En 1840, il est couronné roi de Prusse après le décès de son père. Au début de son règne, il cherche à faire augmenter le pouvoir de l'aristocratie terrienne. Il se détourne des mesures répressives de son père, notamment en ce qui concerne la censure, mais ne laisse pas le pouvoir aux assemblées populaires, préférant une collaboration avec des comités unis. L’événement majeur de son règne reste cependant larévolution de mars 1848 àBerlin. Les parlements sont dissous et les nouvelles assemblées proposent au Roi la couronne impériale d’Allemagne. Ce dernier refuse car l’assemblée n’est pas légitime et il est mis fin à la révolution, sans toutefois le bain de sang qui a caractérisé, peu auparavant à Paris, la répression deCavaignac commandité par la bourgeoisie progressiste française: à Berlin, le vieuxgénéral von Wrangel ("Papa Wrangel") se contente de faire défiler ses troupes et de s'adresser aux Berlinois dans leur dialecte, et tout rentre dans l'ordre[1]. À la fin de son règne, le roi est déclaré inapte à régner du fait de l’altération de ses facultés mentales ; c’est alors son frère et héritier,Guillaume, qui assure la régence jusqu’à la mort du roi.
Portrait du jeune prince héritier Frédéric-Guillaume.
Beaucoup deprécepteurs du jeune prince héritier sont des fonctionnaires expérimentés. Certains le marquent à vie, commeFrédéric Ancillon. Frédéric-Guillaume a une expérience militaire dans l'armée contreNapoléon Bonaparte, cependant il est un soldat indifférent. C'est un dessinateur qui manifeste un profond penchant pour les arts. Considéré comme un architecte ceint de la couronne, il prépare directement des projets et assume le suivi de certains autres comme les modifications urbanistiques deBerlin, la création de jardins, comme celui de sa villa italienne àCharlottenhof (avecLenné), ou l'édification d'églises, de monuments ou de châteaux, comme lechâteau de l'Orangerie. Il est le commanditaire de plusieurs grands artistes allemands, dont l'architecteKarl Friedrich Schinkel qu'il finance pour achever lacathédrale de Cologne, immense entreprise, et la reconstruction duchâteau de Stolzenfels.
Frédéric-Guillaume, que l'on surnomme « le romantique sur le trône » ou encore le « Roi romantique », est passionné par leromantisme et affiche son goût duMoyen Âge. Il fait partager cette passion à ses frères et à ses cousins, propriétaires de plusieurs domaines et châteaux au bord du Rhin, pour leur faire faire des aménagements et des modifications dans un style néo-gothique romantique très découpé.
Son arrivée sur le trône à l'âge de quarante-cinq ans, le, soulève d'immenses espoirs. Son penchant pour le romantisme est considéré avec sympathie, cette attirance constituant un garant de l'identité allemande, et un changement est attendu pour en finir avec la politique répressive de son père[2]. En effet, il met fin à la carrière de l'ancien ministre de la justiceKarl Albert von Kamptz, rappellevon Boyen au poste de ministre de la Guerre[3], nomme les frèresGrimm à l'Académie, et amnistie les prisonniers politiques. Il allège la censure en 1841, libère l'archevêque de Cologne,MgrClément-Auguste Droste zu Vischering, pour apaiser ses sujets rhénans, et rétablit l'usage habituel dupolonais dans legrand-duché de Posen.
L'assemblée deKönigsberg, empreinte pour cause d'un certain espritkantien, est la première à lui rappeler les promesses de 1815. Le roi réunit les parlements provinciaux, mais sans véritable effet. Pourtant ceux-ci, notamment ceux deWestphalie, dePrusse et deCoblence, réclament en 1845 de reprendre le débat constitutionnel. À l'occasion de la discussion parlementaire autour du projet de construction duOstbahn, ligne dechemin de fer reliantBerlin àKönigsberg[4]. Une session du Landtag uni est convoquée ; les débats, ayant pour thème principal le montant de la participation de l'État à la construction de cette ligne ferroviaire, sont largement commentés dans la presse, en particulier rhénane, la plus libérale.
En 1848, il renonce à son titre de prince deNeuchâtel enSuisse, à la suite de la révolution qui a secoué la principauté et instauré larépublique. Il s'y était rendu en visite officielle, en compagnie de son épouseElisabeth de Bavière, en 1842.
« Je dois la prendre ? ou pas ? si ?! » (caricature de 1848).
D'abord opposé à l'unification de l'Allemagne et favorable à une directionautrichienne de l'Allemagne (ce qu'on appelle la « Solution grande-allemande » ougroßdeutsche Lösung en Allemand), il accepte lors desrévoltes de 1848 de promouvoir l'unification et la formation d'un gouvernement libéral. Cependant lorsqu'il reprend la situation en main, il fait occuper Berlin par l'armée et dissout l'assemblée en décembre. Lorsque l'assemblée nationale de Francfort lui propose le la couronne d'Allemagne, il la refuse, officiellement car il considère que ce titre ne pourrait lui être accordé que par l'ensemble des princes et rois d'Allemagne, en privé il déclare qu'il« ne la ramasserait pas dans le caniveau ». Lui, roi dedroit divin, ne veut pas devenir un roi de droit populaire, élu par les« cordonniers et les gantiers »[5],[6] et« béni par les charcutiers et les boulangers »[7],[8]. Il essaye d'établir l'union d'Erfurt, un rassemblement des États excluant l'Autriche, mais par la reculade d'Olmütz, le, il y renonce face à la résistance autrichienne. En réaction, il oppose une fin de non-recevoir lorsque le jeune empereurFrançois-JosephIer d'Autriche demande la main de la princesseAnne de Prusse.
Photographie de Frédéric-Guillaume IV (1847).
Plutôt que de revenir à la règle bureaucratique, Frédéric-Guillaume promulgue alors unenouvelle constitution, instituant leparlement de deux chambres sur le modèle britannique, lachambre haute composée de membres de l'aristocratie et lachambre basse élue selon un systèmecensitaire, dépendant donc des impôts payés. Le roi conserve le droit de nommer tous les ministres et les fonctionnaires et garde ainsi la maîtrise de la bureaucratie et de l'armée. Cette constitution demeure en place jusqu'à la défaite de1918.
Unecongestion cérébrale laisse le roi partiellement paralysé et largement incapable mentalement. Comme il est sans postérité, c'est son frère cadetGuillaume qui assume larégence à partir de1858, avant de lui succéder sous le nom deGuillaumeIer de Prusse lorsque Frédéric-Guillaume meurt à 65 ans en1861. Il est enterré dans la crypte de l'égliseFriedenskirche (église de la paix).