Ebert incarne bientôt une aile droite du SPD, qui se veut pragmatique, face aux gardiens de l'orthodoxiemarxiste et dirigeants historiques du parti commeKarl Kautsky etAugust Bebel. Ebert a l'appui de l'appareil de plus en plus bureaucratisé, et est par ailleurs appuyé par l'appareil encore plus puissant de la centrale syndicale. En 1911, il se présente à la co-présidence du parti contreHugo Haase, le candidat proche de Bebel. Il est battu de peu. À la mort d'August Bebel, le 13 août 1913, il est élu co-président du parti, le 20 septembre, avec 433 voix sur 473. Son co-président est Hugo Haase[2],[3],[4]. Cette montée en puissance avec l'appui de l'appareil lui vaut d'être qualifié de « Staline de la social-démocratie » par l'historienCarl Schorske[5]. Il est plus intéressé par le jeu des alliances possibles et les compromis à adopter pour que son parti accède au pouvoir que par les débats idéologiques[6].
Dès le début de laPremière Guerre mondiale, il fait partie de la majorité du SPD favorable au vote des crédits de guerre, notamment pour se défendre contre le régime autocratique du tsar en Russie[6],[7]. Il s'oppose cependant à la politique d'annexion en 1916[3]. Deux de ses fils sont tués à la guerre[4]. Il dirige l’exclusion des militants du SPD opposés à la guerre, dontHugo Haase etRosa Luxemburg, qui créent l’USPD en 1917[6]. C'est la première scission significative dans l'histoire du SPD[6]. Enjanvier 1918, il essaie de servir de médiateur dans la grève des ouvriers deBerlin et d'éviter les débordements.
AuConseil des commissaires du peuple, qu’il dirige, il fait en sorte d'arrêter la révolution et d'instaurer des élections pour une Assemblée nationale, dans le but d'ériger une démocratie représentative. Le soir même de la constitution de cette instance qui l'a élu à sa tête, le, il conclut unpacte verbal (resté secret jusqu'en 1924) avec le général Groener agissant au nom du haut commandement militaire, pacte visant à restaurer l'ordre à Berlin et dans tout le pays[9]. Lorsqu'il sera connu, ce pacte sera considéré comme une trahison par lagauche et l'extrême-gauchesocialistes car il a eu pour conséquence une brutale répression, notamment par lescorps francs, contre larévolution sociale. Cette répression, qui fait de nombreux morts, entraîne la rupture avec les commissaires du peuple duParti social-démocrate indépendant d'Allemagne (USPD), qui démissionnent le[10]. En, avec l'aide des corps francs, son gouvernement écrase larévolte spartakiste de Berlin au cours de laquelleRosa Luxemburg etKarl Liebknecht sont assassinés[11],[12]. Dans les mois qui suivent, les autres tentatives de révolutionmarxiste, comme le gouvernement de larépublique des conseils de Bavière, sont également réprimées.
Parallèlement, Friedrich Ebert introduit des réformes sociales, comme la journée de travail de huit heures, le suffrage universel pour toute personne âgée de plus de 20 ans, le droit des ouvriers agricoles de s'organiser et l'augmentation des allocations de vieillesse, de maladie et des aides aux chômeurs[13]. Un certain nombre de décrets sont publiés, établissant la liberté de la presse, la liberté religieuse et la liberté d'expression, ainsi que l'amnistie des prisonniers politiques[14]. La protection des travailleurs à domicile est également améliorée[15] et l'offre de logements est augmentée.Un décret du 23 décembre 1918 réglemente les accords salariaux, établissant qu'un accord salarial conclu dans une branche d'emploi entre l'autorité syndicale compétente et l'autorité patronale compétente a une validité absolue, ce qui signifie qu'aucun employeur ne peut conclure un autre accord de sa propre initiative. En outre, une organisation de tribunaux arbitraux est mise en place pour trancher tous les litiges. Un décret du 4 janvier 1919 oblige les employeurs à réintégrer leurs anciens ouvriers lors de la démobilisation, tandis que des mesures sont élaborées pour protéger les travailleurs contre les licenciements arbitraires. Les travailleurs qui estiment avoir été traités injustement pouvaient faire appel à un tribunal d'arbitrage et, en cas de nécessité, les autorités de démobilisation interviennent. Le 29 novembre 1918, le refus du droit de vote aux bénéficiaires de l'aide sociale est abrogé[16].
L'une des premières tâches d'Ebert en tant que président est d'assumer en politique intérieure les conséquences dutraité de Versailles. Lorsque les termes du traité sont rendus publics le 7 mai 1919, les Allemands de tous bords politiques le critiquent. Ebert lui-même dénonce ce traité, imposé à l'Allemagne, comme étant « irréalisable et insupportable »[18]. Cependant, Ebert est bien conscient que l'Allemagne n'est pas en mesure de rejeter ce traité. Il pense que les Alliés envahiront l'Allemagne par l'ouest si l'Allemagne refuse de signer. À la suite d'échanges avec Hindenburg et Groener sur la capacité de l'armée allemande à tenir le coup si les Alliés reprennent les hostilités, il conseille à l'Assemblée nationale allemande d'approuver le traité, ce qu'elle fait à une large majorité le 9 juillet[18],[19].
Le, il est réélu à une large majorité par leReichstag, les députés ayant renoncé à organiser des élections au suffrage universel à cause de la situation politique jugée peu sûre. À partir de mi-janvier 1923, il doit faire face à l'occupation de la Ruhr, une opération politico-militaire menée par les gouvernements français et belge en Allemagne à la suite de retards dans le paiement de dédommagements de guerre imposés par le traité de Versailles[20]. En novembre 1923, Friedrich Ebert est confronté à une nouvelle tentative de putsch, àMunich, leputsch de la Brasserie, parAdolf Hitler cette fois. Jusqu'en 1924, il utilise les pouvoirs exceptionnels de situation d'urgence de la présidence à 134 reprises au total[21].
Après la mort d'Ebert, une foule d'environ mille personnes se presse le dimanche dans la matinée devant le palais présidentiel,Wilhelmstraße.
L'opposition de droite de plus en plus forte le calomnie et propage sans cesse des rumeurs à son sujet.En, un tribunal de Magdebourg condamne un journaliste qui l'avait diffamé en l'accusant d'être un « traître à sa patrie » en raison du rôle qu'il avait joué au cours des grèves de. Néanmoins, ce tribunal déclare aussi qu'Ebert avait dans les faits commis une trahison[17]. Ebert se sent malade, mais préfère se défendre plutôt que de se soigner correctement[17].
Ebert meurt le des suites d'uneappendicite non prise en considération en raison des péripéties juridiques auxquelles il était exposé. Une opération chirurgicale qui aurait dû être considérée comme urgente avait été repoussée[17].
Wolfgang Abendroth:Friedrich Ebert. Dans: Wilhelm von Sternburg:Die deutschen Kanzler. Von Bismarck bis Kohl. Aufbau-Taschenbuch-Verlag, Berlin 1998,(ISBN3-7466-8032-8), p. 145–159.
Waldemar Besson(de):Friedrich Ebert – Verdienst und Grenze. Musterschmidt, Göttingen 1963.