Parmi les étapes de ce génocide figure la destruction totale des deuxième et troisième villes principales de la République somalie,Hargeisa (détruite à 90 %[22]) etBurao (détruite à 70 %)[23]. Les attaques ont aussi conduit 500 000 Somalis (principalement des Isaaq[24]) à fuir le pays et traverser la frontière pour seréfugier àHart Sheik enÉthiopie, mouvement décrit comme« l'un desdéplacements forcés les plus massifs et les plus rapides connus dans l'histoire africaine »[25],[26] ; les rescapés se sont trouvés dans le plus grand camp de réfugiés à l'époque, en 1988[27] et 400 000 autres victimes ont été déplacées[28],[29],[30]. L'ampleur des destructions menées à Hargeisa a valu à la ville le surnom de « Dresde de l'Afrique »[25]. Ces tueries qui ont eu lieu à l'époque de laRévolution somalienne sont parfois qualifiées de« génocide oublié ».
En milieu rural, lesforces armées somaliennes se sont dotées d'unesection mécanisée pour perpétrer la persécution des Isaaq : lesDabar Goynta Isaaqa (les Exterminateurs d'Isaaq), composée uniquement de personnes n'appartenant pas au clan Isaaq (principalement des Ogaden)[31],[32]. Cette unité a mené« des campagnes d'attaques systématiques contre des civils désarmés dans des villages, des points d'eau et des pâturages en Somalie du nord [Somaliland], tuant de nombreux habitants et forçant les rescapés à fuir vers des secteurs lointains pour trouver la sécurité » ; c'est ainsi que des villages entiers ont été dépeuplés et des villes livrées aux pillages[33],[34]. Les Isaaq ont aussi été victimes deviol en tant qu'arme de génocide[35].Human Rights Watch déclare que le groupe armé desDabar Goynta Isaaqa, ainsi que d'autres unités des forces militaires, sont responsables d'une campagne de terreur menée contre les nomades Isaaq dans les zones rurales[36]. LeDabar Goynta Isaaqa est ensuite devenu un système de gouvernance dont les représentants locaux appliquaient les politiques les plus répressives à l'encontre des Isaaq[37]. En outre, le gouvernement somalien a déposé un million demines terrestres sur le territoire des Isaaq[38].
En 2001, lesNations unies ont mandaté une enquête sur les atteintes auxdroits humains qui ont été perpétrées en Somalie[18], et plus particulièrement pour déterminer si« des crimes tombant sous la juridiction internationale (c'est-à-dire descrimes de guerre, descrimes contre l'humanité ou un génocide) ont été commis pendant la guerre civile en Somalie ». L'enquête est mandatée à la fois par les Nations unies et par leHaut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme. Au terme de l'enquête, le rapport conclut qu'un crime de génocide a bien eu lieu contre les Isaaq en Somalie. L'enquêteur des Nations unies, Chris Mburu, déclare :« D'après les preuves recueillies en Somaliland et ailleurs, pendant et après l'enquête, le consultant mandaté est convaincu que le crime de génocide a été voulu, préparé et perpétré par le gouvernement de Somalie contre les Isaaq du Nord du pays entre 1987 et 1989[39] ».
↑Ismail I.Ahmed et Reginald HerboldGreen, « The Heritage of War and State Collapse in Somalia and Somaliland: Local-Level Effects, External Interventions and Reconstruction »,Third World Quarterly,vol. 20,no 1,,p. 113–127(ISSN0143-6597,lire en ligne)