Ledomaine de Malagar, dont François Mauriac hérita en 1927 et où il écrivit une grande partie de son œuvre.
Charles François Mauriac naît le dans la maison familiale du 86,rue du Pas-Saint-Georges à Bordeaux[4],[5]. Il est le dernier d'une fratrie composée d'une sœur aînée, Germaine (1878-1974), et de trois frères, Raymond (1880-1960), Jean (1881-1945) et Pierre (1882-1963).
Son père, Jean-Paul Mauriac (né le 22 mai 1850 àSaint-Pierre-d'Aurillac) est un marchand debois merrain, banquier et propriétaire terrien dans lesLandes de Gascogne, qui avait le goût des lettres mais qui, en sa qualité d'aîné, fut dirigé vers les affaires. Il a épousé à Bordeaux, le 14 janvier 1878, Marguerite Marie Claire Coiffard (née le 14 novembre 1853 à Bordeaux), héritière d'une famille du négoce bordelais[6],[7]. Il meurt prématurément le 11 juin 1887 àBordeaux à 37 ans des suites d'un « abcès au cerveau »[4],[7]. Marguerite Mauriac meurt le 24 juin 1929 àLanton.
Orphelin de père à vingt mois, François Mauriac vit toute son enfance très entouré par une mère catholique très pratiquante – dont il est le fils préféré et celui qui gère toutes les affaires familiales –, par sa grand-mère Irma Coiffard (née Abribat) et sous le tutorat de son oncle, Louis Mauriac, magistrat (seul frère, cadet, de son père)[6]. N'ayant pas connu son père, il en interpréta les sentiments profondément laïcs et républicains comme contrepoids au formalisme religieux maternel[8].
François Mauriac apprend à lire et à écrire rue du Mirail, chez la sœur Adrienne, avecMartial-Piéchaud, son plus vieil ami bordelais[9]. Il fait à partir de 1892 ses études primaires puis secondaires chez lesMarianistes de l'institution Sainte-Marie Grand-Lebrun àCaudéran[10], où il fera la rencontre d'un ami d'une vie, André Lacaze[11].
Outre les divers logements que la famille occupe à Bordeaux, son adolescence est marquée par plusieurs lieux girondins qui tous, marqueront profondément son œuvre :Gradignan où sa grand-mère Irma possède le « Château-Lange »[12], lesLandes de Gascogne autour deLangon,Verdelais et surtout l'été àSaint-Symphorien, tous ces bourgs dominés par la bourgeoisie viticole ou ayant fait fortune dans l'exploitation forestière, au climat lourd de secrets étouffés qu'il peindra dans la plupart de ses romans.
Après avoir écrit, dans son enfance, de petits textes et poèmes, il compose à treize ans sa première réelle œuvre, un mélodrame de jeunesse intituléVa-t'en ![13], dédié à sa sœur Germaine[14].
La mort de sa grand-mère Irma en 1902 est un profond choc pour l'adolescent. Il constate la profonde hypocrisie de sa famille religieuse et bourgeoise qui se partage déjà l'héritage à côté de l'agonisante[15],[7].
François Mauriac rate la seconde partie du baccalauréat de philosophie et doit redoubler, préférant refaire une année au lycée public de Bordeaux[15]. Dans cet établissement, il a notamment pour professeur Marcel Drouin, beau-frère d'André Gide, qui lui fait découvrir les textes dePaul Claudel,Francis Jammes,Henri de Régnier,Arthur Rimbaud,Charles Baudelaire,Colette et André Gide (notammentL'Immoraliste etLes Nourritures terrestres qui le marqueront), tous proscrits dans sa famille et chez les pères, finissant ainsi de constituer son corpus littéraire personnel[16]. Il découvre également à cette époque les textes et idées deMaurice Barrès qui marqueront sa jeunesse[7].
À cette époque, il habite toujours avec l'ensemble de sa famille, dans divers appartements et immeubles de Bordeaux, dont le 15 rue Rolland de 1903 à 1907[18], et fréquente à partir de 1905 les cercles bordelais duSillon deMarc Sangnier, mouvement catholique « ouvriériste » dont il se sent proche mais qui le laisse insatisfait[19] et dont il s'écarte définitivement en juin 1907[7],[20].
Sa famille l'envoie avec une rente annuelle de 10 000 francs[21] àParis, où il s'installe le — tout d'abord dans une pension étudiante defrères maristes auno 104 de larue de Vaugirard où il réside un an avant d'être exclu, puis quelques mois dans l'hôtel l'Espérance voisin, et enfin seul en 1909 au cinquième étage duno 45 de larue Vaneau[22] — pour préparer l'École des chartes qu'il intègre mais abandonne presque aussitôt[7] : plus tard, il écrira en effet que ces études lui convenaient« comme le métier de coiffeur à une écrevisse »[23].
Dès lors, il se consacre entièrement à l'écriture en publiant des poèmes, à son compte, dans laRevue du temps présent[réf. nécessaire].
Son premier volume de poèmes,Les Mains jointes, est publié en1909. Bien que retenant l'attention des milieux littéraires et notamment, depuis 1910, deMaurice Barrès, auquel il voue un véritable culte, Mauriac ne sera connu du grand public qu'une dizaine d'années plus tard.
François Mauriac épouse, le 2 juin 1913 àTalence, Jeanne Lafon (Oran, 2 octobre 1893 – Paris8e, 21 avril 1983), rencontrée chez leur amie commune Jeanne Alleman, auteure qui publie sous le pseudonyme masculin deJean Balde. Jeanne Lafon est la fille de Marc Lafon (1857-1919), polytechnicien et inspecteur des finances, alors trésorier-payeur général de la Gironde, et de Léonie Bouchard (1862-1963). Elle est la petite-fille deLéon Bouchard (1830-1904), premier président de la Cour des comptes et maire deVémars, et la petite-nièce de l'historienGustave Fagniez (1842-1927)[24]. C'est par la famille Bouchard, implantée à Vémars depuis des générations, que François Mauriac héritera du château de la Motte au nord de Paris, où il habitera souvent sous l'Occupation et à la fin de sa vie.
La carrière littéraire de Mauriac est interrompue par laPremière Guerre mondiale, durant laquelle il s'engage un temps, bien que réformé et de santé précaire, dans un hôpital de laCroix-Rouge àSalonique. Après la victoire de1918, il reprend ses activités et publie, en1921,Préséances, qui le brouille pour longtemps avec la bonne société bordelaise, puis, en1922,Le Baiser au lépreux.
Dans une vie d'abord marquée par les mondanités littéraires (jeune, il fréquente les salons, notamment celui deNatalie Clifford Barney et surtout celui de la comtesseAnna de Noailles), puis par des engagements politiques guidés notamment par un idéal chrétien socialisant (il suit un temps leSillon deMarc Sangnier et s'oppose à l'Action française), Mauriac est avant tout occupé par la composition d'une œuvre romanesque où il se révèle un analyste des passions de l'âme et un pourfendeur de la bourgeoisie provinciale (Genitrix,Le Désert de l'amour,Thérèse Desqueyroux,Le Nœud de vipères,Le Mystère Frontenac). La plupart de ses romans évoquent le conflit entre la foi et la chair, et développent plusieurs images récurrentes comme le « désert » spirituel que ses personnages doivent traverser.
La qualité de ses romans et de sa poésie lui vaut d'être triomphalement élu à l'Académie française le1er juin1933 au premier tour contreEdmond Sée par 28 voix et 3 bulletins blancs sur 31 votants. Le, lors de sa réception, il doit néanmoins endurer le discours peu flatteur d'André Chaumeix[26].
Tout en poursuivant son œuvre littéraire (La Fin de la nuit, première suite deThérèse Desqueyroux,Les Anges noirs), il prend part à de nouveaux combats politiques, notamment au moment de laguerre d'Espagne. Même s'il est d'abord favorable au soulèvementnationaliste, il dénonce dès août 1936 lemassacre de Badajoz[27]. Lebombardement de Guernica en avril 1937 confirme son basculement aux côtés desRépublicains espagnols qu'il exprime dans ses articles duFigaro et deTemps présent et aux côtés des chrétiens de gauche dans les revuesEsprit ouSept. Cet engagement provoquera une première rupture avec sa famille politique.Robert Brasillach lui dédicacera son ouvrage sur laguerre d'Espagne : « à F.M. égaré »[28]. La solidarité catholique de Mauriac concerne autant l’Espagne et le Pays basque que la France: le 8 mai 1937, il signe avec Jacques Maritain, Gabriel Marcel, Stanislas Fumet et Jacques Madaule un manifeste intitulé « Pour le peuple basque». Le Pays basque semble à Mauriac l’exemple d’un modèle social dont il admire un « syndicalisme catholique », alors un mouvement catholique à la fois social et identitaire[29].
S’agissant de l’Espagne, cela passe d’abord par la question du statut du Pays basque.
Au moment de l'épuration, il intervient en faveur de l'écrivainHenri Béraud, accusé decollaboration. Il signe la pétition des écrivains en faveur de la grâce deRobert Brasillach, qui est condamné à mort et qui sera malgré cela exécuté. Cet engagement lui vaut le surnom de « Saint-François-des-Assises »[32]. Il rompt peu après avec leComité national des écrivains en raison de l'orientation communiste du comité et participe à la revue desCahiers deLa Table ronde, où de jeunes écrivains – qui seront appelés plus tard lesHussards – font leurs débuts. Entre 1946 et 1953, éditorialiste auFigaro, François Mauriac s'illustre par la virulence de son anticommunisme dans le contexte de laguerre froide[33],[34].
À laLibération, le premier numéro duFigaro littéraire s’ouvre en 1946 par un de ses articles consacré àMarcel Proust[35], sur deux colonnes et demie de la première page[36]. Il fait alors l'objet de violentes attaques dans la revue d'extrême droiteÉcrits de Paris de la part de Jean Maze (sous le pseudonyme « Orion ») qui a cité François Mauriac dans sonNouveau Dictionnaire des Girouettes[37].
Il est administrateur de lasociété fermière duFigaro fondée en 1950, à l'orée de la décennie d'expansion[36] du quotidien dans les années 1950, au moment où la rédaction assume une pluralité de points de vue sur laguerre d'Indochine, sur laquelle il écrit desarticles défavorables : critique du pouvoir démocrate-chrétien, il l'accuse de ne provoquer que « ruines », « décomposition » et « décombres », notamment dans sa politique coloniale[38]. Dès le début des années 1950, le quotidien confie àClaude Mauriac une critique de cinéma hebdomadaire.
Il est par ailleurs membre du Comité de patronage de la Fédération française contre l'Arme nucléaire[39].
Estimant que de Gaulle serait« prisonnier des militaires » à son retour au pouvoir en 1958[41],L'Express se lance dans unantigaullisme[41] qui gêne Mauriac. Lors d'un voyage deDe Gaulle àBordeaux, il préfère ne pas le rencontrer car le journal lui« est ouvertement hostile »[41] puis démissionne mais conserve son « Bloc-notes »[36]. Quand Pierre Brisson veut relancer leFigaro littéraire au début des années 1960[36], il lui demande conseil pour le choix du rédacteur en chef. François Mauriac appuie le jeuneMichel Droit, rédacteur en chef de l'Actualité télévisée à laRTF et« déjà connu pour son gaullisme »[36]. Mauriac exprime en janvier 1961 son intention de retirer son « Bloc-notes » deL'Express, déclenchant une avalanche de courriers des lecteurs[36] puis se décide, trois mois après, quandJean-Jacques Servan-Schreiber présente leGénéral de Gaulle comme une « canaille »[42].
Polémiste vigoureux, d'abord absent du débat sur laguerre d'Indochine (Vercors lui reprochera son silence), il prend ensuite position, d'abord contre cette guerre dans les colonnes du quotidienLe Figaro, où il accuse le pouvoir démocrate-chrétien de ne provoquer que « ruines », « décomposition » et « décombres », notamment dans sa politique coloniale[48], puis en faveur de l'indépendance duMaroc et de laTunisie, puis de l'Algérie, et condamne l'usage de latorture par l'armée française (L'Imitation des bourreaux de Jésus-Christ). Il préside aussi leComité de soutien aux chrétiens d'URSS.
Son dernier roman,Un adolescent d'autrefois reçoit un accueil enthousiaste de la critique en1969. Une suite,Maltaverne, demeure inachevée et sera publiée de manière posthume en 1972.
Ses œuvres complètes ont été publiées chezFayard en douze volumes entre1950 et1956[52]. Une édition complète de ses œuvres romanesques et théâtrales a été éditée dans la collection de laBibliothèque de la Pléiade, en quatre volumes, parus entre 1978 et 1985[53] ; elle est suivie en 1990 d'une édition de ses œuvres autobiographiques.
S'appuyant sur des sources écrites, la « biographie intime » de François Mauriac parJean-Luc Barré parue en 2009 décrit une tendance homosexuelle longtemps gardée secrète, peut-être platonique mais qui a marqué son œuvre[54]. Il a éprouvé à partir de 1924 une brûlante passion pour le jeune écrivain suisseBernard Barbey[55],[54],[56].
Dans une férocelettre ouverte de 1964,Roger Peyrefitte avait accusé Mauriac d'être un homosexuel refoulé et l'avait traité de Tartuffe. Mauriac, éconduit parJean Cocteau dans leur jeunesse, avait insulté par une phrase lapidaire la mémoire de Cocteau à son décès en octobre 1963. Peyreffite écrit :« […] vous avez fait votre apparition dans le monde. Sous les auspices du marquis d'Argenson. […] Ce furent alors des voyages en Italie, avec le directeur de cette revue, fameux par son fond de teint et sa perruque. Il conserve, au-dessus de son lit, un portrait de vos belles années où votre poitrine, dans le décolleté de la chemise, est nue jusqu'au nombril. » (RevueArts,.)
Cette attirance a été évoquée parDaniel Guérin dans une interview publiée dans le livre deGilles Barbedette et Michel Carassou,Paris gay 1925, publié en 1981 auxPresses de la Renaissance, se fondant sur la correspondance qu'il avait reçue de Mauriac, conservée àla Contemporaine, bien que Mauriac ait souhaité la récupérer et la détruire.
En 2001,Françoise Giroud, cofondatrice deL'Express, hebdomadaire qui avait engagé François Mauriac en novembre 1953, écrit : « Ce vieux monsieur avait un petit défaut : il ne supportait pas les femmes avant qu'elles aient atteint l'âge canonique, après quoi il les trouvait bien vilaines » et constate :« Ce vieux monsieur délicieux aimait les garçons. C'était éclatant dès qu'il posait les yeux surJean-Jacques Servan-Schreiber : il était amoureux[57]. »
Ledomaine de Malagar, àSaint-Maixant, qui fut le lieu de la fin de l'adolescence et que l'écrivain reçut en 1927 à la suite d'un partage familial, est aujourd'hui propriété duConseil régional d'Aquitaine. Cette maison d'écrivain, transformée en centre culturel, est désormais ouverte à la visite.
Dès 1968, l'écrivain fait don à laBibliothèque littéraire Jacques-Doucet d'un premier ensemble constitué de « manuscrits autographes, manuscrits dactylographiés, épreuves corrigées, correspondance et papiers personnels ». Ce don se voit complété après la mort de l'auteur par ses héritiers. Le corpus représente aujourd'hui un fonds de 12 mètres linéaires[58].
1944 :La Nation française a une âme (Les Lettres françaises du 9 septembre 1944 (reproduit dansLa République du Silence, Harcourt, Brace and Company, New York, 1946,p. 448-460)
↑SelonÉmile Poulat, « sa foi dans le Christ de l'histoire évangélique s'opposait énergiquement au Christ de la foi proposée par la critique moderniste. SaVie de Jésus, dont le titre même sonne comme un défi, est l'aboutissement d'une longue méditation ; l'adversaire pour lui n'est plusRenan maisLoisy, qu'il prend à partie avec violence dans la préface de la deuxième édition » (Émile Poulat,Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste, Casterman, Tournai, 1974,p. 277).
↑François Mauriac, « Lettre à Madame Jean-Paul Mauriac », Paris le 19 novembre 1907, dansFrançois Mauriac - Nouvelles lettres d'une vie (1906 - 1970),éditions Grasset, 1989,p. 1.
↑François Mauriac, André Chaumeix, Académie française,Discours de réception à l'Académie française et réponse de M. André Chaumeix, prononcé le 16 novembre 1933 à l'Académie française, Grasset,, 108 p.
↑Pendant les 20 dernières années de sa vie, Mauriac a cessé d'écrire des romans, et s'est mis à des chroniques journalistiques. (Alexandre Soljénitsyne,Journal de la Roue Rouge, Fayard, Paris 2018, p. 118).
↑abcd ete« Nous voulions un journal pour dire ce que nous pensions »,interview deFrançoise Giroud, par Denis Jeambar et Roland Mihaïl dansL'Express le 3 juin 1999.
↑Françoise Giroud,On ne peut pas être heureux tout le temps, Fayard, 2001, pp. 186-187.
↑Jessicade Bideran,« Numérisation et extension du patrimoine littéraire. Réflexions à propos de “ Mauriac en ligne ” », dansLa fabrique du patrimoine écrit Objets, acteurs, usages sociaux, Presses de l'enssib,(lire en ligne),p. 115-126
↑Adrien Blès,Dictionnaire historique des rues de Marseille : Nouvelle édition, corrigée et augmentée de 400 noms de voies nouvelles, Éditions Jeanne Laffitte,(ISBN9782862765259),p. 295
(en)Autobiographie sur le site de lafondation Nobel (le bandeau sur la page comprend plusieurs liens relatifs à la remise du prix, dont un document rédigé par la personne lauréate — leNobel Lecture — qui détaille ses apports)