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| Surnom | Le géant de Colombes[1] |
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1 grand tour Tour de France1909 Classiques Tour de Lombardie1908 Paris-Bruxelles 1909 Paris-Tours 1909 et 1910 Bordeaux-Paris1911 Paris-Roubaix1913 19 étapes de grand tour Tour de France (19 étapes) |

François Faber, né le àAulnay-sur-Iton dans l'Eure et morttué à l'ennemi le àCarency ou àMont-Saint-Éloi[2] selon les sources, dans lePas-de-Calais, est un coureurcycliste de nationalitéluxembourgeoise. Il compte à son palmarès unTour de France, unTour de Lombardie, unParis-Roubaix, deuxParis-Tours, unBordeaux-Paris et unParis-Bruxelles. Sa réussite sportive est indissociable de la figure d'Alphonse Baugé qui fut son directeur sportif au sein de plusieurs équipes. Durant la seconde partie de sa carrière, une certaine rivalité sportive a opposé Faber àOctave Lapize.
Engagé volontaire dans laLégion étrangère dès le début de laPremière Guerre mondiale, il disparaît le 9 mai 1915 au combat lors de labataille de l'Artois (son corps ne sera jamais retrouvé). Il est officiellement déclaré mort par le tribunal de la Seine, le. LeGrand Prix François-Faber, organisé auLuxembourg depuis1918, lui rend hommage annuellement.
Il est le demi-frère d'Ernest Paul, également coureur cycliste et surnommé parfois « Faber ».

La mère de François Faber, nommée Marie Paul[Note 1], originaire deMoselle[3] a eu deux enfants lors d'une première vie conjugale avec Michel Schlepp, terrassier de profession[3]. Le premier se nomme Jules Schlepp et le secondErnest Paul[Note 2]. Quelques années après sa séparation d'avec Michel Schlepp, Marie Paul rencontre Jean-Pierre Faber, terrassier originaire deWiltz auLuxembourg, venu chercher du travail enFrance[3]. De leur union naît François Faber le 26 janvier 1887. Il est alorsa priori denationalité française en vertu de la loi du 26 juin 1889[4],[Note 3] sous réserve qu'il ne décline pas cette qualité avant l'atteinte de sa majorité. La famille composée de Jean-François Faber, de Marie Paul, d'Ernest Paul et de François Faber s'installe alors àColombes en1891 où le besoin en main-d'œuvre est alors très fort[4]. En1895, la famille s'installe dans un petit pavillon situé à proximité dupont d'Argenteuil[4]. François Faber arrête assez prématurément l'école[5] (vers l'âge de 13 ans, en1900) et accumule ensuite les petits emplois[5] : garçon de café, commissionnaire, ouvrier de construction navale, manœuvre ou encoredébardeur.
En 1904, à 17 ans, il se fait embaucher commedocker au port deCourbevoie où travaillent déjà ses deux demi-frères Jules et Ernest[6]. C'est alors qu'il travaille sur le port, qu'il monte pour la première fois sur unebicyclette prêtée quelque temps par un collègue[7]. Cette expérience lui plaît tellement qu'il achète au printemps1906, son premier vélo, unLabor, au magasin de cycles Dufayel situéboulevard Barbès[8].

Muni depuis peu de sa bicyclette Labor, c'est sans aucune expérience de la course cycliste que François Faber s'inscrit en tant qu'indépendant auTour de France 1906[8]. Il est engagé avec le dossard numéro 70[9] dans la catégorie dite « des poinçonnés »[9], ce qui lui interdit tout changement de machine au cours de l'épreuve[9]. Il termine honorablement la première étape àLille avec 25 minutes de retard sur le vainqueurÉmile Georget[9]. Lors de la seconde étape, il parvient à faire partie d'une échappée de six coureurs (dontLucien Petit-Breton) mais il chute àCambrai[9]. Il est tout de même dixième au classement général à l'issue de l'étape, àNancy[10] ce qui fait écrire à un éditorialiste deL'Auto du 7 juillet 1906 :
La troisième étape entreNancy etDijon est pour lui la découverte de la moyenne montagne avec le franchissement duballon d'Alsace[10]. L'expérience est particulièrement difficile puisqu'il perd plus de six heures sur le vainqueur du jourRené Pottier[10]. À l'issue de la quatrième étape àGrenoble, il est seizième au général sur vingt-cinq coureurs toujours en course[10]. Épuisé, François Faber termine la sixième étape àMarseille le 15 juillet 1906 à9 h du matin, plus de sept heures après la fermeture du dernier contrôle officiel[10] ; il est donc disqualifié[10]. Il décide toutefois de poursuivre le Tour avec deux autres coureurs dans la même situation face au règlement[10], Serres et Morel[Note 4]. Si cette déconvenue lors de ce premier Tour a probablement entraîné des doutes chez François Faber sur sa capacité à devenir coureur cycliste[11], il est bien inscrit pour l'édition 1906 deParis-Tours organisée le 30 septembre[11]. Sa prestation au Tour de France n'est d'ailleurs pas passée totalement inaperçue puisque l'édition du 29 septembre deL'Auto le place parmi les« jeunes routiers qui déjà se sont distingués et espèrent vivement démontrer qu'il ne sont pas moins valeureux que leurs aînés[11]. » Le lendemain, dans ce même journal, Charles Ravaud considère qu'il fait partie des« routiers de valeur » au départ de l'épreuve[11]. Il finit treizième de ce Paris-Tours à trente cinq minutes du vainqueurLucien Petit-Breton[12].


Les bonnes performances de François Faber lors du Tour 1906 lui ont permis de se faire remarquer par les observateurs de la course cycliste. Il est ainsi approché parAlphonse Baugé, ancien chroniqueur pourLe Vélo, auteur d'ouvrages sur le métier dedirecteur sportif[Note 5] et alors soigneur officiel de l'équipe cycliste Labor[13]. Celui-ci parvient à faire signer Faber chez Labor pour l'ensemble de la saison 1907[13]. La signature a lieu début 1907, au siège de Labor, au 23avenue du Roule àNeuilly-sur-Seine, avec Maurice de Clèves (fondateur et directeur de la marque Labor) et en présence de Baugé[13]. La première épreuve à laquelle Faber participe en tant que coureur de Labor estBordeaux-Paris sur laquelle il se présente en compagnie de trois coéquipiers de chez Labor :Augustin Ringeval,Léon Rabot etLucien Pothier[14]. Ringeval termine second de ce Bordeaux-Paris àVille-d'Avray[15] tandis que Faber termine sixième à quatre heures du vainqueur belgeVan Hauwaert[16]. En juin 1907, Faber participe également àParis-Bruxelles, course sur laquelle il termine sixième[17].

Avant le départ duTour de France 1907, Alphonse Baugé est promu directeur sportif de l'équipe Labor[16]. Faber entame plutôt bien cette cinquième édition duTour de France : il se classe troisième de la troisième étape entreMetz etBelfort[18]. Au soir de la quatrième étape àLyon, il est sixième du classement général et second des « poinçonnés »[18]. Lors de l'étape suivante, François Faber démontre qu'il est un honorable grimpeur contrairement à ce que sa corpulence (88 kg pour 1,78 m) et surtout sa piètre performance dans l'ascension du Ballon d'Alsace en 1906 pouvaient laisser penser[19]. En effet, il est le seul à pouvoir suivre le train imposé parÉmile Georget en particulier dans l'ascension ducol de Porte[19]. Il termine second de l'étape à quelques minutes de Georget, ce qui est perçu par Baugé comme« presque une victoire »[20]. La seconde partie de son Tour de France est toutefois plus compliquée : une blessure récurrente à la selle, deux chutes le 28 juillet au cours de l'étapeBordeaux -Nantes, puis une autre le1er août peu après le départ deBrest l'empêchent de se montrer à son avantage[21]. Néanmoins, il termine ce Tour 1907 à la septième place du classement général final[21].
Le début de cette nouvelle saison est marqué par la volonté d'Ernest Paul, le demi-frère de François Faber, de suivre son exemple et de s'essayer à la course cycliste[22]. Il est également marqué par la décision de Faber de quitter Labor, et doncAlphonse Baugé, et de rejoindre dans un premier temps l'équipe cycliste La Française[22] (seulement pour Paris-Roubaix et pour Bordeaux-Paris). SurParis-Roubaix, Faber attaque et parvient à s'échapper : il a trois minutes d'avance àDouai. À 150 mètres duVélodrome roubaisien, alors qu'il a course gagnée, il chute[23]. Cet accident lui fait perdre deux places et il termine finalement troisième derrièreVan Hauwaert etLorgeou[23]. Sur Bordeaux-Paris, il abandonne à la suite d'une crevaison puis plusieurs chutes[24]. Il abandonne également surParis-Bruxelles, consécutivement à une défaillance physique[24] alors que son demi-frère Ernest qui court sa toute première course (sous le maillot d'Alcyon) termine septième[25]. Faber intègre alors l'équipe cycliste Peugeot et est retenu pour courir leTour de France 1908[25] ; Ernest Paul également : il s'apprête à courir son premier Tour avec Alcyon[26].
Le Tour commence plutôt mal pour François Faber : il cumule les incidents mécaniques et les crevaisons sur les deux premières étapes. À l'issue de la seconde étape àMetz, il est vingt-sixième au classement général[26]. Dans l'étape suivante, il s'échappe dans l'ascension ducol du Ballon d'Alsace avecGustave Garrigou. Dans la descente, à la faveur d'une chute de ce dernier, Faber s'en va gagner le premier succès de sa carrière àBelfort[26]. Le surlendemain, il récidive dans la quatrième étape et gagne à nouveau alors qu'il s'était encore échappé avec Garrigou qu'il règle au sprint àLyon[26]. Deux jours après, il termine second àGrenoble derrière son coéquipierGeorges Passerieu qui a été le seul à ne pas poser pied à terre dans lecol de Porte[26]. L'équipe Peugeot de Faber domine alors le Tour : elle a remporté toutes les étapes et c'est un de ses coureurs qui est en tête du général (Passerieu puis Petit-Breton) depuis le départ[26]. À Grenoble, Faber est revenu à la cinquième place du classement général[26]. La suite de ce Tour nettement dominé parLucien Petit-Breton offre d'autres occasions à Faber : ainsi il remporte la huitième étape àToulouse puis la douzième àBrest[27]. À l'arrivée àParis, il est second du classement général et remporte le classement Wolber des « pneus démontables »[27]. Petit-Breton, premier coureur à remporter deux fois le Tour, se retire de la compétition cycliste pour devenir chroniqueur cycliste. À l'issue de ce Tour 1908, il déclare en parlant de Faber :
« Je suis convaincu que cet homme-là sera imbattable l'an prochain[27]. »
Au cours de la saison 1908 ; il obtient également une troisième place surParis-Tours puis participe le 8 novembre à laquatrième édition duTour de Lombardie[28] : d'abord lâché, il parvient à revenir sur le peloton puis à s'en extraire pour remporter sa première classique[28]. D'un point de vue plus personnel, c'est en 1908 également qu'il rencontre Eugénie Terrier (qui deviendra sa femme et la mère de sa fille) comme l'atteste la carte postale (écrite en italien) qu'il lui a envoyée juste après sa victoire en Lombardie[Note 6] :« Per te solo palpita il mio cuore[28] » (mon cœur bat pour toi seule).

Au début 1909, la question de la nationalité de Faber est ambiguë : conformément à la loi du 26 juin 1889[Note 3] et comme il n'a pas fait avant sa majorité une demande explicite de lanationalité française, il n'est pas Français. Mais est-il pour autant Luxembourgeois ? Pourtant, il procède à une déclaration explicite de répudiation de la nationalité française, le 25 janvier 1909 auprès du juge de paix du canton de Colombes et réclame celle de son père[1],[Note 7]. On ne sait pas précisément les raisons de la démarche effectuée par Faber : l'hypothèse la plus vraisemblable est la volonté d'échapper auservice militaire dont la durée était alors de deux ans, ce qui aurait probablement pu contrarier sa carrière sportive[1].
En février, une polémique l'oppose à Léopold Alibert, le patron de l'équipe cycliste Peugeot. Ainsi, le 3 février, celui-ci l'attaque assez violemment dans une lettre ouverte publiée dansL'Auto dans laquelle il dévoile une rupture de contrat à l'initiative de Faber de manière à signer pourAlcyon, équipe dans laquelle il retrouveraitAlphonse Baugé[29]. Le lendemain, dans le même journal, Faber répond à Alibert en expliquant que cette décision de rupture s'était faite dans le dialogue avec Peugeot et dans le respect de ses interlocuteurs et qu'il ne s'attendait pas à ce« bruyant désespoir » de la part d'Alibert[30].
Au mois d'avril, il court ses premières courses avec l'équipe Alcyon :Milan-San Remo (sur laquelle il se classe sixième) puisParis-Roubaix. Sur cette dernière il termine cinquième ce qui constitue pour lui une relative déception dans la mesure où il avait consacré tout le mois de mars à s'entraîner spécifiquement pour cette course. Ainsi il a rallié à plusieurs reprises Roubaix en compagnie de son demi-frèreErnest Paul, deConstant Ménager ou encore deJean Alavoine (son coéquipier chez Alcyon[31]) ou deFrédéric Saillot[32]. Le 18 avril, il remporte Sedan-Bruxelles[33],[34] devant Garrigou. En mai, alors gêné par un problème aux yeux contracté sur Paris-Roubaix, il termine4e deBordeaux-Paris. Le 19 juin, il remporteParis-Bruxelles[33],[35], à nouveau devant Garrigou qu'il bat au sprint. Il avait été envisagé un temps que Faber participe auGiro 1909 (commeTrousselier par exemple) avant qu'il ne renonce à cette idée[33].
Faber débute en fanfare sonTour 1909 : après une seconde place lors de la première étape[36], il enchaîne par cinq victoires d'étapes consécutives àMetz,Belfort,Lyon,Grenoble etNice gagnant ainsi de la seconde à la sixième étape[37],[Note 8]. Le surlendemain de sa cinquième victoire à Nice, c'est son demi-frère Ernest (qui court en « isolé »[Note 9]) qui gagne la septième étape àNîmes. Le 19 juillet, il est pris dans une chute collective dans l'étapeNîmes –Toulouse : il termine la course, le crâne ensanglanté et dans un état qualifié de« comateux »[37]. Le 23 juillet, il remporte àBordeaux sa sixième victoire d'étape de l'édition 1909[37]. Le1er août, il remporte àParis son premier Tour de France[38] avec pas moins de 580 kilomètres d'échappée en solitaire avantagée par ses mensurations impressionnantes pour l'époque de (90 kg pour 1,85 m). Il est ensuite reçu en grande pompe àColombes (pour un banquet organisé par la municipalité) où son succès, doublé de celui d'Ernest dans la catégorie des « isolés », font la joie de la population[38]. En septembre, initialement cinquième, il remporteParis-Tours à la suite du déclassement pour une erreur de parcours (àAngerville) de quatorze coureurs, dont le gagnant initialOctave Lapize[38]. Il reste, en 2017, le seul vainqueur de Paris-Tours à avoir remporté le Tour de France la même année. À la fin 1909, la popularité de Faber est telle queL'Auto réédite l'ouvrageLe géant de la route : François Faber, ses débuts, sa carrière, ses Tours de France, comment il s'entraîne... écrit par Charles Ravaud[38]. En fin d'année également, Faber reprend du service commedébardeur sur les quais deSeine ; il conserve cet emploi jusqu'à janvier 1910 et la reprise de son entraînement[38].

Le début de saison de François Faber est fortement perturbé par lacrue de la Seine de 1910 qui touche alorsColombes : en effet, la digue située près dupont de Bezons cède le 26 janvier au soir[39]. Faber, comme d'autres habitants, participe intensivement aux opérations d'évacuation de la population[39]. Son comportement lors de cette crue sera d'ailleurs salué par un éloge d'Armand Fallières publié auJournal officiel ainsi que par une lettre de félicitations d'Aristide Briand[40]. C'est donc très peu préparé qu'il se présente en mars surParis-Roubaix 1910, avec son équipe Alcyon, qui compte à présent dans ses rangs la révélation de la saison précédente,Octave Lapize[41]. Il obtient une anonyme17e place ainsi qu'une fracture de laclavicule sur cette édition remportée par Lapize[42]. Ce dernier remporte égalementParis-Bruxelles au mois de mai, course sur laquelle Faber était également engagé[42].
LeTour de France 1910 constitue le point d'orgue de la rivalité qui oppose Lapize et Faber : aux trois victoires d'étapes de Faber, Lapize répond par quatre victoires d'étapes sur ce Tour totalement dominé par l'équipe Alcyon[43]. Toutefois l'ambiance est délétère au sein d'Alcyon dans la mesure où la victoire finale se joue entre Faber, Lapize et Garrigou, trois membres de l'équipe. À titre d'exemple,Gustave Garrigou a toujours soupçonné un sabotage issu de sa propre équipe pour expliquer l'incident mécanique dont il a été victime lors de la8e étape[44] et qui lui a enlevé toute chance de remporter ce Tour 1910. L'équipe est alors littéralement coupée en deux : Baugé qui soutient Faber fait face à Calais qui soutient Lapize[45]. Les deux coureurs se tiennent en quelques points au classement général dominé jusqu'àNantes par Faber[45]. C'est lors de la12e étape que victime d'une chute assez violente (il heurte un chien avec sa bicyclette) puis d'une attaque de Garrigou qu'il ne peut suivre, que le Tour bascule : sa neuvième place à Nantes ne lui laisse qu'un point d'avance au classement général sur Lapize[46]. Deux jours plus tard, dans l'étape qui conduit le peloton àBrest, Garrigou s'échappe et Faber a le plus grand mal à revenir sur lui, entraînant dans sa roue Lapize qui dès que la jonction est réalisée, parvient à s'extraire en compagnie de quelques coureurs et à creuser l'écart avec Faber : à l'arrivée, il est neuvième à nouveau et a cédé la première place au général à Lapize[47]. La fin du Tour, compliquée par quelques blessures, ne permet pas à Faber de reprendre la première place : il termine ce Tour 1910 à la seconde place[46] sans discuter la victoire de Lapize[47] :
« Le Tour 1910 était pour lui. Il l'a mérité, je n'en disconviens pas ; pourtant j'ai le droit de ne pas considérer ma défaite comme régulière. Je l'impute et c'est mon droit, à ma chute dans Bordeaux-Nantes. J'aurai sûrement ma revanche. »
Faber qui espère une revanche surParis-Tours voit Lapize forfait pour cause de« légère indisposition » ; officieusement, Lapize n'accepte pas que Baugé soit parvenu à évincer ses coéquipiers et soutient Garrigou etVan Hauwaert de la sélection Alcyon pour cette course[48]. Faber remporte finalement son second Paris-Tours consécutif[48],[49] en battant au sprintLouis Trousselier.

En 1911, Lapize quitte Alcyon : conserver Faber et Lapize sous le même maillot était devenu impossible tant l'animosité entre les deux coureurs était importante. Il signe donc pourLa Française avec laquelle il débute par un titre dechampion de France, une victoire àParis-Tours et surtout une troisième victoire consécutive àParis Roubaix[50]. De son côté Faber ne rêve que de pouvoir le battre à la régulière[50]. Il en a l'occasion lors deBordeaux-Paris courue au mois de mai[51],[50]. Il attaque à près de 300 kilomètres de l'arrivée : il parvient à lâcher Lapize puis son équipier Garrigou et s'adjuger la victoire finale en arrivant à Paris, vingt minutes avant ce dernier[50]. À l'arrivée, il déclare[52] :

« Je suis très heureux de ma victoire. Non seulement car elle me permet d'inscrire mon nom au palmarès de Bordeaux-Paris [...] mais surtout parce que j'ai triomphé de Lapize. »
Sur leTour de France, il parvient à gagner deux étapes, àBelfort puis àNice, mais son état de forme générale le pousse à abandonner assez prématurément[53]. À partir de la saison 1911, Faber rencontre d'ailleurs de plus en plus fréquemment des problèmes physiques et notamment un pied douloureux qui lui interdisent de défendre réellement ses chances en compétition[53]. Contre toute attente, il s'inscrit à l'édition 1911 deParis-Brest-Paris[Note 10] : il est à nouveau contraint à l'abandon à cause de son pied[53]. Uneradiographie lui apprend en fin de saison, que son pied douloureux est dû à une fracture et non à une foulure comme il le suspectait[53]. Psychologiquement, son état n'est guère meilleur : Faber rumine encore son échec au Tour 1910 et sa seconde place derrière Lapize pour seulement quelques points[53]. Surtout, il considère que Baugé aurait alors pu faire davantage pour lui et mieux le conseiller[53]. C'est amer qu'il quitte donc Alcyon et signe pour l'équipe Automoto, début 1912[54]. L'éloignement choisi de son mentor Baugé explique sans doute en partie sa saison catastrophique[54] : second lors de la quatrième étape duTour de France 1912 qu'il termine à une discrète quatorzième place[Note 11] ainsi que sixième surParis-Tours constituent ses deux seuls résultats de la saison ; par la suite, Baugé qualifiera d'ailleurs celle-ci de« saison de guigne et de désastre »[55].

En 1913, Baugé qui est directeur sportif chezPeugeot s'active pour faire venir Faber et ainsi reformer leur duo[56]. Il parvient à ses fins, bien aidé par l'arrivée de Léopold Alibert chez Alcyon, avec qui les relations de Faber sont pour le moins compliquées depuis début 1909 et son départ de chez Peugeot[56]. Faber retrouve donc l'équipe pour qui il avait couru lors de la saison 1908 et avec laquelle il avait remporté sa première grande victoire, leTour de Lombardie. C'est également la troisième équipe pour laquelle il court sous la direction de Baugé, après Labor et Alcyon. En début de saison, Baugé envoie Faber enAuvergne pour effectuer son entraînement d'avant-saison en solitaire[57]. Le 23 mars, il s'aligne surParis-Roubaix qu'il remporte en battant au sprint son coéquipierDeruyter etCrupelandt qui se classe troisième[57],[58]. Il obtient ensuite une cinquième place surBordeaux-Paris[59] ainsi qu'une autre cinquième place au classement général duTour de Belgique sur lequel il remporte une étape[57]. Sur leTour de France, il paraît incapable de se mêler à la victoire finale[57]. Il parvient toutefois à remporter les10e et13e étapes[57] et termine cinquième du classement général à Paris[60], performance qui lui vaut les compliments d'un certain nombre d'observateurs éclairés comme François Mercier dansL'Auto par exemple[60] :
« Quel homme ! Quel courage ! [...] Qui disait donc que le grand Faber était fini ? Sous la direction compétente de Baugé, le fameux coureur a retrouvé toutes ses qualités d'antan. »

À l'automne,Paul Eyschen, alorsPrésident du Gouvernement du Luxembourg, l'invite à séjourner quelque temps dans legrand-duché[60] : Faber accepte cette invitation et reste quelques jours au Luxembourg pour ce qui constitue son seul et unique séjour dans ce pays[60]. Le 30 octobre, Faber se marie avec Eugénie en présence de Baugé qui est l'un des témoins[61].
À nouveau chez Peugeot, Faber ne brille pas en début de saison 1914 : une insignifiante vingt-septième place surParis-Roubaix[61] peu compensée par sa sixième place lors deBordeaux-Paris[61]. Il est donc loin d'être un des favoris lors du départ duTour de France fin juin 1914[61] au contraire de son coéquipierPhilippe Thys. Le jour même du départ,François-Ferdinand d'Autriche estassassiné à Sarajevo ce qui détourne l'attention du public vers ce qui constitue les prémices de laPremière Guerre mondiale[61]. Le 30 juin au soir, à son hôtel àCherbourg, Faber croise et échange quelques mots avecJean Jaurès[61],[62]. La course est largement dominée par l'équipe Peugeot et en particulier par Thys. Faber ne tire son épingle du jeu qu'en fin de Tour, en s'échappant pendant près de 200 kilomètres lors deBelfort -Longwy, étape qu'il remporte[61]. Il remporte également l'étape suivante entre Longwy etDunkerque, courue deux jours plus tard[63]. Le 26 juillet, il est neuvième au classement général du Tour à Paris[63]. La quinzième et dernière étape est, même s'il l'ignore, sa dernière course cycliste.
Au déclenchement de laPremière Guerre mondiale, Faber s'engage dans laLégion étrangère (car Luxembourgeois), le 22 août 1914[64]. Les raisons de cet engagement si rapide sont mal connues. Toutefois, on lui prête les propos suivants :
« La France a fait ma fortune, il est normal que je la défende[65]. »
Il signe un contrat d’engagé volontaire pour la durée de la guerre (EVDG) au bureau de recrutement de la Seine. Il est affecté au1er régiment étranger et rejoint le dépôt deBayonne dès le 23 août 1914[66] pour y faire ses classes. Il quitte ainsi son épouse Eugénie, avec qui il est marié depuis fin 1913. Ses classes terminées, il est affecté au2e régiment de marche du1er régiment étranger basé aucamp de Mailly dans l'Aube[67]. À la fin du mois d'octobre, il part avec son régiment vers lefront[67]. Le, il est nommécaporal[67] ; à peu près à la même période, il apprend qu'Eugénie est enceinte[68]. Il reçoit en mars un long courrier réconfortant d'Alphonse Baugé[Note 12]. Stationné depuis plusieurs mois àSoissons, il part àAcq puis àMont-Saint-Éloi[69]. Là-bas, il croise le soldatCharles Cruchon qu'il a côtoyé par le passé sur plusieurs Tour de France. Charles Cruchon le trouve alors« heureux et confiant »[69] comme il l'écrit dans une lettre adressée à sa famille[Note 13]. Le 5 mai, il apprend la naissance de sa fille Raymonde[70]. Le 8 mai, les hommes sont prévenus d'un assaut imminent dont l'objectif serait entre autres la prise des « Ouvrages blancs », lieu-dit escarpé situé près deMont-Saint-Éloi[70]. François Faber écrit alors une lettre à son épouse Eugénie dans laquelle il écrit :
« Pourtant on peut envisager franchement la situation car aucun de nous est immortel. Je suis donc heureux que nous soyons papa et maman car cela aurait été un cauchemar si il m'était arrivé malheur. Tout t'appartient au cas où... Faut bien l'envisager, je serai buté. Oui, jusqu'à ta mort tu pourras disposer du peu que nous avons sans même que la gosse ait à y mettre son nez[71]. »
Il disparaît le au cours de labataille de l'Artois alors que son bataillon tente de prendre les « Ouvrages blancs »[2]. Son corps n'a jamais été retrouvé et Faber sera officiellement déclaré mort par le tribunal de la Seine, le 10 mai 1918[2].
Le 21 mai 1915, Etienne Petit-Chilot écrit à sa mère :" Le mardi [11mai], même chose même carnage, même impression pénible. La plaine n'est plus qu'un charnier et le vent nous apporte des relents de putréfaction. Je passe sur le corps de François Faber, le célèbre coureur, il est crispé sur sa baïonette. Quel bel homme !".[72]
Un soldat également coureur cycliste, nommé L'Archevêque, parcourt la nuit les « Ouvrages blancs » pour tenter de retrouver le corps de Faber ; en effet, il souhaite le« faire enterrer convenablement »[73],[Note 14]. À Paris, le milieu cycliste cherche à en savoir plus et à vérifier l'information de la disparition de Faber. Ainsi Alphonse Baugé écrit ce télégramme àHenri Desgrange[73],[Note 15] :« Apprends par journaux ici que Faber aurait été tué 9 mai. Ma douleur est atroce. Vous supplie dire àSteinès m'écrire si nouvelle exacte... »Le 19 mai, l'incertitude règne encore car le journalL'Auto utilise leconditionnel dans sa une :« Nouvelles des nôtres : François Faber serait tué »[74]. Le 29 mai 1915, une communication militaire officialise sa disparition en précisant que le« Caporal Faber a ététué à l'ennemi »[75].
La morphologie de Faber a participé à le catégoriser parmi les rouleurs-routiers ; il était toutefois d'un niveau tout à fait convenable en montagne comme l'attestent certaines de ses victoires d'étapes sur leTour de France et ses passages en tête de cols comme aucol d'Allos en1911, aucol Bayard et aucol du Ballon d'Alsace en1909. De plus, en 1909, il remporte leGrand Prix de la montagne du Tour de France (alors officieux). François Faber a également remporté quelques victoires au sprint, en particulierParis-Roubaix 1913.
C'est à l'orée de la saison 1910 que la rivalité entre Faber etOctave Lapize prend toute sa dimension ; en effet, Lapize arrive alors chezAlcyon avec un statut de surdoué de la course cycliste, alors que Faber est déjà bien installé comme leader d'équipe depuis sa victoire dans leTour de France 1909. LeTour de France 1910 est l'occasion de« sabotages et guets-apens » probablement tramés dans chacun des deux camps[76]. Le caractère dantesque de ce Tour (en particulier à cause de la météo), sera relevé par la lutte fratricide qui oppose Faber et Lapize et qui se conclut par la victoire finale de ce dernier pour seulement quatre points.
Tout comme Faber, Lapize meurt au combat au cours de laPremière Guerre mondiale, le.
Les témoins de l'époque ont rapidement perçu François Faber comme étant un individu de très grand taille ce qui lui valut son surnom deGéant de Colombes[1]. S'il était effectivement grand pour son époque (1,78 mètre selon son livret militaire[1]), les nombreuses mentions journalistiques évoquant une taille de près de deux mètres, sont erronées[1] et pour le moins exagérées. Une autrelégende contemporaine a véhiculé une contre-vérité et a romancé ainsi sa rencontre avec Eugénie[1] : au cours d'une course cycliste, François Faber répare le pneu crevé de sa bicyclette quand il aperçoit une spectatrice sur le bord de la route… S'est également répandue la rumeur selon laquelle Faber aurait découvert sa nationalité luxembourgeoise par hasard. Cette légende contemporaine est également erronée : il a explicitement effectué une procédure de répudiation de lanationalité française le[1].
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| Plaque hommage à François Faber au parc municipal de Luxembourg. | |
Depuis 1918, l'épreuve cycliste duGrand Prix François-Faber est organisé auLuxembourg. Le 15 août 1924, une fête commémorative est organisée àLuxembourg[6] : un livret écrit parAlphonse Steinès et intituléÀ la mémoire d'un héros mort pour la France est publié à cette occasion[6].
Plusieurs lieux luxembourgeois portent son nom, comme la rue François-Faber[77] àLuxembourg ou encore la piste cyclable François-Faber[78] située dans lecanton d'Esch-sur-Alzette. Enfin, une plaque rendant hommage à Faber, est apposée dans leparc municipal de Luxembourg.
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| Plaque hommage à François Faber à Notre-Dame-de-Lorette. | |
Lors duTour de France 1919, le premier Tour de l'après-guerre, le peloton fait une halte le 29 juin, devant le Café de l'Usine deColombes où Faber avait ses habitudes[79].
Une plaque à la mémoire de François Faber et ses compagnons de combat est visible à Mont St-Eloi, près de la mairie.
Une plaque à la mémoire de François Faber est visible à lanécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette :« François Faber1er régiment étranger Vainqueur du Tour de France cycliste 1909 Mort pour la France en mai 1915 à Carency. »
Une rue deColombes (ancienne rue de Seine) porte son nom[80] depuis 1924[79] : c'est la rue de l'entrée principale dustade olympique Yves-du-Manoir. À Colombes également, son nom est inscrit sur le socle dumonument aux morts[81]. ÀRoubaix, un pavé situé sur l'alléeCharles-Crupelandt rappelle sa victoire en1913.
En 2013, la4e édition de l'épreuvecyclotouristeSolidaire de la Légion[Note 16] est dédiée à François Faber[82].
EnGuyane française, où stationne le3e Régiment étranger d'infanterie dans lequel François Faber a servi durant laGrande Guerre (Régiment de marche de la Légion étrangère à ce moment), un camp en bordure de la crique Ouybo porte le nom du cycliste. Ce camp a été la première emprise dédiée à l'entraînement commando en Guyane à la fin des années 70. Il est l'embryon duCentre d'Entraînement en Forêt Equatoriale (CEFE) implanté àRégina depuis.
Louis-Ferdinand Céline évoque le« beau Faber » dansMort à crédit[83] :
« Fini de commenter les annonces, les drôles d'amorces du boulot, avec épreuves « Buffalo » et lessix jours en perspective etMorin et le beau Faber favori... Ceux qui préféraient duLongchamp se planquaient dans le coin opposé[84]... »
Les principaux éléments de palmarès de François Faber sont présentés ci-dessous[85].
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