Pour l’article ayant un titre homophone, voirForêt (homonymie).
| Forez | |||
Plaine etmonts du Forez. | |||
| Pays | France | ||
|---|---|---|---|
| Subdivision administrative | Auvergne-Rhône-Alpes | ||
| Subdivision administrative | Loire | ||
| Villes principales | Feurs Montbrison Saint-Just-Saint-Rambert Saint-Étienne | ||
| Coordonnées | 45° 44′ 37″ nord, 4° 13′ 19″ est | ||
| Superficie approximative | ~600 km2 | ||
| Relief | Plaine, montagne | ||
| Régions naturelles voisines | Roannais Lyonnais Haut-Vivarais Velay Livradois | ||
Géolocalisation sur la carte :France Géolocalisation sur la carte :Auvergne-Rhône-Alpes | |||
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LeForez (prononcé/fɔ.ʁɛ/ ; enforézienForêz) est unerégion naturelle ethistoriquefrançaise située, pour l'essentiel, dans la partie centrale de l'actuel département de laLoire (régionAuvergne-Rhône-Alpes).
Cette région est au cœur ducomté de Forez puis de laprovince de Forez sous l'Ancien Régime, cette dernière englobant tardivement une bonne partie des régions duRoannais et duJarez (dont la ville deSaint-Étienne).
Constituée d'une vaste plaine traversée par lefleuve Loire et entourée de monts, la région du Forez correspondrait aux limites dupagus forensis ou pays deFeurs (l'antiqueforumsegusiavorum qui donna son nom à la région). Cepagus est l'une des divisions administratives du territoire desSégusiaves sousAuguste[1], qui perdura sous lesCarolingiens.
Depuis 1998, une grande partie de cette région est labelliséePays d'art et d'histoire du Forez et incluse dans unPays du Forez depuis 2004.
Culturellement, la région du Forez est associée à un paysage globalementrural, évoluant depuis la plaine jusqu'auxHautes Chaumes ; à l'eau (Loire et ses affluents,canal, étangs, sources d'eau minérale -Badoit,Parot, Montarcher - et thermale) ; à des productions agricoles (Côtes-du-forez,Fourme de Montbrison[2],poule Cou nu du Forez) ; à des édifices duMoyen Âge (églises, prieurés et châteaux) et de laRenaissance (Château de la Bastie d'Urfé) ; à des savoir-faire artisanaux et industriels dans les domaines du textile (travail de la soie et textile médical), du fer (La Boule Obut,Chapuis Armes) et du verre (Verrerie de Saint-Just).
Les habitants du Forez sont appelésForéziens et le dialecte de la languearpitane qu'on y parlait et qui est encore très rarement parlé est traditionnellement appelé leforézien. L'emploi de l'occitan était courant à l'ouest et au sud-ouest du Forez. Le Forez est le théâtre d'un livre majeur de lalittérature française :L'Astrée d'Honoré d'Urfé.
L'explication du nomForez par l'homophonie avec « forêt »[3], qui fut souvent considérée comme fautive[4], pourrait néanmoins s'appuyer sur une origine commune des deux termes. En effet, si lepagus forensis desCarolingiens a bel et bien reçu son nom de la ville deFeurs (l'antiqueForum Segusiavorum, littéralement le forum desSégusiaves), le toponyme "Forez", dérivant deforum segusiavorum a probablement désigné initialement un ensemble de terres à caractère public antique (ager publicus)[5] des Ségusiaves libres vivants à l'extérieur de lacolonie romaine de Lyon[6], terres publiques qui auraient par la suite formé le comté.
Lez final du nomForez est muet dans son utilisation en règle générale, notamment dans le département de laLoire. En ce sens la prononciation suit celle des toponymes francoprovençaux. Enalphabet phonétique international (API), le nom de la province se lit /fɔ.ʁɛ/ et est donc strictement homophone des motsforêt etforet.
De manière générale, dans la prononciation régionale, les finales S, ST, Z, PT, X des noms propres ne se prononcent pas. Par exemple,Saint-Just-en-Chevalet se prononcesinjuanchvalè,Villerestvilrè,Marcloptmarclô,Nandaxnanda, etc.Saint-Genest-Lerpt, à côté deSaint-Étienne, semble cumuler en se prononçant simplement commesinge-nè-l'air ainsi queSaint-Priest-en-Jarez qui se prononcesinprié enjarè au contraire deSaint-Priest dans le Rhône par exemple, actuellement prononcésinprieste par ses habitants alors que dans les années 1960, les anciens du lieu prononçaient "sinpriè".
Néanmoins, le z final n'est pas muet dans la partie située en Auvergne en limite avec lavallée de la Dore (dans la partie occidentale desmonts du Forez et le reste du Puy-de-Dôme). En effet, sur cette zone la prononciation du nom dérive de l'occitan et donc de lalangue d'oc. Ainsi unthiernois prononcera le z alors qu'unroannais ne le prononcera pas.
Cette région est composée d'une plaine éponyme traversée par le fleuveLoire, du versant oriental desmonts du Forez ainsi que du versant occidental desmonts du Lyonnais.
Il est possible d'identifier au moins 154 communes appartenant à cette région[7], dont une majorité sont regroupées au sein d'unPays du Forez (132 communes en 2016).

La plaine du Forez, s'étend sur environ 760 kilomètres carrés à l'est duMassif central, au centre du département de laLoire, pour une altitude se situant autour de 350 à 400 m. Elle correspond à un effondrement de l'époquetertiaire encadré par lesmontagnes du matin (monts du Lyonnais) à l'est, lesmontagnes du soir (monts du Forez) à l'ouest, le seuil deNeulise au nord et lesgorges de la Loire au sud. Le sol est recouvert d'une forte épaisseur d'alluvions composés de couches d’argile et de sable granitique. La plaine du Forez appartient, avec laplaine d'Alsace et laLimagne, au système de plaines d'effondrements durift ouest-européen qui court de lamer du Nord à laMéditerranée daté de l'éocène etoligocène.
L'eau est très présente dans cette plaine du Forez. En effet, laLoire la traverse du sud au nord. De plus, cette plaine est parsemée de nombreux étangs créés à partir duXIIIe siècle pour lapisciculture. On compte aujourd'hui environ 300 étangs pour une superficie de1 500 hectares mais il y avait 600 à 700 étangs au début duXIXe siècle, pour une surface de3 000 à3 600 hectares[8]. La plaine est également irriguée par lecanal du Forez. Par ailleurs, plusieurs sources d'eaux minérales sont encore exploitées :Badoit àSaint-Galmier etParot àSaint-Romain-le-Puy. Enfin, si le thermalisme àMontrond-les-Bains date de 1885[9],Moingt accueillait à l'époque romaine des thermes et s'appelait Aquae Segetae.
Le sud de la plaine se rattache par ses activités industrielles et larurbanisation à l'agglomérationstéphanoise, le nord a gardé un caractère plus rural, polarisé par les villes deFeurs et deMontbrison.
Le sud de la plaine s'est industrialisé à partir des années 1960. Sous l'initiative des communes Andrézieux / Bouthéon (pas encoreunies à l'époque), Saint-Just / Saint-Rambert (de même),Bonson etSaint-Cyprien, une politique de développement industriel se met en place, sous l'égide de la SEDL (Société d'équipement et de développement de la Loire). Le préfet y oriente les investissements, et favorise les regroupements de communes. Au début il s'agissait d'attirer de nouvelles entreprises, extérieures à la région. Les résultats arrivent dans les années 1970. Dans les faits, ce sont des entreprises venant de Saint-Étienne ou des vallées de l'Ondaine et du Gier qui se sont installées, la chute des emplois dans ces anciens territoires n'étant pas compensée dans l'opération de déménagement. L'avantage de ces nouveaux territoires venait de la faiblesse du cout des terrains agricoles, et de ce que les terrains disponibles sont plats. Avec lenouvel aéroport, cet espace a aujourd'hui complètement perdu son caractère rural, mais bénéficie d'une certaine aisance économique[10].


Situés à l'ouest du département de laLoire, lesmonts du Forez sont appelés localementmontagnes du Soir. Le point culminant estPierre-sur-Haute (1 631 m).Le socle des monts du Forez est constitué deroches magmatiques (granites) etmétamorphiques (gneiss). L'édification de la chaîne s'est réalisée à l'Ère primaire. AuTertiaire, le cycle alpin a créé le relief actuel avec des monts et des vallées. Cet épisode se termine par une phase volcaniqueMiocène. Puis les glaciations duQuaternaire ont érodé le paysage pour donner la forme actuelle.
Vers 1 400 mètres d'altitude, les vastes forêts dehêtres et desapins, laissent place à deslandes ettourbières à la diversité floristique remarquable[11] : lesHautes Chaumes, site classéNatura 2000[12] qui abrite également laréserve naturelle régionale des Jasseries de Colleigne. Le climat des hautes Chaumes se caractérise par la présence de laburle, vent du nord formant d'importants amas neigeux et expliquant l'absence d'arbres sur les plateaux sommitaux, ainsi que de brouillards fréquents (132 jours par an) occasionnant du givre[11].
La ligne de crête desmonts du Forez constitue une frontière naturelle est-ouest entre deux zones distinctes bien que très apparentées :
LePays, au sens des loisPasqua etVoynet, est un lieu privilégié de coopération entre collectivités locales. Dans le Forez, il prend la forme d'unsyndicat mixte des Pays du Forez, créée en 2004 et regroupait huitintercommunalités de la région du Forez (les sept premières situées dans laLoire et la dernière dans lePuy-de-Dôme) :
En 2016, le Pays du Forez couvre, ainsi, une majorité de la région historique et naturelle du Forez, soit une superficie de plus de 2 013 km2 répartie en 132 communes[14] et représentant 169 700 habitants[15].
Le syndicat mixte porte également le label nationalPays d'art et d'histoire du Forez depuis 2006. Un premier label avait déjà été obtenu en 1998 pour 90 communes[16].
En tant qu'ancienneprovince et anciencomté, le Forez s'est étendu sur la région du Forez proprement dite mais également sur une bonne partie duRoannais, du Lyonnais et duJarez, avec des incursions dans les départements actuels deHaute-Loire,Puy-de-Dôme etAllier.
Même si elles ont pu être modifiées au cours des siècles par les découpages, les mariages et les transactions, les limites géographiques de la province du Forez sont[17] :
Au nord, les limites de l'ancienne province du Forez sont assez lointaines, puisqu'elles englobent la petite cité médiévale deMontaiguët-en-Forez qui, située dans le département de l'Allier, est largement au nord-ouest deRoanne. En revanche, siRoanne est historiquement en Forez, bien que séparée de la plaine du Forez par le Seuil deNeulise, la ville qui lui fait face sur l'autre rive de laLoire,Le Coteau, était rattachée à l'ancienne province duBeaujolais.
La capitale de ce territoire futFeurs puisMontbrison, deux villes de la plaine du Forez, mais dès la fin de l'Ancien Régime, avec l'essor de l'industrie, c'estSaint-Étienne, ville de l'ancienJarez, qui devint la ville « la plus considérable du Forez »[18].
Le nom deForez participe à la dénomination duparc naturel régional Livradois-Forez, créé en 1986, situé principalement sur le versant occidental des monts du Forez, pour la plus grande partie dans lePuy-de-Dôme (essentiellement arrondissements d'Ambert et deThiers), mais aussi dans le nord de laHaute-Loire. Depuis 2011, cinq communes de laLoire font également partie de ce parc naturel régional[19]. Trois communes ligériennes supplémentaires l'intègrent en 2017.
La présence humaine en Forez remonterait jusqu'à 100 000 ou 200 000 ans. On signale ainsi des pointes et des racloirs caractéristiques dans la plaine du Forez : un millier d'outils en silex ont été recensés dans tout le département[20]. Les vestiges, s'ils sont plus nombreux enRoannais, n'attestent pourtant pas une présence humaine plus importante que dans le Forez strict : l'importante couche de sédiments de la plaine peut dissimuler de nombreux objets. Le témoin le plus ancien et le plus significatif de la présence du Paléolithique supérieur, découvert en 1880, est effectivement près deVillerest, dans lesgorges de la Loire, à proximité de l'agglomération roannaise. En revanche, on relève la Grotte des fées àSail-sous-Couzan, dans le Forez, comme un lieu notable avec la présence d'une centaine de silex taillés, issus pour une partie duMagdalénien (17 000 à 12 000 av. J.-C.)[21].
LeNéolithique a donné d'abondantes récoltes de vestiges de surface dans la plaine du Forez : dolmens àBalbigny (aujourd'hui détruits), hache bipenne àPrécieux,Dolmen de Roche-Cubertelle àLuriecq dans lesmonts du Forez proches. Lacivilisation chasséenne, entre le IVe et le IIIe millénaire av. J.-C., donne des traces importantes en termes de céramiques, de silex, de pointe de flèches ou encore de meules, comme àSaint-Georges-en-Couzan,Périgneux ou encore dans les monts d'Uzore[22].
L'âge du bronze laisse d'importants vestiges du bronze moyen et final (entre 1500 et 800 av. J.-C.). Pour le bronze moyen, on relève des bracelets en bronze (Vinol, commune deBard), une hache à talon et des faucilles (Précieux) ou encore divers objets isolés à Lijay (commune deDébats-Rivière-d'Orpra), Essalois (commune deChambles) ou encore àChalmazel. Pour le bronze final, il s'agît là encore d'une hache à talon ainsi que d'un poignard dans lesmonts du Lyonnais àGrammond, de fragments de lame au Bout du Monde àFeurs, ou un nouveau bracelet décoré àMontverdun<[23].
Plus récemment, des fouilles diverses ont révélé de nouveaux éléments quant à l'occupation de la plaine du Forez au Néolithique et à l'âge du bronze :

Le territoire du peuple desSégusiaves[30] s'étendait initialement sur le Forez mais aussi sur la majeure partie des départements actuels de laLoire et duRhône, au moins jusqu'àLyon et les rives de laSaône.
Avant43 av. J.-C., les colons militaires chassés deVienne y avaient trouvé refuge à l'emplacement où allait être fondée laColonia Copia Felix Munatia, bientôt rebaptiséeCopia Lugdunum[31]. La perte de ce territoire expliquerait que sousAuguste Rome reconnut àForum Segusiavorum le titre de cité libre[32] et ainsi aux Ségusiaves le statut juridique de peuple libre (Civitas Segusiavorum Libera).

Les sources historiques relatives au Forez sont bien connues et sont intégralement publiées sous le titre de« chartes du Forez ».
Le Forez intègre vers 955 le royaume du Bourgogne, probablement apporté en dot lors du mariage deMathilde de France avecConrad de Bourgogne. Dès lors, un conflit chronique entre l'autorité comtale en Forez et l'Église de Lyon sur la question des droits sur Lyon et le lyonnais perdure jusqu'à la fin duXIIe siècle[33].
En1167,Guigues II de Forez élevé sous la protection du roi, rend hommage àLouis VII pour l'ensemble des places fortes qu'il occupait pour le roi en Forez[34],[35],[36].
Après une première transaction rétablissant les droits du comte sur Lyon, est conclue en 1173 lapermutatio, l'acte de vente de la majeure partie des possessions lyonnaise du comte, accord qui est ratifié par le roi de France et le pape. Le comte de Forez renonçait à ses prétentions sur toute la rive gauche de laSaône, tout en assurant très probablement l'accession future de son fils cadetRenaud de Forez à l'archevêché de Lyon.
Dès le début duXIIe siècle, le Forez paraît dans les chartes avoir été une terre« libre » où l'achat, la vente et la transmission des terres se faisait, moyennant les droits en usage, en toute liberté. De même, les sources ne portent pas mention d'un quelconque système deservage[37].
Le titre de capitale du comté est retiré à la ville deFeurs, le, par lettres patentes deCharlesIer de Bourbon,5e duc de Bourbon, duc d'Auvergne, comte de Forez et comte de Clermont (en Beauvaisis) et accordé à la ville deMontbrison[38]. Ce transfert de capitale est confirmé, l'année suivante, par d'autres lettres patentes signées à Moulins. Toutefois, l'antique cité continuera à jouer un certain rôle dans la vie du fief comtal.
Trois dynasties de comtes se succédent dans le Forez ; la dernière est celle deBourbon, à laquelle le Forez échoit par le mariage deLouisII, duc de Bourbon, avecAnne de Forez, dauphine d'Auvergne, seule héritière de ce comté[39]. Après la défection du connétableCharlesIII (1523), le Forez est confisqué et peu après (1531) il est réuni à la couronne de France.

En 1542, la province du Forez intègre lagénéralité de Lyon, structure administrative comprenant également les provinces duLyonnais et duBeaujolais.
Lors de laRévolution française, la province du Forez est intégrée dans un éphémère département deRhône-et-Loire (1790-1793) qui reprenait les limites territoriales de lagénéralité de Lyon. Ce département a une histoire très courte car, à la suite dusoulèvement de Lyon contre la Convention nationale, il est scindé en deux :
Le Forez a été la première région française équipée devoies ferrées. La première descendait, dès 1827, deSaint-Étienne jusqu'au port d'Andrézieux, sur laLoire, où lecharbon stéphanois apporté par rail était alors transbordé dans des bateaux rudimentaires conçus pour un seul voyage, les « rambertes » ou « salambardes ».
En 1830, lesfrères Seguin ouvraient une seconde ligne deSaint-Étienne àLyon par la vallée duGier.
En 1833, lapremière ligne Saint-Étienne-Andrézieux était prolongée jusqu'auCoteau près de Roanne, traversant toute la plaine du Forez du sud au nord et franchissant le seuil deNeulise. Le tracé de cette ancienne ligne est encore bien visible entreBalbigny etRoanne, cette partie du tracé ayant été abandonnée et déplacée lors de l'ouverture de la ligne deNevers àLyon parSaint-Germain-des-Fossés etRoanne en 1858.
En 1838, le premiertramway de France est mis en service sur la route entreMontrond-les-Bains etMontbrison, soit 15 kilomètres à travers la plaine du Forez[40].
Vaste cuvette, la plaine du Forez a longtemps contrarié l'agriculture des hommes. Par ses caractéristiques géologiques et l'absence de relief, elle renfermait des sols minces et gorgés d'eau une large partie de l'année, l'été étant au contraire régulièrement caniculaire et asséchant gravement les terres. L'humidité des sols empêche le développement d'une végétation haute, et les arbres sont rares. La plaine fait vivre durement ses paysans, la qualité médiocre de ses sols obligeant à un dur labeur pour de bien maigres résultats. Pour ne rien arranger, les eaux stagnantes à cause d'un drainage inefficace offrent un terreau de maladies et la mortalité est forte. On cultive alors principalement les céréales au sein de larges propriétés qui emploient quelques grangers miséreux (des métayers). Les grands propriétaires, peu soucieux de leurs terres, de l'état de leurs grangers et davantage préoccupés par le rendement économique, privilégient alors les cultures les plus rentables financièrement. Les conditions de vie et de travail difficiles ainsi que la mortalité importante attirent peu, entraînant alors une densité de population parfois très faible, bien plus basse que les populeux monts du Forez[41]. François Tomas dit que la structure agraire de la plaine dévore les hommes[42].

Le développement des sociétés d'agriculture autant que l'arrivée de capitaux issus du bassin houiller stéphanois va permettre au cours duXIXe siècle de redonner vie à la plaine du Forez[43]. Des industriels rubaniers et de la mine, sinon des nobles de titres récents se lancent dans l'aventure sur les conseils de la société d'agriculture de Montbrison, qui prêche les bons usages et les bonnes pratiques de la terre. Alors que l'agriculture est rudimentaire et le travail des champs inefficace, on se lance alors dans une vaste d'entreprise de drainage de toute la plaine. Des fossés bien disposés parsèment tout le territoire et les outils se modernisent[44]. Bien qu'on élimine l'eau des terres, on pense aussi aux périodes de sécheresse, car paradoxalement la plaine du Forez est un des pays les moins pluvieux de France. C'est un problème : alors que le conseil général préconise l'élimination des étangs, qu'on accuse de propager les maladies et les fièvres, les agriculteurs souhaitent quant à eux les préserver pour l'irrigation des champs. Finalement, de nombreux étangs se créent principalement dans ce but, même si l'on élimine les plus insalubres. LeXIXe siècle voit leur apogée quant au nombre et à la surface. Leur répartition est cependant inégale, et on souhaite aussi améliorer l'irrigation par la création de plusieurs canaux. Le seul créé sera finalement lecanal du Forez, dont la construction commence 1865, auquel on additionne de nombreuses artères et canalisations pour un total de 300 km de voies d'eau.
Une mutation paysagère s'opère alors. Non seulement les sols changent, mais aussi l'agriculture. Avec l'irrigation, on permet la mise en pré (l'emprayage) de nombreux champs au mauvais rendement, ainsi que de landes inutiles. On développe donc massivement l'élevage bovin, alors que la demande de viande de boucherie en provenance de Saint-Étienne est forte. En même temps, les paysans bénéficient de davantage de bêtes de traits pour les travaux des champs. Possession noble en même temps que nécessité militaire, l'élevage des chevaux se répand également par la main de ce qu'on appelle déjà les gentilshommes foréziens[45]. Ces derniers organisent leur domaine selon un idéal aristocratique, additionnant à la grande ferme carrée et isolée, un château et un parc. C'est finalement selon leur convenance que se développe une végétation haute dans la plaine, avec la plantation de bois autour des étangs et de grandes allées boisées. L'emprayage permet et surtout oblige la création de haies pour clore les prés.
Avec cette révolution agricole, la plaine du Forez se retrouve métamorphosée. D'un paysage nu fait de landes et de champs médiocres, leXIXe siècle marque l'arrivée d'un paysage de semi-bocages, alternant entre champs et prés verts[46]. Les arbres, autrefois rares, la parsèment aujourd'hui largement. Le paysage forézien s'en retrouve réinventé par la main de l'homme.
Dans son habitat et ses fermes, l'architecture traditionnelle en Forez est relativement variée. Cette diversité est directement issue de la variété importante du relief et des composantes géologiques. Ainsi, deux grands domaines se dessinent, la transition s'opérant entre eux étant plus ou moins rude : une vaste dépression composée de sédiments argilo-sableux dans la plaine du Forez, une région granitique de moyenne montagne aux vallées étroites dans lesmonts du Forez[47]. Deux grands matériaux dictent donc la plupart des constructions : la terre par lepisé en dessous de 500 mètres d'altitude, la pierre degranite au-delà. Le toit à pente faible à deux pans est la norme à peu près partout et traditionnellement couvert par de la tuile-canal. Néanmoins la tuile mécanique a pu parfois prendre une place importante en plaine à partir de 1900[48].
La ferme rudimentaire de la plaine est généralement basse, toujours en pisé, comprenant sous le même toit l'habitation et la grange-étable au sein d'un volume compact mais sans véritable ordonnancement. En revanche, la ferme isolée duXIXe siècle, régnant sur un vaste domaine foncier, est beaucoup plus ample. Généralement de forme carrée, close par de hauts murs, elle dispose de vastes bâtiments bien ordonnés entourant une large cour[49]. L'habitat des bourgs de la plaine est lui aussi composé en pisé, rarement en pierre. Celle-ci forme surtout le soubassement de toutes les constructions de pisé, du mur simple jusqu'à la grange. Quand la pierre n'est pas issue directement du sol et des premiers contreforts des monts du Forez, on utilise les galets longeant les différents cours d'eau. Les encadrements de fenêtres et de portes sont soit en bois, soit en briques d'argile, son exploitation étant devenue très importante auXIXe siècle. Des corniches composées de tuiles ou de briques agrémentent l'ensemble.
En s'élevant en altitude, le pisé disparaît peu à peu et fait place au granite comme principal matériau de construction. La ferme est alors presque uniquement bâtie en pierre locale, très rarement taillée. On utilise principalement la pierre taillée pour les encadrements et les chaînes d'angles. Le basalte fait quelquefois son apparition quand la construction prend place sur un ancien pic basaltique[50]. Arrivée tardivement, à une époque où les constructions de fermes sont déjà devenues rares, la brique n'y est pas courante. Construite directement sur le sol de granite, la ferme s'adapte au terrain et dispose dans un premier temps son habitation et ses pièces destinées à l'usage agricole sous le même toit. Plus tard, et avec l'amélioration des conditions de vie et d'exploitation, la ferme s'agrandit, s'élève en hauteur, dissémine ou prolonge parfois ses bâtiments en longueur ou en forme de L[51]. La répartition hétéroclite des ouvertures fait de plus en plus place à leur ordonnancement au cours duXIXe siècle. On profite parfois des avantages du terrain pour bâtir un montoir pour permettre l'accès des chars à la grange, l'étable se trouvant en dessous.
La galerie, aître ou être, a longtemps été un élément essentiel de la ferme ancienne de plaine ou de montagne et notamment dans la partie nord-ouest du Forez. Sorte de balcon de bois abrité sous le toit auquel on grimpe par un escalier, l'être permet d'accéder aux pièces d'habitation en hauteur. Encore largement édifiée jusqu'auXVIIIe siècle, son usage a presque disparu par la suite. Il subsistait encore 280 à 300 maisons à galerie dans les années 1980[52].



Deux produits du terroir du Forez bénéficient, chacun, d'uneAOC et sont mis en avant dans le cadre de la reconquête de l’identité du territoire forézien[53] : lafourme de Montbrison et lescôtes-du-forez.
Parmi les autres produits et spécialités gastronomiques remarquables du Forez, on peut citer les eaux minérales gazeuses deBadoit (Saint-Galmier) et deParot (Saint-Romain-le-Puy), leBoudin d'herbes du secteur deBoën, le brochet et la carpe élevés dans les étangs de la plaine, la truite et l'écrevisse duLignon, les myrtilles desmonts du Forez, lepâté (pâtisserie).
Certains mets ne sont pas spécifiques au Forez mais font partie intégrante de sa cuisine : lesrâpées, lasalade de barabans (pissenlits et lardons cuits), labrique du Forez, leSarasson, lesbugnes, lesmatefaims.
À noter qu'une partie du Forez se trouve dans l'Indication géographique protégée desvins de pays d'urfé.
L’Astrée est unroman pastoral, publié de 1607 à 1627, parHonoré d'Urfé, qui se déroule dans le Forez, région qui est évoquée très élogieusement au tout début du livre par cette introduction :
« Auprès de l’ancienne ville deLyon, du côté du soleil couchant, il y a un pays nommé Forez, qui en sa petitesse contient ce qu’il y a de plus rare au reste desGaules, car étant divisé en plaines et en montagnes, les unes et les autres sont si fertiles, et situées en un air si tempéré que la terre y est capable de tout ce que peut désirer le laboureur. Au cœur du pays est le plus beau de la plaine, ceinte comme d'une forte muraille des monts assez voisins, et arrosée du fleuve de Loire, qui, prenant sa source assez près de là, passe presque par le milieu, non point encore trop enflé ni orgueilleux, mais doux et paisible. Plusieurs autres ruisseaux en divers lieux la vont baignant de leurs claires ondes ; mais l’un des plus beaux estLignon, qui vagabond en son cours, aussi bien que douteux en sa source, va serpentant par cette plaine depuis les hautes montagnes deCervières et deChalmazel jusqu'àFeurs oùLoire le recevant, et lui faisant perdre son nom propre, l’emporte pour tribut à l’Océan... »
L’apparente fierté de l’auteur du texte précédent vient probablement du fait qu’il fut lui-même habitant de la région décrite, et ce dans le château Renaissance de laBastie d'Urfé, construit par son grand-père,Claude d'Urfé. Aussi, et c’est en cela que le livre perdure à travers les âges depuis sa rédaction, le théâtre des actions racontées dans le livre est toujours présent dans le Forez, et, ayant conservé les mêmes noms, les lieux et les itinéraires sont particulièrement propices à l’évocation duroman. Ainsi, à côté de la Bastie d'Urfé (Saint-Étienne-le-Molard), le long duLignon du Forez, un petit itinéraire-souvenir a été créé :les Chemins de l'Astrée.
LeLignon du Forez, encore présent aujourd’hui, a une place importante dans l’œuvre d’Honoré d’Urfé, et est décrit de la manière suivante par l’auteur :« … Le cours de cette rivière, qui passant, contre les murailles de la ville deBoën, semble couper cette plaine presque par le milieu, s’allant rendre au-dessous de Feurs dans le sein de la Loire… ».L’Astrée a tellement marqué les esprits, que dans le Forez, autour de Boën, s'est créée laCommunauté de communes du Pays d'Astrée.
Œuvre littéraire majeure duXVIIe siècle,l’Astrée est parfois appelé « le Roman des romans », d’abord par sa taille, qui fait qu’on le considère comme le premierroman-fleuve de lalittérature française (6 parties, 40 histoires, 60 livres, 5 399 pages), mais aussi par le succès considérable qu’il a eu dans l’Europe tout entière (traduit en un grand nombre de langues et lu par toutes les cours européennes).
Dans son livreLe Sentiment géographique (Gallimard, collection "Le Chemin", 1976 ; "L'Imaginaire", 1989), le romancierMichel Chaillou propose une rêverie autour des premières pages deL'Astrée qui représente une étape dans la redécouverte du texte à l'époque contemporaine :
« J'aimerais parler d'un livre, l'Astrée, très lu sous Louis XIII, je souhaiterais qu'il fût pays, pays avec villages et collines, hameaux et fermes isolées, pays que les pas peuvent atteindre et les troupeaux investir, mais les prés restent à leur place entre Roanne et Saint-Étienne et la lecture n'est pas la marche, à première vue »[54].
Victor de Laprade, poète et littérateur naît àMontbrison en 1812. Attaché à sa région natale, il prend plusieurs fois le Forez comme cadre de ses romans. Il l'évoque ainsi en des termes passionnés dans une lettre à Jean Tisseur, le 17 juin 1881 :
« Je contemple avec amour de ma chaise longue, cette plaine et ces montagnes dont je connais les moindres replis. Ce pays est entièrement mon auteur : il m'a fait cœur et âme ; il ne me rappelle que des souvenirs paisibles et sacrés. »[55]
Sa grande histoire forézienne est Pernette, qu'il rédige et publie vers 1869. Il la place très précisément entre Montbrison et Pierre-sur-Haute, sur les communes deRoche et deSaint-Bonnet-le-Courreau. Elle narre l'invasion du Forez par les troupes cosaques après l'abdication deNapoléon Ier en 1814, à travers une famille de paysans. Pierre en est membre, et prend la tête d'une résistance à l'envahisseur, le menant dans un combat au cours duquel il meurt dans les bras de sa toute jeune épouse, Pernette[56]. À travers cette idylle, se cache un rejet du Ier Empire, et par ce biais, du Second Empire deNapoléon III. Victor de Laprade en paiera le prix et sera révoqué de ses fonctions de professeur. Il finira ses jours àLyon, mais tiendra à être enterré à Montbrison, où une cérémonie funèbre eut lieu à lacollégiale Notre-Dame[57].