Né àKassa (aujourd'hui Košice, enSlovaquie), il était le fils d'un sous-officier de l'arméeaustro-hongroise d'originearménienne dont les ancêtres se sont installés enTransylvanie, àEbesfalva, sous le princeAbaffiIer. Son grand-père participa comme soldat de lahonvéd à laRévolution hongroise de 1848 et épousa une autrichienne deVienne, dont Ferenc Szálasi (1866°), son père, qui fit l'école des cadets de Kassa et termina comme fonctionnaire dans l'armée. Sa mère, Erzsébet Szakmár (1875°), d'ascendanceslovaque et hongroise, éleva son fils dans la religiongréco-catholique et vécut à ses côtés jusqu'en 1944[1]. Les frères de Szálasi, Béla, Károly et Rezső, servirent également dans l'armée.
Après la guerre, il s'installa àBudapest, où il travailla comme courrier au service du ministère de la Défense.
En1923, il fut envoyé à l'École d'État-major, où il semble qu'il se soit distingué. Il en sortit en1925 avec le grade de capitaine et fit partie de l'État-major hongrois jusqu'en1933. Cette année-là, il obtint le grade de commandant.
Sa carrière militaire se trouva interrompue par la publication de son « Plan pour la reconstruction de l'État hongrois », critiquant la politique du gouvernementGömbös. Les événements qu'il avait vécus et les circonstances du moment renforcèrent sonnationalisme extrême et il plaida pour l'extension du territoire hongrois jusqu'aux frontières antérieures autraité de Trianon de1920, qui avait réduit des deux tiers l'étendue du pays.
Il fut transféré dans une garnison éloignée où il eut le temps d'étudier à fond différentes théories politiques.
Pendant ces années, il entretint des liens d'amitié avec un médecin militaire, Henrik Péchy, visionnaire etastrologue, auteur d'une histoire prophétique du monde fondée sur lesmathématiques (A neokapitalista világrend kép (1932),Représentation de l'ordre mondial néo-capitaliste).
Dans le livre qui décrit son idéologie,LeHungarisme, il dit en résumé : « Le hungarisme est une idéologie, c'est la mise en pratique hongroise d'une visionnationaliste du monde et de l'esprit du temps. Ce n'est ni de l'hitlérisme, ni dufascisme, ni de l'antisémitisme, c'est du hungarisme. »
En1935, il quitta l'armée et, en mars, il fonda le Parti de la volonté nationale (Nemzeti Akarat Pártja) avec Sándor Csia ; il obtint des résultats plus que modestes lors de sa première candidature au Parlement, en avril1936, échouant dans la circonscription de Pomáz avec 942 voix sur 12 051. Il décida de ne plus jamais se présenter à quelque élection que ce fût. Peu à peu son parti grandit et, en1937 après une visite de Szálasi et de Csia en Allemagnenationale-socialiste, l'impression profonde qu'ils en tirèrent les fit changer de stratégie : alors qu'ils visaient surtout les classes moyennes et les fonctionnaires, ils s'adressèrent à la classe ouvrière. Les slogans du parti changèrent et se transformèrent en demande de « justice, travail et respect » pour les « travailleurs hongrois » et le parti se présenta comme « devant les libérer des chaînes avec lesquelles les tenaient les syndicats sociaux-démocrates et communistes ainsi que des griffes du capitalisme féodal et de la juiverie. »
En 1937, le gouvernement du régent, l'amiralMiklós Horthy, interdit son parti et il fut condamné à trois mois de prison pour agitation antisémite mais n'eut pas à les faire. Après avoir été libéré par la police, il rassembla autour de lui plusieurs groupes extrémistes et fonda le Mouvement hungariste - Parti national-socialiste hongrois (Magyar Nemzeti Szocialista Part-Hungarista Mozgalom), avec une forte idéologie nationaliste, antisémite et totalitaire, grâce auquel il commença à obtenir un soutien considérable dans la classe ouvrière. Devançant l'éphémère union des partis d'extrême-droite, son propre parti passa à 20 000 membres.
Mauvais orateur et mauvais organisateur, on l'admirait cependant pour sa sincérité et son honnêteté personnelle (quelque chose d'inhabituel dans la politique hongroise de l'entre-deux guerres). Ses fréquents déplacements partout dans le pays suscitaient l'admiration de ses partisans quand il se souvenait du nom de chacun. Il était également très admiré par les femmes. Son plus important soutien, toutefois, était les officiers de l'armée, qui souhaitaient des changements politiques et sociaux qui prépareraient la Hongrie à prendre part à une guerre future aux côtés de l'Allemagne nazie.
Après l'Anschluss en1938, ses actions se radicalisèrent et, sur l'ordre du nouveau Premier ministreBéla Imrédy, Szálasi fut arrêté par la police, emprisonné et condamné à trois ans de travaux forcés à la prison de Csillag àSzeged. Il y passa deux ans. Cette incarcération lui valut au contraire un accroissement de popularité qui maintint son influence dans la politique hongroise, malgré les persécutions dont il était l'objet.
Pendant qu'il était en prison, Kálmán Hubay qui le remplaçait (il éditait lui-même un quotidien d'extrême-droite,Függetlenség), fonda le leParti des Croix fléchées (Nyilaskeresztes Párt), comme héritier du Mouvement hungariste – le Parti national socialiste hongrois. Aux élections de 1939, faites à bulletins secrets (ce mode de scrutin venait d'être restauré), le parti obtint 29 sièges au Parlement hongrois, devenant le deuxième parti de Hongrie en nombre de voix, réunissant 750 000 voix sur un total de 2 000 000. Les partis nationaux-socialistes tous ensemble obtenaient 45 sièges en face des 191 du parti au pouvoir. L'opposition libérale et socialiste s'était effondrée. Le Parti des Croix fléchées était devenu la véritable opposition au gouvernement conservateur de Horthy.
Libéré à l'occasion de l'amnistie générale du, après ledeuxième arbitrage de Vienne de la même année, il revint à la vie politique comme chef du Parti des Croix fléchées, mais commença à décliner en raison de la concurrence d'un autre parti nationaliste dirigé par l'ancien Premier ministre Béla Imrédy, le Parti du Renouveau hongrois (Magyar Megújulás Pártja), ainsi que pour des querelles internes concernant les relations du parti avec l'Allemagne d'Hitler.
Quand éclata laSeconde Guerre mondiale, le Parti des Croix fléchées fut interdit par le Premier ministrePál Teleki, forçant ainsi Szálasi à travailler en secret et à chercher l'appui des Allemands.
Le19mars 1944, alors que les troupessoviétiquespénètrent en Roumanie voisine, laWehrmacht entre en Hongrie, où le pro-allemandDöme Sztójay devint Premier ministre. Le parti des Croix fléchées fut légalisé par le nouveau gouvernement, mais en août, après avoir démis Sztójay de ses fonctions, Miklós Horthy ordonna une nouvelle fois l'arrestation de Szálasi.
En septembre, les troupes soviétiques etroumaines franchirent la frontière hongroise : labataille de Debrecen s'ensuivit et le15octobre 1944, Horthy annonça la signature d'unarmistice entre la Hongrie et l'Union soviétique qui fut ignoré par l'armée hongroise. Les Allemands lancèrent alors l'opérationPanzerfaust et enlevèrent le fils d'Horthy, forçant ce dernier le 16 octobre 1944 à dénoncer l'armistice, à démettre le gouvernement, à nommer Ferenc Szálasi Premier ministre et à abdiquer. Le3novembre 1944, Szálasi prêta serment devant lacouronne de saint Étienne en tant que chef de la nation hongroise (Nemzetvezető).
Sous le gouvernement Szálasi, proche allié de l'Allemagne nationale-socialiste, et malgré l'opposition de Horthy qui avait suspendu l'opération, on recommença àdéporter lesjuifs qui vivaient encore à Budapest (la plupart avaient déjà été envoyés dans des camps de concentration sous le gouvernement de Sztójay). Pendant ce temps s'établit à Pest ce qu'on appelait le « ghetto international », qui permettait de donner une couverture diplomatique à la partie de la population juive qui était restée de nationalité hongroise en 1920, et cela malgré l'opposition des Allemands, qui considéraient comme illégaux les passeports qu'on délivrait. En revanche, plus de 50 000 Juifs qui avaient perdu leur citoyenneté hongroise en 1920 et ne l'avaient pas retrouvée en 1938-40, apatrides, furent mis au travail forcé parEichmann en plein hiver jusqu'à la frontière autrichienne, où on les obligea à construire à la hâte des fortifications pour stopper l'avance soviétique. Seuls 124 000 juifs furent libérés par les Soviétiques à Budapest et 200 000 dans toute la Hongrie[2]. Son gouvernement fit également exécuter, en vertu de la loi martiale, de nombreuses personnes considérées comme dangereuses pour l'État et la poursuite de la guerre, dont des tribus entières deRoms[3].
L'opposition à l'Armée rouge fut chaotique et rendue difficile par l'avance des troupes soviétiques et roumaines, sans compter les actions descommunistes. Alors que son pays était envahi, Szálasi aurait proposé lacouronne àHermann Göring, afin d'obtenir le soutien armé qu'Hitler promettait à ses alliés. Endécembre 1944,Béla Miklós forma un gouvernement provisoire sous la tutelle des Soviétiques. Le, Budapest fut encerclée, mais dès le le gouvernement Szálasi l'avait abandonnée pour se réfugier plus à l'ouest, àKőszeg, près de la frontière autrichienne, laissant le soin de défendre la ville à laWehrmacht et aux membres desCroix fléchées. En, l'armée soviétique occupa Pest, puis Buda le13février 1945.
Le, le gouvernement de Szálasi et les parlementaires quittèrent le territoire hongrois. L'armée allemande et les restes de l'armée hongroise les suivirent le4avril 1945. Le gouvernement continua son activité enAllemagne, àAugsbourg, jusqu'à son arrestation par l'armée américaine.
Quelques membres des Croix fléchées, ainsi que des troupes allemandes, continuèrent la lutte jusqu'à la fin de la guerre en.
Le, Szálasi fut remis aux nouvelles autorités hongroises à Budapest, où le commença son procès public devant un tribunal populaire. Condamné à la peine de mort par pendaison pourcrimes de guerre et haute trahison, il fut exécuté le suivant. La même année, trois autres anciens Premiers ministres (László Bárdossy,Béla Imrédy etDöme Sztójay) furent eux aussi condamnés à mort et exécutés.
Claudio Mutti,Ferenc Szalasi et les croix fléchées. Histoire d’un fascisme de gauche, Nantes, Ars Magna, coll. Les Documents d'Ars Magna Éditions, 2008.