Faust est à la fois un personnage historique (Georg Faust) ayant vécu enAllemagne dans la première moitié duXVIe siècle — le protagoniste (rebaptiséJohann Faust) d'un récit fabuleux et édifiant qui parut à Francfort en 1587 et obtint un succès considérable dans le monde germanique et en Europe, non sans susciter la curiosité et les interrogations des lettrés — et la figure d'unmythe moderne illustré en premier lieu parGoethe.
La plus célèbre des versions de la légende, celle que, sur la base duFaustbuchde 1587, Goethe élabora dans ses deuxFaust successifs (1808 et 1832), raconte le destin d'un savant nommé Johann Faust. Celui-ci, déçu par l'aporie à laquelle le condamne sa science, se tourne vers le diable, qui charge alors un de sesEsprits, nomméMéphistophélès chez Goethe, de lui transmettre sa proposition : le démon promet à Faust, si celui-ci donne son accord par unpacte écrit, une seconde vie, où il pourra posséder toutes les connaissances, mais aussi accéder à tous les plaisirs sensibles ; après quoi il laissera son âme à la disposition du diable. Dans la plupart des versions populaires du récit, l’âme de Faust est damnée après sa mort, qui suit une longue période (24 ans, précisent certains textes) durant laquelle le démon a exaucé la plupart de ses vœux.
Le second proto-récit grec, laPénitence de Théophile, est une légendemariale ayant pour héros un nomméThéophile, économe de l'église d'Adana. Clerc consciencieux, Théophile est calomnié par des envieux ; son évêque, crédule, le révoque. Dans son amertume, l'ex-économe s'adresse à un Juif, qui le met alors en rapport avec « son maître » Satan. Le diable promet à Théophile qu'il lui fera obtenir ce qu'il veut, à la condition qu'il écrive et signe un document où il renie le Christ et la Vierge Marie. Théophile accepte le marché et signe le contrat. Mais il est bientôt saisi de remords. Il se lamente et jeûne quarante jours, puis se rend à l'église de laThéotokos, où il prie et implore la Mère de Dieu. Celle-ci agrée sa prière et obtient de son Fils qu'il pardonne au renégat repentant. À son réveil, Théophile découvre, posé sur sa poitrine, le document maudit. Il va trouver l'évêque, lui raconte tout et lui montre le contrat. L'évêque prononce devant ses ouailles un sermon sur l'édifiante aventure, et il brûle, sous les yeux de tous, le texte infernal. Théophile fait pénitence et bientôt rend pieusement son âme au Seigneur, après avoir légué tous ses biens à l'Église. La version longue [BHG 1320-1321] de laPénitence de Théophile[5], qui date peut-être du milieu duVIIe siècle et dont le rédacteur se donne le nom d'Eutychianos, se dit originaire d'Adana et se présente mensongèrement comme contemporain des faits, fut traduite en latin, et cette version latine fut à son tour adaptée en français, d'abord parGautier de Coinci dans sesMiracles de Notre Dame (premier tiers duXIIIe siècle), puis parRutebeuf dansLe Miracle de Théophile (rédigé vers 1260), avant d'être l'objet d'une nouvelle adaptation latine dans laLégende Dorée deJacques de Voragine[6].
La première phase moderne de l'histoire de Faust, déjà centrée sur un personnage qui porte ce nom, consiste en un ensemble de récits et de témoignages plus ou moins dignes de foi concernant un célèbre diseur de bonne aventure, astrologue et magicien allemand,Georg Faust[7], né àKnittlingen vers 1480 et mort vers 1540 àStaufen im Breisgau. C'était de son vivant même un personnage extrêmement controversé. Tour à tour savant, précepteur, devin, astrologue, jeteur de sorts et nécromancien, ce charlatan itinérant, auquel on prêtait, apparemment avec raison, des moeurs infâmes, fit sur une partie de ses contemporains une forte impression, mais fut honni par les autres pour ses prestiges diaboliques et son immoralité. Son souvenir se confondit bientôt avec celui du médecin et alchimiste suisseParacelse : les deux personnages finirent par ne faire plus qu'un dans l'imagination populaire[8].
Johannes Manlius, citant dans sesLocorum communium collectanea (1563) les propos de son ancien maîtreMelanchthon, rapporte que Georg Faust étudia la magie à l'université deCracovie à une époque où cette discipline y était encore enseignée[9]. Cette affirmation concorde avec le portrait que brosse du personnage, dès 1507, le savant abbéTrithemius dans une lettre[10] : Faust (qu'il appelle Georgius Sabellicus alias Faustus Junior) pratique la magie noire et rédige sur les miracles de Jésus-Christ des opuscules dans lesquels il affirme qu'il pourrait, s’il le voulait, en faire autant[11].
Ayant été dénoncé parLuther etMelanchthon, qui voyaient en lui un sorcier au service du démon[12], Georg Faust aurait été incité par ses proches à se tourner vers l'enseignement. C'est ainsi qu'il devint maître d'école àKreuznach. Mais là, toujours selon Trithemius (le fait aurait donc eu lieu au plus tard en 1507), il fut surpris au moment où il se livrait à « un type de fornication absolument abominable » (nefandissimo fornicationis genere) sur la personne d'un des enfants qui lui étaient confiés, et ne dut son salut qu'à une fuite éperdue[13].
En, on retrouve Faust àLeipzig, dans l'auberge d'Auerbach, à califourchon sur un tonneau, dans un épisode héroï-comique immortalisé par une peinture sur bois accompagnée de six vers narrant ce haut fait[14].
Le 19 juin 1528, le conseil municipal d'Ingolstadt ordonne à Georg Faust d'aller dépenser son argent ailleurs (et lui demande, par prudence, de s'engager à ne pas tirer vengeance de cette expulsion)[15]. Le 10 mai 1532, le conseil municipal deNuremberg, à son tour, refuse l'accès de la cité au « Docteur Faust, grand sodomite et nécromant »[16]. Il est probable que Faust se rendit alors, en compagnie du célèbre médecin, alchimiste et philosophe HeinrichCornelius Agrippa (1486-1535), auprès de l'évêque deCologne,Hermann von Wied, qui était alors tenté par le luthéranisme[17]. Il y serait resté de 1532 à 1534.
En 1534, l'aventurier allemandPhilipp von Hutten, sur le point de partir explorer une région duVenezuela, demanda à Georg Faust de lui prédire l'avenir. Six ans plus tard, von Hutten écrit à son frère Moritz que tout s'est passé exactement comme Faust l’avait prédit[18].
Nous retrouvons la trace de Georg Faust en juin 1535, où il prédit que la ville deMünster, occupée par lesAnabaptistes, sera reprise la nuit-même par son évêque et les princes de l'Empire qui l'assistaient. La nuit venue, effectivement, l'évêque François et ses alliés surgissent, Münster est repris, et les chefs des révoltés sont livrés au supplice[19].
Georg Faust mourut à une date mal déterminée, vers 1540-1541 ou selon d'autres en 1537 ou 1538. LaZimmerische Chronik (datée de 1564-1566) situe sa mort àStaufen im Breisgau[20]. Pour le pasteur bâlois Johannes Gast († 1572), Johann Manlius et laZimmerische Chronik, il mourut comme un misérable qu'il était, tué par le diable. Manlius[21] dit qu'il fut trouvé mort un matin, sur le plancher de la chambre d'auberge où il logeait, dans leduché de Wurtemberg : il gisait près de son lit, la tête tournée à l'envers (détail en partie confirmé par Gast)[22]. On a récemment émis l'hypothèse que Georg Faust périt en réalité dans une explosion survenue au cours d'une de ses expériences, dans la chambre qu'il louait[23].
Le premier développement légendaire : laChronique d'Erfurt
Rédigée par Wolf Wambach entre 1550 et 1580 (et publiée par Zacharias Hogel, 1611-1676), laChronique d'Erfurt traite du personnage de Georg Faust en le dotant déjà de traits fantastiques. Elle est le premier écrit à lui prêter unpacte avec le diable : cet élément ne sera plus jamais dissocié de la légende de Faust (Georg ou Johann) et en deviendra même le trait fondamental. LaChronique d'Erfurt ne se borne pas à introduire le thème du pacte avec le démon. Elle transforme Faust en savant humaniste utilisant ses pouvoirs magiques pour ressusciter l'héritage antique. L'astrologue réussit, par la puissance de son verbe, à obtenir la chaire de grec à l'université d'Erfurt. Là, pour mieux expliquerHomère, il fait apparaître (peut-être à l'aide d'unelanterne magique)[24], devant ses étudiants stupéfaits, les héros de Troie, notamment la belleHélène, et des monstres de la mythologie, comme le cyclopePolyphème, lequel, avant de disparaître, tente de dévorer une paire d'étudiants épouvantés[25].
C'est àErfurt que Georg Faust aurait déclaré au religieux franciscain Konrad Klinge :« Je suis allé plus loin que vous ne le pensez et j’ai fait, avec mon propre sang, une promesse au démon : celle d'être à lui dans l'éternité, corps et âme »[26].
LesHistoires de Faust transcrites à Nuremberg par Rosshirt (1570-1575)
Entre 1570 environ et 1575, le maître d'école Christoph Rosshirt rédigea sous forme manuscrite[27], en ornant son texte de 59 illustrations de sa main, une série deFaust-Geschichten (« Histoires de Faust ») que, nous dit-il, il avait entendu raconter àNuremberg où il enseignait. Il s'agit de quatre récits (ou six, puisque les deux premiers ont une version courte et une version longue) narrant la vie et la mort du charlatan Georg Faust, et les prestiges qu'il accomplit grâce à l'aide du diable, avec lequel il avait conclu un pacte. Le diable n'est nommé ici que trois fois, et il n'est fait mention d'aucun démon intermédiaire portant un nom particulier. L'ouvrage est exempt de tout propos théologique[28].
Le Johann Faust duFaust manuscrit de Wolfenbüttel (entre 1572 et 1585)
Un écrivain anonyme de la région deNuremberg copia, entre 1572 et 1585, dans un manuscrit conservé àWolfenbüttel, une volumineuse collection d'histoires faustiennes qui seront largement reproduites dans leFaustbuch imprimé à Francfort en 1587. L'écrit est intituléHistoria und Geschicht Doctor Johannis Fausti des Zauberers[29]. Il s'agit du plus ancien traitement nouvellistique de Faust, dont le prénom historique Georg est maintenant changé en Johann (modification définitive). Tous les ingrédients duFaustbuch de 1587 s'y trouvent : sorcellerie, pacte avec le diable, démon nommé Méphostophilès, mort terrible etc. Le Johann Faust du manuscrit de Wolfenbüttel (et donc celui de son dérivé leFaustbuch de 1587) n'a presque plus rien à voir avec son modèle historique Georg Faust. La légende, en quarante-cinq ans, a fait son travail.
Page de garde de l'Historia von D. Johann Fausten, Francfort, 1587.
En 1587 paraît àFrancfort-sur-le-Main, à l'occasion de la foire d'automne, un écrit anonyme intituléHistoria von D. Johann Fausten[30]. L'ouvrage sort des presses deJohann Spies ; il comporte trois parties et compte 227 pages de petit format. La dédicace expose la nécessité de reprendre cette légende, qu'on raconte partout, et d'en faire « un récit en règle », « afin de mettre en garde toute la chrétienté ». Le récit suit de très près le canevas et le style du manuscrit de Wolfenbüttel. LaPréface au lecteur chrétien invite à se défier du diable et de la magie.
André Dabezies résume ainsi leFaustbuch de 1587 (Le mythe de Faust, 1990, p. 19-21) :
Première partie : la formation et le (premier) pacte.Fils de pieux paysans, Faust fait de brillantes études à Wittenberg, mais abandonne la théologie pour mener une vie déréglée et s'adonner à la magie, à l'astrologie et la médecine (chap. 1). Il invoque le diable dans la forêt, puis dans sa chambre, lui soumet ses requêtes, accepte les exigences du démon (2-4), rédige le pacte et le remet à Méphostophilès (6-8). Celui-ci défère à tous ses désirs (9), mais lui refuse le mariage et le pousse à la luxure (10). [Questions sur le diable et l'enfer] Faust interroge le démon sur les anges, l'enfer, les anges déchus, la puissance du diable, la forme de l'enfer (11-16). Faust se sent ébranlé et perplexe, car l'autre répond en citant la Bible et les manuels de théologie, ajoutant que, s'il pouvait, il ferait tout pour regagner la grâce de Dieu. Mais il s'impatiente et persuade Faust que c'est trop tard pour lui (17).
Deuxième partie : carrière et voyages.Devenu un astrologue réputé, Faust interroge son démon sur les saisons, le ciel, la création (que le diable nie) (18-22) ; il se fait présenter les démons, descend lui-même en enfer (23-24), puis monte jusqu'aux étoiles (25), enfin voyage dans toute l'Europe, y compris à Rome et àConstantinople, où il se joue du pape et du sultan, jusqu'au Paradis perdu (26-27) ; il discourt des comètes, des étoiles, des « esprits élémentaires », du tonnerre (28-32).
Troisième partie : prestiges divers et lamentable mort.Faust fait apparaîtreAlexandre devantCharles Quint (33), se livre à des facéties, emmène trois nobles amis dans les airs sur son manteau (34-37), soutire de l'argent aux uns et use de sa magie pour flatter les autres (38-44), procure à ses amis festins, beuveries et carnaval (44-48), fait apparaîtreHélène aux étudiants (49), sermonne un paysan (50) et fait périr un magicien (51). Un bon vieillard, voisin de Faust, le convainc de se repentir (52), mais soudain Méphostophilès apparaît, l'en dissuade par la peur, et le magicien doit rédiger un second pacte (53). D'autres tours et farces sont racontés (54-58). La 23e année du pacte, Faust demande au diable de lui ramener Hélène, qui devient sa concubine et lui donne un fils, Justus Faustus (59). La 24e et dernière année du pacte, Faust laisse ses biens, ses pouvoirs et un « esprit » à son jeune serviteur Wagner (60-61), puis, plein d'angoisse à la pensée de sa fin prochaine, se lamente douloureusement (62-66), sous les railleries du démon (65). Il invite collègues et étudiants à un repas (67) et leur fait connaître son pacte, sa mort prochaine et ses remords. Après une nuit pleine d'affreux bruits et sifflements et d'appels au secours de Faust, on retrouve au matin son corps déchiqueté par le diable. Moralité : il faut se défier du Malin et adorer Dieu (68).
Quelques-uns ont pensé que le Johann Faust duFaustbuch devait être identifié àJohann Fust deMayence (vers 1400-1466), un des inventeurs de l'imprimerie, dont la vie aurait été défigurée par les contes populaires[31]. Cette thèse ne semble plus avoir d'adeptes aujourd'hui.
LeFaustbuch de 1587 fut traduit en anglais au plus tard en 1589, date à laquelleChristopher Marlowe rédigea, sur la base de cette traduction, saTragique Histoire du docteur Faust, qui ne fut publiée qu'en 1604, à Londres. Marlowe situa l'action de sa pièce àWittemberg. Son texte fut, deux siècles plus tard, étudiée parGoethe.
Mais dans l'intervalle, leFaustbuch de 1587 avait déjà été adapté plusieurs fois. Une traduction française due àPierre Victor Palma Cayet et intituléeHistoire prodigieuse et lamentable de J. Faust, grand magicien et enchanteur, parut en 1598 et connut 14 éditions jusqu'en 1674[32]. En 1599 fut imprimé àHambourg un volumineux ouvrage (671 pages) de Georg Rudolf Widmann au titre éloquent, dont on peut traduire ainsi la forme qu'il prit dans l'édition deNuremberg de 1674 :L'exécrable vie et l'effroyable fin du tristement célèbre maître de magie noire Johann Faust[33]. Ce livre narre à peu près les mêmes aventures que leFaustbuch de 1587, mais dans un esprit clairement luthérien. Faust y ressemble, commenteAdolphe Bossert, « à une personnification de la Contre-Réforme »[34].
Johann Georg Neumann (1661-1709) publia à l'âge de vingt-deux ans une curieuse dissertation sur Faust, intituléeDisquisitio historica de Fausto praestigiatore [« Recherche historique sur le charlatan Faust »] (Wittenberg, Matthias Henckel, 1683). Cette monographie eut un grand succès et fut réimprimée en 1693, 1711, 1742 et 1746[35].
Faust est un alchimiste qui, depuis son plus jeune âge, aspire à posséder la connaissance universelle et à percer les secrets de l'univers. Il met tout en œuvre pour atteindre son but mais n'y parvient pas. Le voici au bord du suicide, convaincu d'avoir perdu son temps et sa vie. En dernier recours, il sollicite l'aide de Méphistophélès, lequel lui propose alors un marché : il réalisera tous ses désirs en échange de son âme dès que Faust se dira satisfait et heureux, dans un délai de 24 ans. L'alchimiste accepte.
Faust est toujours insatisfait. Méphistophélès lui fait alors rencontrer une jeune fille nommée Marguerite (Margarete ouGretchen, son diminutif allemand). Faust tombe sincèrement amoureux de Marguerite, elle-même follement éprise de lui (Marguerite au rouet /Le roi de Thulé). Un après-midi, Faust demande à Marguerite de lui ouvrir la porte de sa chambre le soir. Pour cela, elle devra verser un somnifère dans le potage de sa mère pour qu'elle n'entende rien. Mais la mère de Marguerite meurt à cause du somnifère. Le frère de Marguerite rencontre Faust au moment où il saute par la fenêtre de la chambre de sa sœur. Pour venger l'honneur de la famille, il affronte en duel Faust, qui le tue avec l'aide de Méphistophélès.
Faust doit donc fuir la ville et laisse Marguerite seule au monde, enceinte et cible des ragots de la ville. Elle aura un enfant qu'elle ira noyer. Elle est emprisonnée et condamnée à mort pourinfanticide. Faust l'apprend, s'indigne et voudrait la sauver, mais elle ne veut plus le suivre. Méphistophélès emmène Faust hors de la prison de Marguerite en disant « Elle est jugée » (« sie ist gerichtet ») mais une voix du ciel dit« Elle est sauvée » (« sie ist gerettet »). Ainsi s'achève la première partie duFaust de Goethe.
Contrairement à Faust, Marguerite (Gretchen) est croyante, et elle n'acceptera de se marier qu'à la condition que Faust ait la foi. Elle lui pose la question, restée célèbre en Allemagne :« Nun sag, wie hast du's mit der Religion ? », qui signifie, littéralement,« Au fait, dis-moi, quelles sont tes opinions religieuses ? ». Faust évite de répondre, car cela le gêne. En allemand uneGretchenfrage[36] est ainsi devenue une question ingénue.
Dans le secondFaust, celui-ci rencontre le souverain, puis épouse Hélène de Troie. Ensemble, ils ont Euphorion et Faust fait fructifier un lopin de terre « arraché à la mer ».À la fin, Méphistophélès veut, conformément au pacte, prendre l'âme de Faust. Mais celui-ci n'est pas damné : il échappe à l'enfer grâce aux prières de Marguerite. Le dernier vers de cette seconde partie de Faust conclut« l'éternel féminin nous élève » (« das Ewig-Weibliche zieht uns hinan »)[37].
Le poème dramatiqueFaust, que l'Autrichien Nikolaus Niembsch von Strehlenau, ditNikolaus Lenau (1802-1850), publia en 1836 en réaction aux secondFaust de Goethe et à la rédemption finale de son héros, met en scène un homme à la recherche de l'absolu mais qui n'aboutit qu'au désespoir. Sa quête insatisfaite le conduit à un état d'inquiétude douloureuse qui fait de lui la proie facile de Méphistophélès, lui aussi un orgueilleux révolté. Méphisto sépare Faust du « Christ », c'est-à-dire des croyances théistes, puis de la « nature », c'est-à-dire du panthéisme (L. Roustan,Lenau et son temps, 1898, p. 155). Le compositeurPhilippe Fénelon, pour sa part, commente ainsi l'ouvrage de Lenau : « Les scènes de la vie du héros expriment le tragique de la destinée. Composition baroque et morcelée, cette œuvre de contrastes tente d'exprimer les contradictions des êtres. Elle articule les thèmes faustiens : la nature ne livre pas ses secrets, la science est vaine, la religion ne répond à rien, la sensualité est éphémère, la vie familiale est insipide, l’art n’apporte qu’un semblant de satisfaction… Refusant tout compromis, sceptique et désabusé, Faust rompt avec l’ordre établi pour échapper au doute et se laisse convaincre par un Méphistophélès brutal, ironique et condescendant, qu’il atteindra son but en lui livrant son âme. Son errance et ses visions ne sont pourtant que la fuite en avant d’un rêve cynique qui le mène d’échec en échec. C’est Georges – L’Homme –, conscience de Faust, qui lui apporte la clé en lui faisant découvrir que la liberté désirée est en chacun de nous et qu’il est vain de la chercher ailleurs. Cette révélation de l’homme libre entraîne le rebelle vers sa destruction. Ses aventures douloureuses n’ont été que l’histoire d’un sursis ».
Faust, deCharles Gounod, livret deJules Barbier etMichel Carré (créé en 1859). Opéra adapté de la pièceFaust et Marguerite de Carré, pièce elle-même inspirée par lapièce deGoethe. En 2019, lePalazzetto Bru Zane publie l'enregistrement discographique[38] de la première version de cet opéra, avec dialogues parlés et nombreux morceaux inédits ou modifiés. L'institution publie également sur son site de ressources en ligne (Bru Zane Mediabase) de nombreux documents[39] concernant l'oeuvre (livret, iconographie, notice, etc.).
La chansonThe Small Print (albumAbsolution en 2003) deMuse, à l'origine intituléeAction Faust. Elle traite du pacte entre Faust et le diable du point de vue de ce dernier.
Docteur Faustus est le nom d'un super vilain de l'universMarvel. On le retrouve dans la série TVAgent Carter, où il est interprété parRalph Brown. C'est un psychologue/psychiatre et mentaliste qui se vante d'être le "Maître de l'esprit des Hommes"
Dans le mangaBlack Butler de Yana Toboso, un jeune noble dont la famille a été assassinée conclut un pacte avec un diable. Ce diable sera son serviteur jusqu'à ce que son maître soit vengé, et ce en échange de son âme. L'un de ces diables se nomme Claude Faustus.
Dans le mangaShaman King d'Hiroyuki Takei, Johann Faust est un personnage fictif directement inspiré de la légende de Faust. Ce dernier a lui aussi conclu un pacte avec le diable[réf. nécessaire], et le démon Méphistophélès réclame l'âme de Faust sept ans après la conclusion du pacte.
Dans le mangaBlue Exorcist deKazue Kato, Méphisto Pheles est le proviseur de l'académie de la Croix-Vraie (où il est connu sous le nom de Johann Faust V) et est aussi unexorciste.
↑Voir Ph. Mason Palmer & R. Pattison More,The sources of the Faust tradition from Simon Magus to Lessing (1936) ; B. Pouderon,Métamorphoses de Simon le Magicien (2019).
↑Textes (originaux grecs, ensuite traduits en latin et dans d'autres langues) :Conversion de Cyprien (BHG 452) ;Confession de Cyprien (BHG 453) ;Passion de Cyprien (BHG 455)
↑Pseudo-Amphiloque d'Iconium,Vie de saint Basile, VII (= BHG 253), « Sur celui qui renia le Christ par écrit », texte grec édité par L. Radermacher,Griechische Quellen zur Faustsage (...). Wien & Leipzig, 1927, p. 122-148. Pour un résumé plus développé, voir P. Boulhol« De Cyprien le magicien au docteur Faust : la légende dupacte diabolique et ses origines grecques » ; ou Id., « Le pacte avec le diable » (2010), p. 38-40.
↑Texte grec : L. de Sinner,Légende de Théophile. Paris, 1838, p. 7-17 ; L. Radermacher,Griechische Quellen zur Faustsage (...). Wien & Leipzig, 1927, p. 182-218 et 183-219.
↑Jacques de Voragine,Legenda aurea, CXXXI (126),De nativitate beatae Mariae virginis, 9, éd. Th. Graesse, 1890 (3e éd.), anast. 1969, p. 593-594.
↑(en)LeoRuickbie,Faustus : The Life and Times of a Renaissance Magician, The History Press,,p. 18.
↑Mason Palmer & Pattison More,The sources of the Faust tradition (1978), p. 101-103.
↑Trithemius,Lettre à Johann Virdung, Würzburg, 20 août 1507. Texte reproduit par Mason Palmer & Pattison More,The sources of the Faust tradition (1978), document I, p. 83-86.
↑Mason Palmer & Pattison More,The sources of the Faust tradition (1978), p. 85.
↑Mason Palmer & Pattison More,The sources of the Faust tradition (1978), p. 92-93, textes n° X-XI (Tischreden de Luther) ; p. 99-100, n° XV-XVI (Explicationes de Melanchthon).
↑Voir le témoignage indigné de l'abbéTrithemius,Lettre à Johann Virdung, Würzburg, 20 août 1507. La sincérité du témoignage faustien de Trithemius a toutefois été mise en doute : Frank Baron & Richard Auernheimer (éd.),War Dr. Faustus in Kreuznach ? Realität und Fiktion im Faust-Bild des Abtes Johannes Trithemius. Alzey, Verlag der Rheinhessischen Druckwerkstätte, 2003.
↑Mason Palmer & Pattison More,The sources of the Faust tradition (1978), p. 90, texte n° VI.
↑Mason Palmer & Pattison More,The sources of the Faust tradition (1978), p. 90, texte n° VII.
↑Notre source principale à ce sujet est une lettre du légat pontifical Minuccio Minucci au comte Guillaume de Bavière, datée du 25 mars / 4 avril 1583 :... il conte Hermanno di Veda, il quale ancora nel tempo della sua apostasia hebbe presso di se il Fausto e l'Agrippa, famosissimi in tal arte [scil. la magie] (Nuntiaturberichte aus Deutschland.... Dritte Abtheilung. 1572-1585. Zweiter Band. Berlin, 1894, p. 617, 17-18).
↑Mason Palmer & Pattison More,The sources of the Faust tradition (1978), p. 95-96, texte n° XIII.
↑Mason Palmer & Pattison More,The sources of the Faust tradition (1978), p. 91, texte n° VIII.
↑Mason Palmer & Pattison More,The sources of the Faust tradition (1978), p. 103-104, texte n° XIX.
↑Mason Palmer & Pattison More,The sources of the Faust tradition (1978), p. 102, texte n° XVIII.
↑Mason Palmer & Pattison More,The sources of the Faust tradition (1978), p. 98, texte n° XIV : Johannes Gast,Sermones Conviviales. Voir Frank Baron, « Which Faustus died in Staufen ? History and legend in theZimmeriche Chronik », dansGerman Studies Review, 6/2 (May 1983), p. 185-194, spéc. p. 186-187.
↑Mason Palmer & Pattison More,The sources of the Faust tradition (1978), p. 117-118.
↑L'unique manuscrit se trouve àKarlsruhe, Badische Landesbibliothek, Cod. K 437, fol. 368-407.
↑Première édition par Wilhelm Meyer en 1895 ; nouvelle édition avec traduction anglaise et notes par J.M. van der Laan,The Faust Tales of Christoph Rosshirt. A critical edition with commentary. Rochester (NY), Camden House, 2019.
↑Édité par Harry Gerald,Das Faustbuch nach der Wolfenbütteler Handschrift. Deuxième édition corrigée. Heidelberg, Winter-Verlag, 1995.
↑Voir John S. Broehuizen,Faust and Fust : a case of mistaken identities. Thesis, Rice University, 1967.
↑Voir André Mary (éd.),La Fleur de la prose française, depuis les origines jusqu'à la fin duXVIe siècle. Paris, Garnier frères, 1954, p. 600-604.
↑Das ärgerliche Leben und schreckliche Ende des viel-berüchtigen Ertz-Schwartzkünstlers Johannis Fausti..., réédité, d'après l'édition de Nuremberg de 1674, par Adelbert von Keller, Tübingen, 1880.
↑Adolphe Bossert, « LeFaust de Goethe : ses origines et ses formes successives », dansRevue des Deux Mondes, 5e période, tome 11 (1902), p. 641-680, spéc. p. 650-651.
Charles Dedeyan,Le thème de Faust dans la littérature européenne. Paris, Lettres Modernes, 1954-1967 (6 volumes).
Aminta Dupuis,L'Initiation de Faust et de Parzival, La quête du Graal, Une voie moderne de connaissance et d'amour (préface de Martin Gray). Paris, L'Harmattan, 2005, 183 pages(ISBN2-7475-8330-9)
Ernest Faligan,Histoire de la Légende de Faust. Paris, 1887 (thèse - Faculté des Lettres de Paris) [fait le point sur les textes allemands de la légende et donne une traduction du premier texte allemand].
Dominique Lecourt,Prométhée, Faust, Frankenstein : Les fondements imaginaires de l'éthique, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond,, 88 p.(ISBN9782908602852).
Philip Mason Palmer & Robert Pattison More,The Sources of the Faust Tradition from Simon Magus to Lessing. Oxford, Oxford University Press, 1936, réimpr. New York, 1978.
Bernard Pouderon,Métamorphoses de Simon le Magicien : des « Actes des Apôtres » au « Faustbuch ». Paris, Beauchesne, 2019.
Ludwig Radermacher,Griechische Quellen zur Faustsage. Der Zauberer Cyprianus. Die Erzählung des Helladius. Theophilus. Wien & Leipzig, 1927 (= Akademie der Wissenschaften in Wien. Philosophisch-historische Klasse. Sitzungsberichte, 206. Band, 4. Abhandlung).
Pierre Saintyves,La Légende du Docteur Faust. Paris, 1926 [réunit tous les épisodes légendaires allemands antérieurs à Goethe].
La revueSous le signe de Faust (1997), éditée par la bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel (Suisse), contient une importante bibliographie sur Faust.