Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant lesréférences utiles à savérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références ».
Une expérience est un enchaînement d'événements dont on peut tirer une leçon par unretour d'expérience. La connaissance issue de l'expérience s'oppose à celle qui relève d'une élaborationthéorique.
On peut distinguer deux sens au mot expérience, selon qu'on l'emploie avec un article indéterminé, comme dans la phrase « avez-vous de l'expérience ? », ou avec un article déterminé, comme dans la phrase « ce voyage a été une expérience fabuleuse ». La philosophie s'est plus intéressée au premier sens[1].
Un courantartistique peut présenter le résultat d'une expérience, qui en sera aussi une pour son public :cinéma expérimental,littérature expérimentale. L'esthétique expérimentale« répond avant tout au souci d'éviter les prises de position arbitraires » quant aux principes de la réception des œuvres. Le terme « expérience » se réfère ici à l'expérience scientifique, visant à vérifier une hypothèse[7].
Leretour d'expérience est un exercice de bilan collectif afin de partager les conclusions après une action et d'enrichir les connaissances sur ce sujet par la confrontation des points de vue des participants.
On nommeexpérience la somme desconnaissances accumulées par un individu durant sa vie.
Engestion des ressources humaines, on traite assez indistinctement lescompétences accumulées par la pratique, qu'unbilan de compétences peut expliciter, et l'expérience professionnelle, telle qu'elle ressort d'uncurriculum vitæ. Une compétence est la capacité à effectuer une tâche ou a assumer un rôle déterminés, que l'on peut évaluer par des essais ou des examens ; l'expérience, comme lacréativité, concerne autant l'inconnu que le connu. Lavalidation des acquis de l'expérience permet de valoriser par un diplôme une expérience professionnelle.
L'expérience est plus largement la partie duvécu d'une personne liée à ses prises de risques, pouvant aller jusqu'à la blessure, autraumatisme[réf. souhaitée].
Selon lesociologue autrichienAlfred Schütz, lesperceptions qu'ont les gens en matière d'expériencesociale varient selon lepoint de vue, lecontexte et laposition de chacun. Il postule que les gens sont experts de leur proprevie quotidienne, que lesens commun leur est utile et efficace et qu'ils sont peu portés à remettre en question leurs présupposés, ainsi que l'idée que lemonde social leur apparaît comme étant d'emblée organisé, comme « allant de soi » :
« Le sens de notre expérience du monde social change selon le niveau du monde (ou point de vue) où nous nous plaçons. Chaque niveau est doublement défini : d’abord, par les présuppositions qui lui appartiennent et, ensuite, par les présupposés des autres niveaux, auxquels il est lié et qu’il remet en question. Dans notre vie quotidienne, qui sert de référence à tous les autres niveaux, nous trouvons le monde social déjà fait et organisé autour de nous. Dans la mesure où nous y agissons, nous ne l’interrogeons pas: c'est là l'attitude naturelle[8]. »
Selon Schütz, les expériences sociales sont celles où les gens ont l'impression que le monde (social) auquel ils se sententappartenir « va de soi ». Ce sont desreprésentations qui ont résisté à l’épreuve du temps, desopinions, decroyances ou des hypothèses au sujet du monde qui sont partagées au sein d'ungroupe social donné. Ces perceptions partagées, fondées sur des expériences de vécu quotidien, apparaissent comme données, c'est-à-dire allant de soi et confirmées. Elles renvoient à un ensemble d’expériences et de sens similaires rendant compréhensible le monde[8].
Cependant, il existe aussi, selon Schütz, les expériences individuelles qui sont uniques à chaque personne et qui peuvent les éloigner plus ou moins des autres, par le décalage de sens qu'elles produisent[8].
L'expérience est un concept fondamental de laphilosophie. Plusieurs écoles de pensée se sont opposées sur les questions de l'acquisition de connaissances par le biais de l'expérience[9]. La plupart des courants philosophiques européens manifestent de la défiance à l'égard de l'expérience, forme première de la formation des concepts, qu'ils opposent à laraison raisonnante qui seule peut soutenir une« connaissance claire et distincte ». L'expérience produit l'opinion, sujette à l'erreur, et productrice de passions[10]. Lepragmatisme, au contraire, estime que la connaissance claire se forme dans une série d'expériences, qui associent laperception, la réflexion et l'action.
Dans les disciplinesscientifiques, lesexpériences sont qualifiées descientifiques parce qu'elles sont conduites en respectant desprotocoles aussi rigoureux que possible, concernant aussi bien la planification et la mise en œuvre concrète de la situation expérimentale, que le recueil des données (souvent au moyen d'instruments de mesure) ou l'interprétation théorique qui en est faite.
D'un point de vuethéorique, une expérience est un engagement dans une situation de mise à l'épreuve d'un élément d'ordre spéculatif, souvent appeléhypothèse lorsqu'il s'inscrit dans unsystème logique ou unparadigme scientifique.
En raison de cet élément spéculatif, l'expérience comporte de manière intrinsèque un poids d'indétermination (incertitude) plus important que les autres types d'initiatives (actions, activités, projets, programmes, etc.) qui visent un but en réduisant au minimum les paramètres incertains. Il n'y a cependant pas de frontière nette, et toute initiative peut être au moins rétrospectivement appréhendée comme une expérience didactique, formatrice, capitalisable en elle-même.
Il y a deux catégories d'expériences, l'observation et l'expérimentation.
La conduite d'une expérience mène à deux types de bénéfice :
le bénéfice pour l'expérimentateur en matière d'informations nouvelles relatives l'objet central de l'expérience, surtout si elle a été pertinente ;
dans tous les cas, un enseignement sur les causes de l'éventuel échec, enseignement qui sera réinvesti dans la définition d'une expérience plus adéquate.
D'un point de vue très général, l'expérience isolée comporte sommairement trois phases : la préparation, l'expérimentation, l'évaluation.
Une expérience globale composée d'expériences partiellement individualisables comporte les trois mêmes pôles. Cependant si dans l'expérience isolée les trois phases constituent autant d'étapes réglées chronologiquement, dans l'expérience globale, il s'agit de trois registres qui interagissent en permanence. Ainsi :
l'évaluation est plus ou moins associée aux paramètres pris en compte dans la préparation, par exemple, les résultats questionnent la méthode d'échantillonnage ;
l'expérimentation peut être répétée, en fonction des deux autres phases.
La préparation se réalise autour d'une double intention : laréussite de la tenue de l'expérience, c'est-à-dire la conduite jusqu'à son terme ; lapertinence ousuccès de l'expérience, c'est-à-dire l'accès à un résultat positif, à l'égard de l'objectif initial.
Chacune des intentions motivant et organisant l'expérience trouve ses limites dans au moins une forme d'incertitude : l'incertitude de base portant sur la réalisation de l'expérience est rejointe par autant d'incertitudes qu'il y a de choix possibles pour les conditions initiales.
La préparation est donc basée sur des perspectives et opérations d'anticipation, supputations de l'expérience qui peuvent en réduire l'incertitude. La préparation aboutit ainsi à la réunion des facteurs d'efficacité, voire d'efficience.
Dans l'expérience globale, chaque phase ne résultant pas simplement de la précédente, les liens entre les conditions initiales et les résultats sont affectés par une complexité qui apporte une nouvelle charge d'incertitude.
L'évaluation se réfère à des critères qui auront été explicités en association avec la détermination des facteurs d'efficacité.
Wolfgang Köhler constate que« Les physiciens ont mis des siècles à remplacer graduellement des observations directes et surtout qualitatives par d'autres, indirectes, mais très précises », constateWolfgang Köhler[11], qui cite souvent l'exemple du savant faisant une observation qualitative singulière avant que ses hypothèses servent de fondement à une méthode d'évaluation quantitative du phénomène. Ces méthodes se concrétisent souvent en conception d'instruments de mesure toujours plus perfectionnés. L'exemple type est celui deGalilée, qui découvre le mouvement des planètes par l'observation avec unelunette astronomique qu'il a mis au point lui-même, pas à pas.
Köhler généralise ce constat historique en posant que toute nouvelle science se développe par le passage progressif desexpériences directes et qualitatives auxexpériences indirectes et quantitatives. C'est une caractéristique majeure dessciences exactes. Il insiste sur la nécessaire accumulation préalable des expériences essentiellement qualitatives, conditions indispensables des investigations quantitatives ultérieures.
C'est le défi qu'il propose à son époque à lapsychologie qu'il considère comme unejeune science. Il invite ainsi à résister à l'imitation de la physique ; à ne pas plaquer les méthodes d'une science mûre sur les tâtonnements de celle qui se cherche et donc à favoriser avant tout la croissance des expérimentations préalables indispensables aux futures expériences quantitatives.
Reconnaissant la complexité de l'objet de la psychologie comparée aux simplifications que laphysique autorise, il assure après avoir évoqué la question destests qu'« on ne saurait assez souligner l'importance de l'information qualitative comme complément nécessaire du travail quantitatif ».