Lagéochimie applique les outils et concepts de lachimie à l'étude de laTerre et plus généralement desplanètes. Dans une certaine mesure, des échantillons sont accessibles à l'investigation chimique (notamment par l'étude desmétéorites) ; sinon, la présence deséléments chimiques est déterminée par des méthodes indirectes, ce qui permet à cettediscipline scientifique d'étudier l'abondance relative et absolue de ces éléments, leur distribution et leurs migrations lors de ladifférenciation planétaire. Ces études permettentin fine de chercher des lois générales du comportement de la matière à l'échelle planétaire, ce qui lie cette discipline à lacosmochimie dans la mesure où elle s'intéresse aux processus de formation planétaires et intraplanétaires. En ce qui concerne la Terre, cette discipline a pour objectif la connaissance des cycles par lesquels la plupart des éléments chimiques sont conduits alternativement en surface et en profondeur au sein de la planète. S'agissant dusédiment, la géochimie étudie les phénomènes chimiques qui se déroulent de l'interface eau-sédiment à la profondeur du sédiment lui-même.
L'invention du terme de « géochimie » est attribuée au chimiste allemandChristian Schönbein en 1838. Cependant, pendant près d'un siècle, le terme le plus courant pour désigner cette discipline est celui de « géologie chimique » et il y a peu de contact entre les géologues et les chimistes[2].
D'abord avec l'extension de la chimie à travers la minéralogie superficielle, la géochimie a acquis un statut de discipline à part entière après laSeconde Guerre mondiale, au moment du développement de lagéologie isotopique (géochronologie absolue). Par son approche transdisciplinaire, la géochimie est un bon exemple de fusion entre plusieurs domaines aux objectifs distincts, comme laphysique, labiologie, lapaléontologie (discipline également multidisciplinaire), etc.[4].
D'un point de vue applicatif, les buts de la géochimie sont, entre autres :
la détermination de la composition des différentes enveloppes terrestres, de leur évolution, des hautes couches de l'atmosphère à lagraine ;
la quantification des transferts dematière et d'énergie au sein de la Terre ; l'identification et la quantification des interactions entre ses différentesenveloppes ouréservoirs ;
l'identification et la caractérisation des processus chimiques, mécaniques, minéralogiques ou autres, qui modifient les compositions chimiques des géomatériaux, provoquant leurdifférenciation ;
la détermination de l'âge des roches et des événements ayant affecté la Terre, par le biais de lagéochronologie ;
Dans ses ramifications théoriques et appliquées, la géochimie couvre aussi bien des processusendogènes qu'exogènes, sur du matérielorganique ounon organique. Ainsi, l'application des méthodes de la géochimie à l'étude des êtres vivants a donné naissance à labiogéochimie. Les deux plus grands domaines restent toutefois lagéochronologie, et l'étude des roches « chaudes » (en profondeur) ou « froides » (en surface), sur Terre ou dans les autres systèmes planétaires.
Pour un type de matériau et/ou d'unité géologique considérés, les mesures et études des divers éléments chimiques, et les informations qu'ils peuvent apporter, sont fortement liés à leur abondance relative, ce que l'on appelle la composition chimique du matériau :
Les éléments plus abondants, qui forment en général à quelques-uns les quelque 95 à 99 % du matériau, sont appelés, dans le contexte spécifique de l'étude,éléments majeurs. Cette étude est alors le plus souvent menée à l'interface avec laminéralogie, du fait de la tendance de ces éléments à s'organiser enphases plus ou moins définies, lesminéraux.
Les éléments chimiques moins abondants, de l'ordre du pour-cent et appelés, toujours contextuellement,éléments mineurs, selon les conditions physico-chimiques, forment desphases, sous forme de minéraux accessoires.
Enfin le reste des éléments chimiques, présents en très petites à infimes quantités, sont ditsen trace ou encore appeléséléments-traces. Leur comportement lors des processus de différenciation s'explique le plus souvent via une application de la théoriethermochimique d'équilibre en milieux dilués, en faisant intervenir une notion de partage de ces éléments sous l'effet de laloi d'action de masse.
Depuis en gros le premier tiers duXXe siècle, le développement de laspectrométrie de masse a permis l'extension des mesures chimiques auxmesuresisotopiques. Cet aspect, pas à proprement parler « chimique », est toutefois totalement sous-entendu et intégré en géochimie, même s'il est parfois spécifié sous le terme degéochimie isotopique en complément desgéochimies élémentaires (au sens degéochimie des éléments chimiques). Sur le plan pratique, on distingue deux types de variations derapports isotopiques, celles entre isotopes stables, et celles entre isotopesradioactifs ou radiogéniques :
Deuxisotopes stables d'un même élément chimique fractionnent entre deux phases, du fait d'effets quantiques, dès lors que la température n'est pas trop élevée (le terme de fractionnement signifie que leur rapport d'abondance n'est pas le même entre les deux phases). Une des applications les plus notoires est lepaléothermomètre de l'oxygène pour décrypter lesévolutions de la température moyenne de l'atmosphère terrestre sur les quatre cents derniers milliers d'années.
Bien que ces principes théoriques soient souvent emprunts d'une hypothèse d'équilibre thermodynamique, l'importance des métastabilités minérales confrontée aux longues périodes de temps géologiques qui permettent aux processus de diffusion chimique de jouer parfois un rôle dans l'évolution cinétique des matériaux, font de la géochimie un domaine singulier par rapport à la thermochimie traditionnelle.
l'analyse chimique élémentaire : déterminer la composition en éléments d'une roche (concentration massique des différents éléments, en général traduite sous forme d'oxydes pour les éléments majeurs) ; initialement faite avec des réactions chimiques (dosages) élément par élément, ces analyses sont maintenant faites avec des méthodes physiques globales donnant la concentration en tous les éléments comme la spectrométrie de masse à sourceplasma ou laspectrométrie de fluorescence X ;
l'analyse dephase pardiffraction de rayons X : on a accès à lastructure cristalline des composants, et l'on peut donc déterminer la nature des phases, par exemple reconnaître les différentes formes de cristallisation de lasilice ou bien savoir si lecalcium est présent sous forme de CaO ou de CaCO3.
↑À l'époque où Claude Allègre était le directeur de l'IPGP, cet organisme était l'un des principaux composants de l'Institut national d'astronomie et de géophysique (INAG), lui-même rattaché au CNRS (l'INAG a existé à partir de 1967 et est devenu l'INSU en 1985).
↑René Taton,Histoire générale des sciences, Presses universitaires de France,,p. 360.
↑(en)Helge Kragh,« From geochemistry to cosmochemistry: The origin of a scientific discipline, 1915–1955 », dans Carsten Reinhardt,Chemical Sciences in the 20th Century: Bridging Boundaries, John Wiley & Sons,(lire en ligne),p. 160–192.
↑Gennadi Aksenov,Vernadsky. La France et l'Europe, Maison des Sciences de l'Homme d’Aquitaine,(lire en ligne),p. 195.
↑Les controverses ultérieures sur le réchauffement climatique n'enlèvent rien au mérite de gestionnaire de Claude Allègre à cette époque antérieure de sa carrière. Voir à ce sujet :La Mise en place d’un institut national au sein du CNRS, l’INAG par Gérard Darmon[PDF][lire en ligne].