Le termegéométrie dérive dugrecγεωμέτρης /geômétrês, « géomètre,arpenteur », qui vient deγῆ /gễ, « terre », etμέτρον /métron, « mesure ». Ce serait donc « la science de la mesure du terrain ».
AuXIXe siècle,Felix Klein réalise un important travail de synthèse qui participe à la classification des différents types de géométrie : leprogramme d'Erlangen (1872). Dans son approche, la géométrie est l'étude des espaces de points sur lesquels opèrent desgroupes de transformations et des invariants associés. Suivant cette classification, le plan et la sphère (tous deux des espaces homogènes et isotropes de dimension 2) diffèrent par leurs groupes de symétrie (legroupe euclidien pour l'un, legroupe des rotations pour l'autre)[1].
Lagéométrie projective ajoute aux espaces de la géométrie affine des points à l'infini.
La géométrie projective est la plus minimaliste, ce qui en fait un tronc commun pour les autres géométries[Note 2]. Elle est fondée sur des axiomes :
D'incidence (ou d'appartenance) dont la caractéristique la plus notable est : « Deux droites distinctes coplanaires possèdent un unique point commun » ;
D'ordre : permet notamment d'ordonner les points d'une droite. De ce point de vue, unedroite projective s'apparente à un cercle car deux points définissent deux segments ;
De continuité : dans tout espace géométrique, on peut joindre un point à un autre par un cheminement continu. Il est l'axiome d'Archimède en géométrie euclidienne.
Distinguer dans la géométrie projective des éléments impropres caractérise lagéométrie arguésienne. Puis la géométrie affine naît de l'élimination de ces éléments impropres. Cette suppression de points crée la notion de parallélisme puisque désormais certaines paires de droites coplanaires cessent d'intersecter. Le point impropre supprimé est assimilable à ladirection de ces droites. De plus, deux points ne définissent plus qu'un segment (celui des deux qui ne contient pas le point impropre) et rend familière la notion desens ouorientation (c'est-à-dire que cela permet de distinguer de[Note 3]).
Les géométries ci-dessus peuvent être généralisées en faisant varier la dimension des espaces, en changeant le corps des scalaires (utiliser des droites différentes de la droite réelle) ou en donnant une courbure à l'espace. Ces géométries sont encore dites classiques.
Par ailleurs, la géométrie classique peut être axiomatisée ou étudiée de différentes façons :
la géométrie d'incidence et lagéométrie synthétique (ou géométrie pure), qui utilisent une approche axiomatique ayant généralement comme données premières lespoints, lesdroites, lesplans, ainsi que les relations qui les gouvernent et les grandeurs qui leur sont associées ;
lagéométrie analytique, qui utilise les coordonnées et qui associe à chaque point des triplets (ou une suite de longueur donnée) d'éléments d'uncorps ;
l'algèbre linéaire, qui généralise la géométrie analytique en remplaçant l'utilisation des coordonnées par celle desespaces vectoriels abstraits ;
la théorie desimmeubles deTits, qui est liée à la géométrie des groupes classiques et exceptionnels (algébriques ou non), et qui étudie des structures combinatoires liés auxdiagrammes de Coxeter. Par exemple, l'ensemble de toutes les chaînes de sous-espaces vectoriels d'unespace vectoriel de dimension finie sur un corps est un immeuble, et l'ensemble de toutes les chaînes de sous-espaces projectifs d'un espace projectifP de dimension finie sur corps commutatif qui sont inclus dans une même quadrique projective deP est un immeuble.
Il y a en géométrie différentielle et en géométrie algébrique desgroupes de Lie et desgroupes algébriques, qui eux ont desespaces homogènes, et la géométrie classique se ramène souvent à l'étude de ces espaces homogènes. Les géométries affine et projective sont liées aux groupes linéaires, et les géométries euclidienne, sphérique, elliptique et hyperbolique sont liées aux groupes orthogonaux.
Lorsqu'il y a des classifications explicites des groupes de Lie ou algébriques ou de leurs espaces homogènes vérifiant certaines hypothèses (groupes de Lie ou algébriques simples, espaces symétriques, variétés de drapeaux généralisées, espaces de courbure constante, par exemple), les principaux éléments de ces classifications sont parfois issus de la géométrie classique, et les groupes auxquels sont associés ces géométries classiques sont liés aux groupes dits classiques (groupes linéaires, orthogonaux, symplectiques, par exemple).
La plupart des géométries classiques sont liées aux groupes de Lie ou algébriques simples, dit classiques (ils sont issus de l'algèbre linéaire). Il y a d'autres groupes de Lie ou algébriques simples, et ils sont dits « exceptionnels » et ils donnent lieu à la géométrie exceptionnelle, avec certaines analogies avec la géométrie classique. Cette distinction est due au fait que les groupes simples sont (sous certaines hypothèses) classés en plusieurs séries infinies (souvent quatre) et en un nombre fini d'autres groupes (souvent cinq), et ce sont ces derniers groupes qui sont exceptionnels, et ils ne relèvent pas de l'algèbre linéaire (du moins pas de la même manière) : ils sont souvent liés à desstructures algébriques non associatives (algèbres d'octonions, algèbres de Jordan exceptionnelles, par exemple).
Aux groupes de Lie ou algébriques simples sont associés desdiagrammes de Dynkin (des sortes de graphes), et certaines propriétés de ces géométries peuvent se lire dans ces diagrammes.
Lagéométrie riemannienne peut être vue comme une extension de la géométrie euclidienne. Son étude porte sur les propriétés géométriques d'espaces (variétés) présentant une notion de vecteurs tangents, et équipés d'une métrique (métrique riemannienne) permettant de mesurer ces vecteurs. Les premiers exemples rencontrés sont lessurfaces de l'espace euclidien dedimension 3 dont les propriétés métriques ont été étudiées par Gauss dans les années 1820. Le produit euclidien induit une métrique sur la surface étudiée par restriction aux différents plans tangents. La définition intrinsèque de métrique fut formalisée en dimension supérieure par Riemann. La notion de transport parallèle autorise la comparaison des espaces tangents en deux points distincts de la variété : elle vise à transporter de manière cohérente un vecteur le long d'une courbe tracée sur lavariété riemannienne. La courbure d'une variété riemannienne mesure par définition la dépendance éventuelle du transport parallèle d'un point à un autre par rapport à la courbe les reliant.
La métrique donne lieu à la définition de la longueur des courbes, d'où dérive la définition de la distance riemannienne. Mais les propriétés métriques des triangles peuvent différer de latrigonométrie euclidienne. Cette différence est en partie étudiée à travers lethéorème de Toponogov, qui permet de comparer du moins localement la variété riemannienne étudiée à des espaces modèles, selon des inégalités supposées connues sur la courbure sectionnelle. Parmi les espaces modèles :
l'espace euclidien est une variété riemannienne de courbure nulle ;
lasphère de dimensionn est une variété riemannienne de courbure positive constante 1 ;
l'espace hyperbolique de dimensionn est une variété riemannienne de courbure négative -1.
Lagéométrie complexe porte sur les propriétés d'espaces pouvant localement s'identifier à. Ces objets (variété complexe) présentent une certaine rigidité, découlant de l'unicité d'unprolongement analytique d'une fonction à plusieurs variables.
Lagéométrie symplectique est une branche de la géométrie différentielle et peut être introduite comme une généralisation en dimension supérieure de la notion d'aire orientées rencontrée en dimension 2. Elle est liée aux formes bilinéaires alternées. Les objets de cette géométrie sont lesvariétés symplectiques, qui sont des variétés différentielles munie d'un champ de formes bilinéaires alternées. Par exemple, unespace affine attaché à un espace vectoriel muni d'uneforme bilinéaire alternée non dégénérée est une variété symplectique.
Lagéométrie de contact est une branche de la géométrie différentielle qui étudie les variétés de contact, qui sont des variétés différentielles munies d'un champ d'hyperplans des espaces tangents vérifiant certaines propriétés. Par exemple, l'espace projectif déduit un espace vectoriel muni d'une forme bilinéaire alternée non dégénérée est une variété de contact.
La géométrie admet de nombreuses acceptions selon les auteurs. Dans un sens strict, la géométrie est « l'étude des formes et des grandeurs de figures »[5]. Cette définition est conforme à l'émergence de la géométrie en tant quescience sous lacivilisation grecque durant l'époque classique. Selon un rapport deJean-Pierre Kahane[6], cette définition coïncide avec l'idée que se font les gens de la géométrie comme matière enseignée : c'est « le lieu où on apprend à appréhender l'espace ».
En 1739,Leonhard Euler étudie leproblème des sept ponts de Königsberg ; ses travaux sont considérés comme l'un des premiers résultats de géométrie ne dépendant d'aucune mesure, des résultats qu'on qualifiera de topologiques. Les questions posées durant leXIXe siècle ont conduit à repenser les notions de forme et d'espace, en écartant la rigidité des distances euclidiennes. Il a été envisagé la possibilité de déformer continûment une surface sans préserver la métrique induite, par exemple de déformer une sphère en un ellipsoïde.Étudier ces déformations a conduit à l'émergence de latopologie[réf. nécessaire] : ses objets d'étude sont desensembles, lesespaces topologiques, dont la notion de proximité et decontinuité est définie ensemblistement par la notion devoisinage. Selon certains mathématiciens, la topologie fait pleinement partie de la géométrie, voire en est une branche fondamentale. Cette classification peut être remise en cause par d'autres.
Selon le point de vue deFelix Klein (1849-1925), la géométrie analytique « synthétisait en fait deux caractères ultérieurement dissociés : son caractère fondamentalement métrique, et l'homogénéité »[7]. Le premier caractère se retrouve dans lagéométrie métrique, qui étudie les propriétés géométriques des distances. Le second est au fondement duprogramme d'Erlangen, qui définit la géométrie comme l'étude des invariants d'actions de groupe.
Les travaux actuels, dans des domaines de recherche portant le nom de géométrie, tendent à remettre en cause la première définition donnée. Selon Jean-Jacques Szczeciniarcz[8], la géométrie ne se construit pas sur « la simple référence à l'espace, ni même [sur] la figuration ou [sur] la visualisation » mais se comprend à travers son développement : « la géométrie est absorbée mais en même temps nous parait attribuer un sens aux concepts en donnant par ailleurs l'impression d'un retour au sens initial ». Jean-Jacques Sczeciniarcz relève deux mouvements dans larecherche mathématique qui a conduit à un élargissement ou à un morcellement de la géométrie :
la procédure d'idéalisation consistant à montrer l'importance d'une structure en l'ajoutant aux objets mathématiques déjà étudiés ;
au contraire, la procédure de thématisation consistant à dégager une nouvelle structure sous-jacente à des objets géométriques déjà étudiés.
Dans le prolongement, la géométrie peut être abordée non plus comme une discipline unifiée mais comme une vision des mathématiques ou une approche des objets. Selon Gerhard Heinzmann[9], la géométrie se caractérise par « un usage de termes et de contenus géométriques, comme « points », « distance » ou « dimension » en tant que cadre langagier dans les domaines les plus divers », accompagné par un équilibre entre une approche empirique et une approche théorique.
Réfraction de la lumière par un morceau de plastique; phénomène pouvant être analysé grâce à de latrigonométrie.
Longtemps, géométrie etastronomie ont été liées. À un niveau élémentaire, le calcul des tailles de laLune, duSoleil et de leurs distances respectives à laTerre fait appel authéorème de Thalès[réf. nécessaire]. Dans les premiers modèles dusystème solaire, à chaque planète était associé unsolide platonicien. Depuis les observations astronomiques deKepler, confirmées par les travaux deNewton, il est prouvé que les planètes suivent uneorbite elliptique dont le Soleil constitue un desfoyers. De telles considérations de nature géométrique peuvent intervenir couramment enmécanique classique pour décrire qualitativement lestrajectoires.
En ce sens, la géométrie intervient eningénierie dans l'étude de la stabilité d'un système mécanique. Mais elle intervient encore plus naturellement dans ledessin industriel. Le dessin industriel montre les coupes ou lesprojections d'un objet tridimensionnel, et est annoté des longueurs et angles. C'est la première étape de la mise en place d'un projet deconception industrielle. Récemment, le mariage de la géométrie avec l'informatique a permis l'arrivée de laconception assistée par ordinateur (CAO), des calculs paréléments finis et de l'infographie.
La trigonométrie euclidienne intervient en optique pour traiter par exemple de ladiffraction de la lumière. Elle est également à l'origine du développement de lanavigation :navigation maritime aux étoiles (avec lessextants), cartographie, navigation aérienne (pilotage aux instruments à partir des signaux des balises).
Lagéométrie non commutative, inventée parAlain Connes, tend à s'imposer pour présenter les bonnes structures mathématiques avec lesquelles travailler pour mettre en place de nouvelles théories physiques.
La géométrie occupe une place privilégiée dans l'enseignement des mathématiques.De nombreuses études pédagogiques prouvent son intérêt[réf. souhaitée] : elle permet aux élèves de développer une réflexion sur des problèmes, de visualiser des figures du plan et de l'espace, de rédiger desdémonstrations, de déduire des résultats d'hypothèses énoncées. Mais plus encore, « le raisonnement géométrique est beaucoup plus riche que la simple déduction formelle », car il s'appuie sur l'intuition née de l'« observation des figures ».
Dans les années 1960, l'enseignement des mathématiques en France insistait sur la mise en pratique des problèmes relevant de la géométrie dans la vie courante. En particulier, lethéorème de Pythagore était illustré par la règle du 3, 4, 5 et son utilisation encharpenterie[11]. Les involutions, les divisions harmoniques, et les birapports étaient au programme du secondaire. Mais laréforme des mathématiques modernes, née auxÉtats-Unis et adaptée enEurope, a conduit à réduire considérablement les connaissances enseignées en géométrie pour introduire de l'algèbre linéaire dans le second degré. Dans de nombreux pays,cette réforme fut fortement critiquée et désignée comme responsable d'échecs scolaires[réf. souhaitée]. Un rapport de Jean-Pierre Kahane[6] dénonce le manque d'« une véritable réflexion didactique préalable » sur l'apport de la géométrie : en particulier, une « pratique de la géométrie vectorielle » prépare l'élève à une meilleure assimilation des notions formelles d'espace vectoriel, de forme bilinéaire…
↑Les géométries euclidienne et non euclidienne correspondent à cette définition stricto sensu de l'espace. Construire une telle géométrie consiste à énoncer les règles d'agencement des quatre objets fondamentaux : lepoint, ladroite, leplan et l'espace. Ce travail reste l'apanage de lagéométrie pure qui est la seule à travaillerex nihilo.
↑jusqu'à une certaine limite car certaines géométries n'entrent pas dans ce cadre.
↑Dans une certaine mesure et grossièrement, cela permet également de distinguer de ; l'intérieur de l'extérieur.
↑Fritz Reinhardt et Heinrich Soeder,Atlas des mathématiques, Livre de Poche,p. 13.
↑a etbJean-Pierre Kahane (ed.),L'enseignement des sciences mathématiques : Commission de réflexion sur l'enseignement des mathématiques[détail des éditions], chap. 3, « La Géométrie ».
↑Alain Michel, « Géométrisation de la théorie physique : sur la genèse d'un problème », dansKouneiher & al.
↑Jean-Jacques Szczeciniarz, « Philosophie et géométrie : la montée de la géométrie, ses effets philosophiques », dansKouneiher & al.
↑Gerhard Heinzmann, « La géométrie et le principe d'idonéité : une relecture de Ferdinand Gonseth », dansKouneiher & al.
Charles Mugler, « Sur l’Histoire de quelques définitions de la géométrie grecque et les rapports entre la géométrie et l’optique (Première Partie) »,L’Antiquité classique,vol. 26,no 2,,p. 331-345(lire en ligne, consulté le).
Charles Mugler, « Sur l’Histoire de quelques définitions de la géométrie grecque et les rapports entre la géométrie et l’optique (Suite) »,L’Antiquité classique,vol. 27,no 1,,p. 76-91(lire en ligne, consulté le)
PascalMueller-Jourdan,Une initiation à la philosophie de l'antiquité tardive : les leçons du Pseudo-Elias, Fribourg/Paris,Éditions du Cerf,, 143 p.(ISBN978-2-204-08571-7).
Nikolai I. Lobachevsky, Pangeometry, traduction et édition: A. Papadopoulos,Heritage of European Mathematics Series, Vol. 4, European Mathematical Society, 2010.