Pour les articles homonymes, voirFolie à deux (homonymie).
| Causes | Maladie idiopathique (?) |
|---|---|
| Symptômes | Délire |
| Traitement | Psychothérapie etrelation d'aide |
|---|---|
| Spécialité | Psychiatrie etpsychologie clinique |
| CISP-2 | P72 |
|---|---|
| CIM-10 | F24 |
| CIM-9 | 297.3 |
| DiseasesDB | 34350 |
| eMedicine | 293107 |
| MeSH | D012753 |
Lapsychose partagée oupsychose induite est un phénomènepsychiatrique résultant de l'adoption de la thématiquedélirante d'un individupsychotique et du mode de vie qui y est lié par un proche[1] également psychotique. Telles lessœurs Papin, deux ou plusieurs personnes construisent leur vie ou une partie de leur vie ensemble autour d'un délire commun. Selon les cas, on parle defolie à deux ou defolie à plusieurs, à trois, à quatre voire plus, rarement, quand par exemple les enfants d'un même foyer reproduisent le délire d'un des parents, defolie en famille[2].
La folie partagée peut être à l'origine de phénomènes depsychose collective mais ne se confond pas avec les épisodes dedélire épidémique dus à unepharmacopsychose.
En 1856, lemédecin des asilesDagron témoigne des obstacles rencontrés dans sa tentative de soigner deux sœurs de trente huit et trente six ans liguées contre leur père et les hommes par lesquels elles sont persuadées d'être violées à leur insu[3]. En 1859,Moreau de Tours rend compte du cas de deux patients hospitalisés à laSalpétrière qui ont un même délire[4],Baillarger, son collègue deCharenton, répondant dès l'année suivante que le phénomène est déjà bien connu[5]. En 1865, il fait une nouvelleobservation, celle de deux sœurs souffrant d'hallucinations auditives, chacune persuadée d'être douée detélépathie grâce à untélégraphe implanté dans le cerveau[6]. En 1868,Maret,interne de l'asile deSaint Yon[7], consacre un chapitre d'unethèse novatrice aux« délires en partie double » et les rapportent à la vie commune adoptée par les patients[8].
Aux lendemains de laCommune, treize cas d'« idées de persécution communiquées ou folie à deux » sont recensés et exposés parLegrand du Saulle pour étayer l'hypothèse d'unetransmission héréditaire[9]. A l'inverse,Falret, sans exclure de possibles cas héréditaires, a auparavant[10] mis en évidence le caractère exceptionnel des circonstances qui président à l'émergence d'une folie à deux et pour cette raison repris àBaillarger le concept de « folie communiquée » mais ce n'est que le, deux ans et demi après la mort de l'aliéniste, que son discipleLasègue présente à laSociété médico-psychologique ces travaux dont la synthèse sera publiée quatre ans plus tard[11]. Outre la survenue de ces circonstances particulières, dite« loi du milieu clos », encore faut il que se réalise une condition nécessaire, le caractère de vraisemblance du discours délirant transmis, ce que dans lesannées cinquanteDelay, reprenant une terminologieclérambaldienne, appellera la« loi de l'induction du délire »[12].
Qu'un discours délirant soit assez vraisemblable pour qu'un tiers y adhère et qu'un consensus inquiétant, fût-il réduit à deux, puisse se faire sur des idées invraisemblables remet suffisamment en cause les fondements des vérités admises pour que certains, à la suite de l'interne et futur professeur depathologie mentale de lafaculté de BordeauxRégis, voient dans le concept de folie communiquée unartefact causé par des coïncidences chronologiques de sorte qu'il conviendrait de ne parler que de « folie simultanée »[13]. La consensuelleclassification en trois catégories que l'année suivante proposeMontyel, trentenaire partisan de l'hérédodégénérescence[14], se veut pratique et reste purementphénoménologique[15]. Elle ne résout pas la difficultéépistémologique que sont ces« cas intermédiaires »[16] entre discours absurde et discours accessible ausens commun.
Il faut attendre l'entre deux guerres et les travaux deClérambault sur l'automatisme mental pour que soient déchiffrés les mécanismes inscrivant ledélire, jusqu'alors conçu comme une altération croissante du discours, positivement dans unsystème de langage, par essence communicant et partagé. Affinant et croisant lesobservations avecLamache, il note que la folie à plusieurs est une collaboration positive aux délires respectifs depersonnalitésparanoïaques inventant un« Roman » unique auquel, par une« division du travail », chacun apporte ce qu'il tire de soncaractère propre[17]. C'est pourquoi il convient de définir distinctement ce qui est « Psychose simultanée » et ce qui est « Délire communiqué » :« Lesdélires (autrement dit les convictions et sentiments) se transmettent, mais non lespsychoses (autrement dit les mécanismes génétiques de ces délires) »[18]. La folie à deux[19] fondeClérambault à argumenter uneclinique qui neréduit pas lapsychose à sessymptômes mais appelle à en comprendre la psychogenèse dans les formes du langage[20], leçon que soninterneLacan tirera en 1932 dans sathèse de doctorat.
Depuis, l'expression « folie à deux » a été reprise telle quelle dans les langues étrangères mais la notion demeure cantonnée à unépiphénomènetransnosographique sans valeur de diagnostic[21]. A la fin duXXe siècle, leDSM,classification à finsstatistiques de l'Association américaine de psychiatrie, désigne le phénomène par l'expression plurivoque detrouble psychotique partagé[22] et laCIM, classification de l'OMS, par celle tout autant plurivoque detrouble délirant induit[23], d'autres items permettant de préciser lasémiologie du « trouble ».
Le syndrome de folie à deux est le plus souvent diagnostiqué lorsque deux ou plusieurs patients vivent à proximité, sont socialement ou physiquement isolés et ont peu d'interaction avec les gens du monde extérieur.
Margaret et son mari Michael, tous les deux âgés de trente quatre ans, vivent ensemble et expriment undélire de persécution de même contenu[24]. Ils croient que certaines personnes s'introduisent dans leur maison, y répandent de la poussière et« usent leurs chaussures ». A été posé un diagnostic decontagion émotionnelle.
La manière dont une personne adopte entièrement ou en partie lesidées délirantes d'une autre permet de différencier deux types de psychose partagée.
L'idée délirante est imposée par une personne dominante, qualifiée de primaire, inductrice ou principale, à une ou plusieurs autres personnes, qualifiées de secondaires, receveuses ou associées. Le sujet secondaire n'entre dans le délire du sujet primaire que parce qu'il est laissé à lui-même.Le traitement de la personne primaire seule suffit souvent à faire disparaître les idées délirantes chez la personne secondaire.[réf. nécessaire]
Les deux personnes souffrent d'idées délirantes de manière indépendante avec influence réciproque des délires. Les idées délirantes deviennent identiques ou très proches. Dans certains cas, le délire est déclenché par la rencontre des deux sujets[25].
La folie à deux est une curiosité psychiatrique. Le DSM IV[Quand ?] propose qu'une personne ne peut être diagnostiquée comme délirante à partir du moment où la croyance en question estordinairement partagée par d'autres personnes qui ont la même culture ou sous-culture. Toutefois, se pose le problème de savoir à quel moment une croyance considérée comme délirante dans le cadre d'une folie à plusieurs, devient légitime du fait d'un grand nombre de personnes qui la partage. Quand un grand nombre de personnes commence à croire à des choses de manière évidemment fausse et potentiellement inquiétante, que ces choses soient partagées uniquement par ouï-dire, ces croyances ne sont pas considérées comme des délires, mais sont plutôt évoquées sous le terme d'hystérie collective.
Desintoxications de masse telle que l'ergotisme peuvent donner l'impression d'une folie contagieuse. À la fin desannées soixante, desarmes chimiques, comme l'anticholinergiqueBZ, ont été mises au point pour provoquer de telles « psychoses collectives »[26],[27]. Celles-ci sont toutefois caractérisées par deshallucinations plus ou moins identiques qui cessent quand l’intoxication cesse, du moins chez les sujets nonpsychotiques, et non par undélire commun qui sert à construire des conditions de vie compatibles avec l'angoisse de morcellement.
Despharmacopsychoses collectives peuvent être aussi provoquées dans un cadre rituel, comme l'ont expérimenté, en 1999, des anthropologues qui, au cours d'une étude sur des populations de laforêt tropicale d'Amérique du Sud, avaient consommés un breuvage de lianes, l'ayahuasca[28].
LepsychiatreJacques Lacan, lie, à propos du cas dessoeurs Papin, la conclusion meurtrière du délire de celles ci au développement d'une folie à deux :« Elles n'avaient pas même entre elles la distance qu'il faut pour se frapper. Frapper devient pour cet étrange couple de sœurs une tentative désespérée de mise à distance ; cette tentative est désespérée car elle tente un forçage : celui d'inscrire une discrimination, fondatrice d'altérité, qui ne l'est pas dans le registre symbolique pour ces sujets »[29].