La maison natale de Gabriel Lippmann à Luxembourg-Bonnevoie, en 2011.Le professeur Lippmann dans le laboratoire des recherches physiques de la Sorbonne (Bibliothèque de la Sorbonne, NuBIS)
Issu d'une famille française (pèrelorrain et mèrealsacienne, tous deux juifs), Gabriel Lippmann naît àBonnevoie (commune deHollerich)[6] auLuxembourg. Il fait ses études àParis, au lycée Napoléon (actuellementlycée Henri-IV), oùCharles d'Alméida, son professeur de sciences physiques, lui donne le goût des sciences, puis à l'École normale supérieure, où il entre en 1868. Élève brillant mais indiscipliné, il échoue au concours d'agrégation. Son parcours scolaire ne fut pas très réussi, parce qu'il s'est concentré seulement sur les disciplines qui l'intéressaient et a négligé les autres. Il part alors enAllemagne, en 1872, pour une mission scientifique officielle et travaille avecKühne etKirchhoff à Heidelberg et avecHelmholtz à Berlin. Il commence alors ses recherches sur lesphénomènes électrocapillaires.
En 1881, il prédit l'effetpiézoélectrique inverse, un champ électrique appliqué à certaines faces de corps cristallisés produit une déformation de ce corps, un an après que les frèresCurie eurent fait connaître l'effet direct.
En 1883, il est nommé professeur titulaire de la chaire de calcul des probabilités et de physique mathématique à laFaculté des sciences de Paris, succédant àCharles Briot, puis en 1886 professeur de physique générale et directeur du laboratoire des recherches physiques, à la mort deJules Jamin. La même année, il est élu à l’Académie des sciences, en remplacement dePaul Desains (G. Lippmann 31 voix,Henri Becquerel 20 voix), académie qu'il présida en 1912. Lippmann s'occupe du transfert du laboratoire des recherches physiques dans les nouveaux bâtiments de la Sorbonne. En 1893, on compte 25 chercheurs au sein du laboratoire, dontÉmile Amagat,Anatole Leduc etMarie Curie.
Il est président d'honneur de laSociété française de photographie de 1897 à 1899, succédant àÉtienne-Jules Marey, et participe à la création de l'Institut d'optique théorique et appliquée (SupOptique). Il est président de la Société astronomique de France de 1903 à 1904[8].
Lippmann a travaillé dans de nombreux domaines comme l'électricité, lathermodynamique, l'optique et laphotochimie. ÀHeidelberg, il a étudié le rapport entre les phénomènes électriques et les phénomènes capillaires. Il est à l'origine de l'invention de l’électromètre capillaire, utilisé dans les premiers électrocardiographes, et ducoelostat, instrument compensant la rotation de la Terre et permettant de photographier une région du ciel rendue apparemment fixe.
Il a inventé le procédé dephotographie en couleurs Lippmann, qui reste à ce jour (2006) le seul à pouvoir fixer l'ensemble des couleurs du spectre au lieu d'en faire une décomposition trichrome (qui pour sa part est irréversible). Le procédé, qui fixe les franges d'interférence de la lumière, est onéreux (usage de mercure) et demande un important temps de pose, mais n'a pas été à ce jour (2006) dépassé en qualité. Il reste en particulier le seul à permettre une analyse chromatographique complètea posteriori des couleurs fixées, ce qui est par nature impossible avec les procédés trichromes.
Le Centre de recherche public Gabriel Lippmann au Luxembourg[9] a été nommé ainsi en son honneur. On peut voir une photographie Lippmann auPalais de la découverte, section d'optique (premier étage).
Nature morte (1891-1899), photographie couleur réalisée par Gabriel Lippmann.
Le professeur Lippmann avait développé la théorie générale de son procédé de reproduction photographique des couleurs en 1886 mais elle ne fut présentée qu'en 1891. Ce procédé repose sur une méthode interférentielle. En 1893, il pouvait présenter à l'académie des photographies prises par lesfrères Lumière dans lesquelles les couleurs étaient produites avec un orthochromatisme excellent. Il a publié sa théorie complète en 1894. Pour fixer les couleurs, il utilise une plaque de verre recouverte d’une émulsion photosensible à base denitrate d'argent et debromure de potassium. Lors de la prise de vue, la couche sensible est placée au contact de mercure. À la surface du mercure se forment desondes stationnaires qui font réagir la couche sensible selon des minima et des maxima d'intensité correspondant aux ventres et aux nœuds des ondes stationnaires. Permettant ainsi de reproduire les couleurs de manière directe, et non indirecte comme on le fait avec lasynthèse trichrome couramment utilisée aujourd'hui.
Ce procédé ne doit pas être confondu avec celui desautochromes des mêmes frères Lumière, plus connus, et qui nous ont offert des images en couleurs de la fin duXIXe siècle. Ce dernier procédé fonctionnait pour sa part avec despigments.
Lippmann a aussi inventé le procédé dephotographie intégrale, en relief, sublimant le concept destéréoscopie, à partir d'un réseau lenticulaire fait de lenticules sphériques, permettant ainsi à chacun des yeux de l'observateur de ne voir que la partie de la plaque photographique sur laquelle était enregistrée un point de vue différent sur le sujet[10]. Lippmann a exposé la théorie de la photographie intégrale à l’Académie des sciences en mars 1908. Elle devait se présenter telle « une fenêtre ouverte sur la réalité », donnant à voir les objets en relief ainsi qu'une perspective changeante lorsque le spectateur se déplace[11]. La photographie intégrale était irréalisable en 1908 en raison du manque de matériaux convenables à la fabrication d’un réseau lenticulaire aux qualités optiques requises.Cependant, la même année, l'ingénieur opticien Rodolphe Berthon s'emploie à mettre en pratique ce concept ; il va tenter durant plus de vingt ans de recherches, de développer la pellicule en couleurs, à traversle procédé Dorian-Keller[12].
GabrielLippmann,Cours de thermodynamique : professé pendant le premier semestre 1885-1886, Paris, Association amicale des élèves et anciens élèves de la Faculté des sciences de Paris,(lire en ligne)
Gabriel Lippmann,Journal de physique théorique et appliquée. Avec Joseph Charles d'Almeida, Edmond Bouty, Alfred Cornu, Éleuthère Mascart, Alfred Potier. Paris, Bureau du journal de physique, 1872-1919.Texte en ligne disponible sur LillOnum
↑Acte de naissance, cf. R. Grégorius (1984):Gabriel Lippmann. Notice biographique. In: Inauguration d'une plaque à la mémoire de Gabriel Lippmann par le Centre culturel et d'éducation populaire de Bonnevoie et la Section des sciences de l'Institut grand-ducal. Bonnevoie, le 13 avril 1984: 8-20.
↑Gabriel Lippmann, « Épreuves réversibles : photographies intégrales »,Comptes rendus de l’Académie des sciences,,p. 446-451(lire en ligne)
↑« Un épisode de l’histoire de la couleur au cinéma : le procédé Keller-Dorian et les films lenticulaires », par François Ede, in:1895, revue de l'Association française de recherche sur l'histoire du cinéma, 71 | 2013 : « Le cinéma en couleurs »,pp. 171-200 —en ligne.
(en)Biographie sur le site de lafondation Nobel (le bandeau sur la page comprend plusieurs liens relatifs à la remise du prix, dont un document rédigé par la personne lauréate — leNobel Lecture — qui détaille ses apports)