Professeur dedroit constitutionnel à l'université de Sassari, il entame sa carrière politique en1958, après avoir été éludéputé sous les couleurs de laDC. Entré au gouvernement en1974, il devientministre de l'Intérieur deux ans plus tard, gagnant à ce poste la réputation d'un « homme fort » réprimant les manifestations publiques mais l'enlèvement suivi du meurtre du démocrate-chrétienAldo Moro, qu'il n'a pu empêcher malgré sa fermeté, le contraint à quitter le gouvernement.
En1985, alors âgé de 56 ans, il est largement éluprésident de la République italienne à l'issue d'untour unique pour unseptennat. D'abord en retrait, il intervient de plus en plus régulièrement tout au long de son mandat en ayant une lecture plus personnelle du rôle du chef de l'État prescrite par laConstitution mais, contesté aussi bien par l'opinion que par les partis, il démissionne quelques mois avant la fin prévue de son mandat.
Devenusénateur à vie, il ne quitte pas la scène politique et devient une figure éminente et respectée du centre de l'échiquier politique malgré des déclarations qui suscitent la polémique jusqu'à sa mort, en2010.
Issu d'une famille de la haute bourgeoisie sarde de traditionlaïque,républicaine etantifasciste orientée vers la gauche modérée[2], Francesco Maurizio Cossiga naît le àSassari, en Italie. Sorti diplômé du lycée alors qu'il est âgé de seize ans, il rejoint dès l'année suivante les rangs de laDémocratie chrétienne tout en entamant des études de droit à l'université de Sassari. Après trois premières années, il obtient son diplôme et devient, à dix-neuf ans, assistant ordinaire puis professeur associé à la faculté de droit de cette même université.
Sans interrompre ses travaux universitaires, il cultive un réseau d'amitié qui l'amène à se tourner progressivement vers un engagement politique plus accru au sein de la DC : d'abord proche d'Antonio Segni, puis principal lieutenant dePaolo Emilio Taviani, homme politique très pragmatique qui fut à plusieurs reprises ministre, Francesco Cossiga rejoint finalement l'aile progressiste de son parti, dont le chef estAldo Moro. Il fait partie des « jeunes turcs », génération de jeunes hommes politiques qui obtiennent de façon inattendue la direction de la Démocratie chrétienne dans laprovince de Sassari en1956.
En1960, Cossiga épouse Giuseppa Sigurani (1937-2018), avec laquelle il a deux enfants prénommés Anna Maria etGiuseppe ; ce dernier, né en1963, suivra le chemin de son père et mènera, sous les couleurs du centre-droit, sa propre carrière politique.
Constamment éludéputé pour la circonscription deCagliari-Sassari à partir de1958, il voit sa carrière politique prendre de l'importance lorsqu'il nommé, au mois de, secrétaire d'État auministère de la Défense chargé des services secrets. Toutefois, il n'entre pleinement au gouvernement que le en devenant ministre sans portefeuille chargé de l'Organisation de l'Administration publique sous les ordres d'Aldo Moro.
Au cours de son séjour aupalais du Viminal, siège du ministère, il restructure la police italienne, la protection civile et les services secrets notamment pour lutter contre leterrorisme. Son pragmatisme et sa fermeté, résolue contre les groupuscules d'extrême-gauche, lui valent d'être considéré comme « l'homme fort » des gouvernements auxquels il appartient d'autant que c'est le début, pour Cossiga, d'une série d'événements qui auront un impact réel sur sa carrière politique.
En1977, la ville deBologne est en proie à de violentes manifestations provoquées par la mort, le11 mars, d'un jeune militant d'extrême-gauche, Francesco Lorusso, ayant appartenu au mouvement radicalLotta Continua, tué d'une balle par un officier de police lors d'un mouvement qui devait provoquer la dispersion de partisans de l'organisation de droiteCommunion et Libération, réunis ce matin-là à l'université de Bologne. Chargé de rétablir l'ordre, Cossiga fait envoyer des véhicules blindés pour encercler la zone universitaire afin d'amoindrir une éventuelleguérilla en préparation. Le conflit opposant les forces de l'ordre aux manifestants est très violent et fait de nombreuses victimes, dont certaines n'ont pas pris part au mouvement.
Le, la ville deTurin est à son tour le théâtre d'une violente manifestation d'ex-militants deLotta Continua qui s'en prennent au siège duMouvement social italien (MSI), partifasciste, puis au barL'angelo azzuro, habituellement fréquenté par de jeunes militants de droite. Le lancement de deuxcocktails Molotov coûtent néanmoins la vie de l'étudiant Roberto Crescenzio, pourtant apolitique ; sa mort sera plus tard qualifiée de « tragique accident » par l'un des meneurs du mouvement révolutionnaire. Cossiga lui-même utilise cet épisode pour justifier la dissolution, prononcée un an plus tôt, de l'organisation.
Très rapidement, Cossiga décide de mettre en place deux « comités de crise » impliquant le commandement suprême des forces de police, les Carabinieri, laGuardia di Finanza ainsi que les directeurs récemment nommés duSISMI et du SISDE. Les renseignements militaires sont également sollicités par le ministre de l'Intérieur qui tient à gérer personnellement la situation.
Refusant farouchement de négocier avec les ravisseurs qu'il traite de « terroristes » et déterminé à ne pas fléchir, Cossiga ne peut éviter la mort de Moro, dont le cadavre est retrouvé le dans le coffre d'une voiturevia Caetani, àRome, à l'issue d'une captivité longue de cinquante-cinq jours. Deux jours plus tard, s'estimant pleinement responsable de ce qu'il considère comme un fiasco, il démissionne et fait savoir qu'il se déclare « politiquement mort »[3]. Pour de nombreux commentateurs, l'affaire Moro sonne alors le glas de sa carrière politique.
À la suite desélections générales anticipées du, Francesco Cossiga est pressenti pour former le prochain gouvernement. Il doit toutefois attendre le4 juillet suivant pour être désigné formateur par le chef de l'État,Sandro Pertini.
Après plusieurs semaines de tractations, il parvient à former unexécutif réunissant la DC, leParti social-démocrate italien (PSDI) et leParti libéral italien (PLI), avec deux ministres, l'économiste Franco Reviglio della Veneria et l'éminent juriste Massimo Severo Giannini, issus de la société civile mais proches duParti socialiste italien. Le nouveau gouvernement prête serment le devant le président Pertini et Cossiga, à cinquante-et-un ans, succède àGiulio Andreotti, lui-même démocrate-chrétien, commeprésident du Conseil des ministres.
Dans la matinée du, lagare de Bologne est frappée par ungrave attentat qui fait85 morts et des centaines de blessés. Le président du Conseil, qui se rend sur place, évoque un possible accident dû à l'explosion d'une vieille chaudière située au sous-sol de la gare mais les investigations menées sur les lieux du drame rendent caduque cette version et la polémique prend forme quant à une éventuelle dissimulation, par le gouvernement, des faits établissant qu'il s'agissait effectivement d'un attentat.
La responsabilité de cet attentat est immédiatement imputée à des néo-fascistes, d'après le quotidien de gaucheL'Unità, ce que confirme Cossiga dans les jours suivants au cours d'une intervention d'urgence auSénat : « Contrairement au terrorisme de gauche, qui veut frapper le cœur de l'État et atteindre ses représentants, le terrorisme noir préfère commettre le massacre car il favorise la panique et les réactions impulsives » explique le président du Conseil.
Autrefois très respecté par leParti communiste italien, ses relations avec le principal parti d'opposition se dégradent rapidement. Le juge d’instruction de Turin qui mène une enquête sur des faits de terrorisme d’extrême gauche obtient des déclarations de la part d'un prévenu, selon lequel le président du conseil aurait mis au courant le vice-secrétaire se laDémocratie chrétienne, le très influentCarlo Donat-Cattin, de l'imminente arrestation de son fils Marco, gravement impliqué. Par conséquent, le PCI demande au parlement la mise en état d'accusation du chef du gouvernement, une première dans l'histoire de la République italienne.
Le, Francesco Cossiga est élu chef de l'État dès le premier tour de scrutin, avec une très forte majorité de752 voix pour977 votants, même les élus duParti communiste italien ayant voté pour lui. Le président sortant, le socialisteSandro Pertini, renonce à ses fonctions le 29 juin, sans attendre la fin de son mandat. En tant que président du Sénat, Francesco Cossiga assure l'intérim à laprésidence de la République italienne jusqu'à son investiture, le. Il devient alors, à56 ans, le plus jeune président de la République italienne.
Exerçant d'abord sa nouvelle fonction de manière honorifique comme c'est la tradition, Cossiga multiplie ensuite les déclarations (« esternazioni ») fracassantes à la presse et à la télévision. À partir de 1990, il prend ses distances vis-à-vis de la Démocratie chrétienne. Il démissionne de son poste en avril 1992, deux mois avant la fin de son mandat, pour protester contre certains aspects du système politique italien (il dénonce les combines politiques, le système des partis et défend un régime présidentiel), souhaitant laisser la place à un « président fort », directement élu par les citoyens italiens au suffrage universel direct[4].
Jusqu'à sa mort, Francesco Cossiga est ensuite sénateur à vie en tant qu'ancien président de la République. En 1998, il fonde un nouveau parti centriste, l'Union démocratique pour la République (UDR), qui soutient le gouvernement dirigé par l'ancien communisteMassimo D'Alema puisSilvio Berlusconi[5] et disparaît rapidement du paysage politique. Se déclarant catholique indépendant, ses prises de position et déclarations, toujours très virulentes, font régulièrement la une des journaux, ce qui lui vaut le surnom de « picconatore » (celui qui donne des coups de pic tous azimuts)[5],[6].
Durant l'été 2010, Francesco Cossiga est hospitalisé à l'hôpital Gemelli de Rome à la suite de problèmes cardiaques et respiratoires[7]. Alors que son état de santé s'améliorait progressivement, il meurt d'unarrêt cardio-circulatoire le[4]. Dans une lettre au président du Sénat, peu avant sa mort, il écrit :
« […] à cet instant où le Dieu tout-puissant, auquel j’ai cru et dont j’ai confessé la vérité, va prononcer son jugement sur ma vie, ainsi que sur la justice et la charité que j'ai pratiquées, je proclame ma foi religieuse dans la Sainte Église catholique et je confirme ma foi citoyenne dans la République, communauté d’hommes libres et égaux, et dans la Nation italienne qui en elle a réalisé sa liberté et son unité[8]. »
↑En italien, son nom de famille est généralement prononcé [kos'siga]; mais on sait que la prononciation originelle est ['kɔssiga], avec l’accent sur la première syllabe : il s’agit d’un nom sarde qui veut direCòrsica, c’est-à-direCorse(source).