà largement estompées, sont remplacées par la recherche de nouveaux thèmes fédérateurs, comme l'autogestion et l'économie mixte. Dans divers pays, comme la France ou l'Italie, l'évolution vers leréformisme se manifeste souvent dans les faits avant d'être prise en compte dans les discours officiels[34]. Hors d'Europe, le socialisme se développe notamment dans leTiers-monde : mais si l'Internationale socialiste, sous l'impulsion notamment de son présidentWilly Brandt, développe son action extra-européenne, le socialisme du Tiers-monde ne manifeste pas d'unité idéologique particulière. Les dirigeants se réclamant du socialisme à travers le monde sont très nombreux, et souvent sans lien entre eux, leur« socialisme » n'ayant parfois qu'un très lointain rapport avec les conceptions européennes. Des variantes locales du socialisme, adapté aux réalités locales, apparaissent dans l'après-guerre, comme lesocialisme arabe ou lesocialisme africain[35]. L'accès des socialistes au pouvoir s'accompagne par ailleurs d'un renforcement de leur identité réformiste. C'est notamment le cas en France où l'élection deFrançois Mitterrand, chef duParti socialiste, à la présidence de la République, s'accompagne d'une volonté de« changer la vie » et d'importantes réformes économiques, mais adopte bientôt une approche pragmatique qui se traduit par l'abandon de conceptions comme l'autogestion ou lesnationalisations. Les socialistes gagnent en réalisme ce qu'ils perdent en substance, le socialisme apparaissant progressivement comme une famille politique sans réel contenu idéologique[36].
Avec lachute des régimes communistes entre 1989 et 1991, les partis socialistes et sociaux-démocrates européens sont, dans les pays où les partis communistes conservaient un réel poids, libérés d'une concurrence sur leur gauche. La fin du« socialisme »marxiste-léniniste naguère en vigueur au sein dubloc de l'Est constitue à la fois un atout et une difficulté pour le socialisme démocratique, la gauche étant à réinventer enEurope de l'Est[37]. Dans les années 1990, la conversion aulibéralisme économique des partis socialistes européens s'accélère sur l'ensemble du continent, de manière particulièrement forte en ce qui concerne lestravaillistes britanniques, sous l'impulsion deTony Blair, et lessociaux-démocrates allemands, sous celle deGerhard Schröder. Leblairisme, mariant progressisme social et conceptions économiques libérales dénuées de toute aspirationégalitariste, devient un nouvel axe, contesté mais puissant, de la gauche européenne. Un autre axe du socialisme européen, représenté notamment à l'époque parLionel Jospin, alors chef du gouvernement français, se veut moins ouvertement libéral[38].
Le terme de communisme désigne, à l'origine, une forme théorique d'organisation sociale où lapropriété privée n'existerait pas. Si les écoles de pensée prônant la fin de la propriété préexistent à la diffusion du mot communisme dans le langage courant - elles sont notamment présentes dans le courantutopiste illustré par les œuvres de philosophes commeThomas More ouTommaso Campanella, ou dans des mouvements religieux comme l'anabaptisme - c'est au début duXIXe siècle que le concept de communisme, rattaché aux idéeségalitaires deGracchus Babeuf, devient un élément de la pensée et du vocabulairesocialiste, mais aussianarchiste[40]. Au sens contemporain du terme, le motcommunisme désigne plus précisément une famille politique née par scission du mouvement socialiste, inspirée par la penséemarxiste et caractérisée à l'origine par une aspirationrévolutionnaire, là où les socialistes avaient dans leur majorité évolué leréformisme[41]. Partant, le mot désigne autant un courant idéologique marxiste - qui peut par ailleurs connaître d'importantes variations - que l'ensemble des partis politiques s'en réclamant, ainsi qu'une forme derégime politique se réclamant de l'application d'unsocialisme inspiré deMarx et deLénine. Au sens contemporain du terme, et depuis larévolution d'Octobre et la naissance de l'URSS, unÉtat est ditcommuniste lorsque le parti communiste local, d'inspirationmarxiste etléniniste et se voulant le représentant duprolétariat, y détient le monopole des activités politiques en occupant, de fait ou de droit, une position departi unique ; les régimes communistes se sont également définis, historiquement, par uneéconomieétatisée,collectivisme etplanifiée[42]. De nombreuses tendances de l'extrême gauche, opposées de manière parfois radicale au régime soviétique, revendiquent par ailleurs une identité communiste. Depuis la fin de la majorité des régimes communistes en 1989 et durant les années qui ont suivi, la qualité de communiste continue d'être revendiquée par plusieurs États, dont larépublique populaire de Chine, pays le plus peuplé au monde : si celle-ci a conservé ses pratiques autoritaires et son système de parti unique, elle s'est cependant éloignée du communisme au sens de propriété collective desmoyens de production, et s'est largement tournée vers l'économie de marché[43].
Par la suite, dans la seconde moitié duXIXe siècle, l'usage du terme« communisme » tend se raréfier dans le langage courant et le vocabulaire politique. Utilisé par lesanarcho-communistes, il continue par ailleurs de figurer, parfois confondu avec lecollectivisme économique stricto sensu, dans le lexique de la famillesocialiste, dont le point commun est alors de vouloir substituer aucapitalisme un nouveau système économique, où l'État ferait figure de clé de voûte. S'agissant de la manière d'accéder à cette nouvelle société, les débats entre socialistes réformistes et révolutionnaires ne cessent pas durant la dernière partie duXIXe siècle. En Russie, le clivage est particulièrement aigu :Lénine, chef desbolcheviks, se distingue en théorisant la mise en place d'un parti de« révolutionnaires professionnels », strictement hiérarchisé selon le principe ducentralisme démocratique, et qui mettrait en place ladictature du prolétariat en tant que représentant de l'avant-garde de laclasse ouvrière. C'est à l'occasion de laPremière Guerre mondiale, et de larévolution russe qui en découle, que le mot« communisme » refait son apparition au premier plan, dans le contexte d'une rupture fondamentale au sein de la famille socialiste : en 1918, quelques mois après avoir pris le pouvoir en Russie lors de larévolution d'Octobre, lesbolcheviks se rebaptisentParti communiste : Lénine souhaite par là se distinguer radicalement des socialistes« réformistes » alors qu'il met en place, dans le contexte d'uneguerre civile particulièrement violente, un régime politique fondé sur une réorganisation économique complète et un bouleversement social radical. Le Parti communiste devient leparti unique du nouveau régime, s'arrogeant la totalité des pouvoirs et réprimant l'opposition : laRussie soviétique, premierÉtat communiste de l'histoire, donne naissance en 1922 à l'Union soviétique qui, reposant sur la centralisation planifiée d'une économie nationalisée et sur le productivisme industriel, se veut la« patrie du socialisme »[41],[44]. La ligne de Lénine - dont les idées sont par la suite désignées du nom deléninisme - s'affirment comme la principale incarnation du communisme : lecommunisme de conseils anti-léniniste, qui prône un gouvernement des travailleurs assuré par desconseils ouvriers, demeure marginal et, par définition, ne s'incarne pas dans un appareil politique structuré[45].
En 1919, l'Internationale communiste (ouTroisième Internationale, ouKomintern) est fondée alors que les bolcheviks espèrent en une extension hors de Russie de la révolution. Mais, si la Russie soviétique survit à la guerre civile, en triomphant tant desArmées blanches que de la majorité des gouvernements indépendantistes des territoires de l'ex-Empire russe, la« vague révolutionnaire » attendue n'a pas lieu : larévolution allemande de 1918-1919 n'apporte pas les résultats espérés par les communistes, larépublique des conseils de Hongrie ne vit que trois mois avant d'être écrasée et laguerre contre la Pologne se termine par une défaite pour la Russie. Dans les années 1920, si l'URSS demeure, au niveau international, l'unique régime communiste avec laMongolie, le mouvement communiste continue de se développer : à travers le monde, de très nombreux partis communistes apparaissent, soit (notamment en Europe) par scission des partis socialistes et sociaux-démocrates, soit (comme en Amérique latine) par conversion au communisme de groupes anarchistes. Les partis communistes sont contrôlés, de manière souvent étroite, par l'Internationale communiste ; si certains bénéficient d'une réelle force militante, d'autres sont de dimensions modestes, et beaucoup, notamment en Europe orientale, sont victimes de la répression. Dans la première partie de l'entre-deux-guerres, aucune des révolutions d'inspiration communiste ne réussit et l'URSS, si elle normalise ses relations avec la plupart des États du monde, demeure politiquement isolée[46],[47]. Une compétition parfois acharnée oppose les partis communistes et socialistes, les premiers disputant désormais aux seconds, sur les plans politique et syndical, la qualité de représentants dumouvement ouvrier. Ainsi, enFrance, après lecongrès de Tours, une minorité, conduite notamment parLéon Blum, s'oppose à la ligne léniniste et maintient en vie laSFIO : rapidement, le parti socialiste français reprend l'avantage sur le nouveauparti communiste, qui avait attiré la majorité des militants mais connaît bientôt une hémorragie de membres[48].
En URSS,Lénine, malade depuis 1922, meurt en janvier 1924.Joseph Staline, secrétaire général duParti communiste, s'affirme progressivement comme le principal dirigeant de l'État soviétique et de l'Internationale communiste. Remettant à plus tard l'exportation de la révolution - que son rivalLéon Trotski promeut via sa théorie de la« révolution permanente » - Staline se concentre sur la consolidation du communisme en URSS, soit sur sa politique du« socialisme dans un seul pays ». L'autorité du secrétaire général s'affirme au long de la décennie 1920 : Trotski est évincé du pouvoir, puis exilé d'URSS. Les« trotskistes » revendiquent l'héritage de Lénine et leur propre identité communiste, mais la ligne de Staline, désignée par la suite sous le nom destalinisme, est très largement dominante au sein du mouvement communiste international. Leléninisme est mis en orthodoxie par Staline, l'idéologie communiste officielle étant désignée, à partir des années 1930, sous le nom demarxisme-léninisme. Le régime soviétique prend de manière croissante l'aspect d'unedictature personnelle de Staline, appuyée sur un système de terreur d'État bien plus intense qu'au temps de Lénine et sur unculte de la personnalité aux accents parfois délirants. Le système de camps de prisonniers, connu désormais sous le nom degoulag, prend en URSS une ampleur jusque-là inégalée. Dans les années 1930, la politique deplanification suivie par Staline provoque detrès importantes famines qui se soldent, notammenten Ukraine, par des millions de morts. Au milieu de la décennie, l'URSS connaît une nouvelle période de terreur connue sous le nom de« Grandes Purges »[49].
Au tournant des années 1920 et 1930, les partis appartenant au Komintern suivent, sur instruction de Staline, une ligne« classe contre classe » qui les amène à s'opposer en priorité aux socialistes, au détriment de la lutte contre lesfascistes etnazis. Cette politique aboutit à un résultat désastreux : après l'arrivée deHitler au pouvoir en Allemagne, leParti communiste d'Allemagne, le plus puissant d'Europe, est anéanti, tandis que ses membres sont arrêtés ou réduits à l'exil ou à la clandestinité[50]. En Chine, leParti communiste chinois, apparu en 1921, gagne en puissance mais est, à partir de 1927, réprimé par leKuomintang. Laguerre civile chinoise, particulièrement violente, accompagne dès lors le développement d'un important mouvement communiste chinois, dontMao Zedong s'affirme progressivement comme le principal dirigeant[51]. En Occident, après l'échec de la ligne« classe contre classe », Staline approuve une ligne de« Front populaire » qui permet aux partis communistes de s'allier aux socialistes contre les fascistes. L'antifascisme augmente considérablement la puissance de séduction du communisme, qui attire de nombreux militants, gagne en influence dans les milieux dusyndicalisme et s'attire les faveurs d'une partie du mondeintellectuel. EnEspagne, enFrance et auChili, des coalitions de front populaire arrivent démocratiquement au pouvoir, ce qui permet à des partis communistes d'être associés à l'action gouvernementale. Si lePCF est ainsi associé à des réformes qui marquent profondément la société française, en Espagne, le Front populaire est vite confronté à uneguerre civile qui se solde par sa défaite et fait figure de« répétition » de la Seconde Guerre mondiale[52].
En 1939, l'URSS conclut avec l'Allemagne nazie un« pacte de non-agression » qui lui permet de se tenir à l'écart des conflits en Europe et de mettre la main sur lespays baltes et sur l'est de laPologne : cepacte germano-soviétique crée une onde de choc au sein du mouvement communiste international[53]. En 1941, cependant, l'Allemagne rompt le pacte et attaque l'URSS : lefront de l'Est devient le théâtre d'opérations le plus meurtrier du volet européen de laSeconde Guerre mondiale tandis que les communistes, dans l'ensemble de l'Europe occupée, participent à larésistance. L'URSS apporte une contribution décisive à la défaite de l'Allemagne et, bien qu'ayant subi de très importantes destructions, accroît son influence de façon considérable : à la fin du conflit, l'Armée rouge occupe l'essentiel de l'Europe orientale[54].
Entre 1944 et 1949, desrégimes communistes - désignés du nom de« démocraties populaires » - se mettent en place enEurope de l'Est, sous l'étroite influence deStaline. La naissance du« bloc de l'Est » en Europe signe le début de laguerre froide : en Asie également, le communisme connaît d'importantes avancées, dont la principale est la victoire deMao Zedong au terme de laguerre civile chinoise. Larépublique populaire de Chine est proclamée en 1949[55]. Durant la guerre froide, qui dure jusqu'à la fin des années 1980, l'ensemble des relations internationales sont rythmées par l'opposition entre le« bloc communiste », au sein duquel l'URSS est lasuperpuissance dominante, et le« monde libre » sous l'influence desÉtats-Unis. Le« modèle communiste » constitue, avec le camp opposé de ladémocratie libérale et de l'économiecapitaliste, l'un des principaux axes politiques à l'échelle mondiale. La guerre froide, où l'équilibre de la terreur assuré par la politique dedissuasion nucléaire vient bientôt constituer un facteur déterminant, inclut plusieurs conflits militaires entre communistes et non-communistes, notamment laguerre de Corée, laguerre d'Indochine, puis plus tard laguerre du Viêt Nam, en Asie, ainsi que laguerre civile grecque, en Europe. Mais parallèlement, des partis communistes participent à la vie politique de nombreuses démocraties : si, en Europe occidentale, l'influence de la plupart des PC est modeste après 1945, certains comme leParti communiste français ou leParti communiste italien, bénéficiant notamment de leur participation à la résistance, conservent un important électorat et demeurent les partis d'opposition les plus importants[56]. Le« bloc communiste » lui-même n'est pas homogène : si l'URSS domine sans partage l'essentiel dubloc de l'Est, dont les régimes sont bâtis, avec quelques variantes, sur le modèle soviétique[57], le monde communiste connaît dès 1948 une scission quandTito, dirigeant de laYougoslavie, jugé trop indépendant parStaline,rompt avec l'URSS. La Yougoslavie s'oriente ensuite vers une politique de neutralité et de bonnes relations avec l'Ouest et s'emploie à développer un modèle économique s'appuyant sur l'autogestion[58].
La mort de Staline, en 1953, est suivi trois ans plus tard par la dénonciation, parKhrouchtchev, d'une partie de ses crimes. Ladéstalinisation, si elle se traduit par une certaine libéralisation politique, et notamment la libération de nombreux prisonniers politiques en URSS, n'est cependant pas suivie d'une réelle démocratisation des régimes communistes : si enPologne, pour canaliser unmouvement populaire, les Soviétiques acceptent le retour au pouvoir deWładysław Gomułka, la contestation qui se déroule au même moment enHongrie prend un tour beaucoup plus dramatique et débouche sur une insurrection armée ; l'insurrection de Budapest est écrasée par une intervention de l'Armée rouge. Les évènements hongrois de 1956 contribuent considérablement au discrédit, dans une grande partie de l'opinion occidentale, du communisme soviétique, sans que lebloc de l'Est n'échappe pour autant à l'influence de l'URSS[59]. Si les régimes du bloc de l'Est connaissent des variations dans leurs politiques intérieures et économiques - notammentdes réformes politiques en Hongrie, et la politique plus autonome menée par laRoumanie - tous demeurent marqués par les pratiques importées d'URSS, soit le développement d'unebureaucratie d'État et d'une classe privilégiée appeléenomenklatura, la surveillance de la population via des pratiques d'État policier, et des dysfonctionnements économiques. En 1961, pour mettre un terme au départ de citoyensest-allemands versBerlin-Ouest, les Soviétiques ferment les frontières et bâtissent lemur de Berlin. En 1968, un nouveau mouvement de démocratisation, cette fois enTchécoslovaquie, beaucoup plus modéré que le mouvement hongrois de 1956, est stoppé net par l'intervention des troupes dupacte de Varsovie. Le dirigeant soviétique,Léonid Brejnev, formule à l'occasion ce qui devient connu sous le nom de« doctrine Brejnev », soit le droit pour l'URSS d'intervenir dans les« pays frères » pour y défendre le« socialisme »[57],[60].
Hors d'Europe, le communisme se développe également, sous des formes très variées. LaChine deMao refuse pour sa part la libéralisation politique induite par ladéstalinisation et en arrive quelques années plus tard àrompre avec l'URSS. La Chine, où lemaoïsme, adaptation dumarxisme-léninisme aux réalités locales, fait figure d'idéologie officielle, s'engage en 1958 dans l'expérience radicale duGrand Bond en avant, qui se solde par un désastre économique et humanitaire, entraînant plusieurs millions de morts au cours de lagrande famine. Affaibli, Mao reprend le contrôle du pays dans les années suivantes en détruisant l'appareil duParti communiste chinois au cours de larévolution culturelle. La république populaire de Chine sort politiquement désorganisée et économiquement exsangue de cette période d'« expérimentations », et entreprend de redresser sa position internationale en serapprochant des États-Unis au début des années 1970[61]. Dans laCaraïbe, un régime communiste apparaît àCuba après lavictoire de la guérilla conduite parFidel Castro. Ce dernier ne se présente initialement pas comme communiste, mais les États-Unis, inquiets face à l'orientation politique du nouveau régime qui se rapproche de l'URSS, tentent de le renverser en 1961 en organisant ledébarquement de la baie des Cochons : l'opération est un désastre et Castro se déclare ouvertement communiste, nouant une alliance étroite avec les Soviétiques. L'année suivante, ces derniers installent des missiles à Cuba, déclenchant lacrise des missiles, qui constitue l'un moment les plus tendus de laGuerre froide. Le régime castriste à Cuba continue, au cours des années suivantes, de constituer un pôle d'attraction du communisme international, dont il constitue une versiontiers-mondiste. L'ArgentinChe Guevara, compagnon de route de Castro durant la révolution cubaine, échoue dans sa tentative d'exporter desfoyers révolutionnaires en Afrique et en Amérique latine mais Cuba, dans les années 1970, se livre à une politique extérieure interventionniste en soutenant les régimes communistes africains[62]. EnAsie du Sud-Est, le communisme progresse également dans les années 1960-1970 : si enIndonésie, les communistes sont écrasés au cours d'unerépression sanglante, laguerre du Viêt Nam, au cours de laquelle les États-Unis ont tenté d'empêcher l'extension du communisme dans la péninsule indochinoise, se traduit par le résultat inverse, et la mise en place de régimes communistes auViêt Nam, auLaos et auCambodge. Dans ce dernier pays, où lesKhmers rouges commettent desmassacres de grande ampleur, la politique agressive à l'égard du Viêt Nam voisin entraîne uneinvasion par l'armée vietnamienne, suivie d'unnouveau conflit. EnAsie centrale, l'URSS se trouve néanmoins à son tour embourbée dans un conflit, quand son intervention pour soutenir lerégime communiste d'Afghanistan se traduit par unconflit ruineux et désastreux sur le plan de l'images[63].
La stagnation politique et économique en URSS et dans les régimes dubloc de l'Est[57],[64] et l'impossibilité financière de rivaliser avec les États-Unis dans lacourse aux armements conduisent, dans les années 1980, le dirigeant soviétiqueMikhaïl Gorbatchev à lancer un mouvement de réformes politiques appeléPerestroïka ; la Guerre froide connaît une nouvelle période de détente. Mais la libéralisation, en Europe de l'Est, vient trop tard pour sauver les systèmes communistes. À partir de 1989,l'ensemble des régimes du bloc de l'Est renonce au communisme, l'évènement le plus symbolique de la période étant la chute dumur de Berlin. L'URSS elle-même cesse d'exister en tant qu'État en 1991. La majorité des ex-partis communistes du bloc de l'Est, dont les cadres réformateurs ont souvent été des acteurs de la fin des régimes, se rebaptise du nom deParti socialiste et s'insère dans la vie politique de pays démocratisés[65],[66].
Larépublique populaire de Chine, leLaos, leViêt Nam,Cuba et laCorée du Nord continuent de se réclamer du communisme. La Chine s'est convertie aucapitalisme mais demeure un régime autoritaire gouverné par leParti communiste chinois. De nombreux partis communistes continuent d'exister dans le monde, certains étant parfois associés à l'exercice du pouvoir dans des démocraties. LeParti communiste du Népal (maoïste) est arrivé au pouvoir mais n'a pasà ce jour[Quand ?] fait duNépal un régime communiste. Certains dirigeants se réclamant dusocialisme, commeHugo Chávez auVenezuela, usent volontiers de références marxistes et communistes, sans être classés comme tels. Parmi les partis communistes occidentaux, leParti communiste italien, dont les positions s'étaient considérablement recentrées au fil des ans, s'est autodissous pour constituer un parti socialiste ; ses anciens cadres occupent une place importante au sein de la gauche italienne (dite« centre gauche »). LeParti communiste français a conservé son identité communiste, mais a vu son électorat décliner au fil des ans, et se range désormais sous la barrière de la coalition duFront de gauche.[réf. nécessaire] La qualité de communiste continue par ailleurs d'être revendiquée à l'extrême gauche, notamment par les mouvementstrotskistes[67],[68].
LeCourant communiste international (CCI), fondé en 1975, continue de promouvoir les capacités d'auto-organisation de la classe prolétaire, en vue de la concrétisation d'une société communiste mondiale. Il dénonce fermement lesrégimes communistes passés et présents comme une manifestation de la« barbarie capitaliste »[69].
En Angleterre, nous trouvons le nouveau libéralisme qui se construit entre 1886 et laguerre de 1914-1918, et va inspirer les grandes réformes sociales anglaises des années 1905–1914[75]. où il se place dans la lignée deJohn Stuart Mill tout en étant profondément lié à l'université d'Oxford. Deux de ses grands précurseurs,Thomas Hill Green etArnold Toynbee, ont été formés à Oxford, où ils ont également enseigné et parmi les plus connus des fondateurs du nouveau libéralisme,Leonard Trelawny Hobhouse,John Atkinson Hobson etHerbert Samuel, ont eux aussi fait leurs études à Oxford. S'il est lié à Oxford sur le plan politique, sur le plan économique, il va être profondément influencé par Cambridge et notamment par deux des plus célèbres économistes de cette université, Des études récentes ont insisté sur la proximité de deux économistes de l'université de Cambridge,Alfred Marshall[76]etJohn Maynard Keynes. Mais ce dernier va à la fois constituer une force durant lesTrente Glorieuses pour le social-libéralisme et une faiblesse. En effet, tantMichael Freeden queCatherine Audard ouGilles Dostaler insistent à la fois sur la continuité entre Keynes et les nouveaux libéraux (évolutionnisme, refus du laissez-faire, tendance altruiste chez l'homme, lien entre organisation et raison)[77], et sur au moins trois différences sensibles : d'une part, un élitisme qui rapproche plusJohn Maynard Keynes deHerbert George Wells que des nouveaux libéraux qui insistent sur une éthique de la participation de tous aux décisions[78], d'autre part, un plus fort souci envers la régulation macro-économique qu'envers la redistribution[79], enfin, une vision plus technique et moins politique de l'économie[80].
Le social-libéralisme et« son idéologie welfariste » sont très influents de 1945 à 1970 et marquent fortement l'ensemble des partis modérés en Europe[84]. Aux États-Unis, le social-libéralisme prédomine à travers ce qui a été appelé le « libéralisme intégré » ainsi que dans laGrande société de Lyndon Johnson[85]. Le social-libéralisme voit son influence politique décliner à la fin des années 1970 non seulement à la suite des critiques portant sur son propre corpus que nous étudierons plus loin mais aussi pour des raisons liées aux changements de l'environnement économique qui suivent lepremier choc pétrolier[86]. Deux idéologies : lenéo-libéralisme de l'école autrichienne et, dans une moindre mesure, lelibertarianisme (Robert Nozick etMurray Rothbard[87]) vont prendre le relais.Plusieurs critiques ont été adressées au social-libéralisme des trente-glorieuse pour justifier sa perte d'influence.
TantJohn Rawls queFriedrich Hayek critiquent l'aspect redistributif de l'État-providence d'influence sociale-libérale. Ils estiment qu'en réalité lajustice sociale s'est transformée en défense des intérêts acquis au détriment des laissés-pour-compte[88]. Hayek, dans son ouvrageDroit législation et Liberté, insiste sur le fait que la justice sociale provoque le jeu des factions, chacune voulant faire valoir ses intérêts pour se procurer des avantages. D'où pour lui, le passage à une démocratie de marché où« les électeurs votent de plus en plus non pas en citoyens responsables, mais selon leurs préférences, se comportent sur le forum politique comme sur le marché »[89].
John Rawls quant à lui, adresse trois autres reproches au capitalisme de l'État-providence d'influence sociale-libérale. Tout d'abord, s'il se soucie de l'égalité des chances, il ne se donne pas les moyens de ses ambitions. Par ailleurs, il tolère des inégalités importantes et« permet à une caste réduite de détenir un quasi-monopole des moyens de production »[90]. Enfin, l'État-providence du social-libéralisme classique a certes cherché à réduire la pauvreté matérielle et à favoriser la consommation mais, ce faisant a versé dans l'économisme sans avoir une vraie conception de lajustice sociale[91].
si le social-libéralisme classique insistait sur l'importance morale qu'il y avait de faire participer les hommes à la découverte de la vérité, les outils adoptés notamment en économie donnaient le meilleur rôle aux experts et le citoyen ordinaire a été très peu consulté et est devenu passif et consommateur[92]. Par ailleurs, trop de terrain a été cédé par le social-libéralisme aux sciences sociales et, il a oublié« que son combat est avant tout politique et normatif »[93].
PourLeonard Trelawny Hobhouse,« Le cœur du libéralisme est la compréhension que le progrès n'est pas une question de combinaison mécanique, mais de libération de l'énergie spirituelle vivante. Le bon mécanisme est celui qui peut apporter des canaux par lesquels cette énergie peut s'écouler sans entrave, sans être bloquée par sa propre exubérance de sortie, vivifiant la structure sociale, accroissant et ennoblissant la vie de l'esprit »[95].
La vérité. Pour, le social-libéralisme, la recherche de la vérité n'est pas de nature abstraite. Elle est inductive, résultat d'une confrontation avec les faits même lorsqu'ils sont « durs » (« hard facts »)[96] et d'une volonté de voir la réalité en face.
Individu et société : dans le social-libéralisme, l'individu et la société interagissent. Hobhouse, partant deThomas Hill Green, développe lamétaphore organique. Toutefois, pour éviter les confusions sur le mot, il précise qu'« une chose est appelée organique quand elle est faite de parts qui sont tout à fait distinctes les unes des autres, mais qui sont détruites ou vitalement altérées quand elles sont enlevées de l'ensemble ». Les libéraux républicains en France préfèrent éviter cette métaphore aux réminiscencespauliniennes[97] qui risquait d'être interprétée soit de façon très conservatrice soit de façon très marxiste[98]. Aussi, pour nommer cette interaction entre la société et l'individu, ils préfèrent utiliser le mot « solidarité ».
Liberté et individualité. Dans le libéralisme classique, la liberté résulte essentiellement d'une absence de contrainte. Le nouveau libéralisme à la suite deJohn Stuart Mill ne se focalise pas sur l'individu mais sur l'individualité, sur l'être social. Ce qui devient important, ce n'est pas seulement la liberté de choisir, c'est aussi la possibilité de se réaliser. Pour ce faire une absence de contrainte n'est pas suffisante[99], il faut aussi que l'individu bénéficie de droits sociaux lui permettant de réaliser son potentiel. C'est ainsi que l'on passe de l'idée d'égalité des droits à celle d'égalité des opportunités[100]. Plus tard,Amartya Sen parle decapabilité.
L'État doit éviter que les personnes exercent des contraintes les unes sur les autres. Par exemple, il doit éviter que certains n'usent de leurs pouvoirs en obligeant l'autre partie à signer des contrats très déséquilibrés. Mais l'État doit également intervenir pour assurer des droits sociaux tels que les retraites ou les assurances sociales. Par ailleurs, l'État doit veiller sur la machinerie économique. En effet, un individu seul n'est pas en mesure de procéder aux réglages des structures économiques qui permettent, par exemple, à un individu normal de pourvoir à ses besoins. Hobhouse, prenant appui sur des études réalisées par Booth à Londres et par Rowentree à York, considère qu'en Angleterre, alors, de très nombreuses personnes ne pouvaient pas vivre décemment et que, pour remédier à cette situation, l'État seul avait les moyens de procéder aux ajustements structurels nécessaires[101]. Mais, ils se méfient de ce queLeonard Trelawny Hobhouse appelle la « théorie métaphysique de l'État », d'autant qu'ils ont une haute opinion de la démocratie qu'un État technocratique met à mal.
Ladémocratie est pour eux la base nécessaire de l'idée libérale[102]. En effet, le cœur de leur pensée requiert de déterminer le bien commun et pour ce faire, leur éthique et leur conception de la vérité implique de faire participer tout le monde à la détermination de ce bien. Toutefois, comme ils sont pragmatiques, ils vont se poser la question de savoir comment faire si une volonté commune ne se dégage pas. Pour Hobhouse, les personnes soucieuses du bien commun doivent bâtir des « philosophies » en partant de l'étude des faits. Celles-ci doivent à la fois être capables à la fois de donner des pistes pour résoudre les problèmes, s'adresser à l'âme humaine et nourrir des débats ouvrant la voie à la détermination dubien commun[103].
Réguler la concurrence. Si l'idée de régulation des marchés et de surveillance de la concurrence est présente chez les sociaux-libéraux anglais, c'est surtout l'école américaine qui la mettra au premier plan.Hobson développe la notion de « rente comprise » non plus simplement comme rente de la terre, comme c'est le cas de l'école classique, mais comme rente liée à une concurrence faussée liée soit au jeu des acteurs économiques soit à l'interaction entre politiques et agents économiques qui va conduire à l'adoption de mesures administratives ou législatives qui faussent le jeu de la concurrence au profit de quelques-uns. C'est dans ce cadre que John Atkinson Hobson analyse l'impérialisme au débutXXe siècle[104]. Aux États-Unis que des économistes, telsJohn Bates Clark etRichard T. Ely et des juristes souvent liés à laHarvard School of Law, telsOliver Wendell Holmes,Louis Brandeis ouRoscoe Pound vont, malgré l'opposition des juges de la Cour suprême de leur temps, imposer un certain nombre de lois visant à réguler les marchés. En effet, pour eux, les lois ne sont ni des forces aveugles qui s’imposent aux hommes, ni l’incarnation d’une raison naturelle toute puissante, mais sont trouvées à travers l’expérience et la raison, entendues comme incluant un effort sur soi et un certain détachement des passions[105].
Sur le plan macro-économique, le social-libéralisme va adopter la théorie keynésienne mais, ce faisant, il va prendre un tour plus technique, plus scientifique[80], plus indépendant de la politique que celle préconisée par Hobson. Quoi qu'il en soit, la macro-économie keynésienne, notamment sous sa forme de lasynthèse néoclassique, est très largement adoptée par le social-libéralisme[106].
Libre-échange. S'ils sont favorables au libre-échange, ils ne veulent pas d'un libéralisme de laisser-faire. Aussi, ils vont contribuer à encadrer le libre-échange de façon qu'au niveau international comme au niveau national, la concurrence ne soit pas faussée. PourDavid Mitrany, la régulation de l'économie au niveau national est dangereuse car elle peut conduire à des conflits économiques entre États et menacer ainsi la paix. Aussi, selon lui, il vaut mieux réguler l'économie à un niveau supranational. Comme il est méfiant envers unfédéralisme mondial dont il ne voit pas sur quelle base il serait possible de l'instituer, il va préconiser l'approche fonctionnaliste (c'est-à-dire une régulation par fonction : fonction finance, fonction commerce international, fonction juridique) qu'il considère comme plus réaliste[107].
Le social-libéralisme poursuit au niveau international le projet ébauché parEmmanuel Kant de paix perpétuelle et tient pour important de jeter les bases d'une société internationale. Aussi, ils vont participer à la création de laSociété des Nations[108], puis plus tard de l'ONU et desinstitutions de Bretton Woods. Toutefois, il ne s'agit pas là de retourner à un libre-échange de laissez-faire.Donald Markwell note qu'à Bretton Woods, Keynes n'est pas revenu à sa croyance libérale classique d'avant la Première Guerre mondiale mais est devenu un partisan de ce qu'il nomme un« libre-échange conditionnel » (qualified free trade), c'est-à-dire encadré par des lois et des institutions de façon qu'il soit compatible avec le plein emploi et avec desbalances de paiements pas trop déséquilibrées[109].
Même s'il s'est toujours distingué dunationalisme dur et qu'il a toujours défendu la possibilité d'appartenances multiples, le social-libéralisme a eu, depuis son apparition dans la seconde moitié duXIXe siècle, parti lié avec la construction d'États-Nations[110]. Or, les sociétés actuelles, du fait notamment des mouvements de population, sont devenues plus diverses en même temps qu'il existe une volonté plus forte de la part de minorités nationales, ethniques ou culturelles de préserver une identité propre. PourCatherine Audard, il y a eu« une prise de conscience positive de la différence et de l'identité, de l'ethnicité qui« a accrédité l'idée de plus en plus dominante que l'égalité des droits et l'intégration sociale passent par l'acceptation des différences, pas par un traitement impartial et anonyme oucolour-blind des personnes » »[111]. Cela pose un problème au social-libéralisme car une appartenance religieuse, ethnique ou culturelle trop forte peut entrer en conflit avec la liberté et l'autonomie de chacun qu'il promeut. Pour faire face à ce problème, deux voies ont été avancées.Paul Ricœur etAlasdair MacIntyre ont introduit le concept d'« identité narrative » qui va tenter de permettre de concilier une identité propre à un groupe et une identité commune[112]. PourJohn Rawls, la culture politique d'une société libérale multiculturelle doit se limiter essentiellement à« la langue, l'histoire, les institutions politiques et les valeurs « politiques » de la constitution »[113]. Elle doit surtout éviter des éléments normatifs forts comme les valeurs morales, les idéologies et les religions dominantes[114].
La solidarité était au centre des préoccupations des sociaux-libéraux classiques mais pourJohn Rawls les politiques d'inspiration sociale-libérale se sont trop souciées d'économisme, de soutien de la consommation et pas assez du citoyen et du politique[115]. Aussi, pour Rawls comme pourBruce Ackerman,Philippe Van Parijs,Ronald Dworkin etNancy Fraser[116], ce qui va être important c'est de lutter à la fois contre la pauvreté, les inégalités et les discriminations tout en considérant davantage les individus comme des acteurs à respecter. Pour cela, il convient que les citoyens soient plus actifs, plus responsables, qu'ils soient moins axés sur leurs droits et davantage sur leurs devoirs de façon à invalider le constat deMarcel Gauchet selon lequel« la démocratie de l'individu et de ses droits a l'oligarchie pour corrélat inavoué »[117].
Concernant les fondements de la solidarité deux approches s'affrontent. Rawls veut passer d'un minimum social à un minimum citoyen et, selon Catherine Audard, chez lui,« la solidarité ne doit pas viser la maximisation de l'utilité générale, mais la seule satisfaction des besoins créés par la citoyenneté »[118]. Pour Rawls, le citoyen poursuit son propre intérêt, entendu dans un sens dépassant le seul intérêt économique, et la justice, c'est-à-dire l'intérêt général. Sur ce point,Amartya Sen produit un double reproche à Rawls. Tout d'abord, il lui reproche le lien fait entre minimum citoyen et citoyenneté active, expliquant qu'il n'est pas réellement établi. D'autre part, Rawls retombe selon lui dans les travers anciens en listant les biens premiers dont doivent bénéficier les citoyens alors qu'il devrait d'abord mettre en avant lescapabilités, c'est-à-dire les capacités d'agir[119].
De la démocratie de marché à la démocratie délibérative
Le modèle de démocratie proche de« élitisme compétitif » deJoseph Schumpeter, où le rôle du peuple est surtout de sanctionner les politiques et les experts qui n'ont pas réussi à résoudre les problèmes pour les remplacer par d'autres[120], desTrente Glorieuses va, sous l'impact dunéolibéralisme, se transformer en démocratie de marché où le citoyen est vu comme un consommateur de produits politiques. Ce mouvement va de pair avec un déclin de la conception de l'enseignement comme formation de citoyens rationnels tel que l'envisageait tant les sociaux-libéraux classiques. En fait, même si le social-libéralisme a participé à ce mouvement, il ne l'a jamais complètement accepté.Robert Alan Dahl, par exemple, a toujours soutenu que les élites n'avaient pas le monopole du pouvoir et que le peuple, à travers des associations et autres mouvements, pouvait intervenir dans la vie politique[121]. Par ailleurs, le libéralisme a toujours été méfiant envers la monopolisation du pouvoir par un groupe, c'est pourquoi il a toujours préconisé des systèmes de contrôles et de contre-pouvoirs (checks and balances)[N 1].
Ces dernières années,John Rawls a repris et amplifié l'idée de démocratie délibérative qui était déjà présente chezJohn Stuart Mill et chez les nouveaux libéraux[122]. DansThéorie de la justice, il écrit :« le débat législatif doit être conçu non comme un combat d'intérêts, mais comme un effort pour trouver la meilleure décision conformément aux principes de la justice »[123]. Dans son livreÉthique de la discussion (1991), puis dans son débat avec Rawls,Jurgen Habermas défend des idées proches de ce dernier. Comme Stuart Mill etAlexis de Tocqueville, il considère la discussion publique comme un moyen de faire évoluer les préférences des êtres humains[124] et par là d'arriver à un intérêt commun. Toutefois, les pensées de Rawls et d'Habermas ont une focalisation divergente : l'un s'intéresse surtout à la justice et l'autre au droit. Pour le premier, la justice participe à la création du lien social et pour le second, elle en est la conséquence[125].
PourAmartya Sen, lacrise économique de 2008 est liée à de mauvaises politiques elles-mêmes induites par les dérégulations économiques entreprises depuisRonald Reagan. Pour lui,« le succès de l'économie libérale a toujours dépendu [...] du dynamisme du marché lui-même, mais aussi de mécanisme de régulation et de contrôle, pour éviter que la spéculation et la recherche de profits conduisent à prendre trop de risques »[126]. Pour cet économiste, lePIB seul est trop limité et il faut lui associer d'autres indicateurs. Il est en effet l'un des créateurs de l'Indice de développement humain (IDH)[126] et il a fait partie de lacommission Stiglitz chargée d'étudier ce problème.
L'écologisme est plus souvent associé à la gauche, notamment par le rejet ducapitalisme économique, fréquemment associé à une conception plus libérale des mœurs, bien que la réalité des corrélations soit beaucoup plus nuancée.
De façon générale, la pensée de l'écologie politique est marquée par les travaux de la communauté scientifique sur les limites de la croissance dans un système fermé, la nécessité d'établir un principe de co-solidarité à l'instar durapport Meadows duMIT, la lutte contre les différentes formes de pollution et pour la préservation des écosystèmes dans un contexte marqué par la Sixième extinction de masse[129].
En France, l'élection présidentielle de 1974 instaure la première candidature d'un mouvement écologiste, très nettement marqué à gauche, notamment libertaire en termes de mœurs, et représenté parRené Dumont[130].
Les années 1980 ont vu l'émergence des partisécologistes. En France, l'autodissolution duPSU a entraîné la création de petits partis alternatifs à la recherche d'une synthèse entre écologie et socialisme, l'écosocialisme, qui est, au moins sur le plan socio-économique, marqué à gauche[131].
Lesmouvements alternatifs rassemblent également des mouvements dedésobéissance civile pratiquant des actions à la fois illégales et non-violentes[132] dès lesannées 1970. Lalutte du Larzac contre l'extension d'une base militaire est l'un des exemples les plus connus de ce mouvement de désobéissance civile non violente. Plus récemment, lagrève pour le climat déclenchée parGreta Thunberg a été à l'origine d'un vaste mouvement citoyen depuis 2018.
L'expressionextrême gauche est utilisée pour désigner les organisations et les sensibilités politiques considérées comme les plus à gauche du spectre politique, et aspirant à un changement radical du système en place. La naissance du terme d'extrême gauche n'est, contrairement à ceux degauche et dedroite, pas rattachée à une période historique donnée. Il n'existe pas de définition qui puisse réellement circonscrire l'extrême gauche en matière de valeurs ou d'organisations, d'autant que la classification est parfois rejetée par les intéressés. On peut néanmoins relever deux critères définissant l'extrême gauche au sens contemporain du terme : d'une part l'adhésion à différents courants du socialisme historique, soit d'une part lemarxisme et ses variantes (léninistes,trotskistes,maoïstes,conseillistes...), d'autre part l'anarchisme et ses différentes tendances (communiste,collectiviste,mutualiste,individualiste...). L'extrême gauche se caractérise également par de très grandes disparités, que ce soit de par un nombre important d'organisations parfois éphémères, dans les détails des programmes de celles-ci, ou dans leur rapport à la violence : des organisations d'extrême gauche ont ainsi participé historiquement au processus électoral dans le cadre de ladémocratie parlementaire, tandis que d'autres comme lesBrigades rouges en Italie ou laFraction armée rouge en Allemagne, ont pratiqué leterrorisme. La définition de l'extrême gauche a varié avec le temps, se caractérisant surtout par un refus affiché des institutions politiques et sociales : en France, lePCF a ainsi cessé d'être classé comme un parti d'extrême gauche du fait de son acceptation des institutions et de sa participation à divers gouvernements. Il se distingue à cet égard des organisationstrotskistes, ainsi que des anarchistes, anti-parlementaires par définition[133]. L'absence d'une définition opératoire unique de l'extrême gauche est en outre compliquée par la multiplication des vocables : l'extrême gauche peut être désignée par des termes comme« gauche de la gauche »,« gauche radicale », ou« ultra-gauche », qui peuvent parfois se confondre avec elle et en être des synonymes, mais également désigner des objets politiques distincts. Le nom degauche radicale peut être employé pour désigner, au sens large, les mouvements se situant à gauche des partis socialistes et sociaux-démocrates proprement dit, ce qui inclut lagauche antilibérale dans son ensemble[134] et ne se limite pas à l'extrême-gauche proprement dite[135]. Celui d'ultra-gauche tend à désigner, spécifiquement et historiquement, une tendance opposée auléninisme et incluant leconseillisme, lebordiguisme ou lesituationnisme[136].
Aux États-Unis, le système politique facilite labipolarisation en faveur duParti démocrate et duParti républicain. Cette opposition se fait sur des thèmes variés qui ont évolué depuis les débats sur le fédéralisme et peuvent transcender les deux partis. Le républicainAbraham Lincoln s'est opposé aux démocrates du Sud esclavagistes etle mouvement progressiste[précision nécessaire] a soutenuTheodore Roosevelt.
Ainsi on identifie généralement, au sein de chacun de ces deux partis, une gauche et une droite de ce parti. Mais depuis les présidences deFranklin Delano Roosevelt et deJohn Fitzgerald Kennedy, le Parti démocrate est globalement considéré comme plus progressiste que le Parti républicain.
Bien qu'il y ait débat (nombre de personnalités politiques refusant de voir la gauche scindée en plusieurs morceaux), certains distinguent plusieurs gauches françaises, avec souvent la classification suivante :
lagauche antilibérale (LFI, PCF, GS…), favorable à une République décentralisée, dans le cadre d'un État unitaire acteur de la vie économique et sociale ;
lagauche anticapitaliste (NPA, LO…), dont la ligne politique se démarque de celle de PCF, d'une part par une volonté de transformation très rapide de la société et d'autre part par le refus quasi systématique de s'unir avec le PS.
A l'image duMouvement de l'utopie concrète créé parRoland Castro, il existe aussi de nombreuses associations comportant (voire dirigées par) des militants politiques déclarés, ou au contraire méfiantes à l'égard du système politique. Enfin il existe des associations de droit ou de fait qui ne veulent pas de rôle électoral, mais ont contribué à la campagne pour le « non de gauche » auréférendum sur le Traité constitutionnel européen de 2005 -Fondation Copernic,Attac,PRS, collectifs du non (dont certains s'intitulent maintenant « collectifs du 29 mai ») - et qui appartiennent à lagauche antilibérale.
En tant qu'Étatfédératif, les 26cantons suisses possèdent également leurs propres gouvernement et parlement cantonaux, qui peuvent être de majorité de gauche ou de droite. Les cantons disposent de prérogatives variées, notamment en matière d'instruction publique, de police, de travaux publics et d'imposition cantonale. De même, lescommunes, situées à droite ou à gauche sur l'échiquier politique, mènent leur politique en conséquence, par exemple en fixant le taux d'imposition communal.
↑Voir Audard 2009, chapitre III sur l'État de droit. p.244 elle écrit :« le terme intraduisible dechecks désigne la mise en observation des pouvoirs et des pratiques, leur contrôle et leur blocage pour parvenir à un équilibre : lesbalances ».
↑Jacques-Antoine Dulaure, « Physionomie de la Convention nationale »,Le Thermomètre,(lire en ligne).
↑Henri Weber, la Gauche expliquée à mes filles: "La gauche est attachée à toutes les valeurs de la République: liberté, égalité, solidarité, droits de l'homme", Seuil, 2000
↑Certains de ces termes étantpolysémiques, chaque camp peut utiliser un mot pour désigner des concepts différents : par exemple, la gauche invoque davantage le concept de« Justice sociale », qui veut atteindre une plus grande égalité des conditions, alors que la droite se réclame davantage d'une justice pénale, qui punit les criminels de leurs actes. Il n'est par exemple pas rare que la droite attaque la gauche sur sa gestion de la Justice, la considérant comme« naïve » (voir par exemple :Ciotti (UMP) accuse Taubira de vouloir instaurer une "impunité légale",Le Point)
↑Serge Berstein, Daniel Cespède, Gilles Morin, Antoine Prost,Le parti socialiste entre résistance et république, Publications de la Sorbonne, 2001, page 167
Jean-PierrePotier,« Libéralisme et socialisme dans la pensée d'Alfred Marshall », dans Maurice Chrétien (dir.),Le Nouveau libéralisme anglais, economica,