Le rôle important des Francs dans l'histoire de l'Europe apparaît dans le fait qu'ils ont donné leur nom à laFrance, mais ce nom se retrouve également dans plusieurstoponymes d'Allemagne, notamment le nom de la ville deFrancfort-sur-le-Main (en allemandFrankfurt-am-Mein) et celui de laFranconie (Franken), région du nord de laBavière.
Plusieurs légendes et théories ont été proposées pour expliquer l'origine des Francs.
Vers 580, le chroniqueurGrégoire de Tours parle des Sicambres de Pannonie qui auraient remonté leDanube pour rallier les bords duRhin, et pour ensuite envahir laGaule[1],[2].
En 1714, l'historienNicolas Fréret est le premier à énoncer la thèse selon laquelle les Francs sont issus d'une ligue de peuples germaniques, mais cette thèse jugée« attentatoire à la dignité de la monarchie » vaut à son auteur six mois d'emprisonnement à laBastille[3]. L'enjeu historique se cristallise non sur l'origine des Francs mais sur les débuts de lamonarchie capétienne et l'origine de la noblesse, avec notamment l'Histoire de l'ancien gouvernement de la France et l'Essai sur la noblesse d'Henri de Boulainvilliers en 1727 et 1732, réfutés dès 1734 par l'Histoire critique de l'établissement de la monarchie française dans les Gaules de l'abbé Dubos[4].
Durant les premiers siècles de notre ère, les peuples germaniques sont en constante migration, sous la pression d'autres peuples migrants. Les peuples situés entre leRhin et laWeser, ne pouvant franchir lelimesrhénan, migrent vers laHesse et laThuringe, mais se heurtent à d'autres peuples[5].
Le peuple franc est avant tout un peuple de guerriers qui élisaient unchef de guerre, nommérex francorum, « roi des Francs », qui exerçait son pouvoir dans son « unité clanique », le *gawi (cf. néerl.gouw, all.Gau), oupagus en latin. Ils se plaçaient librement pour les affaires militaires sous l'autorité de ce chef.
C'est en 254 que les Alamans attaquent une nouvelle fois lelimes, qu'ils franchissent et ravagent laGaule belgique et au même moment les Francs débutent leurs incursions sur le sol romain. Ils commencent par le pillage de laGermanie inférieure avant d'être repoussés parGallien en257. Profitant du départ de Gallien vers laPannonie, ils reprennent leurs incursions, mais sont provisoirement battus parPostumus. Celui-ci se proclameempereur des Gaules et doit lutter contre Gallien, ce qui laisse le champ libre aux incursions terrestres des Francs, qui se lancent également dans des expéditions maritimes, ravageant labaie de Somme, leCotentin, leMorbihan, les basses vallées de laSeine et de laLoire et même les côtes de laLusitanie. Ce n'est qu'en 264 que Postumus réussit à mettre fin à ces raids, tant terrestres que maritimes[10].
La mort de Postumus et les luttes de ses successeurs contre les empereurs légitimes laissent le champ libre aux Francs et aux Alamans qui reprennent leurs pillages en 269.Probus soumet les Alamans en 277, mais ne parvient pas à réduire ni les Francs occidentaux qui occupent laBatavie, ni les Francs transrhénans qui occupent laToxandrie et les environs deTrèves[11]. En286,Carausius, un général romain envoyé enBretagne par l'empereurMaximien et craignant une disgrâce, se proclame empereur. Afin d'empêcher Maximien de réagir, il s'empare dePortus Itius, s'allie aux Francs et les installe sur les embouchures du Rhin afin de contrôler les deux points qui pourraient permettre à Maximien d'envahir la Bretagne. En287 ou en288, Maximien écrase le roi salienGennobaud qui choisit de se soumettre sans combat, avec tout son peuple. Maximien accepte sa reddition et installe les Saliens enToxandrie, à l'embouchure du Rhin derrière lelimes enGaule belgique, d'abord sous le statut deLètes (soumis à l’autorité impériale), mais ce succès ne lui permet pas de reconquérir la Bretagne, la flotte romaine ayant probablement été malmenée par une tempête.Constance Chlore termine la reconquête de la Bretagne et, ayant eu des problèmes avec quelques Francs, déporte des Chamaves et des Frisons en Gaule dans les pays desAmbiens et desBellovaques[12].
En 306,Ascaric etMérogaise, deux rois francs, probablementbructères envahissent la Gaule, maisConstantin les vainc, les capture et les fait jeter aux fauves à Trèves[13]. Sans doute à la suite de cette victoire, l'empereur romain émet desaurei frappés à Trèves montrant au revers uneallégorie de la Francie, effondrée au pied d'un trophée d'armes, avec la légendeFrancia à l'exergue.
Silvanus, fils du précédent, ce qui montre une intégration dans l'empire, est un général qui, accusé de trahison par une faction de la cour, prend peur et se proclame empereur en 355. Deux autres officiers francs, Mallobaud, tribun des Scholes, et Malaric, avaient pris sa défense[17],[18],[19].
Charietto, chef salien installé à Trèves en 355, organise la défense de laGermanie supérieure contre les incursions desChamaves, autre peuplade franque[20].
Bauto, d'origine rhénane, maître de la milice et consul en 385[29].
Arbogast, fils de Bauto et neveu de Richomer. Maître de la milice en 385, il repousse en 393 l'invasion des trois chefs francs rhénans Genobaud, Marcomir et Sunon, mais il fait proclamer empereurEugène, est battu parThéodoseIer en 394 et se donne la mort. Sa filleEudoxia Aelia épouse en 395 l'empereurArcadius[29],[32],[33],[34].
Les Francs saliens se regroupent ensuite en un seul royaume et sont gouvernés parThéodomir, tué vers 420 par les Romains, puis parClodion le Chevelu. Profitant du retrait des troupes romaines de Gaule, il conduit son peuple vers le sud et s'empare de Tournai et de sa région. Ils sont cependant arrêtés et battus parFlavius Aetius, qui leur accorde unfœdus autour deTournai. Plusieursrois s'y succèdent, jusqu'àClovis qui devient roi en481[38].
La migration des Francs saliens, puis le fœdus qui leur est accordé, a pour conséquence d'isoler les Francs rhénans qui, coupés de leurs alliés saliens, se retrouvent seuls face auxAlamans. Entre 431 et 469, ils se regroupent en un seul royaume et négocient une alliance avec le royaume burgonde. CommeGondioc, roi des Burgondes est également maître de la milice, les Francs rhénans obtiennent le droit de s'implanter sur la rive gauche du Rhin et occupent Cologne, Mayence et Trèves. Plus tard, en 496, ils écrasent les Alamans àTolbiac avec l'aide de Clovis.Sigebert le Boiteux etClodéric, les derniersrois de Cologne, meurent en508, et les Francs rhénans choisissent le salien Clovis pour leur succéder.
Parmi les Francs servant l'Empire depuis la fin duIIIe siècle, se trouvent lesFrancs saliens. Mérovée, ancêtre légendaire et quasi-divin est, selon la tradition germanique, la principale source de légitimité de leurs souverains qui en descendraient.
Toutefois, auVe siècle leur roi est aussi devenuproconsul desGaules, c'est-à-dire un fonctionnaire romain d'origine germanique maistrès bien assimilé. LesFrancs saliens sont alors solidement établis dans l'ancienne province romaine deBelgique seconde et leurs fonctions militaires leur confèrent un pouvoir important en ces temps troublés : le jeuneClovis (germ.Hlodowec, qui donne par la suite les prénoms Ludovic ou Ludwig en Allemagne et Louis en France) devient leur roi àTournai, probablement en 481. Mais il lui faut plus que le pouvoir d'essence divine que lui confère la mythologie germanique, pour s'imposer face auxévêques, auxpatrices ou à la population gallo-romaine en partie christianisée.
Installé àSoissons, où il a renversé un général romain nomméSyagrius, Clovis est sans doute d'abord sensible aux conseils de sa deuxième épouse, une princesse burgonde nomméeClotilde, convertie au christianisme, et à ceux de l'évêque de Reims,Remi.
Si l'on veut bien croireGrégoire de Tours, c'est au cours d'une bataille importante contre lesAlamans, labataille de Tolbiac, qu'il promet de se convertir à la religion chrétienne s'il est victorieux[39]. Il tient parole et reçoit le baptême àReims entre 496 et 500 avec, selonGrégoire, plus de 3 000 de ses guerriers et deux de ses sœurs, Alboflède et Lantechilde[40]. Par la suite, il soutient l'homogénéisation religieuse du territoire qu'il domine, en réunissant notamment le premierconcile d'Orléans en 511.
Après une suite de victoires sur ses rivaux barbares, notamment sur les Burgondes lors de la bataille d'Autun, Clovis apparaît donc comme l'un des premiers rois germaniques d'Occident à avoir adopté lafoi nicéenne, sous la forme du christianisme romain, contrairement auxWisigoths ou auxLombardsariens et aux Alamans païens.
Il parvient ainsi à gagner le soutien des élites gallo-romaines et à fonder une dynastie durable (laquelle prend le nom de son ascendant) : les Mérovingiens.
Leurs souverains les plus connus sont :Brunehilde (ou Brunehaut), reine entre 566 et 613, etDagobertIer, roi de 629 à 639. À cette époque, comme sous la dynastie suivante, il n'est pas question de « France », mais bien d'un « royaume des Francs » : les rois germains, en effet, ne règnent pas sur un territoire, mais sur des sujets.
Dès le début duVIIe siècle, la politique est marquée par des querelles sanglantes entre les Francsneustriens (au nord-ouest) etaustrasiens (au nord-est). Les derniers rois mérovingiens parviennent difficilement à s'imposer à leur aristocratie, la puissance foncière de certaines grandes familles leur assurant en effet une influence grandissante sur leurs pairs. La culture latine a progressivement régressé au cours des deux siècles précédents. Une crise économique sans précédent a mis à mal l'ensemble des repères de l'Occident antique : elle est notamment due à la fermeture des routes commerciales avec le monde méditerranéen à cause des conquêtes arabes.
L'empire franc, de 481 à 814.
C'est dans ce contexte que commence l'ascension d'une nouvelle famille : lesPépinides. Dès le deuxième quart duVIIe siècle, un certainPépin de Landen s'empare de lamairie du palais d'Austrasie. Son petit-filsPépin de Herstal et surtout son arrière-petit-filsCharles Martel exercent la réalité du pouvoir, respectivement de 690 à 714 et de 717 à 741.Charles Martel va même jusqu'à se passer de roi de 737 à sa mort en 741 et son filsPépin le Bref ne rappellera un roi mérovingien (Childéric III) en 743 que pour le détrôner publiquement huit ans plus tard, avec l'aval du papeZacharie. Cette dynastie devient celle desCarolingiens, du nom deCharlemagne, le fils dePépin le Bref. Soucieux de légitimer leurcoup d'État, lesPépinides prétendent descendre deFrancus, un Troyen légendaire, se rattachant par là à l'histoire de Rome. Dans le même but,Éginhard, conseiller et biographe deCharlemagne, s'attellera à discréditer la dynastie mérovingienne en créant la légende desrois fainéants.
Le pouvoir des Carolingiens marque l'entrée réelle dans leMoyen Âge : le centre du pouvoir se déplace vers l'est, des cités épiscopales antiques vers les domaines ruraux des comtes carolingiens. Il est remarquable que dans le même temps, les hommes de lettres, conscients de la désagrégation de la culture classique antique, tentent de la faire renaître : c'est laRenaissance carolingienne.Charlemagne, le deuxième et plus prestigieux souverain carolingien est lui-même couronnéEmpereur des Francs et des Romains en l'an 800 à Rome. Mais il est difficile de voir dans son Empire, une véritable « renaissance de l'Empire romain » (renovatio imperii).
En 842, lesserments de Strasbourg, prêtés entre deux des petits-fils de Charlemagne, héritiers de l'Empire qui se déchirent, témoignent de l'usage de langues qui sont totalement différentes à l'ouest et à l'est. Ils sont suivis dutraité de Verdun en 843, qui consacre de fait la division de l'Empire carolingien en trois royaumes, parfois qualifiés par les historiens deFrancie occidentale,Francie orientale etFrancie médiane.
À partir de 911, sousCharles III le Simple, le plus occidental des royaumes francs issu du partage de Verdun en 843, que certains historiens qualifient de Francie occidentale, revendiquera seul de façon continue l'héritage du royaume des Francs deClovis etCharlemagne par la titulature permanente de ses rois se proclamant tous rois des Francs. Ce royaume des Francs, où la notion de Franc a perdu, du fait des mariages mixtes entre Gallo-romains et Francs toute connotation ethnique dès leVIIe siècle[43], conservera ainsi seul le nom de Francia ou France (officiellement, dès le règne deLouis IV[44]).
AuXe siècle, l'arrivée au pouvoir d'une dynastie saxonne, lesOttoniens, en Germanie, et celle desCapétiens en Francie occidentale marquent la fin de la dynastie des Carolingiens. Les Capétiens revendiqueront comme les derniers Carolingiens le titre de roi des Francs. Le termeFrancs reste en usage pour distinguer les habitants de la France durant leMoyen Âge et c'est par le nom defranj que les chroniqueurs arabes décrivent auXIIIe siècle lescroisés, venu en majorité du royaume de France, directement issu duroyaume des Francs.
Éginhard (vers 771-840), Franc lui-même, décrit ses compatriotes comme différents des Vikings,« Il est dit que des hommes du Nord d'une beauté et d'une taille jamais vues parmi le peuple Franc ont été tués dans cette bataille »[45],[46].
Les fouilles effectuées dans les cimetières mérovingiens du nord de la France ont montré que les Francs étaient souvent de haute stature[47],[48]. Les fouilles effectuées dans deux cimetières de l'île deLangeland (Danemark) ont mis au jour des squelettes de l'époque viking dont la taille moyenne était de 1,71 m chez les hommes[49], alors que les tombes franques deSaint-Dizier par exemple, nous livrent deux hommes de grande taille mesurant respectivement 1,82 et 1,77[48].
LesChérusques sont parfois rattachés aux Francs alors que certains les mentionnent comme faisant partie des Saxons.
LesChauques, établis au nord-est desFrisons, sont plus souvent rattachés auxSaxons qu'aux Francs. Cependant, l'historienJean-Pierre Poly a proposé de voir en les Saliens une tribu chauque qui a quitté son peuple pour rejoindre les Francs[55]. L'historien allemand,Karl Ferdinand Werner, estime que les Chauques ont constitué l'élément central de la Ligue des Francs, au point que les deux termes sont confondus par les Romains, avec pour conséquence que leur chroniques ne parlent plus des Chauques[56].
Les Francs partageaient lepaganismepolythéiste avec les autres peuples germaniques etscandinaves.Le dieuWuodan était le père des dieux, il présidait à la guerre, à la poésie et à l'éloquence. Il eut pour épouseFrikka, déesse de la fécondité et de la victoire, avec qui il eut un fils,Donar, dieu du tonnerre, du vent, des saisons[60], de la fertilité[61]. Les Germains vus comme héros étaient également déifiés. Ainsi, le chef desChérusques, Hermann ou Irmin (latinisé enArminius), vainqueur de labataille de Teutobourg, contre les légions romaines. Il fut plus tard érigé en héros et célébré par des chansons populaires. Les Saxons lui dédièrent un temple àEhresbourg (Stadberg) en Westphalie, faisant face à un arbre nomméIrminsul. Les Germains lui vouèrent un culte en se réunissant autour d'Irminsul, jusqu'à ce queCharlemagne fasse abattre l'arbre en772 pour abolir le culte païen[62].
Ils vénéraient également la nature comme les sources, les arbres et les rochers, mais aussi les astres, notamment laLune et leSoleil. Leurs rites se déroulaient autour d'un arbre sacré, au sommet d'un rocher, ou au fond d'une caverne. Ils croyaient à la résurrection des corps[62] et, les Germains occidentaux, enterraient les morts avec leurs objets précieux et leurs armes, afin de continuer à guerroyer outre-tombe et à festoyer après que Wotan les ait envoyés dans le Walhalla (Valhöll).
Ainsi,ChildéricIer se fit inhumer avec des vêtements brodés d'or et était revêtu d'un manteau en brocart de soie pourpre revêtu d'abeilles d'or cousues avec grenats, lepaludamentum des généraux romains. Il s'agissait peut-être d'abeilles naissant dans une peau de taureau et fournissant à l'humanité le miel de l'abondance[63]. Ses chevaux de guerre ayant été sacrifiés pour être enterrés avec lui, devaient lui venir en aide pour combattre au Walhalla, à l'image de Wotan chevauchantSleipnir[64]. Une imitation de tête de taureau, symbole de force et du renouvellement de la vie, était accrochée sur la tête de l'un d'entre eux[65].
Le titre de chef était décerné à celui dont la famille descendait d'un dieu. Les familles royales cherchaient donc à se rattacher aux dieux en revendiquant une ascendance semi-mythique et en l'inscrivant dans la mémoire collective : ainsi, selonFrédégaire, la mère deMérovée aurait été violée par un monstre marin en forme de serpent appelé NeptuneQuinotaure[66] (cinq fois taureau), ou d'un monstre anguipède (au pied de serpent). Ce sont des mythes de fondation classiques chez les peuples de l'Antiquité occidentale.
Au combat, le roi-prêtre[67] s'exposait à la vue des adversaires, action vue comme preuve d'une grande hardiesse[68]. Seul cavalier de la troupe, il chevauche une monture blanche afin de se rendre mieux visible de ses ennemis. Souverain sur le plan temporel et spirituel, il est sacré par la diffusion du charisme (heil[69]) du chef de guerre (heerkönig, littéralement « roi d'armée »[70]) : véritable incarnation de Wotan chevauchant Sleipnir, il est possédé par leheil qui lui procure vie, santé, victoire (devenant ainsiheilag), puissance sacrée déclenchant la violence destructrice. Il devient ainsi le descendant des dieux possédés par les puissances de l'au-delà[71]. S'il est tué au combat, c'est que les dieux l'ont abandonné ou choisi pour le Walhalla. La mort du roi signifiait la retraite pour les adorateurs de ce chef de guerre possédé, dont la fureur guerrière était divine. Wotan étant fourbe, inconstant et rusé, il inspirait un tel comportement à ceux qu'il possédait. Le pouvoir des guerriers pouvait être renforcé par Thor, et par Freya dont les prêtresses sacrifiaient des hommes pour équilibrer les morts et obtenir la victoire, ou pour obtenir des enfants[réf. à confirmer][61].
Le paganisme déclina à partir de l'adoption ducatholicisme après le baptême deClovisIer vers 500. Le choix catholique permit aux Francs d'avoir l'appui du clergé gallo-romain qui luttait contre l'arianisme, unehérésie condamnée aux conciles deNicée (325) etConstantinople (381) mais à laquelle les autres peuples germaniques avaient été gagnés. Pour les Germains, l'arianisme se rapprochait plus de leur ancienne religion, car le roi-prêtre païen conservait toute sa sacralité et restait détenteur de pouvoirs temporels et spirituels, concentrant ainsi entre ses mains pouvoirs spirituel et politique[67]. Vers le milieu duVIe siècle,Procope de Césarée dira à propos des Francs :« Ces Barbares ont une manière d'être chrétiens qui leur est propre ; ils observent encore plusieurs usages de l'ancienne idolâtrie, et offrent, pour connaître l'avenir, des sacrifices impies et des victimes humaines »[72],[73].
Les Francs eux-mêmes utilisaient desscramasaxes (épée de taille moyenne), desangons ouframées (lances à crochet permettant d'immobiliser l'adversaire en se fichant dans son bouclier), et desfrancisques (haches de jet à simple tranchant). Ces armes qui étaient technologiquement développées pour l'époque, alliées à un savoir-faire au combat développé par les Francs, sans cesse menacés à l'époque par leurs voisins germains, celtes et romains, ont permis à ce peuple de s'imposer assez rapidement mais au prix de durs combats…
Au combat, ils n'employaient initialement ni casque, ni cuirasse, c'est-à-dire tête nue et poitrine découverte. Comme ils préféraient l'infanterie à la cavalerie, les guerriers francs portaient leur scramasaxe sur la cuisse et tenaient leur bouclier de cuir sur la main gauche[74]. Ils ne possédaient pas de cavalerie lourde.« Ils se servent rarement de longues lances ; ils portent des javelots (hastæ) dits framées, dont le fer est étroit et court. C'est un trait acéré, fait pour être lancé ou pour le combat rapproché. Le cavalier n'a qu'un bouclier ou une framée, les fantassins nus ou vêtus d'un léger sayon, lancent des javelots ; chacun d'entre eux en lance successivement plusieurs… Leurs chevaux ne sont ni fins ni agiles, ni éduqués à l'exercice », explique Tacite[75].
Ils lançaient les francisques de manière à briser les boucliers en bois recouverts de cuir. Le système de défense consistait à se grouper encunei (coin triangulaire) et à faire tournoyer en l'air leurs longues épées. Ils attendaient alors l'ennemi et abattaient, par la force du tournoiement, les épées sur l'adversaire. Le scramasaxe permettait d'affronter les ennemis au corps à corps. Le bloc triangulaire ne bougeant pas, ils pouvaient se faire massacrer en cas de sous-effectifs ou d'attaque par surprise[76]. Les victoires de Clovis sont en partie dues au fait qu'il alignait sur le champ de bataille non seulement ses Saliens, mais aussi des cohortes de Gallo-romains, et qu'il s'attachait à garder vivantes la rigueur et la stratégie de l'armée romaine, dans laquelle nombre de Saliens avaient servi en tant queLètes.
La cavalerie lourde se développa chez lesCarolingiens. Les soldats deCharlemagne étaient armés d'épées mais aussi d'arcs et de flèches. Ils se protégeaient avec un équipement sophistiqué pour l'époque : le plus fréquent était la cotte de mailles qui protégeait efficacement des lances et des épées mais pas des flèches dont le choc était cependant absorbé, lepourpoint sous la cotte pouvant alors amortir la pointe de la flèche ; la cuirasse d'écailles était très adaptée contre les flèches en les faisant ricocher[77].
La langue ou peut-être les dialectes originellement parlés par les Francs se rattachent aux langues dugroupe germanique occidental (ou westique). Les peuples germaniques au nord duRhin et desAlpes, qui acquirent une culture écrite en dehors de l'empire gardèrent leur propre langue, les peuples qui s'établirent dans l'empire abandonnèrent leur langue pour lelatin vulgaire[78]. Cependant, les Francs installés en Gaule du nord donnèrent une coloration spécifique au latin vulgaire parlé en ces contrées, qui aboutit plus tard auxlangues d'oïl, et notamment aux dialectes septentrionaux (picard,wallon,normand,champenois et bas-lorrain).
Envermeu : On a retrouvé de nombreux vestiges datant duHaut Moyen Âge dansle champ de la Tombe (à 500 m au nord-est de l’église) : 800sépultures ont été mises au jour et l'on a dénombré 460 squelettes de guerriers avec leurs armes (scramasaxes,angons,spatha,francisques,framée) et de femmes ornées de leurs bijoux et parures. De plus, on dénombre plusieurs tombes de chevaux, selon la coutume typiquement germanique de les enterrer auprès de leur propriétaire, déjà décrite parTacite dansGermania. Ces tombeaux attestent d’une présence de l'armée franque du nouveau pouvoir.
Avesnes-en-Bray : En 1866, au lieu-ditCamp Vaquier, l'abbé Cochet a réalisé des fouilles archéologiques à la suite de la découverte accidentelle d'un sarcophage en pierre et a mis au jour une nécropole entière du haut Moyen Âge d'au moins 12 fosses placées sur 3 rangs et orientées est-ouest. Elles ont fourni un mobilier important : 5 vases, 1 scramasaxe, 1 couteau, 5 agrafes de ceinturon avec plaques dont plusieurs étaientdamasquinées, une belle plaque damasquinée, une chainette en fer, 4 perles en pâte de verre, 2fibules dont une en bronze ansée, une bague en bronze, une paire de boucles d'oreille (franques) et un petit bronze romain duHaut Empire. Ces objets se trouvent maintenant auMusée départemental des antiquités de Rouen[79].
Une paire de grandes fibules ansées en argent doré, une épingle en argent doré, une paire de fibules ansées en bronze doré, une applique en bronze estampé, des boucles d'oreille en argent, unargenteus (monnaie en argent) deJustinien duVIe siècle et unantoninien deClaude II le Gothique, percé, il devait servir d'ornement, une aiguille en argent, une bague en or
Vingt-quatre vases de terre, dont certains étaient remplis de coquillages.
Un vase de verre à ocelles de couleur verdâtre, un bol verdâtre bullé de forme évasée, un collier de perles de verres, une boule de cristal
Un fauchard (32 cm), une petite hache (11 cm) dissymétrique à tranchant incliné vers le bas, une hache en fer (11,2 cm), unLangsax (un « scramasaxe long », de 45,5 cm), une pointe de lance à flamme triangulaire, 11 autres fers de lance, quatresaxes courts (poignard), un bouclier rond (de type germanique) avec sonumbo et son manipule, un « sabre », cinq francisques et vingt-et-une autres scramasaxes[79], etc.
Une fouille préventive menée par l'INRAP sur le site dela Tuilerie àSaint-Dizier a mis au jour un petit groupe de sépultures, celles de deux hommes, une femme et un cheval[82] datant duVIe siècle.
La femme est décédée jeune et portait de nombreux bijoux, dont quatre fibules, deux petites au cou et deux ansées plus bas sur le corps, selon une mode qui se répand de la Grande-Bretagne à la Hongrie à cette époque, principalement chez les femmes d'un rang social élevé. Les deux hommes étaient de haute stature et inhumés dans des tombes luxueuses, comparativement à celle de la jeune femme. Ils portaient également des bijoux et, comme de coutume, le scramasaxe, l'épée et une ceinture à boucle en matière précieuse. Boucliers et haches, ainsi qu'angons et lances se trouvaient à l'extérieur des cercueils, dans la chambre funéraire[83].
Les tombes de ce type les plus précoces, se trouvent au centre du royaume Franc, alors que celles un peu plus tardives, comme Saint-Dizier, se situent à la périphérie[83].
↑ab etcIsabelle Rogeret, « La Seine-Maritime 76 », inCarte archéologique de la Gaule, éditions de la Fondation Maison des sciences de l'Homme, Paris, 1998.
Musée des Temps Barbares àMarle (Aisne) - Résultat de fouilles d'un site mérovingien et reconstitution de deux sites fouillés dans l'Aisne : vie quotidienne des guerriers paysans Francs.