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| Naissance | |
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| Décès | |
| Sépulture | Cimetière Kouzminskoïé(d) |
| Nationalité | |
| Domicile | 55 rue Karl Marx (Kazan)(d)(années 1930) |
| Formation | Université d'État tatare en sciences humaines et de l'éducation(en) Université fédérale de Kazan |
| Activités | |
| Conjoint | Pavel Aksyonov(d) |
| Enfant |
| A travaillé pour | |
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| Parti politique | |
| Lieux de détention | Prison de Lefortovo, Korovniki Prison(d),prison de la Boutyrka |
| Archives conservées par | Hesburgh Libraries Rare Books & Special Collections(d) |
Evguénia Sémionovna Guinzbourg (enrusse :Евгения Семёновна Гинзбург, née le7 décembre 1904 (dans le calendrier grégorien) àMoscou et morte le est uneécrivainesoviétique, principalement connue pour avoir raconté son expérience des prisons duNKVD et des camps duGoulag[1].
Elle est la mère de l'écrivainVassili Axionov.
Née à Moscou en 1904 dans une famille juive qui quitte la ville en 1909 pour s'installer àKazan, capitale de la province duTatarstan. Elle obtient un diplôme de l'université fédérale de Kazan, avant de soutenir une thèse de doctorat en histoire àSaint-Pétersbourg (un tempsLéningrad).
Elle donne des cours à l'université de Kazan où elle rencontre en1932 son futur mari Pavel Axionov. Elle dirige aussi le département culturel du journalTatarie rouge et participe à la rédaction de l'ouvrage historiqueL'Histoire de la Tatarie. Son mari est membre du bureau politique duParti communiste de l'Union soviétique et elle-même est membre du secrétariat régional du parti communiste deTatarie et du comité exécutif central desSoviets. Ensemble, ils ont deux enfants, Aliocha et l'écrivainVassili Axionov[2].
LesGrandes Purges, destinées à éliminer tous ceux qui auraient pu menacer ou seulement faire de l'ombre àJoseph Staline, les rattrapent au milieu desannées 1930[3].
Inquiétée dès 1935, chassée de son poste à l'université puis exclue du Parti, elle est arrêtée le. Après de longs mois d'instruction dans les prisons de Kazan et de Moscou, elle est condamnée en août 1937 à 10 ans de réclusion en cellule d'isolement pour « activité trotskiste contre-révolutionnaire ». Elle effectue les deux premières années de sa peine dans la prison politique deIaroslavl ; en 1939, sa condamnation est commuée en dix ans de travaux forcés à laKolyma, au camp d'Elguen. Envoyée auGoulag, elle sera libérée en 1947. Elle doit cependant attendre jusqu'en 1955 pour être réhabilitée, à la faveur du relatif « dégel » suivant la mort de Staline. Elle est réhabilitée «faute de corps de délit», mais après avoir été contrainte de vivre pendant vingt ans enSibérie, dans des conditions particulièrement difficiles[3].
Elle écrit ses mémoires à partir de 1959. Le premier livre, intituléLe Vertige et sous-titréChroniques des temps du culte de la personnalité, relate le début de son calvaire jusqu'à son arrivée à la Kolyma. La suite est racontée dans le second tome,Le Ciel de la Kolyma. C'est grâce ausamizdat que ses écrits ont été diffusés clandestinement en URSS, avant d'être publiés en Occident à la fin desannées 1960 pour le premier tome, et à la fin desannées 1970 pour le second[3].
Le premier tome de sonautobiographie retrace sa vie depuis1935 à1940, à travers les différentes étapes de son arrestation[1].
Diplômée d'histoire à l'université de Kazan, elle participe à la création du journalTatarie rouge et à l'écriture de L'Histoire de la Tatarie. En1935, après l'arrestation d'un de ses collègues, le professeur Elvov, elle est accusée de ne pas avoir signalé une de ses erreurs dans ces textes. Cet homme étant rapidement considéré comme un « contrebandier trotskyste », Evguénia est bientôt vue comme sa complice au sein de l'université et se voit infliger un blâme. Elle est ensuite démise de ses fonctions, avec interdiction d'enseigner, même après être allée plaider sa cause àMoscou, faisant valoir sa fidélité au parti. Emelian Iaroslavski l'accuse de connivence avec lesennemis du peuple et « activité contre-révolutionnaire » et l'exclut du parti communiste.
Arrêtée le, elle est enfermée au sous-sol de la Direction régionale duNKVD, rue du Lac Noir, où elle reste durant 3 mois. Sa compagne de cellule,Lydia Chepel dite « Liama », est une kavejedinka[4] de la Chine orientale. En, elle est transportée à laBoutyrka de Moscou, puis la prison deLefortovo en attente de son procès. Celui-ci a lieu en août1937, et la condamne à 10 ans de détention en cellule d'isolement, avec retrait des droits civiques pendant cinq ans. Son isolement durera en fait deux ans à Iaroslav, où l'y rejoindra quelques mois plus tard son amie Ioulia Karepova (l'efficacité desGrandes Purges staliniennes instaurées parNikolaï Iejov oblige les prisons à admettre deux prisonniers dans chaque cellule d'isolement). En mai1939, après la disparition de Iejov et son remplacement parBeria, alors que l'intensité des purges diminue fortement, sa peine est commuée en dix ans de travaux forcés. Elle voyage pendant un mois dans un wagon à bestiaux avec 77 autres détenues pour arriver le au camp de transit deSouzdal àVladivostok, en attente de la Kolyma.
Evguénia embarque sur leDjourma[5] pour la Kolyma en 1939. L'hiver 1939-40 étant particulièrement rude, elle effectue des travaux de bonification à une température de−40 °C. En 1940, la « réparatrice » Véra, pour la récompenser d'un don, lui donne un travail à l'hôtel Magadan pendant un mois. Ensuite, elle est envoyée comme plongeuse au réfectoire masculin, au service du chef Achmet. Evguénia fait la rencontre d'un sourd allemand, Helmut.
En compagnie d'autres personnes poursuivies pour le même chef d'accusation, elle est envoyée dans lesovkhoze d'Elguen, dans lataïga, dont le nom signifie « mort » eniakoute. Les prisonnières arrivent le. Avec une certaine Galia, elle abat des arbres à longueur de journée.
À la fin du livre, le chirurgien Vassili Ionovich Pétouchov de Léningrad lui apprend qu'il a vu son fils Aliocha deux ans auparavant. Elle est ensuite assignée comme infirmière au « combinat pour enfants », donc sauvée dans un premier temps. Elle écrit que, quand elle rentre dans le baraquement réservé aux enfants, elle est surprise par les pleurs de ceux-ci et elle-même se met à pleurer : elle se rend alors compte qu'elle n'avait pas pleuré depuis plusieurs années et qu'en pleurant à son tour, elle redevient un être humain, parce qu'elle éprouve de la compassion pour des êtres humains, plus fragiles qu'elle.
C'est le second tome de son autobiographie, consacré à la période allant de 1940/1941 jusqu'en 1955 (la mort de Staline en 1953 lui permettant d'être réhabilitée et d'en finir avec le régime de détention en camp puis de semi-détention, en Sibérie, pour des «crimes» politiques imaginaires)[6],[7].
L'ouvrage débute au moment où s’achève le premier tome,Le Vertige. Evguénia Guinzbourg est envoyée dans uncombinat chargé des enfants de détenus. Elle décrit le dénuement extrême de ces jeunes enfants séparés de leurs parents, les joies qu’elle vit avec eux durant une année, mais aussi leur forte mortalité due à leurs conditions de vie et l’absence de soins[8].
L’entrée enguerre de l’URSS en juin1941 conduit à une aggravation de ses conditions de vie. Elle transite par plusieurs lieux de travail forcé et camps de détention. Elle y rencontre le médecin Anton Walter, avec qui elle entame une liaison, clandestinement car les relations amoureuses entrezeks sont prohibées. Anton Walter deviendra par la suite son second mari [son témoignage sur cette rencontre donnera lieu à deux adaptations au cinéma : en 1974,E cominciò il viaggio nella vertigine, unfilm italien deToni De Gregorio (it) avecIngrid Thulin et en 2009,Dans la tourmente), un film belgo-germano-polonais deMarleen Gorris]. En1947, elle sort enfin du camp d'Elguen, après avoir achevé ses dix ans de peine[9],[10]. Elle s’installe à Taskan puis àMagadan, capitale de la Kolyma. Son fils ainé est mort durant laSeconde Guerre mondiale, ausiège de Léningrad. Elle parvient, avec beaucoup de difficultés, à faire venir son second fils,Vassili Axionov, né de son premier mariage, avec Pavel Axionov : Vassili Axionov est désormais un adolescent de 16 ans lorsqu'il retrouve sa mère[11]. Elle adopte également une petite fille abandonnée. Mais leur existence en Sibérie reste suspendue au bon vouloir du pouvoir.
La mort deStaline, en1953, est vécu comme un soulagement par Evguénia Guinzbourg, sa famille et ses compagnons de goulag : « C’étaient des larmes de vingt années. En une minute, tout défila devant mes yeux. Toutes les tortures et toutes les cellules. Toutes les rangées de fusillés et les foules innombrables d’êtres martyrisés. Et ma vie, ma vie à moi, réduite à néant par la volonté diabolique de cet homme »[12]. Ce récit de ce qu'elle a «vécu, constaté et ressenti»[6] s’achève en1955.
L'écrivaine soviétique est connue et appréciée dans de nombreux pays. Peu après sa mort,Michel Butel, qui vient d'obtenir lePrix Médicis 1977, signe dansLe Monde un billet poétique à sa mémoire appelant à la "parole contre l'État, contre tous les États", les citoyens étant "cette eau fluide qui glisse entre vos doigts" et "va noyer ce monde, engloutir votre monde"[13], car si chaque homme libre est "moins que rien", "moins que de l'eau, une goutte d'eau", c'est "cette goutte d'eau qui fait déborder le vase"[13].