Fiorino d'oro, frappé à Florence en 1347 (or, 3,49 g). Lafleur de lys stylisée à l'avers caractérise ce type d'émission.
Leflorin est le nom de différentesmonnaieseuropéennes, initialement frappées enor. Leur abréviation usuelle était fl. ouƒ pourfloren ouflorenus. Dans les langues germaniques, on ditgulden, qui signifie « en or ».
Ces pièces enor frappées initialement àFlorence (Toscane) auXIIIe siècle, dénomméesflorenus enlatin etfiorino enitalien, étaient largement acceptées à travers l'Europe. Leur nom latin vient de lafleur de lys, symbole de Florence, qui les ornait. Celles-ci ont plus tard été utilisées comme modèle pour frapper des monnaies nationales.
Les deux siècles qui ont permis au florin de s'imposer
Au même moment, les cinqcorporations desarts majeurs — c'est-à-dire les associations demarchands et d'artisans — imposent la fondation, en1250 du « gouvernement du premier peuple », dirigé par un capitaine issu de la population extérieure pour éviter les rivalités entre familles ou corporations. Une réforme constitutionnelle du même type sera votée en 1270 dans larépublique de Venise pour interdire les conflits entre familles.
Le florin, principale monnaie duMoyen Âge et la première enor, est créé en 1252 par la corporation deschangeurs etbanquiers — l’Arte del Cambio — de Florence, qui est l'une des cinq corporations majeures[1]. Florence est suivie douze ans plus tard parSaint-Louis qui crée en 1264 legros tournois d'argent et l'écu, appelé aussiLouis d'or, interdisant par la même occasion aux féodaux de battre monnaie. Puis c'est Venise qui crée en 1284 lesequin d'or[2]. Le florin d'or s'apprécie progressivement par rapport au florin d'argent. Le premier sert à l'investissement, le second aux dépenses quotidiennes[3].
Le florin d'or équivaut à deux florins d'argent. Au début personne n'en veut, mais sa pureté (le titrage ou la proportion d'or pur qu'il contient, soit 3,5 grammes[4]) va peu à peu l'imposer. Sa fabrication est dirigée par deuxsignori della zecca élus tous les six mois par lescapitudini des arts, appartenant l'un à la corporation des changeurs l'autre à celle des lainiers, auxquels on adjoignait deux essayeurs de l'or et l'argent[3].
Le florin servira à l'expansion rapide des entrepreneurs florentins, qui jouent la carte de l'abondance d'argent pour consolider le prestige du nouveau florin d'or. En 1297, lesFrescobaldi s'associent avec la couronne d'Angleterre pour le développement des mines d'argent de la région duDevon, près de laCornouaille, où la production double en 1298 grâce aux creusements des "areines" qui permettent de drainer l'eau des mines[5].
En 1297 aussi, le roi d'Angleterre sanctionne le roi de FrancePhilippe le Bel, qui avait en 1294 puis 1296 dévalué l'écu d'or en diminuant son poids : il décide le blocus des exportations britanniques de laine brute vers la France, ce qui pénalise les quatre villes tisserandes des Flandres de France (Arras,Ypres,Bruges etGand) et provoque en 1302 à Bruges une révolte ouvrière se traduisant par l'assassinat de centaines de personnalités proches du roi de France.
Dès lesannées 1270-1280, une partie des tisserands de ces quatre villes, en forte expansion, s'était révoltée par des grèves contre les propriétaires/importateurs. Les meilleurs tisserands poursuivent leur protestation en émigrant en Angleterre mais surtout à Florence, où la République toscane a en effet promu un cadre fiscal plus accueillant[5]. Après le blocus de 1297, les banquiers florentins (lesBardi,Frescobaldi et autresfamille Peruzzi) importent la laine britannique, grâce au florin, pilier d'un système financier compétitif, avec préfinancement des campagnes,lettre de change,chèque et réseau desuccursales. Le florin permet une stratégie d'importation des meilleures laines brutes, très demandées partout, pour faire du drap. Au début desannées 1300, plus de 30 000 tisserands s'activent dans la capitale toscane[5], où est inventé le métier à carder en bois et où éclate en1378, après lagrande peste de 1347, la révolte ouvrière desciompi. Lafamille Peruzzi aura jusqu'à 16 comptoirs en Europe au milieu duXIVe siècle[3].
Le florin servit aussi à financer l'entrée de la couronne d'Angleterre dans laguerre de Cent Ans grâce aux premiers vrais canons, qui perforent les murs des citadelles françaises. C'est lafamille Peruzzi de Florence qui prête, en prenant des gages sur les mines du Devon, rachetées auxFrescobaldi par la Couronne d'Angleterre. Un siècle plus tard, des canons plus puissants[5] permettent au Dauphin Louis XI (dirigeant déjà, de fait, la couronne de France) et à son fidèle compagnon le roi René de Provence de mettre fin à la guerre de cent ans, de mater les grands féodaux, puis de signer en 1482 la paix d'Arras avec une Bourgogne en pleine ascension. L'état moderne est né, grâce à ses banquiers italiens. Il inspire très vite la montée en puissance de l'État espagnol (sous Charles Quint), financé par les banquiers allemands, lesFugger, enrichi par les mines d'argent de laSaxe puis appauvri par l'afflux d'argent des Amériques.
Entre-temps, revers de la médaille, la confiance dans le florin d'or a entraîné des dépenses excessives des débiteurs anglais (comme ce sera aussi le cas en 1555 en Espagne), ce qui mène en octobre 1343, au défaut de remboursement des prêts octroyés àÉdouard III d'Angleterre, qui a accumulé une dette totale de 1 355 000 florins[3], ce qui entraîne un krach bancaire à Florence, dans lequel est emportée lafamille Peruzzi, mais aussi leurs rivaux, lesBardi. Ruinées, ces familles seront marginalisées et condamnées à l'exil par lesMedicis après l'échec de laconjuration des Pazzi en 1478.
Alors que la grande peste de 1347 a réduit la population européenne de 40 % environ, il faut attendre la fin de la guerre de Cent Ans pour que la croissance économique et démographique reparte, en même temps que la demande de monnaie, stimulée par les dépenses de la fin de la guerre.
Une ordonnance du crée un florin frappé à Valenciennes par Philippe le Bon, en raison de la hausse continuelle du prix de l'or, mais pendant seulement deux ans. Cette hausse sera également à l'origine de la création du florin de Bourgogne créé 12 ans après en 1466 à l'époque deCharles le Téméraire[6].
Puis dès 1477-1478, le florin d'or des Autrichiens concurrence le ducat hongrois et le florin rhénan. La production d'argent autrichien explosant ensuite, lesflorins d'argent se multiplient, et la production des mines du Tyrol fait plus que doubler en quinze ans, passant de 14 622 marcs en 1470-1474 à 26 147 marcs en 1475-1479, puis à 34 651 en 1480-1484[7].
Florin néerlandais de 1967, représentant la reine Juliana
Le florin s'est imposé comme unité de compte desPays-Bas (Gulden en néerlandais) depuis au moins leXVIIe siècle comme en témoigne par exempleLa Pièce aux cent florins (1649), fameuse gravure deRembrandt. Par la loi du 28 septembre 1816, après la chute de l'empire deNapoléon, le florin devient la monnaie officielle duroyaume uni des Pays-Bas. Le gouvernement, en vue de protéger la valeur du florin décide de faire frapper la mention « God zij met ons » (« Dieu soit avec nous ») sur lelistel de la pièce. Entre 1815 et 1830, la monnaie était frappée dans deux ateliers du Royaume :Utrecht etBruxelles. Dans les décennies 1980 et 1990, marquées par les crises monétaires européennes, leflorin néerlandais reste une monnaie forte, amarrée aumark allemand, qui s'efface ensuite devant l'euro.
LaPologne utilise encore sonnouveauzłoty (codeISO 4217 : PLN),également appelégulden[réf. nécessaire]. Les motsgulden etzłoty signifient tous deux étymologiquement « enor ».