Pour les articles homonymes, voirContinuité.
Enmathématiques, lacontinuité est une propriététopologique d'unefonction. En première approche, une fonctionf estcontinue si, à des variations infinitésimales de la variablex, correspondent des variations infinitésimales de la valeurf(x).
La continuité est associée à la notion decontinuum dont l'origine estgéométrique. Dans un continuum géométrique, comme leplan oul'espace, unpoint peut se déplacer continument pour s'approcher à uneprécision arbitraire d'un autre point. La notion de continuité est définie de manière rigoureuse en mathématiques.
Le premier exemple de fonctions continues concerne desfonctions réelles définies sur unintervalle et dont legraphe peut se tracersans lever le crayon. Cette première approche donne une idée de la notion (la fonction nesaute pas) mais n'est pas suffisante pour la définir, d'autant plus que certains graphes de fonctions pourtant continues ne peuvent pas se tracer de cette manière, telles par exemple des courbes ayant des propriétésfractales comme l'escalier de Cantor.
Historiquement définie pour des fonctions de la variable réelle, la notion de continuité se généralise à des fonctions entreespaces métriques ou entreespaces topologiques, sous une forme locale et sous une forme globale.
L'étude des fonctions continues se révèle fructueuse pour les propriétés qu'elles possèdent (propriété deconvergence au sens où « lim(f(x)) =f(lim(x)) »,théorème des valeurs intermédiaires,théorème des bornes,intégrabilité…).
Définition — SoientI unintervalleréel, une fonction définie surI à valeurs réelles et.
La fonctionf est dite continue ena si :
Ainsif est continue ena si et seulement si la limite def ena existe (elle vaut alors nécessairementf(a)). De même,dans la définition formelle de la limite, une définition équivalente[1] est obtenue en remplaçant par ou par.
Cela veut dire qu'en fixant un seuil ε, on peut trouver un intervalle autour dea tel quef(x) soit à une distance inférieure à ε def(a).
Une fonction qui n'est pas continue est ditediscontinue.
C'est l'idée duseuil ε fixé à l'avance qui est importante.Cette définition est le fruit des efforts des mathématiciens duXIXe siècle pour rendre rigoureuse la notion intuitive de continuité. Enanalyse non standard, une approche plus intuitive est possible : on dira quef estcontinue ena sif(x) –f(a) estinfiniment petit quandx – a estinfiniment petit. Tout repose alors sur une définition rigoureuse des infiniment petits et cette définition ne s'applique qu'aux fonctions dites standards.
La définition globale de la continuité dans le cadre desespaces topologiques (voir plus bas) permet elle aussi de s'affranchir des ε, mais ceci au prix du formalisme de latopologie générale.
La notion de continuité sur un intervalle pour les fonctions réelles :
La composée de fonctions continues est une fonction continue. La composée d'une fonction continue et d'unesuite convergente est une suite convergente.
Les propriétés de stabilité de la continuité parcombinaison linéaire (i.e. pour tousα, β réels etf,g fonctions réelles continues, la fonctionαf+ βg est continue) et parproduit de deux fonctions font de l'ensemble des fonctions continues unealgèbre sur lecorps des réels.
Ladroite réelle est unespace métrique, ladistance usuelle surR étant celle qui à deux nombres associe la valeur absolue de leur différence. La définition ci-dessus se généralise donc naturellement :
Définition — Soient(E,d) et(E',d') deux espaces métriques,f une application deE dansE' eta un point deE.
On dit que l'applicationf est continue au pointa si :
À nouveau,f est ainsi continue ena si et seulement si la limite def ena existe (elle vaut alors nécessairementf(a)).
C'est toujours le cas si l'espace de départ estde dimension finie, mais le cas non borné se présente en dimension infinie : considérons comme application linéaire ladérivation sur l'espace ℝ[X] despolynômes réels, en choisissant, commenorme d'un polynôme, la somme desvaleurs absolues de ses coefficients. Tous lesmonômesXn sont de norme 1. Pourtant leurs polynômes dérivés sont de la formenXn–1, donc de normen avecn arbitrairement grand. Donc la famille des dérivées n'est pas bornée, et la dérivation n'est pas une application continue.
On donne deux définitions équivalentes dans le cas desespaces topologiques.
On peut faire reposer la définition locale (c'est-à-dire pour un point) de la continuité sur la notion delimite :
Définition — SoientE etF deux espaces topologiques,f une application deE dansF eta un point deE.
La fonctionf est ditecontinue au pointa sif(a) est une limite def en ce point.
SiF estséparé (ou même seulementT1) comme toutespace métrisable, il suffit pour cela qu'ilexiste une limite def en ce point.
La notion de seuil utilisée pour les fonctions réelles est généralisée par la notion devoisinage : désigne l'ensemble des voisinages dea, et ceux def(a). On démontre alors :
Théorème — La fonctionf est continue au pointa si et seulement si l'image réciproque de tout voisinageW def(a) est un voisinage dea, ce qui s'écrit :
Il suffit pour cela que cette propriété soit vérifiée pour toutW d'unebase de voisinages def(a), par exemple pour toutWouvert contenantf(a).
La fonctionf est ditecontinue surE (ou simplement : continue) si elle est continue en tout point deE. Elle est ditecontinue sur une partieA deE si sarestriction àA (muni de latopologie induite) est continue (ilsuffit pour cela quef soit continue en tout point deA).
On peut déduire de la définition locale trois caractérisations équivalentes des applications qui sont continues (en tout point de l'espace de départ).
La première d'entre elles est qu'une application est continue si et seulement si l'image réciproque de toutouvert de l'espace d'arrivée est un ouvert de l'espace de départ. La suivante, analogue, s'écrit en termes defermés. La quatrième utilise les notions d'adhérence et d'image directe et les deux dernières, celles d'adhérence ou defrontière et d'image réciproque.
Le lien avec la notion intuitive est le suivant : quand une fonction « saute », cela signifie que des points très proches de l'espace de départ, se retrouvent sur des points très éloignés à l'arrivée. Or pour une application continue, ces sauts sont impossibles, d'après le théorème précédent.
Théorème[3] — SoientE etF deux espaces topologiques etf une application deE dansF. Les propriétés suivantes sont équivalentes :
Un espace métrique (E,d) possède unetopologie associéeτ. Pour tout pointa deE, lesboules ouvertes de centrea et de rayons strictement positifs forment une base de voisinages dea pour cette topologie. Siτ' désigne la topologie associée à un espace métrique (E',d'), alors :
Propriété — Une fonctionf de (E,d) dans (E',d') est continue en un point deE si et seulement si elle est continue en ce point, considérée comme une fonction de (E,τ) dans (E',τ').
En effet, la fonction est continue ena du point de vue topologique si et seulement si (en utilisant lesd'-boules formant une base de voisinages def(a)) :En utilisant lesd-boules formant une base de voisinages dea, cette condition se réécrit :ou encore :ce qui correspond exactement à la définition de la continuité formalisée par les distances.
La continuité n'a pas toujours été définie de la façon précédente.
Euler dans sonIntroductio in analysin infinitorum définit la fonction continue comme une fonction définie par une seule expression analytique finie ou infinie (série entière) et appelle fonctions discontinues ou mixtes celles possédant plusieurs expressions analytiques suivant les intervalles[4]. Sylvestre Lacroix (1810) appelle fonction continue une fonction dont toutes les valeurs sont définies à partir d'une même loi ou dépendent d'une même équation[5]. Cette notion de continuité s'appelle la continuité eulérienne et est plus restrictive que la définition actuelle. Par exemple, la fonction définie pour tout réel négatif parf(x) =x et tout réel positif parf(x) =x2 est continue au sens actuel et mixte (discontinue) au sens d'Euler.
La définition que nous utilisons aujourd'hui est celle donné parBernard Bolzano dans sa théorie des fonctions : « La fonctionf(x) varie suivant la loi de continuité pour la valeurx si la différence|f(x + w) –f(x)| peut-être rendue plus petite que toute valeur donnée. » (Prague 1816).
Augustin Louis Cauchy dans sonCours d'analyse de l'école royale polytechnique, définit la continuité enx par :f est continue enx si la valeur numérique de la différencef(x + a) –f(x) décroit indéfiniment avec celle dea, utilisant ainsi les notions des infiniment petits[6].
Une autre définition de la continuité, inspirée de celle de Cauchy est la caractérisation séquentielle (voirsupra). Ladéfinition séquentielle de la continuité globale n'est équivalente à la définition moderne que sur unespace séquentiel.
Malgré cette définition formelle, l'utilisation de la continuité reste au début duXIXe siècle grandement intuitive quand on voit Cauchy tenir le raisonnement suivant, pour démontrer le théorème des valeurs intermédiaires : « La fonctionf étant continue entre les pointsx0 etx, la courbe qui a pour équationy = f(x) sera continue entre les points(x0,f(x0)) et(x,f(x)) et la droite d'équationy = b qui passera entre les ordonnéesf(x0) etf(x) ne peut que rencontrer dans l'intervalle la courbe mentionnée[6]. »
Il existe aussi une notion de continuité plus forte : lacontinuité uniforme dans laquelle la distance|f(x) –f(x')| peut être rendue aussi petite que l'on veut pour n'importe quel couple(x,x') tels que la distance|x – x'| soit suffisamment faible. Contrairement à la continuité classique (continuité en un pointa fixé), la continuité uniforme assure que la majoration est vraie sans avoir besoin de fixera. Cette notion fut précisée parEduard Heine en 1872.
Sur les autres projets Wikimedia :