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Fernand Portal, né àLaroque le et mort àParis le, est unprêtre catholiquelazariste considéré comme un pionnier dudialogue œcuménique contemporain pour les rapprochements qu'il tenta entre l'Église catholique et la communionanglicane en compagnie du laïcanglo-catholique, le vicomte d'Halifax,Charles Lindley Wood.
Pierre Portal naît à Laroque, dans l'Hérault, au pied des Cévennes, le 14 août 1855[1], dans une famille modeste dont le père est cordonnier[2]. Ses deux frères meurent en bas âge et il a une sœur prénommée Marie[2]. Envoyé étudier chez un oncle curé puis aupetit séminaire deBeaucaire sans succès, il est envoyé au petit séminaire deMontpellier où lesLazaristes enseignent depuis 1845[2]. Il rejoint cettesociété de vie apostolique dont il gagne le séminaire parisien situé rue au n° 95 de larue de Sèvres en 1874[3]. Il suit un parcours ecclésiastique classique : il fait ses vœux en 1876, reçoit latonsure, lesordres mineurs et lesous-diaconat en 1878, est ordonnédiacre en 1879 puisprêtre en 1880[3].
D'un naturel aventurier, Portal nourrit le désir de partir comme missionnaire en Chine mais sa santé qui est fragilisée depuis 1878 par une infection pulmonaire l'oblige à renoncer à cette voie et à s'engager dans l'enseignement[4]. Après une dizaine d'années de professorat dans divers grands séminaires méridionaux àTours, àOran, àLisbonne, àNice et àCahors[3], deshémoptysies[5] l'obligent à un séjour àMadère[6].
C'est là qu'en 1889[7], il rencontreCharles Lindley Wood,2evicomte d'Halifax, un lordanglo-catholique dont le fils Charles est atteint d'une pleurésie dont il meurt quelques mois plus tard[6]. Lord Halifax s'est donné pour projet le rapprochement des catholiques et des anglicans. Une durable amitié lie désormais les deux hommes à travers cette ambition[6].
Fernand Portal œuvre dès lors avec son ami lord Halifax à cette idée de réunion des Églises et obtient l'approbation personnelle du papeLéon XIII pour prendre contact avec des personnalités de l'Église anglicane. Pour provoquer une rencontre entre catholiques et anglicans, il lance un débat sur la validité des ordinations anglicanes qui semblait être un terrain possible d'entente. Fernand Portal présente en guise d’amorce au débat théologique une petite brochure intituléeLes ordinations anglicanes en décembre 1893 à laquelle répond un opus rédigé par des théologiens anglicans sous l'impulsion d'Halifax.
La publication de ces brochures suscite de vives réactions et pour la première fois, la presse se faisait l’écho d’un débat œcuménique. Portal fonde alorsLa revue anglo-romaine pour nourrir le dialogue instauré en montrant aux catholiques français l'Église d’Angleterre tant dans sa réalité quotidienne que dans sa théologie. Léon XIII réunit alors une commission pontificale chargée d’étudier de façon plus approfondie les ordres anglicans, comptant parmi ses membres des personnalités qui deviendront acteurs dans lacrise moderniste telMgr Merry del Val ou lePère Duchesne. La décision pontificale est brutale et, par la publication de la bulleApostolicae Curae du 18 septembre1896, elle déclare les ordinations conférées selon le rite anglicanentièrement nulles. Les archevêques anglicans répondent officiellement à la bulle parSaepius officio, texte récusant les observations papales.
Comme conséquence immédiate de cette position, laRevue anglo-romaine cesse de paraître. Portal doit partir pour legrand séminaire deChâlons-sur-Marne sur ordre de sonsupérieur général. Rappelé à Paris pour diriger le nouveau Séminaire universitaire Saint-Vincent-de-Paul, il fait de l'endroit un lieu d'ouverture et d'échanges, n'hésitant pas à inviter des anglicans, des protestants ou des incroyants. Il fonde alors une nouvelle revue, laRevue catholique des Églises, pour faire connaître les travaux de son cercle d’études et qui compte d'éminents collaborateurs. Il fonde également l'association desDames de l'Union, sans vœux et sans costume particulier, dont la vocation est de se consacrer aux enfants et aux pauvres et dont il veut faire les « messagères de l'Unité par la Charité ».
Disciple deNewman, ami deTeilhard de Chardin et conseiller deClemenceau, « Monsieur Portal » est, selon les termes d'Émile Poulat un « homme-réseau, une vie-réseau », « un vrai passe-muraille comme on n'en connait pas d'autre », qui ne se laisse enfermer dans aucun milieu[8].
Il se retrouve alors à nouveau, en1908, sous les foudres du Vatican à travers lecardinal Merry del Val devenu entre-tempssecrétaire d'État du papePie X, qui ordonne que le père Fernand Portal, soupçonné demodernisme, soit démis de ses fonctions avec interdiction définitive de publier et de parler en public. Fernand Portal doit abandonner son poste de supérieur et cesser la parution de sa revue.
Après un court exil forcé, il retourne s'installer à Paris et, à défaut de pouvoir s'exprimer ou enseigner, il entretient des contacts variés et son logement de larue de Grenelle à Paris est le théâtre de rencontres et de discussions pour des élèves de l’École normale supérieure - dont il influence le groupe « tala »[9] durablement[10] -, des prêtres et des protestants. Il n'en poursuit pas moins un ministère presbytéral qu'il n'a jamais abandonné, soucieux de la déchristianisation des milieux populaires, se mettant principalement au service des enfants.
Malgré les difficultés, Fernand Portal, soutenu par son ami François Verdier, devenu supérieur général des lazaristes, persévère avec son ami Halifax dans le chemin qu'ils se sont tracé. À la suite d'un appel lancé par les anglicans àtoutes les Églises - particulièrement à l’Orthodoxie - afin de créer uneunion des Églises à la suite de la Conférence deLambeth, le climat devient légèrement plus propice à une reprise du dialogue.
Les deux hommes rencontrent lecardinal belge Mercier avec lequel ils parviennent à mettre sur pied à partir de1921 des rencontres inter-ecclésiales qui seront connues sous le nom deConversations de Malines constitués de solides échanges de vues entre les membres des clergés anglican avec l'accord semi-tacite des autorités des deux parties. Les rencontres seront interrompues par la mort du cardinal Mercier en janvier1926 suivie, quelques mois plus tard, par celle de Fernand Portal.
Bien que l'encycliqueMortalium Animos (1928) bloque peu après l'entreprise œcuménique du côté catholique, cette expérience inédite est considérée comme un des jalons capitaux de l'histoire de l'œcuménisme contemporain et les rapprochements qui suivront seront en grande partie redevables à l'amitié et l'opiniâtreté de Fernand Portal et de lord Halifax.
Son biographe Régis Ladous[11] en fait le père spirituel d'Antoine Martel,Pierre Pascal,Jean Guitton et d'Yves Congar — qui crée à Paris un « groupe Fernand Portal » consacré aux études théologique[12] —, au nombre desquelsÉmile Poulat ajouteMarcel Légaut qui fait sa connaissance lors d’une rencontre à la rue d’Ulm[13].