Leféminisme est un ensemble demouvements et d'idées politiques, sociales et culturelles. La définition globale de ce terme lui donne pour objectif de promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes en militant pour lesdroits des femmes[1],[2], et ce, sur le principe fondamental que les hommes et les femmes sont égaux et doivent être considérés comme tels dans la société[3].
Le terme « féminisme » est utilisé en 1872 parAlexandre Dumas fils avec un sens péjoratif dans un pamphlet anti-féministe, puis employé et popularisé à partir de 1882 parHubertine Auclert, militante féministe etsuffragiste française, qui lui donne son sens actuel. Cependant, les idées de libération et d'émancipation des femmes prennent leurs racines dans lesiècle des Lumières et se réclament de mouvements plus anciens ou de combats menés dans d'autres contextes historiques.
Le mouvement féministe a produit, selon les époques, différentscourants de pensée avec des revendications principales spécifiques, parfois opposés, et les diverses idées listées ci-après qui émergent à travers le temps et l'espace peuvent susciter des oppositions et ne reflètent pas de consensus au sein même du ou des mouvements féministes. Par exemple, le féminismeessentialiste oudifférentialiste a pu reprocher au féminismeconstructiviste,universaliste ou antiessentialiste de ne pas défendre l'identité féminine, tandis qu'il lui a été reproché de corroborer les visions stéréotypées des sexes et de ne pas être un vrai féminisme. Ce clivage important s'imbrique avec d'autres, par exemple entreféminismes libéral,radical,socialiste, puismatérialiste,trans,queer,lesbien,antivalidiste... Il nuance l'idée selon laquelle les personnes féministes souhaitent l'égalité en droits de façon totale et sans équivoque, quelques-unes accordant une valeur polémique à l'importance des sexes et de leur différence biologique.
Ladeuxième vague féministe, qui intervient à la fin des années 1960 avec la naissance duMouvement de libération des femmes (MLF) et duWomen's Lib, a ainsi élaboré plusieurs concepts qui entendent rendre compte de la spécificité du rapport dedomination exercé par les hommes sur les femmes. C'est à cette période qu'est reformulé le concept depatriarcat, élaboré celui desexisme et que l'accent est mis sur la sphère privée comme lieu privilégié de ladomination masculine : « le privé est politique »[4]. Les revendications touchant au contrôle de leur corps par les femmes (avortement,contraception) sont placées au premier plan, mais, plus largement, c'est à la construction de nouveaux rapports sociaux de sexe qu'appellent les féministes de cette deuxième vague. Dans cette perspective, la notion de « genre » entend « dénaturaliser » les rapports entre les sexes en mettant en exergue la hiérarchisation sociale.
Sous le nom detroisième vague féministe, l'on désigne, à partir des années 1990, un large ensemble de revendications exprimées par des personnalités féministes issues de groupesminoritaires, dans le sillage duBlack feminism. Cette troisième vague, née aux États-Unis, se démarque des deux autres vagues précédentes en se voulant moins blanche, moins bourgeoise, moins occidentale et plus inclusive dans la poursuite de la défense des droits des femmes. Cette vague du féminisme, dite intersectionnelle, n'est pas représentative de tous les féminismes contemporains. Les discriminations ajoutées au sexisme dans le cas des femmes marginalisées pour d'autres raisons, y compris dans le féminisme classique, sont considérées par le féminisme intersectionnel comme imbriquées avec celui-ci et constituant des situations particulières de domination dont il est indispensable de tenir compte.
Par suite, l'intersectionnalité fait se recouper le féminisme de façon plus forte qu'auparavant avec des luttes pour les droits des personnes qui appartiennent aux minorités, telles des personnesLGBT+ qui ne sont pas forcément des femmes, ou encore les personnes racisées,pauvres, exerçant letravail du sexe,au foyer, ou en situation dehandicap, ainsi qu'avec des causes différentes telles que l'environnementalisme.
Le terme « féminisme » a longtemps été attribué à tort àCharles Fourier. Il est d’abord utilisé dans les années 1870 par le corps médical pour qualifier une affection touchant les hommes au corps peu viril, féminisé[5]. En 1872Alexandre Dumas fils, l'utilise de manière ironique pour qualifier les partisans du droit des femmes[6],[5] en écrivant dansL'Homme-femme :« Lesféministes, passez-moi ce néologisme, disent : Tout le mal vient de ce qu'on ne veut pas reconnaître que la femme est l'égale de l'homme, qu'il faut lui donner la même éducation et les mêmes droits qu'à l'homme ». Le terme est repris en 1882 et popularisé par la militante féministeHubertine Auclert, première « féministe » auto-proclamée[7], qui lui donne son sens moderne de lutte en faveur des droits des femmes[8],[5]. Il se diffuse en Europe dans la dernière décennie duXIXe siècle[5].
Avec l’émergence des démocraties occidentales, le mouvement féministe s’incarne progressivement dans des groupes organisés, sans jamais présenter un visage monolithique, au point que les études contemporaines mettent l’accent sur la diversité des féminismes[9].
Les configurations nationales imposent souvent leurs cadres et leurs calendriers ; les objectifs et les méthodes varient selon les groupes constitués et les débats sont constants pour définir les orientations stratégiques et les étapes intermédiaires à atteindre en priorité. Les féministes se trouvent en particulier confrontés à un dilemme : doivent-elles pour mener leur combat mettre en avant les qualités spécifiques qui sont attribuées aux femmes (voirFéminité) ou au contraire affirmer l’universalité des propriétés humaines (voirÊtre humain) ? La première position au risque de figer la nature des femmes ; la seconde au risque de choquer l’évidence de la différence des sexes sur laquelle s’appuient les représentations et la structure sociale.
Féminisme dans l'Antiquité
Certains auteurs[10] affirment que le féminisme existe depuis tout temps[11] : ils parlent deprotoféminisme, même si d'autres pensent qu'il s'agit bien d'un même féminisme qui apparaît puis disparaît de manière cyclique[12]. On trouve chezRobert Flacelière l'idée que dans laGrèce antique, certainsAthéniens contestaient l'enfermement des Athéniennes au foyer, situation courante de cette époque considérée comme injuste, et s'appropriaient ainsi la revendication d'une idéologie féministe[11]. De même, l'égalité foncière entre les deux sexes fut retenue et développée parAntisthène, fondateur de l'école cynique, et parEschine de Sphettos, deux disciples deSocrate.Antisthène disait que« l'homme et la femme ont la même vertu »[11]. Plus tard, lecyniqueCratès de Thèbes épousa la sœur duphilosopheMétroclès, de la mêmeécole que lui : la riche et nobleHipparchie. Elle se fit pauvre et devintphilosophe comme son époux, tous deux allant mendier leurs repas de maison en maison. Ce modèle des ménages de philosophes fit passer dans la réalité le principe théorique del'égalité des sexes, posé parSocrate et admis parAntisthène dans saphilosophie[11].
Féminisme dans le christianisme
Lors duquatrième concile du Latran organisé en 1215 à l'initiative du papeInnocent III, le mariage est déclaré comme étant l'objet de deux volontés plutôt que de deux corps, ce qui a notamment pour objectif d'empêcher les mariages clandestins et de s'assurer que le mariage est consenti par les deux mariés[13].
Lors de larévolution anglaise de 1688-1689, les femmes de l’Église anglicane proclamèrent que si Dieu aime les femmes en tant que telles, le Parlement devait agir de même[14].
En 1906, le papePie X déclare àCamille Theimer[n 1] :« Il est bon que les femmes se libèrent du joug pesant sous lequel les courbe, depuis des siècles, la société. Il est bon qu'elles sachent conquérir leurs moyens d'existence. […] Les femmes ne doivent en aucun cas s'immiscer dans les affaires publiques. Elles ne seront ni électrices ni députés »[15],[16],[17].
L'écrivaineChristine de Pizan est la première personne en France — hommes et femmes confondus — à pouvoir vivre de ce métier[18]. Son œuvre, notamment laCité des Dames, est écrite pour mettre en avant la grandeur et la valeur des femmes et de leurmatrimoine (Christine de Pizan emploie le mot dans son livre[19],[20]) à travers la description de femmes notoires considérées comme des modèles de courage et de vertu. Christine de Pizan a sévèrement critiqué l'ouvrage deJean de Meung faisant suite auRoman de la Rose, pour la virulence des propos qu'il y tient contre les femmes[21] et lui répond avec un livreL’Épître au Dieu Amour (1399), puis elle approfondit sa réponse avec laCité des Dames.
« Si la coustume estoit de mettre les petites filles a l'escole, et que communément on les fist apprendre les sciences comme on fait aux filz, qu'elles apprendroient aussi parfaitement et entenderoient les subtilités de toutes les arz et sciences comme ils font », Christine de Pizan dansLa Cité des dames[22].
La thèse du féminisme avant la lettre de Christine de Pizan est soutenue par les médiévistesThérèse Moreau etRégine Pernoud, qui voit en elle une féministe, pour sa thèse de l'égalité intellectuelle des hommes et des femmes dues à l'éducation et non pas à la nature. Éliane Viennot souligne le rôle important de Christine de Pizan dans la défense des droits des femmes à son époque[23].
« Enfin, pour comprendre la société à l'époque de la Renaissance dans ce qu'elle a d’élevé, il est essentiel de savoir que la femme était considérée à l'égal de l'homme. […] Le plus grand éloge qu'on pût faire des Italiennes remarquables de cette époque consistait à dire qu'elles avaient un esprit viril, une âme virile. On n'a qu'à considérer l'attitude toute virile de la plupart des héroïnes épiques, surtout de celles deBoiardo etL'Arioste, pour savoir qu'il s'agit ici d'un idéal bien défini. Le titre de « virago », que notre siècle regarde comme un compliment très équivoque, était alors la plus flatteuse des distinctions. […] En ce temps-là, la femme était considérée capable, aussi bien que l'homme, d'atteindre à la plus haute culture. »
Malgré les contributions féminines à la rédaction des cahiers de doléances et le rôle que jouent les femmes du peuple parisien —notamment lors des manifestations d’octobre 1789 pour demander du pain et des armes —, les femmes ne se voient pas attribuer de droit particulier dans laDéclaration des droits de l'homme et du citoyen ; et si le nouveau régime leur reconnaît une personnalité civile, elles n'auront pas le droit de vote à cette époque.
Elles n'en continuent pas moins à investir l'espace public, organisées en clubs mixtes ou féminins et en sociétés d’entraide et de bienfaisance, et participent avec passion à toutes les luttes politiques de l'époque. Parmi les personnalités féminines notoires des débuts de la Révolution, il faut retenirOlympe de Gouges qui publie en 1791 laDéclaration des droits de la femme et de la citoyenne :« La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune »[25].
AussiThéroigne de Méricourt qui appela le peuple à prendre les armes et participa à la prise de la Bastille, ce dont elle sera récompensée par le don d'une épée par l'Assemblée nationale. C’est par des femmes commeClaire Lacombe, Louison Chabry ou Renée Audou que fut organisée la marche surVersailles qui finit par ramenerLouis XVI dans la capitale.
Toutes deux proches desGirondins, elles connurent une fin tragique :Théroigne de Méricourt devenant folle après avoir été fouettée nue par des partisanes de leurs adversaires,Olympe de Gougesguillotinée. Si les femmes ont été privées du droit de vote, cela ne les a pas préservées des châtiments réservés aux hommes, et nombreuses connurent laprison ou l'échafaud à la suite de leurs actions publiques ou politiques.
À partir de 1792, l'entrée en guerre de la France conduit certaines à se battre aux frontières, tandis qu'en 1793, se développe à Paris un militantisme féminin, porté par des femmes du peuple parisien proches dessans-culottes. Les deux cents femmes duClub des citoyennes républicaines révolutionnaires créé le 10 mai 1793 parClaire Lacombe etPauline Léon, les « tricoteuses », occupent les tribunes publiques de la Convention et apostrophent les députés, entendant représenter le peuple souverain. Claire Lacombe propose d’armer les femmes. Leurs appels véhéments à laTerreur et à l'égalité, leur participation à la chute desGirondins, ainsi que les autres manifestations spectaculaires des « enragées », allaient leur valoir une image defuries sanguinaires qui entretiendrait longtemps les répulsions du pouvoir masculin.
Cependant, plus que les excès d'une violence largement partagée à l'époque, ce sont d'abord les réticences des hommes au pouvoir qui excluent les femmes de la sphère politique. La plupart desdéputés partagent les conceptions exposées dansÉmile ou De l'éducation deRousseau d'un idéal féminin restreint au rôle de mères et d'épouses, rares étant ceux qui, commeCondorcet, revendiquent le droit de vote des femmes en vertu des droits naturels inhérents au genre humain, lesquels, à la même époque, inspirent la lutte contre ledespotisme et l’esclavage.
Le 9 brumaire an II (30 octobre 1793), toute association politique féminine est interdite par la Convention, un seul député s'y opposeLouis-Joseph Charlier, mais les femmes vont continuer à jouer un rôle jusqu'à l’insurrection du printemps 95, dont le mot d’ordre est « du pain et la Constitution de 93 », avant que la répression généralisée qui marque la fin de la Révolution ne mette un terme provisoire à cette première prise de parole politique, pour les femmes comme pour les hommes.
Échos en Grande-Bretagne
Frontispice deVindication of the Rights of Woman: with Strictures on Political and Moral Subjects de Mary Wollstonecraft, 1792.
En 1792, une femme de lettres britannique,Mary Wollstonecraft fait paraîtreVindication of the Rights of Woman, un ouvrage traduit en français la même année sous le titreDéfense du droit des femmes. L'autrice, qui participe aux débats passionnés suscités outre-Manche par laRévolution enFrance, n'hésite pas à assimiler le mariage à une forme légale de prostitution. Elle oppose et rapproche l'exploitation dont sont victimes les femmes les plus pauvres, contraintes au travail salarié ou à la rémunération de leurs services sexuels, au sort des jeunes femmes de la petite et moyenne bourgeoisie, privées de toute perspective professionnelle par les préjugés et le défaut d'éducation, et réduites à chercher un « beau »parti.
Mary Wollstonecraft sera vite oubliée en France, avant d'être redécouverte parFlora Tristan en 1840, cette dernière considérée comme une pionnière du féminisme[26].
Éteintes sous l’Empire et laRestauration, les revendications féministes renaissent en France avec larévolution de 1830. Un féminisme militant se développe à nouveau dans les milieuxsocialistes de la génération romantique, en particulier chez lessaint-simoniens et lesfouriéristes de la capitale. Les féministes participent à l'abondante littérature de l'époque, favorisée par la levée de la censure sur la presse.La Femme Libre etLa Tribune des femmes paraissent en 1832 ;Le Conseiller des femmes[27], édité à Lyon parEugénie Niboyet, est le premier journal féministe de province.
Page-titre du livre de Claire Démar, 1833.
Sur le plan politique, la constitution de lamonarchie de Juillet privant de ses droits la majorité de la population française, le combat des femmes rejoint celui des premiers défenseurs des ouvriers et des prolétaires, mais les femmes se mobilisent également contre le statut civil de la femme, soumise en matière juridique et financière à son mari —« La femme doit obéissance à son mari » affirme leCode civil —, et pour le rétablissement dudivorce interdit sous la Restauration en 1816.
Certaines femmes revendiquent le droit à l’amour libre, au scandale de l'opinion publique.Claire Démar se livre ainsi dans sonAppel au peuple sur l'affranchissement de la femme (1833) à une critique radicale dumariage dans lequel elle dénonce une forme de prostitution légale. Elle n’est toutefois pas suivie par l’ensemble des saint-simoniennes qui tiennent à se démarquer des accusations d’immoralisme qui frappent le mouvement[28].
Les débuts du régime laissent entrevoir quelques espoirs d’évolution. Les pétitions en faveur du rétablissement du divorce placent ce sujet sur l’agenda politique : en 1831 et 1833, les députés votent par deux fois en faveur de la loi, laquelle est toutefois repoussée par laChambre des pairs[29]. Les revendications féministes deviennent inaudibles. QuandLouise Dauriat adresse en 1837 aux députés une demande en révision des articles du Code civil qui lui paraissent contraires aux droits des femmes, elle ne récolte en retour que les rires de l’assemblée[30].
Jenny d'Héricourt, fondatrice de la Société pour l’émancipation des femmes, années 1870.
Comme en 1789, les femmes participent activement aux journées révolutionnaires defévrier 1848. Elles s'expriment publiquement par le biais d’associations et de journaux. Les lois proclamant la liberté de la presse profitent ainsi à nouveau à la presse féministe : Eugénie Niboyet crée, le 20 mars,La Voix des femmes qui est dans un premier temps le principal relais des revendications féminines, écartées de la presse traditionnelle[31]. Puis viendront en juinLa Politique des Femmes deDésirée Gay ou encoreL’Opinion des femmes publiée en janvier 1849 parJeanne Deroin.
À la suite de leurs protestations, les femmes se voient accorder ledroit au travail au même titre que les hommes ; lesateliers nationaux leur sont ouverts, avec retard, le 10 avril. Elles goûtent aux prémices d’une participation citoyenne en élisant des déléguées à laCommission du Luxembourg[32], en proposant des réformes pour leurs conditions de travail, la création de crèches ou de restaurants collectifs[33].
Le droit de vote pour l’élection de la futureAssemblée nationale constituante est au centre de leurs préoccupations :Jenny d'Héricourt, la fondatrice de la Société pour l’émancipation des femmes imagine que, une fois conquis, ce droit permettra d’agir par la voix législative sur l’ensemble des revendications au nombre desquelles figurent toujours l’abrogation du Code civil et le droit au divorce. Elles lancent des pétitions, sont reçues par les instances politiques. Le Comité des droits des femmes présidé par Allix Bourgeois se voit répondre, par la voix d’Armand Marrast, le maire de Paris, que la décision ne pourra être prise que par la future instance législative[34].
Les pétitions en faveur du rétablissement du divorce ne rencontrent pas plus de succès que celles de leurs devancières des années 1830 : la proposition du Ministre de la JusticeAdolphe Crémieux à la Chambre en mai 1848 est accueillie sous les quolibets[35]. On s’inquiète notamment de la menace que la parole libérée des femmes pourrait faire peser sur la famille. Le Club des femmes, ouvert en avril 1848, est un lieu de débat qui provoque de virulentes réactions ; certaines de ses séances tournent à l’émeute et sa présidente — Eugénie Niboyet — est âprement caricaturée dans la presse[36]. Le Club des femmes sera finalement fermé pour ne pas troubler l’ordre public.
En Allemagne, un premier courant féministe trouve son origine dans les idéeslibérales duVormärz et émerge véritablement à la faveur de larévolution de Mars 1848.Louise Aston ouLouise Dittmar tentent de lancer les premiers journaux voués à la cause des femmes.Louise Otto, élevée dans un milieu bourgeois qui aspire à des réformes libérales, est la première à pouvoir pérenniser son entreprise ; leFrauen-Zeitung (1849-1852), lequel s’adresse prioritairement à la classe moyenne, relaie des revendications essentiellement économiques, insistant sur l’éducation des femmes, leur indépendance économique et le refus des mariages arrangés. Le retour à l’ordre freinera pour quinze ans ce premier élan[37].
AuXIXe siècle, le mouvement suffragiste s'affirme en Espagne en faveur dudroit de vote des femmes, notamment avec l'Asociación para la Enseñanza de la Mujer, créée en 1870, deConcepción Arenal. Dans le domaine de l'éducation, la pédagogueJuana Whitney fonde, en 1894, àBilbao, l'Académie anglo-française[38], un établissement d'avant-garde qui dispense un enseignement laïque et progressiste aux jeunes filles[39].
Des militantes progressistes, comme la musicienneClotilde Cerdà à Barcelone, mènent le combat, tant dans les droits des femmes que dans la lutte contre l'esclavage[40].
La féministe catalaneTeresa Claramunt, autrice de l'essaiFemmes, unissons-nous!.
La même année, la journaliste et militante féministeBelén de Sárraga crée l'Asociación General Femenina de Valencia et laFédération des sociétés de résistance, àMalaga, enAndalousie[43].
Aux États-Unis
Si la première manifestation collective du féminisme américain coïncide chronologiquement avec lePrintemps des peuples européens, ses origines intellectuelles diffèrent sensiblement. Les sectes protestantes dissidentes, en particulier celle desquakers, sont le principal vecteur des idées favorables à l’émancipation des femmes. Mouvementabolitionniste et mouvement du droit des femmes (Women’s right movement) sont étroitement imbriqués ; les sœursAngelina etSarah Grimké,Lucretia C. Mott ouElizabeth Cady Stanton figurent en première ligne sur ces deux fronts. Mott et Stanton organisent de concert en 1848 laConvention de Seneca Falls dont le texte final — la « déclaration de sentiments » —, calqué sur le modèle de ladéclaration d'indépendance des États-Unis, est traditionnellement considérée comme l’acte fondateur du féminisme américain[44].
Éducation
Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, l’enseignement est dispensé aux jeunes filles de la bourgeoisie par despréceptrices, un des seuls métiers socialement acceptables pour les veuves et les jeunes filles issues de la bonne société. Outre les connaissances de base en matière de lecture, d’écriture et de calcul, il est focalisé sur les activités d’agréments qui fondent « l’art de plaire » et exclut les disciplines scientifiques telles que le grec et le latin, alors indispensables pour poursuivre un cursus dans l’enseignement supérieur[45].
L'éducatrice Frances Mary Buss.
Éduquées et indépendantes, les femmes qui s’improvisent institutrices fournissent historiquement une part importante des effectifs militants féministes. Elles souffrent néanmoins d’un déficit de formation, provenant de leur exclusion de l’université. LeQueen’s College for women puis leBedford College d’Elizabeth Jesser Reid sont créés à la fin des années 1840 pour permettre aux éducatrices de bénéficier d’une formation de niveau supérieur[46]. Les nouvelles diplômées sont à la pointe du mouvement pour l’éducation des femmes. LeNorth London Collegiate School (1850) puis leCheltenham Ladies' College (1853), dirigés par deux anciennes élèves de Bedford,Frances Mary Buss etDorothea Beale, proposent une pédagogie révisée, alignée sur les standards masculins.
Les féministes se tournent alors progressivement vers l’université. Conduit parEmily Davies, le Comité pour l’accès des femmes aux examens universitaires revendique l’ouverture aux filles des examens de fin d’études secondaires (The Cambridge and Oxford Local Examination) ; après une première expérimentation en 1863, il obtient l’autorisation officielle du Sénat de l'Université de Cambridge en 1865[47].
L’étape suivante est l’ouverture de l’accès aux examens d’entrée à l’université (Matriculation Examinations). Face au refus des instances universitaires, Davies inaugure, malgré de nombreuses difficultés matérielles, un établissement féminin conçu sur le modèle descolleges masculins àHitchin dans leHertfordshire (1869)[48], avant de se rapprocher de Cambridge en s’installant àGirton l’année suivante. Un autre projet du même type voit le jour peu après, toujours à Cambridge, avec la création duNewnham College sous le patronage d’Henry Sidgwick et d’Anne Clough[49].
LeSecond Empire est le théâtre de plusieurs avancées dans le domaine de l'éducation des femmes. Sous laIIe République, laloi Falloux avait fixé en mars 1850 l'objectif d'une école primaire pour filles dans chaque commune de plus de 800 habitants[50]. Laloi Duruy de 1867 aligne ce seuil sur les standards masculins en le fixant à 500[51].
Les programmes restent définis en fonction des rôles sociaux assignés aux femmes (y figurent les travaux ménagers et la puériculture) ; les couvents et congrégations prennent majoritairement en charge l’éducation des jeunes filles. La mobilisation pour l’éducation des femmes trouve appui dans l’opposition libérale au régime, notamment dans les milieux saint-simoniens.Elisa Lemonnier crée en 1862 les premières écoles professionnelles pour jeunes filles.Julie-Victoire Daubié sollicite, avec le soutien deFrançois Barthélemy Arlès-Dufour, influent capitaine d’industrie saint-simonien, l’autorisation de se présenter à l’épreuve dubaccalauréat, qu’elle obtient à Lyon en 1861, à l’âge de 37 ans.Madeleine Brès doit, quant à elle, son inscription en faculté de médecine à sa pugnacité, à l’intervention de l’impératrice Eugénie et du ministre de l'instruction publique,Victor Duruy. Ces pionnières restent toutefois encore isolées : la deuxième bachelière française,Emma Chenu, obtient son diplôme en 1863, deux ans après Daubié[52]. L’amélioration de l’enseignement des femmes reste un leitmotiv des féministes françaises : en 1866,André Léo crée ainsi une association consacrée spécifiquement à cette question[53].
L'engagement des femmes dans la Commune de Paris est considérable. Les femmes y sont nombreuses et peuvent même prendre part aux combats, notamment lors de lasemaine sanglante, tandis qu'un mouvement féministe avancé se structure autour deUnion des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. Malgré sa brièveté, la Commune tente de mettre en œuvre des mesures favorables à l'égalité des sexes. Mais les revendications féministes effraient les conservateurs versaillais et cela débouche sur une répression particulièrement violente à leur égard. Selon l'historienneOdile Krakovitch, "la répression des communardes, la violence des commentaires dont elles furent l'objet, est l'aboutissement de la responsabilité toujours plus grande attribuée aux femmes dans les malheurs de la société après 1848 ; elle est l'aboutissement aussi d'une aggravation de la séparation des classes et des sexes, sous le Second Empire, et donc d'une peur et d'une méfiance accentuées de part et d'autre. Elles sont aussi le résultat d'une volonté déterminée chez les Versaillais et les Républicains d'éteindre désormais, chez la femme, toute tentative de participation au pouvoir, toute velléité de paraître à l'avenir sur la scène politique"[54].
Le Conseil national des femmes françaises, fondé dans le sillage de laloi sur les associations de 1901, se veut apolitique et laïque. Ses militantes, issues principalement de la bourgeoisie, sont des républicaines, des socialistes ou des protestantes, initiées à l’action publique à travers les activités sociales et philanthropiques. L’Union française pour le suffrage des femmes fédère en 1909 les féministes favorables au droit de vote des femmes[57].
Le féminisme n'est pas en France un mouvement uniforme ; il est fragmenté. Les militantes s'orientent selon leurs différences de classe ou de religion, et selon les choix politiques dont elles se sentent proches. La militante typique vient de laphilanthropie, c'est une bourgeoise, elle est protestante ou juive ; elle fait partie d'une élite instruite, son époux a une situation politique ou économique enviable, elle mène sa vie de façon relativement autonome[58].
Il y a également beaucoup de féministes catholiques, mais les tensions afférentes à laséparation de l'église et de l'État rendront leur position difficile ; de tendance conservatrice, elles se mobiliseront pour défendre l'Église et voudront résoudre les difficultés des ouvrières par des actions de bienfaisance. Elles s'inspirent des valeurs traditionnelles, tel le sacrifice de soi pour la famille, l'Église et la Nation. Certaines soutiennent les campagnes antisémites qui accompagnent l'affaire Dreyfus. D'autres en arrivent à rejeter le féminisme, jugé contraire à la féminité. Mais d'autres encore, commeHubertine Auclert, rejetèrent leur éducation catholique, et s'associèrent à d'autres mouvements, comme lafranc-maçonnerie ou lalibre pensée[58].
Trois journaux, que l'on peut qualifier de féministes, créés au début duXXe siècle, vont donner une audience nationale et médiatique au mouvement. Il s'agit de :La Fronde, créé et réalisé entièrement par des femmes, premier du genre en France, se déclarant quelquefois plus féminin que féministe ;Femina, créé par un homme, au départ sur un projet d'ordre commercial mais qui, vers 1906, changera de style éditorial et adhèrera et défendra la cause féministe, en particulier le vote des femmes ;La Française enfin, créé pour donner une audience nationale à la cause du suffrage féminin, qui militera pour un féminisme capable de rassembler les points de vue, mais ne réussit pas à associer les plus radicaux d'entre eux[58].
Refusant l’activisme dessuffragettes britanniques, ces grandes fédérations réformistes entendent prouver la responsabilité des femmes et s’intègrent dans le modèle républicain en tissant des liens avec le monde politique masculin (leParti radical notamment), avec l’objectif d’influer sur l’activité législative[59]. Cependant, cette politique d'alliance avec des hommes compréhensifs se révélera être un échec : le Parti radical, en particulier, a bloqué tout progrès au Sénat sur le front législatif, empêchant pendant plus d'un demi siècle l’accès des femmes aux élections. L'une de leurs inquiétudes était qu'ils considéraient l'électorat féminin comme plus religieux, donc sous la coupe de l'Église catholique. Pour eux, le féminisme équivalait à donner des voix aux prélats de cette église. Une autre de leurs inquiétudes venait de l'écart démographique des genres consécutif à la Grande Guerre : pendant de nombreuses années, accorder le droit de vote aux femmes revenait, de fait, à mettre les hommes en minorité[58].
AuRoyaume-Uni, un mouvement pour ledroit de vote des femmes se développe à partir de 1866, date du dépôt de la première pétition adressée au Parlement, pour en faire la requête[60] ; le philosopheJohn Stuart Mill en est le principal relais dans l’enceinte parlementaire. À l’initiative deBarbara Bodichon etEmily Davies, unWomen’s suffrage committee (Comité pour le droit de vote des femmes) est constitué ; il est rapidement décliné en de multiples comités locaux, coordonnés au niveau national par laNational society for women’s suffrage (1867)[61]. Un mouvement de masse s’organise rapidement ; 1 500 lors de la pétition initiale de 1866, les féministes sont capables de réunir 250 000 signataires en 1894[62].
Proche d’aboutir à plusieurs reprises, mais bloqué par la frange conservatrice du Parlement, le mouvement se radicalise en 1903 avec la création de laWomen's Social and Political Union parEmmeline etChristabel Pankhurst. Ses militantes, désignées sous le nom de « suffragettes », optent pour de nouvelles formes d’action, parfois violentes et illégales (incendies volontaires, bris de vitres,grèves de la faim…)[63]. La popularité du mouvement s'accroît encore, et en 1908, les organisations suffragistes réunissent 500 000 personnes lors d’une manifestation àHyde Park[64]. Le bras de fer engagé avec les autorités dure jusqu’au début de laPremière Guerre mondiale. Pendant la guerre, des négociations sont ouvertes par le gouvernementAsquith avec les représentantes de laNational Union of Women's Suffrage Societies deMillicent Fawcett, qui présentent une orientation plus modérée. Elles aboutissent auRepresentation of the people act qui autorise le vote des femmes de plus de trente ans[65].
États-Unis
Manifestation pour le droit de votes des femmes àNew York, le 6 mai 1912.
Aux États-Unis, le front commun entre féministes et antiesclavagistes s’effrite progressivement après laguerre de Sécession. Alors qu’on s’oriente vers unXVe amendement pour le droit de vote desNoirs, une partie des féministes souhaiterait y voir également associées les femmes qu’elles estiment laissées pour compte par les leaders masculins du mouvement[66]. Deux organisations rivales naissent en 1869 des désaccords survenus au sein de l’American Equal Rights Association.Susan B. Anthony etElizabeth Cady Stanton constituent laNational Woman Suffrage Association, qui milite pour un amendement à la Constitution qui garantirait le vote des femmes. Ses revendications, qui dépassent le cadre des droits politiques, s’inspirent du texte élaboré lors de la Convention de Senecca Falls. L’organisation rivale — l’American Woman Suffrage Association créée parLucy Stone — est plus modérée et préfère concentrer son action sur le seul droit de vote, délaissant le niveau fédéral pour agir au niveau des États[67]. En 1890, les deux associations finissent par se regrouper dans laNational American Woman Suffrage Association. Dans l’intervalle, en1869 et1870, lesterritoires duWyoming et de l’Utah autorisent le vote des femmes blanches.
Au Royaume-Uni, une partie du mouvement féministe s'est engagé, durant la période victorienne dans un combat, pour la régénération morale de la nation. À partir de 1869, elle se mobilise contre une série de lois visant à lutter contre les maladies vénériennes — lesContagious Diseases Acts — qui imposent un examen gynécologique auxprostituées. Bien que d’orientation conservatrice, ce mouvement, mené notamment parJosephine Butler, prend parti pour les prostituées et réclame la criminalisation des clients et la fermeture des maisons de prostitution. Il entend plus largement rétablir la pureté des mœurs et la moralité publique, et défendre la famille. Le point d’orgue de cette mobilisation constitue un meeting réunissant 250 000 personnes dansHyde Park en 1885[68].
Face à ce mouvement, les militantes favorables à l’amour libre et au contrôle des naissances sont isolées. Quelques-unes adhèrent au mouvementnéomalthusien, très actif en Grande-Bretagne mais aussi en France.Annie Besant est ainsi condamnée en 1877 pour avoir publiéThe Fruits of Philosophy, un pamphlet deCharles Knowlton, sans avoir reçu le soutien qu’elle réclamait des féministes conservatrices[69]. À la fin du siècle, les écrits d’Edward Carpenter ou d’Havelock Ellis contribuent cependant à répandre plus largement ces idées. Elles trouvent parmi les féministes un relais dans la revueThe Freewoman (1911), qui réunit les signatures deRose Witcop,Stella Browne ouMarie Stopes[70].
Travail des femmes
Homme et femmes islandaises au travail, aquarelle et encre, 1862.
Si le mot d’ordre « À travail égal, salaire égal » remporte l’adhésion de l’ensemble des composantes du mouvement féministe[71], l’idée d’une protection spécifique des femmes sur le marché du travail divise. En 1906, la Convention de Berne, ratifiée par quatorze pays, prononce l’interdiction du travail industriel nocturne des femmes[72]. Déjà en vigueur dans certains pays, comme la France où elle s'applique depuis 1892, cette législation rencontre l’opposition des féministes égalitaristes. Menées par la Néerlandaise Marie Rutgers-Hoitsem, elles se regroupent dans le réseau « Correspondance internationale » qui recrute principalement parmi les laïques et les libre-penseuses[73].
Après-guerre, leBureau International du Travail reprend le mot d’ordre de protection des travailleuses. Toujours minoritaires dans les fédérations féministes internationales, les partisanes de l’égalité constituent l’Open Door Council autour de la personnalité deChrystal Macmillan, l'une des fondatrices de laLigue internationale des femmes pour la paix et la liberté. Mouvement d’avant-garde qui réunit des intellectuelles de l’ensemble de l’Europe, l’Open Door Council élabore un argumentaire qui s’oppose au « féminisme maternaliste » alors dominant[74] : il marque notamment son refus de voir la maternité devenir « une sorte de domaine clos où les femmes se trouveraient parquées d'office, en marge de l'ensemble de la vie sociale et culturelle… »[75].
La première manifestation internationale des femmes a lieu le 8 mars 1911, à la suite d'une proposition de la marxiste allemandeClara Zetkin. La revendication principale est le droit de vote. Le premier livre historique féministe est écrit parMathilde Laigle :Le livre des trois vertus de Christine de Pisan et son milieu historique et littéraire, 1912. Auparavant, la première grande manifestation des femmes avait été celle pour la paix organisée en marge de laPremière conférence de La Haye de 1899 parMargarete Lenore Selenka.
Aletta Jacobs, première femme médecin desPays-Bas en 1879 et militante féministe, 1915.
Durant laPremière Guerre mondiale, la grande majorité des organisations féministes des pays belligérants soutient l’effort de guerre. Certaines espèrent tirer parti de ce loyalisme : à l’issue du conflit, les féministes britanniques se verront ainsi récompensées par l’obtention partielle du droit de vote. L’opposition à la guerre est surtout le fait de militantes des pays neutres et de quelques groupes isolés des pays engagés dans le conflit.
Aux États-Unis, leWomen Peace Party deJane Addams revendique 25 000 adhérentes mais ne résiste pas à l’entrée en guerre du pays en 1917[76]. Le Congrès international pour la paix future est organisé par Addams et la physicienneAletta Jacobs à la Haye - cette dernière luttant aussi pour le droit à la contraception et au vote des femmes[77]. Parmi les 1 200 femmes, principalement néerlandaises, qui se réunissent à cette occasion, 9 nationalités sont représentées dont une délégation allemande menée parAnita Augspurg. Les Françaises en sont absentes[78].
Les milieux socialistes, et leurs organisations féminines, se sont également rangés derrière leurs nations respectives. Des voix discordantes se font néanmoins entendre : en France,Hélène Brion,Madeleine Vernet ouLouise Saumoneau. Cette dernière est présente en mars 1915 à la conférence internationale des femmes socialistes, qui réunit à Berne, à l’initiative deClara Zetkin, les militantes restées fidèles à l’internationalisme[79].
Entre-deux-guerres
Après les multiples rejets duParlement des propositions de lois, affiche pour le droit de vote des femmes en France, 1934.
À l’issue de la guerre, deux grandes tendances, héritières des débats du début du siècle, s’opposent : un « féminisme maternaliste »[80] ou « social »[81] et un « féminisme de l’égalité »[82], universaliste ou « intégral ».
La première tendance, dominante sur le continent et en particulier en France, réclame des évolutions législatives qui protègent la spécificité des femmes[83]. Elle s’ajuste aux impératifs des politiques natalistes qui se renforcent encore après la saignée démographique de la Première Guerre mondiale. La valorisation de la participation des femmes à l’équilibre de la nation, à travers notamment l’exercice de la « fonction maternelle », occupe ainsi une place centrale dans l’argumentation des réformistes et des sociaux-démocrates. Pour les représentantes de l’Union française pour le suffrage des femmes, « détruire le prestige de la maternité, c’est atteindre le plus sûr prestige de la femme… C’est au nom de la maternité, non point contre elle, que doit se faire la réforme indispensable de la condition féminine »[84]. Les féministes radicales qui entendent abolir la différence entre les sexes ou lutter en faveur de la contraception et de l’avortement sont plus isolées et ont du mal à faire entendre leur voix au sein des grandes coordinations réformistes[85].
Alors que lechef de famille détenait lapuissance paternelle et avait priorité dans la signature des contrats, les féministes obtiennent, par la loi du 18 février 1938, la suppression de la puissance maritale, de l'incapacité juridique de la femme mariée ainsi que de son devoir d'obéissance[86].
EnAllemagne, le féminisme se scinda en deux mouvements. Le premier – proche des mouvances libérales et socio-démocrates – défendait le principe d'égalité des individus, tandis que le second proche dumouvement völkisch, défendait la thèseantisémite d'un « complot judéo-patriarcal », l'homme Juif étant accusé d'avoir inventé « la religion qui devait annihiler la grande force créatrice féminine en lui déniant toute reconnaissance, en la privant de toute possibilité d'action hors d'un cercle se réduisant peu ou prou à la famille »[87]. Les officiels nazis n'apportèrent pas leur soutien à ce féminismevölkisch, qui cessa d'exister en 1937.
Le succès de ces initiatives a préparé le terrain de la politique volontariste en faveur des droits des femmes de laSeconde République. La féministe libertaireFederica Montseny, proche de l'organisationMujeres Libres, est nommée ministre et ouvre notamment le droit à l'avortement enCatalogne[90]. En 1939, à la fin de laguerre d'Espagne et à l'arrivée au pouvoir des troupes nationalistes,Franco engage la répression des mouvements féministes et annule les droits des femmes acquis durant période républicaine.
Le deuxième sexe, S. de Beauvoir, Gallimard, 1949.
La littérature militante connaît un nouvel essor, notamment en France grâce à la parution en1949 de l'essaiLe Deuxième Sexe parSimone de Beauvoir. L’ouvrage rencontre un énorme succès dès sa sortie mais fait également scandale, dû en grande partie à son chapitre sur l’avortement qui reste considéré comme un homicide à l’époque. À l’instar deMary Wollstonecraft etClaire Démar, Simone de Beauvoir assimile le mariage à une forme de prostitution lorsque la femme est dominée par son mari et dans l’incapacité de s’en échapper. À la suite de cette publication, elle devient une figure emblématique du féminisme.
À partir des années 1960, aux États-Unis, l'égalité des droits progresse. En1963, la loi sur l'égalité des salaires (Equal Pay Act) est votée. Le 2 juillet1964, la loi sur les droits civiques (Civil Rights Act) abolit théoriquement toute forme dediscrimination aux États-Unis.
Aux États-Unis, la recomposition qui fait suite au « creux de la vague » des années 1950 débute avec la fondation en 1966 d’une organisation réformiste, laNational Organization for Women (NOW) parBetty Friedan[93]. Mais c’est principalement en réaction à la division sexuelle du travail militant qui, au sein même des organisations de laNouvelle Gauche, relègue les femmes aux positions subalternes que se constitue une multitude de groupes féministes radicaux de petites tailles (New York radical feminists,Redstockings,WITCH,Radicalesbians…)[94].
Refusant l’organisation verticale et l’orientation réformiste de la NOW, elles ont recours à des formes de mobilisation volontairement provocatrices qui visent à attirer l’attention des médias. EnIslande, c'est par unegrève générale le que les femmes obtiennent l'égalité en droits en 1976[95]. Se développent également des formes d’organisations originales, comme les groupes d’éveil de la conscience (consciousness-raising groups). Par le partage de l’expérience individuelle, ces groupes de discussion entendent faire prendre conscience de la communauté de condition des femmes, de la spécificité de leur oppression et de la dimension politique inscrite dans les éléments les plus banals de la vie quotidienne[96].
Lecoup de tomate de 1968 est un événement jugé fondateur dans l'histoire du féminisme moderne en Europe, en raison de son retentissement médiatique. Les deux féministes les plus connues d'Allemagne à cette époque,Helke Sander etSigrid Rüger se font remarquer lors d'une conférence de l'Union socialiste allemande des étudiants pour protester contre le peu d'attention porté au discours passionné tenu par la première en faveur de l'égalité homme-femmes dans le domaine de la vie privée[97]. Selon les sociologues et historiens, avec cette célèbre farandole de six tomates, la deuxième vague du mouvement des femmes allemandes est née[98]. Le « coup de tomate » de 1968 donne une visibilité démocratique aux féministes engagées mais respectueuses de la démocratie, dans une Allemagne encore très conservatrice, souvent choquée par des gestes beaucoup plus violents commis par les jeunes hommes dans les combats de rue où la police se fait souvent agresser. La cinéasteHelke Sander se mobilise ensuite pour l'avortement et la contraception, domaines où les mentalités allemandes encore peu évolué, avec d'importantes résistances politiques et sociales. Malgré cela, le pays va légaliser l'avortement un peu avant son voisin français[99]. Dès 1970, seize professeurs de Droit Pénal présentent un premier projet de réforme de l'article 218 du Code Pénal régissant leDroit de l'avortement en Allemagne[99]. Le 26 avril 1974, laDiète fédérale allemande adopte la loi légalisant l'IVG durant les trois premiers mois de la grossesse après une consultation préalable[99], mais les menaces de recours constitutionnel de la droite, brandies depuis 1970, se concrétisent et 193 parlementaires obtiennent satisfaction pour déclarer la loi anticonstitutionnelle[99]. Une nouvelle version doit donc être adoptée le 12 février 1976[99].
La période est marquée par une intense activité de théorisation de la condition féminine. Si un courant, mené en France parAntoinette Fouque avec son groupe « Psychanalyse et politique », défend des positionsdifférentialistes et, selon certaines critiques,essentialistes, le mouvement est majoritairementconstructiviste. Il approfondit la voie esquissée en1949 parSimone de Beauvoir avecLe Deuxième Sexe et étudie les modalités de la construction sociale de la différence des sexes, c'est-à-dire la manière par laquelle lasocialisation impose des rôles sociaux différents aux personnes des deux sexes. Le terme desexisme se répand[100] et les féministes radicales etmatérialistes élaborent le concept depatriarcat pour définir le système social d’oppression des femmes. Se refusant à subordonner leur combat à lalutte des classes, elles affirment que le domaine de la reproduction (maternité, corps, famille,travail domestique…) est un espace d'exploitation privilégié des femmes. Elles rejettent l’objectif réformiste d'égalitédans le système qui a prédominé jusqu’alors. Pour elles, aucune égalité entre les sexes ne peut être obtenue à l'intérieur du système « patriarcal », sinon quelques compromis temporaires qui seraient perpétuellement menacés. Elles préconisent de renverser ce système et d'instaurer de nouveaux rapports entre les sexes.
Une tendance séparatiste s’affirme également, notamment parmi les groupes militantslesbiens des grandes métropoles que sont Londres ou New York.
Slogans inscrits le long d'une route de campagne (2010, France).
La maîtrise de leur corps est placée au centre des préoccupations des féministes de la deuxième vague. Longtemps sujet de division, le contrôle des naissances devient l’une de ses revendications les plus visibles. Le libre accès à la contraception mais surtout le droit à l’avortement concentrent leurs efforts. En France, leMouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC) est fondé en 1973. Il s’appuie notamment sur l’aile la plus radicale duMouvement français pour le planning familial qui se prononce peu après « en faveur de l’avortement et de la contraception libres et remboursés par la Sécurité sociale » et ouvre des cliniques d'interruption volontaire de grossesse (IVG)[101].
La dissociation de la sexualité et de la reproduction s’inscrit dans le cadre plus large de la révolution sexuelle qui traduit une demande sociale pour plus de liberté dans le domaine de la sexualité. Les féministes en font cependant leur propre lecture qui passe par la critique de la normativité de lapsychanalyse ou de lasexologie qui auraient défini sexuellement les femmes « en fonction de ce qui fait jouir les hommes »[102], minorant par exemple le plaisir clitoridien. La sexualité est ainsi analysée comme un domaine où s’exerce la domination masculine. Leviol fait l’objet de nombreuses mobilisations : des manifestations citadines nocturnes (Reclaim the Night) entendent regagner un espace dont la peur de l’agression maintient les femmes exclues[103]. Sur le plan juridique, les féministes françaises luttent pour que la loi de 1832 soit appliquée à des faits qui sont jusqu'alors déqualifiés en « coups et blessures »[104].
En France,Simone Veil est la figure qui donne son nom à la loi légalisant l'interruption volontaire de grossesse en 1975. Ce droit est défendu parGisèle Halimi, en particulier lors duprocès de Bobigny (celui d'une jeune fille enceinte parce que violée) en 1972. Cette avocate défend aussi la criminalisation duviol à travers l'affaire Tonglet-Castellano, viol collectif d'un couple de femmes, en 1978. Le viol est défini en tant que crime depuis 1980.
La notion deviol conjugal met un temps plus important à s'affirmer, en lien avec la minimisation des violences commises par des hommes familiers au sein de l'espace privé[105], d'ailleurs si sa condamnation est claire depuis 1990, la notion dedevoir conjugal continue à orienter le droit du mariage à l'époque contemporaine jusqu'à susciter des condamnations à l'échelle européenne[106]. Par ailleurs le viol est représenté par des stéréotypes sur les victimes (qui l'ont bien cherché) ou les coupables (pauvreté, immigration) qui corroborent l'idée du viol par un inconnu, un étranger. Tout cela participe de laculture du viol[107].
Dans le sillage de l’effort de théorisation de la condition féminine inhérent à la deuxième vague, les études féministes pénètrent dans le monde académique à partir des années 1970. L’ensemble des champs du savoir sont ainsi progressivement envisagés sous l’angle de la critique féministe :philosophie féministe,anthropologie féministe,histoire des femmes, critique de lapsychanalyse se développent en lien étroit avec les luttes militantes[108],[109]. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, la critique féministe des sciences prend également son essor (Ruth Bleier,Ruth Hubbard(en),Evelyn Fox Keller,Helen Longino).
L’ancrage institutionnel le plus fort a lieu aux États-Unis où sont créés des départements deWomen’s Studies ou deFeminists Studies dont l’approche est souvent interdisciplinaire. Avec le développement de l’usage du concept degenre se développent par la suite des départements d'études de genre. En 2003, on dénombrait ainsi 600 départements de ce type aux États-Unis[110].
Au-delà de cette conquête de l'espace géographique universitaire,Francine Descarries, professeure de sociologie à l'UQAM, constate en 2004 la difficulté desWomen’s Studies au Québec « à s'extraire de la périphérie, de la marge du champ scientifique pour convaincre de sa légitimité et de la compatibilité de ses approches théoriques et méthodologiques avec l'esprit scientifique ». D'après cette sociologue, peu de recherches sont parvenues à pénétrer le « mainstream scientifique »[111].
Depuis les années 2010, l'étude des phénomènes d'effacement des femmes s'accélère, processus à la fois observés dans les domaines prestigieux et dans l'espace public[112],[113],[114].
Dernières décennies
Graffiti féministe anonymeDieu est femme àBucarest (2013).
Désormais les femmes votent dans la plupart des pays industrialisés, dont la majorité des parlements ont voté des lois sur ledivorce. La légalisation de lacontraception et de l'avortement n'est pas effective pour l'ensemble des pays industrialisés, les situations sont donc très variables d'un pays (voire d'une région) à un autre. Ces droits sont fréquemment remis en cause par des courants conservateurs et des institutions religieuses, telle que l'Église catholique et en particulier lamouvance traditionaliste en son sein, et le courant fondamentaliste des protestants évangéliques.
Depuis la fin des années 1990, divers groupements, se réclamantou non[pourquoi ?] du féminisme, ont été créés. Parmi les plus médiatisés, on peut citer :
le mouvementNi putes ni soumises (depuis 2003) qui s'est donné pour but d’interpeller sur la situation des femmes notamment dans les quartiers populaires, en soulevant le problème desmariages forcés, desviols, ou de l'excision.
La Barbe, collectif dont l’arme est l’ironie, et dont les militantes portent des barbes postiches quand elles font irruption dans des tribunes à majorité masculine : La Barbe indique par de telles intrusions le chemin vers un partage harmonieux de la parole publique, des postes et des responsabilités[115]. La parité au sein des directions, et la diffusion paritaire de la création, à titre d’exemples dans les médias[116], dans les écoles de formation des élites[117], dans les grandes entreprises, au théâtre[118], au cinéma[119], sont parmi les objectifs qui inspirent des actions de La Barbe.
#BalanceTonPorc, ce mouvement de 2017, en revenant sur le corps féminin et son respect, réactiverait les revendications du MLF. Il met en lumière une nouvelle génération de militantes interconnectées qui ne se satisfont plus du seul principe égalitaire, estimant que le changement des textes de lois ne suffit plus et qu'un réel changement des mentalités est nécessaire pour lutter contre les persécutions.
Lecollectif #NousToutes, créé en 2018, lutte contre les violences sexistes et sexuelles en France. Il organise régulièrement des actions d'interpellation du gouvernement et de sensibilisation, dont des marches chaque mois de novembre. Ces manifestations rassemblent des milliers de personnes dans toute la France[122].
Ancienne esclave, l'abolitionniste et militante féministe Sojourner Truth, en 1828.
En2010 enAustralie, c'est la première fois dans l'histoire d'un État que le chef d'État (Élisabeth II), le chef de gouvernement (Julia Gillard) et le gouverneur général (Quentin Bryce) sont toutes des femmes.
Si, dans les années 1797-1883, d'anciennes esclaves commeSojourner Truth ouHarriet Tubman (vers 1820-1913) étaient devenues des icônes de l'abolition de l'esclavage et des droits des femmes, elles ont été un temps oubliées, mais aujourd'hui, elles figurent désormais dans leBlack féminisme des Africaines-Américaines dans les années 1970. Elles sont mises à l'honneur, officiellement puisqu'elles sont retenues pour figurer sur les billets de 20 dollars en 2020 pour l'anniversaire du droit de vote des Américaines, avant que le présidentDonald Trump n'annule cette disposition[123].
Le féminisme contemporain, dans la plupart des pays occidentaux, se diversifie et change de visage, du fait que les revendications féministes initiales ont été traduites dans les systèmes juridiques, et font partie du périmètre conventionnel desdroits humains. La réflexion et l'action féministes sont donc amenées d'une part à s'attacher davantage à l'analyse critique des pratiques sociales réelles (souvent décalées des principes) et à reformuler l'expression de leurs enjeux et de leurs objectifs. Elles doivent aussi tenir compte de la résurgence de débats ethniques, communautaires ou religieux qui compliquent la donne — certaines associations réfutent ainsi la dichotomie Occident féministe contre Orient sexiste[124]. Ce changement de paysage entraîne inévitablement des divergences de vues qui divisent les courants féministes.
Troisième et quatrième vagues (années 2010 et 2020)
Latroisième vague féministe, depuis les années 1990 et en particulier au cours des décennies les plus récentes, englobe un large ensemble de revendications exprimées par des personnalités féministes autour d'une déconstruction plus radicale du patriarcat et des rapports de domination dans le genre et la sexualité. Beaucoup de ces revendications sont issues de groupesminoritaires, dans le sillage de la lutte antisexiste contre leracisme antinoir aux États-Unis (qui se conjugue au mépris des femmes à travers le concept demisogynoir). Cependant, cette vague du féminisme en particulier, diteintersectionnelle, n'est pas représentative de tous les féminismes contemporains, et le féminisme intersectionnel ne représente pas tous les féminismes de la troisième vague, dont le propos essentiel est d'approfondir la déconstruction du rapport de domination entre les sexes. Néanmoins, l'une des caractéristiques principales habituellement prêtées à cette vague est de décupler l'attention à la diversité au sein du groupe des femmes plutôt qu'à l'identité féminine comme notion fondamentale et par là de tenir compte d'autres identités marginalisées et notamment des subtilités du genre ainsi que de nombreuses autres questions, sur la base du féminisme antiraciste qui en était la manifestation première[125].
Laquatrième vague féministe est une notion débattue qui transposerait les principes des féminismes contemporains à l'ère numérique (depuis 2010 environ) et approfondirait les enjeux d'intersectionnalité et de critique radicale des binarités sexuées et genrées, en lien avec les mouvements LGBT+, ainsi que duféminisme blanc accusé de perpétuer l'européocentrisme ou lecolonialisme, ce qui implique en même temps une attention accrue aux libertés des femmes de toutes origines[126]. La nécessité d'une cinquième vague incluant mieux lestransidentités et l'antiracisme est même évoquée[127].
Leféminisme libéral épouse les principes dulibéralisme politique, dont il réclame l'application aux femmes, au même titre qu'à tous les hommes. À ce titre, il se fixe comme horizon l'indifférence aux différences de sexe dans le cadre de l'espace public[128].
Sur le plan politique, sa méthode est réformiste ; il cherche à obtenir une modification des dispositions légales par la voix législative, lelobbying ou l'action militante à destination de l'opinion publique (presse, pétitions…). Confiant dans les valeurs du progrès et les vertus de l’éducation, il entend également agir sur les mentalités, sans développer, à la manière duféminisme marxiste ouradical, une analyse systémique ducapitalisme ou dupatriarcat[129].
Il se distingue des autres courants féministes, qui sont bien plus souvent et intrinsèquement liés à la penséeanticapitaliste en mettant en cause l'appropriation capitaliste objectifiant particulièrement les corps sexualisés ou encore racialisés[130].
Sur le plan théorique, la tradition marxiste puise principalement ses sources concernant la question des femmes dansL’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État (1884) deFriedrich Engels et dansLa femme dans le passé, le présent et l’avenir (1879) d’August Bebel.Clara Zetkin (future présidente de l'Internationale socialiste des femmes qui y propose la tenue annuelle d'uneJournée internationale des femmes) ouAlexandra Kollontaï constituent les représentantes les plus marquantes de cette tradition marxiste de défense des droits des femmes qui a néanmoins refusé le qualificatif de « féministe », jugé « individualiste » et « bourgeois ».
Contre une représentation fixiste de la famille et du rôle qu’y tiennent les femmes, le marxisme affirme l’historicité des structures familiales dont les formes évoluent avec la structure économique. S’inspirant de l’anthropologue évolutionnisteLewis Henry Morgan, Engels définit ainsi une origine historique à l’oppression des femmes : il fait coïncider l’apparition de la propriété privée avec la fin d’une période historique où le droit maternel et la filiation en ligne féminine auraient réglé les modalités de l’héritage.
Avec l’instauration du système patriarcal et du mariage monogamique qui marquent « la grande défaite historique du sexe féminin »[131], les femmes sont victimes d’une double oppression : assignées aux seules fonctions reproductives, elles sont maintenues par leurs maris hors du champ productif et de la vie publique ; quand elles accèdent au marché du travail, elles subissent, comme les autres travailleurs, les effets néfastes du mode de production capitaliste.
À la fin des années 1960, la réflexion marxiste sur l’oppression des femmes s’est considérablement renouvelée en questionnant notamment l’articulation entre patriarcat et capitalisme[135].
Le féminisme radical est un courant du féminisme qui apparaît à la fin des années 1960 et qui voit en l'oppression des femmes par les hommes (oupatriarcat) le fondement du système de pouvoir sur lequel les relations humaines dans la société sont organisées. Il se démarque des mouvements féministes qui visent à l'amélioration de la condition féminine par des aménagements de législation (réformisme) sans mettre en cause le système patriarcal, bien que certaines féministes radicales (Catharine MacKinnon etAndrea Dworkin) aient précisément centré leur lutte sur des réformes législatives.
En France, le féminisme radical s'est notamment manifesté à travers leféminisme matérialiste. Pour ce courant, profondément anti-essentialiste, l'origine du patriarcat ne doit surtout pas être cherchée dans une quelconque nature spécifique des femmes, qu'elle soit biologique ou psychologique, mais bien dans l'organisation de la société. Les féministes matérialistes se sont donc attachées à analyser les « rapports sociaux de sexe » (c'est-à-dire legenre), comme un rapport entre desclasses sociales antagonistes (la classe des hommes et la classe des femmes), et non entre des groupes biologiques. La perspective politique qui en découle est donc révolutionnaire, car la lutte des classes de sexe doit aboutir à la disparition de ces classes et donc du genre[136].
Ce courant, malgré des prémisses semblables, est très divers.Christine Delphy a notamment mis en lumière lemode de production domestique, versant économique de l'exploitation du travail des femmes dans le foyer[137].Colette Guillaumin a théorisé lesexage, système d'appropriation physique du corps des femmes par les hommes[138].Paola Tabet a démontré l'exclusion des femmes des outils complexes et des armes[139].Monique Wittig a réinterprété l'hétérosexualité comme un régime politique fondé sur l'oppression des femmes[140].
Le féminisme différentialiste de psychanalystes commeJulia Kristeva,Luce Irigaray ouAntoinette Fouque postule que le patriarcat est si profondément enraciné dans les mentalités qu'il impose un système de valeurs qui empêche l'existence d'une différence authentique entre hommes et femmes, les femmes étant sans cesse définies, construites comme antithèses (idéalisées ou démonisées) des hommes. Le féminisme de la différence a mis en valeur la parole des femmes, les relations mères-filles, l'importance révolutionnaire de la création de groupes de femmes, et a critiqué lelogocentrisme de la pensée occidentale (en particulier), y compris chez certaines féministes. Qualifié d'antiféminisme par certaines féministes radicales[142],[143], ce mouvement se définit par sa valorisation des différences, la différence sexuelle étant la principale, sans éclipser les autres.
« L'égalité est un principe juridique. Par conséquent, c'est au dénominateur commun de tous les êtres humains que justice doit être rendue. Mais la différence est un principe existentiel qui concerne les modes d'être humain, les particularités des expériences, des buts et des possibilités propres, et le sens propre d'exister dans une situation donnée et dans la situation que la personne veut se créer. La différence homme-femme est la différence de base dans l'humanité. […] L'égalité est ce qui est offert comme droits légaux aux peuples colonisés. Et ce qui leur est imposé comme culture, c'est le principe par lequel les détenteurs du pouvoir hégémonique continuent à contrôler les autres. »
Publicité américaine s'appuyant sur l'éthique de la sollicitude des femmes, 1941.
Ce mouvement, contemporain de l'apparition du féminisme radical français, a eu un profond impact à l'époque :
« En effet, l'inversion des valeurs et l'affirmation d'une force dynamique, contestatrice du féminin réprimé et refoulé constituent une position plus aisément identifiable, et plus facile à tenir que la critique de la bicatégorisation, ou le choix d'un entre-deux […]. La revendication d'une reconnaissance et d'une place, le passage par l'énonciation en nous (les femmes…), l'affirmation d'un dessein collectif ont été de puissants moteurs dans les mouvements féministes occidentaux des années 1970. Le comprendre et le dire n'invalide pas la critique des théories de l'écriture féminine, qui ont eu longtemps des effets pernicieux dans le champ français[145]. »
De fait, le féminisme de la différence a ensuite reçu davantage d'attention dans le monde anglo-saxon, jusqu'à être appelé« French Feminism », sans égards pour le fait que le féminisme français s'est graduellement opposé au féminisme différentialiste.Carol Gilligan a ravivé le féminisme différentialiste anglo-saxon avec la publication d'« In a Different Voice », dans les années 1980. Cet ouvrage met en évidence des trajectoires de développement moral qui se distinguent de celles, réputées plus masculines, deLawrence Kohlberg. L'éthique de la sollicitude est un développement contemporain du féminisme de la différence.
Théologie féministe
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La théologie féministe est un ensemble de courants féministes qui se fondent sur une étude des textes sacrés pour affirmer l'égalité desgenres.
Le féminismeislamique, ou féminisme musulman, est un mouvement féministe proche de l'Islam libéral, qui revendique un féminisme interne à l'islam et vise à une modification des rapports entre hommes etfemmes au sein de la communauté musulmane.
Le féminisme pro-sexe est un courant du féminisme, issu du milieuqueer, qui apparaît dans lesannées 1980 auxÉtats-Unis et qui voit en lasexualité un domaine qui doit être investi par les femmes et lesminorités sexuelles. En faisant« du corps, du plaisir et dutravail sexuel des outils politiques dont les femmes doivent s'emparer », il s'oppose auféminisme radical.
Dans la mouvance pro-sexe, on trouve des organisations comme laSlutWalk ou Marche des Salopes en français, dont le slogan est :« Ne nous dites pas comment nous comporter, dites-leur de ne pas nous violer ».
Des écrivaines commeVirginie Despentes ont contribué à la vulgarisation des thèses pro-sexes, avec notamment des livres commeBaise-moi et plus tardKing Kong Théorie. Un artiste queer Lazlo Pearlman[146] a produit un film intituléFake Orgasm[147], et la productrice de films pornographiquesErika Lust se réclame également d'une mouvance pro-sexe qui considère le potentiel libératoire dans l'éclatement de la norme genrée des pratiques sexuelles. La réalisatriceOvidie en est également un exemple, qui s'investit dans ce mouvement à la fois comme actrice et réalisatrice de films pornographiques, et comme réalisatrice et autrice de documentaires qui développent une pensée théorique et critique. On trouvera également une approche plus théorique dans les ouvrages[148] dePaul B. Preciado.
L'anarcha-féminisme ou féminisme libertaire, qui combine féminisme etanarchisme, considère, notamment dans le sillage deLouise Michel, la domination des hommes sur les femmes comme l'une des premières manifestations de la hiérarchie dans nos sociétés. Le combat contre lepatriarcat est donc pour les anarcha-féministes partie intégrante de lalutte des classes et de la lutte contre l'État, comme l'a formulé Susan Brown :
« Puisque l'anarchisme est une philosophie politique opposée à toute relation de pouvoir, il est intrinsèquement féministe[149]. »
En 1896 et 1897, paraît en ArgentineLa Voz de la Mujer (La Voix de la Femme), première publicationanarcha-féministe au monde[150]. En épigraphe :« Ni dios, ni patron, ni marido » (soit « Ni dieu, ni patron, ni mari »). La figure de proue en estVirginia Bolten, féministe révolutionnaire etcommuniste libertaire. Ce n’est pas le premier journal féminin en Amérique latine, mais c'est le premier journal féministe et révolutionnaire au sein de la classe ouvrière[151].
En Espagne, à partir de 1922,Estudios est à l'avant-garde d'une campagne en faveur de l'éducation sexuelle et de l'émancipation féminine[152]. Ouverte aux débats sur lessexualités, cette revue éclectique etlibertaire aborde lenudisme, l'amour libre et l'éducation sexuelle. Elle a une influence décisive sur la classe ouvrière espagnole en contribuant à faire évoluer radicalement les mentalités[153].
« Je rêve du jour où chaque enfant né sera le bienvenu, où hommes et femmes seront égaux et vivront leur sexualité dans la passion, le plaisir et la tendresse[162]. »
L'anarchiste italienSante Ferrini publie deux longs articles, à dix années d'intervalle, sur le féminisme. En 1909, dans « Femminismo », il développe déjà une thèse proche de celle du féminisme radical, attribuant au patriarcat la seule responsabilité du maintien des femmes dans une condition inférieure à celle des hommes :« l’homme veut être supérieur à la femme et il contrarie autant qu’il le peut les moyens qui faciliteraient son émancipation, sachant qu’un esclave qui s’instruit devient un mauvais esclave. À la jeune fille, on donne donc une éducation de servante ». Conscient que les grands principes se dissolvent devant l'assaut répété des tâches quotidiennes,« balayons devant notre porte », écrit-il,« commençons par émanciper notre famille »,« daignons les aider dans le travail quotidien » et arrêtons de ne laisser aux femmes que« des choses qui ne sont pas dangereuses pour les prérogatives masculines »[163].
Féminisme intersectionnel
Femmes investies dans les clubs de laNortheastern Federation of Colored Women, illustration de 1902.
Aussi appelé féminisme inclusif, le féminisme intersectionnel s'appuie sur les travaux de la féministe américaineKimberlé Williams Crenshaw, la première à avoir popularisé le terme d'intersectionnalité, concept importé en France parÉric Fassin ouElsa Dorlin et queChristine Delphy développe dans ses travaux de recherche[164]. Il a pour objectif de mieux prendre en compte les problèmes des femmes subissant d'autres discriminations en plus du sexisme, les personnes qui subissent plusieurs oppressions en même temps. Ce courant cherche principalement à porter les revendications des femmes non blanches victimes de racisme afin de lutter contre ce qu'il considère être le détournement du féminisme à des fins racistes[165],[166].
Les féministes intersectionnelles ne s'intéressent pas à chaque discrimination de façon séparée, mais cherchent à comprendre comment les différentes discriminations se conjuguent et forment une oppression spécifique. Elles reprochent aux associations féministes plus traditionnelles de parler de problèmes qui ne les concernent pas directement, à la place des femmes qui vivent réellement ces situations. Elles déplorent également le caractère excluant de ces associations qui, selon elles, n'incluent pas suffisamment les femmes non blanches dans leur luttes[167].
Plusieurscourants féministes post-coloniaux relèvent du féminisme intersectionnel, comme leblack feminism[168] ou leféminisme chicana[169]. De nos jours, tandis que ces mouvements se développent, du féminisme de la deuxième vague à celui de la troisième vague, la notion d'intersectionnalité s'est considérablement élargie et le féminisme intersectionnel est associé à beaucoup d'autres dimensions que l'inclusion des femmes racisées.
Les discriminations ajoutées au sexisme sont considérées par le féminisme intersectionnel comme imbriquées avec celui-ci et constituant des situations particulières de domination dont il est indispensable de tenir compte. Cela est pertinent dans le cas des femmes qui subissent plusieurs discriminations et étaient auparavant plus délaissées au sein du féminisme même, comme les femmes non conformes à la norme hétérosexuelle et cis,racisées, en situation dehandicap, issues de cultures, de religions ou présentant une apparence physique (par exemple unemasse corporelle) stigmatisées[170], d'où des variantes particulières[171], comme le handiféminisme (incarné par le collectifLes Dévalideuses par exemple[172], qui cherche à dépasser toute opposition entre féminisme et antivalidisme, notamment quant à la cause des aidantes et à la sexualité[173]) et la lutte féministe contre lagrossophobie, appelée en anglaisFat feminism(en)[174].
Par suite, l'intersectionnalité fait coexister et interagir le féminisme de façon plus forte qu'auparavant avec des luttes pour les droits des personnes qui appartiennent à ces minorités, même des personnesLGBT+ qui ne sont pas forcément des femmes[175] et ne subissent pas de misogynie, ou encore les personnes racisées,pauvres, exerçant letravail du sexe,au foyer, ou en situation de handicap[176]. Ce renouveau s'imbrique avec l'acceptation d'identités de genre non binaires (trans, queer...) qui ne font pas de l'identité féminine un prérequis pour être partie prenante des combats engagés[177]. Le féminisme récent (depuis les années 1980) dépasse ainsi souvent l'identité féminine comme base en ce que son attention à la notion de genre évolue en faveur de l'autoidentification et passe de la dénaturalisation des rapports hiérarchisés entre les sexes à la mise en question de la binarité des genres et de la bicatégorisation des sexes biologiques, dans le sillage du sexage théorisé par Colette Guillaumin (jusqu'aupostgenrisme)[178]. L'annonçait plus précocement la pensée des féministes LGBT+ de la deuxième vague, notamment deJudith Butler[179]. Cela implique actuellement l'extension des communautés représentatives de ladiversité sexuelle et de genre dont la lutte pour les droits rejoint le féminisme. Par exemple, les personnespansexuelles[180],asexuelles[181] etintersexes[182] sont prises en compte par le féminisme contemporain.
Ces courants incluent aussi la réactivation de liens historiques forts avec les valeurspacifistes (que ce soit par différentialisme autour de valeurs féminines de paix[183] ou par attention globale aux mécanismes de violence et à leur banalisation[184]) ainsi que la porosité avec l'écologie politique à travers l'écoféminisme, qui met en parallèle la naturalisation des femmes et la féminisation de la nature comme outils oppressifs, sous un angle particulier de critique du capitalisme, ce qui de façon globale n'implique pas d'essentialisation et permet également d'analyser la violence à l'égard des minorités[185].
L'élargissement de la focale à la déconstruction des rapports de domination visant les êtres vivants non humains, notamment animaux, est au principe d'autres variantes, dont les régimes végétaux en lien avec le féminisme (écoféminisme végétarien(en), féminismeantispéciste etvégane, notamment dans le cadre de l'anarcha-féminisme)[186].
Afroféminisme en France
En France, le mouvement est principalement porté par des militantes noires, se réclamant de l'afroféminisme, qui critiquent notamment l'invisibilité médiatique des femmes noires et les diktats de beauté qu'elles subissent, comme l'estimeRokhaya Diallo :
« Les féministes blanches veulent se départir des attributs de beauté que les diktats leur imposent et qui les infériorisent vis-à-vis des hommes. Mais pour les Noires, auxquelles on a toujours dit que leurs traits étaient laids, le fait de se battre pour que ces attributs soient reconnus comme beaux prend tout son sens. Notre revendication est d’affirmer que notre corps est aussi beau que les autres alors que nous sommes invisibles médiatiquement[187]. »
Comme la majorité des courants féministes, l'afroféminisme critique les normes de beauté imposées par la société. Mais il explique que les femmes noires – et également celles issues des autres minorités ethniques – subissent une double peine car l'idéal de beauté féminin occidental est destiné à des femmes blanches et correspond aux caractéristiques physiques de ces dernières (peau claire, nez fin et cheveux clairs). Ainsi, Myriam Keita Brunet[n 2] estime que le budget consacré à la beauté par les femmes non blanches est neuf fois plus élevé que celui des femmes blanches. Elles dépensent leur argent dans des produits éclaircissants, des défrisages, voire des opérations de chirurgie esthétique afin de ressembler au modèle occidental[189].
Pour certaines autrices féministes, commeCarol J. Adams ouEmily Gaarder, il existe une relation forte entre le féminisme et l'antispécisme. Dans les faits, selon les études, il y aurait entre 68 % et 80 % de femmes parmi les activistes pour lacause animale[192]. À l'opposé, les métiers impliqués dans l'exploitation animale sont majoritairement effectués par des hommes[193]. Selon les tenantes de cette approche du féminisme, cette sur-représentation de femmes dans le milieuvégane s’expliquerait par le fait que les corps des animaux d'élevage, notamment celui des femelles, seraient perçus et utilisés de façon similaire par les hommes que le sont les corps des femmes, ces derniers étant d'ailleurs parfois décrits comme« des morceaux de viande »[194],[195].
De plus, certaines études affirment que la « société patriarcale » érigerait la consommation deviande comme un symbole fort de virilité. Les féministes et les antispécistes voient ainsi le virilisme comme un ennemi commun[196],[197].
Toutefois, cette idée est critiquée par d'autres autrices féministes commeCarrie Hamilton qui explique que, selon elle :« sa version [celle de Carol J. Adams] du féminisme végane se base sur une comparaison sans fondement entre la violence faite aux femmes et celle contre les animaux »[198].
Le féminisme dans l'environnement scolaire
Cette section adopte un point de vue régional ou culturel particulier et doit êtreinternationalisée (juillet 2021).
Plusieurs personnalités déplorent une sensibilisation trop faible au féminisme dans l'espace scolaire[199]. C'est le cas notamment de la cinéasteAgnès Varda, qui a déclaré que« le féminisme n'est pas très actif dans l'éducation, dans les collèges et dans les lycées. De manière générale, l'éducation sexuelle est un peu aplatie. On n'en parle pas assez aux jeunes femmes et aux jeunes hommes »[200], malgré le fait que plusieurs femmes, dontJuana Whitney àBilbao (Pays basque), ont placé dès le début duXXe siècle la question féminine au centre de l'enseignement[201]. Mais aussi, cette question se pose car les collégiens et lycéens seraient aujourd'hui de plus en plus informés et sensibilisés aux questions féministes et au féminisme de manière générale et de plus en plus tôt, notamment par le biais desréseaux sociaux et des médias. Ainsi, il serait opportun de pouvoir étudier l'histoire du féminisme et la philosophie féministe dans les salles de classe[202]. Également, dans certains lycées, les étudiants se sont rassemblés et ont manifesté contre lesexisme en classe et dans les établissements scolaires et les attitudes discriminatoires et plus particulièrement, les gestes et propos déplacés voire des cas de harcèlement sexuel[203].
« À aucune époque le sexe faible n’a été traité avec autant d’égards de la part des hommes qu’à notre époque. C’est une conséquence de notre penchant et de notre goût foncièrement démocratiques, tout comme notre manque de respect pour la vieillesse. Faut-il s’étonner si ces égards ont dégénéré en abus ? On veut davantage, on apprend à exiger, on trouve enfin ce tribut d’hommages presque blessant, on préférerait la rivalité des droits, le véritable combat. En un mot, la femme perd de sa pudeur. Ajoutons de suite qu’elle perd aussi le goût. Elle désapprend de craindre l’homme. Mais la femme qui « désapprend la crainte » sacrifie ses instincts les plus féminins. (…) On veut même, de ci de là, changer les femmes en libres-penseurs et en gens de lettres. Comme si la femme, sans piété, n’était pas pour l’homme profond et impie une chose parfaitement choquante et ridicule. (…) On les rend de jour en jour plus hystériques et plus inaptes à remplir leur première et dernière fonction, qui est de mettre au monde des enfants solides. »
Le féminisme est critiqué, avec des arguments très divers.
Sur le plan politique, le féminisme est qualifié par des marxistes-léninistes de « diversion »[204] car dans cette analyse, toutes les classes sociales sont composées de femmes et d'hommes et les premières ne constituent pas une caste ou une classe particulière caractérisée par une réelle solidarité d'intérêts. De ce fait, l'invocation d'un conflit d'intérêts entre sexes ou la lutte pour l'émancipation d'un sexe à l'égard de l'autre serait un « artifice » ayant pour conséquence (voire pour but) de « masquer les vrais rapports de domination et les vraies lignes de fracture sociale ».
Dans un ordre d'idées différent, le féminisme est aussi relativisé parce qu'il minimiserait l'importance des critères de différenciation physique entre individus (sexe, âge, état de santé, couleur de peau, morphologie) qui sont pourtant autant facteurs essentiels de discrimination sociale et d'exclusion[205].
Le terme « virilisme » est parfois employé pour qualifier l'alignement de certaines féministes sur les droits et les mœurs masculines au détriment d'une véritable promotion du féminin dans l'humanité[207].
En novembre 2019, l'Arabie saoudite décide d'inscrire le féminisme sur la liste des idées extrémistes. Celui-ci tombe ainsi sous le coup de la loi antiterroriste et pourra être sanctionné de peines de prison et de coups de fouet[208].
Liens entre le féminisme et les hommes
Place et image des hommes
bell hooks en 2014.
La féministe américainebell hooks affirme que les hommes souffrent également d'un système patriarcal étouffant et déshumanisant. Elle appelle les hommes à refuser les codes du patriarcat qui les encouragent à devenir froids, violents et à refouler tous sentiments. Obtenir un tel changement passe par la prise de conscience de la souffrance masculine mais également par l'arrêt de la prolifération du patriarcat dans la culture populaire notamment[209].
En 2010, l'Organisation mondiale de la santé a émis des recommandations sur la place des hommes et des garçons dans le processus d'accession à l'égalité. L'OMS donne des exemples de politiques qui ont aidé les hommes de façon significative à contribuer à la condition des femmes :
Congés de paternité. Les États scandinaves ont fait la preuve que les congés de paternité sont bénéfiques pour les mères (qui bénéficient d’un partage des activités de la sphère domestique), les enfants (en matière de santé et de bon développement) et les pères (en matière de santé mentale et de bien-être). En Norvège, entre 1993 et 1998, les taux de participation à ce programme a grimpé de 4 % à 85 %.
Interventions intégrées auprès desmaris violents. Plus l'intervention intègre les différents aspects (scientifiques, juridiques, policiers, mais aussi psychologiques et communautaires), meilleures sont les chances de prévenir la violence sexiste.
Prévention descomportements sexuels à risque : le développement d'une culture de comportements sexuels responsables et respectueux des femmes illustre combien les hommes homosexuels peuvent aider les hommes hétérosexuels. En effet, c'est de laculture gay que provient« une des transformations les plus profondes dans les pratiques que les sciences sociales et la santé publique aient observées ».
Politiques pour éviter l'abus d'alcool et la violence pararmes à feu. L'alcool et les armes, dans la plupart des cultures, sont associés au genre masculin, en même temps qu'à la violence envers les femmes, en plus d'être associés avec des troubles spécifiques chez les hommes. Les interventions sur ces deux problématiques fortement genrées sont habituellement menées indifféremment de cet état de fait. L'OMS invite à reconnaître les valeurs sociales qui les sous-tendent et ainsi facilitent la violence sexiste[210].
Si le féminisme mobilise avant tout les femmes (puisqu'il les concerne directement), il existe aussi deshommes féministes, soit parce qu'ils se sentent solidaires, soit parce qu'ils estiment que les hommes sont également concernés.
Par ailleurs, en 2014, l'ONU Femmes lance une campagne intitulée« HeForShe » pour inciter les hommes et les garçons à participer au combat pour l'égalité des sexes et les droits des femmes.
Plusieurs mouvements de défense des intérêts spécifiques des hommes se sont créés en parallèle ou en réaction au féminisme. Lemasculinisme, souvent lié à l'antiféminisme, se dit favorable à l'égalité des genres et se préoccupe de certaines inégalités en défaveur des hommes[212].
La notion devirilisme est aussi développée avec une acception politisée. Comme celle de féminisme, elle désigne initialement une variation des caractères sexuels[213], mais elle est connue aujourd'hui comme désignant la valorisation politique et sociale de la force physique et de la compétition, considérées comme associées à une énergie masculine positive et saine et répondant à un amollissement de la société et de la morale, dont les supposés phénomènes de déliquescence seraient liés à l'égalitarisme et à l'inclusion des femmes et des minorités, comme le ditMark Zuckerberg. Aux États-Unis, l'extrême droite populiste et libertarienne est susceptible d'allier ce narratif au libéralisme technologique ou transhumaniste, mais des discours plus typiquement réactionnaires s'en font également les relais[214].
Ces idées relèvent de la notion deretour de bâton (backlash), théorisée par la chercheuseSusan Faludi, qui observe une tendance à la remise en cause périodique (après chaque avancée) des droits qui paraissaient acquis, notamment dans la sphère privée et reproductive, depuis et en réaction de résistance à l'obtention de droits légaux égalitaires dans les sociétés libérales après la deuxième vague. Ensuite, si la troisième vague appelle à une radicalité de la déconstruction des rapports de domination[215], la montée et l'accession au pouvoir des autoritarismes et des mouvements populistes, réactionnaires et extrémistes politiques et religieux[216], les crises écologiques, sociales et sanitaires, leur gestion souvent autoritaire par les classes dirigeantes[217] et les tensions et conflits entre et dans les communautés humaines et autour des ressources et des richesses[218] favorisent aujourd'hui l'inquiétude des féministes à travers le monde[219]. Les droits des filles et des femmes commencent à régresser dans les faits et en droit dans de nombreux pays et le contrôle de leur corps redevient un élément politique très controversé dans des sociétés démocratiques[220], notamment le droit à l'avortement, par exemple aux États-Unis. Soit cela est très clair, soit leurs droits sont présentés comme non prioritaires et les hommes comme plus compétents en temps de crise et d'urgence, dans des contextes d'exception qui tendent à devenir la règle. Par exemple, les difficultés institutionnelles de la France sont associées à une moindre représentation politique des femmes (députées, intervenantes dans les médias)[221].
Littérature et féminisme
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Desbibliothèques féministes mettent en avant des œuvres littéraires réalisées par des femmes et explorent les enjeux du féminisme.
Certaines œuvres sont devenues des icônes littéraires du féminisme :
Publié en juin 2020,Anan : le prince, premier tome d'une trilogie écrite parLili Boisvert, est un autre exemple de littérature fantastique féministe[222],[223].
Hans Derks, « Un Mal Splendide : hommes et femmes dans une 'Antiquité postféministe' »,Dialogues d'histoire ancienne,vol. 27,no 2,,p. 7-43(lire en ligne).
Marie-Jo Bonnet,Histoire de l'émancipation des femmes, Rennes, Ouest-France, 2012.
Sylvie Chaperon,Les Années Beauvoir, 1945-1970, Paris, Fayard, 2000(ISBN2-213-60542-4).
Laurence Klejman et Florence Rochefort,L’Égalité en marche. Le Féminisme sous la Troisième République, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1989(ISBN2-7210-0382-8).
Johanna Luyssen,Les 30 féministes que personne n'a vus venir, Paris, Éditions Le Contrepoint, 2015(ISBN2-37063-031-0) (préface deBeth Ditto et illustration d'Enora Denis).
Françoise Picq,Libération des femmes, les années-Mouvement, Paris, Seuil, 1993(ISBN2-02-012239-1).
Geneviève Poujol,Un féminisme sous tutelle : les protestantes françaises, 1810-1960, 2003(ISBN9782846210317).
Christelle Taraud,Les Féminismes en questions - Éléments pour une cartographie, entretiens avec Christine Bard, Marie-Hélène Bourcier, Christine Delphy, Eric Fassin, Françoise Gaspard, Nacira Guénif-Souilamas et Marcela Iacub,Éditions Amsterdam, Paris, 2005(ISBN2-915547-07-6).
Camille Masclet,Le Féminisme en héritage : Incidences intimes et transmission familiale d'une lutte politique,PUF, Paris, 2025
Au Royaume-Uni
Françoise Barret-Ducrocq,Le Mouvement féministe anglais d’hier à aujourd’hui, Paris, Ellipses, 2000(ISBN2-7298-5950-0).
Martine Monacceli (dir.),Ces hommes qui épousèrent la cause des femmes : Dix pionniers britanniques, Éditions de l'Atelier, 2010(ISBN2708241052).
Alexandra David-Néel,Le Féminisme rationnel (discours prononcé devant le Congrès des femmes italiennes de 1906, et des textes extr. deLa Fronde, 1902-1903). Société Nouvelle,Bruxelles, 1909. Réédition en2000, en fac-simile, sous le même titre, suivi de l'essaiLes Femmes, ces immigrées de l'intérieur, de Catherine Lafon. Les Nuits rouges, collection « les Nuits rouges », Paris, 2000. 119 p.(ISBN2-913112-07-2).
Site du Mundaneum, dont le fonds « féminisme » illustre plus d'un siècle de féminisme des prémices aux nouvelles revendications salariales de la fin duXXe siècle.
Notes et références
Notes
↑romancière viennoise « bien connue pour son active propagande en faveur du féminisme », Colette Cosnier,Les dames de Femina : un féminisme mystifié, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 297.
↑Myriam Keita Brunet est la fondatrice et dirigeante deTraining Angel, une entreprise dont l'objectif est d'« aider les DRH et les Directions Financières et Générales à valoriser le Capital Humain en prouvant son retour sur investissement financier et extra financier »[188].
↑Carol Hanisch(en),« The Personal Is Political », inNotes from the Second Year: Women’s Liberation in 1970, repris parKate Millett dansLa Politique du mâle, 1970. Une formulation traduite littéralement de l'anglais, « le personnel est politique », ne souligne pas la division entre le privé et le public.
↑abc etdChristine Fauré, « La naissance d'un anachronisme : "le féminisme pendant la Révolution française" »,Annales historiques de la Révolution française, 2006,(no)344,p. 193
↑CLIO , différents auteurs,Les mots de l'histoire des femmes, Presses Univ. du Mirail,(lire en ligne),p. 37
↑Christine Guionnet et Erik Neveu,Féminins : Masculins : Sociologie du genre,Armand Colin,(lire en ligne)
↑Voir par exemple sur ce point, Eliane Gubin, Catherine Jacques, Florence Rocherfort, Brigitte Studer, Françoise Thébaud, Michelle Zancarini-Fournel (dir.),Le Siècle des féminismes, Éditions de l’Atelier, 2004.
↑Séverine Auffret, « “Les femmes à travers l’histoire” »,L'inactuelle,(lire en ligne).
↑Marianne Walle, « La Frauen-Zeitung de Louise Otto ou la prise de conscience politique des Allemandes », in Marita Gilli (dir.),L'idée d'Europe, vecteur des aspirations démocratiques : les idéaux républicains depuis 1848 : actes du colloque international organisé à l'Université de Franche-Comté les 14, 15 et 16 mai 1992, Presses universitaires de Franche-Comté, 1994,p. 251-261.
↑Eliane Gubin, « Pour le droit au travail : entre protection et égalité »,in Eliane Gubin (et al.),Le Siècle des féminismes, Les Éditions de l’Atelier, 2004,p. 165.
↑Françoise Thébaud. « La Grande Guerre. Le triomphe de la division sexuelle », in Françoise Thébaud (dir.),Histoire des femmes, Tome 5, « LeXXe siècle », Plon, 1992,p. 61.
↑Andrée Lévesque, « Militer », Eliane Gubin (et al.),Le Siècle des féminismes, Éditions de l’Atelier, Paris, 2004,p. 90 et s.
↑Cette notion est notamment développée dans Gisela Bock et Pat Thane (dir.),Maternity and gender policies. Women and the rise of the European welfare states, Routledege, Londres et New York, 1994. Cité inUte Gerhard, « Concept et controverses », in Gubin (et al.) (2004),p. 54.
↑E. Chauveau,Abolition de la puissance maritale et du devoir d'obéissance. Octroi à la femme mariée d'une capacité restreinte. Loi du 18 février 1938, Impr. réunies,, 80 p.
↑« Manon Garcia, philosophe : « Croire qu’il suffit de définir le viol par le non-consentement pour y mettre fin est illusoire » »,Le Monde,(lire en ligne, consulté le)
↑Nicole-Claude Mathieu,L’anatomie politique : Catégorisations et idéologies du sexe, Paris, iXe,, « Critiques épistémologiques de la problématique des sexes dans le discours ethno-anthropologique »,p. 73-74.
↑Colette Guillaumin, « Femmes et théories de la société : remarques sur les effets théoriques de la colère des opprimées »,Sociologie et sociétés,no 13 (2),(lire en ligne).
↑Francine Descaries, « Victoires incomplètes, avenir incertain : les enjeux du féminisme québécois », communication à l’Université féministe d’été 2004 (Université Laval),Enjeux et défis pour l’action et la recherche féministes,en ligne surSisyphe.
↑DavidBertrand, « Analyse structuro-cognitive d'une lutte pour la reconnaissance : l'émergence d'une quatrième vague féministe en France »,theses.hal.science, Université de Bordeaux,(lire en ligne, consulté le)
↑AlexandraAna,« Articuler antiracisme, anticapitalisme et féminisme », dansFéminismes dans le monde, Éditions Textuel,, 149–156 p.(lire en ligne)
↑Cité dans Geneviève Fraisse, « De la destination au destin. Histoire philosophique de la différence des sexes », dans Geneviève Fraisse et Michelle Perrot (dir.),Histoire des femmes. LeXIXe siècle, Plon, 1991,p. 79.
↑« Hélène Cixous a écrit l'un des grands textes fondateurs sur l'écriture féminine, «Le rire de la Méduse» (1975). En le retravaillant cet automne avec mes étudiants, je me suis aperçue que ce texte conserve une pertinence étonnante pour les jeunes femmes, au niveau de leur vécu et de la façon dont elles conçoivent le rapport à leur corps et leur créativité, et qu'il fait partie de tout cursus d'études féminines et études de genres, que ce soit en sciences sociales ou en sciences humaines. On est donc loin de la lecture réductrice et essentialiste qui a souvent été faite de ce texte. […] Le débat a été repris dans les mêmes termes souvent trompeurs, de part et d'autre de l'Atlantique: parler de différence sexuelle, c'est donner un contenu aux deux sexes, c'est fixer les définitions et les identités du masculin et du féminin. Alors que parler des différences des sexes, c'est une manière différente de poser la question, en dehors d'une logique identitaire fondée sur le corps et les données biologiques. »Catherine Nesci, dansFabula, Atelier. « Genre - Gender ».
↑Paul B. Preciado,Testo Junkie : sexe, drogue et biopolitique, Grasset, 2008.
↑Susan Brown,The Politics of Individualism: Liberalism, Liberal Feminism and Anarchism, Montreal, Black Rose Books, 1993,p. 208.
↑Libcom,No God, no boss, no husband : The world’s first anarcha-feminist group,texte intégral en anglais,Ni dieu, ni maître, ni mari : La Voz de la Mujer - Argentine 1896-97,texte intégral en français, 3 janvier 2012.
↑Martha A. Ackelsberg,« Séparées et égales » ? Mujeres Libres et la stratégie anarchiste pour l’émancipation des femmes, Feminist studies, vol. 11,no 1, printemps 1985.
↑Emma Goldman, « Qu’est-ce que l’anarchie offre à la femme ? »,Sunday Magazine Post Dispatch, Saint Louis, 24 octobre 1897,texte intégral.
↑Femmes et anarchistes, recueil de textes de Voltairine de Cleyre et Emma Goldman, Éditions BlackJack, préf. Émilie Notéris, traduction de l’anglais (États-Unis) Léa Gauthier, Yves Coleman, Marco Sylvestro, Anna Gruzynski, Jean René David,Les Presses du réel, 2014,notice éditeur.
↑Pascal Dupuy,Folgorite, parcours de Sante Ferrini, anarchiste, typographe et poète (1874-1939), Lyon, Atelier de création libertaire,, 348 p.,p. 216-218.
↑ÉlieGrau et LisaOrlando, « Féminisme radical et sexualité : « Le manifeste de l’asexualité » de Lisa Orlando (1972) »,GLAD!. Revue sur le langage, le genre, les sexualités,no 11,(ISSN2551-0819,DOI10.4000/glad.3452,lire en ligne, consulté le)
↑Elsa Dorlin,Sexe, race, classe : pour une épistémologie de la domination, Paris, PUF, coll. « Actuel Marx/Confrontations », 2009.
↑Elsa Dorlin et Myriam Paris,Genre, esclavage et racisme : la fabrication de la virilité, revueContretempsno 16, 2006,p. 96-105.
↑(Extrait d'une table ronde intitulée « La critique féministe et La domination masculine »)Helena Hirata :« À Toulouse, on a beaucoup parlé de la question de la transmission et dans mon atelier, il y a eu une discussion : c’est très français, d’une certaine manière, cette préoccupation de la transmission des concepts du féminisme. Et les Canadiennes, les Américaines, les Québécoises disaient : « Pourquoi les Françaises parlent-elles tant de transmission et si peu d’innovation ? nous, les jeunes, nous voulons inventer d’autres choses, pas celles que les plus anciennes nous transmettent ». »Anne-Marie Devreux :« Pour le coup, il me semble que c’est en effet une question d’histoire, de décalages historiques entre l’état des sciences féministes ici et là. Pour les Québécoises en particulier, la question de la transmission est beaucoup moins pressante puisqu’elles ont acquis de leurs institutions, et même si ce n’est que partiel, la mise en place de voies de transmission au sein des cursus de formation, bien plus tôt et de manière bien plus pluridisciplinaire que nous. Par ailleurs, on peut sans doute dire que le souci de la transmission des concepts est une affaire bien française : d’une certaine façon, c’est ce qui nous reste à nous, la conceptualisation, tant qu’on n’a pas les moyens de mettre en pratique politique les acquis de nos connaissances, tant qu’on n’a pas de féminisme d’état. On avance là où on peut… »« La critique féministe etLa domination masculine » sur le siteMouvements. Des idées et des luttes.