De 1886 à 1898, il dirige une clinique psychiatrique dans l'ancienneAbbaye de Rheinau, près de Zurich. En 1889, il publieZur Psychologie der Hypnose, livre dans lequel il rend compte des expériences qu'il a faites lorsqu'il a été hypnotisé parvon Speyr etAuguste Forel. Succédant à ce dernier, il est directeur de la clinique psychiatrique du Burghölzli de 1898 à 1927, et professeur de psychiatrie à Zurich.
Il a notamment comme assistantsErnst Rüdin (1899),Carl Gustav Jung (1900-1909),Karl Abraham (1904-1907),Ludwig Binswanger (1907-1910). Bleuler sera également le professeur deHermann Rorschach. Bleuler rencontreSigmund Freud en 1904 et en 1906 demande à Carl Jung de présenter aux membres du Burghölzli le livreL'interprétation des rêves. Il participe au premier congrès psychanalytique international à Salzbourg, en 1908, et contribue à la création de l'Association psychanalytique internationale en 1910. Il entretient une correspondance épistolaire avec Freud[3],[4].
Ouvrage original d'Eugen Bleuler sur laDementia praecox (1911).
Eugen Bleuler épouse la féministe suisseHedwig Bleuler-Waser[5]. Le couple a deux enfants,Manfred Bleuler (né en 1903, psychiatre lui aussi et directeur de l’asile du Burghölzli (1942-1969) et Richard Bleuler (1905-1973), agriculteur etagronome.
Mort en 1939, il est inhumé au cimetière deZollikon.
En 1911, dansLa démence précoce ou le groupe des schizophrénies, il récuse le terme dedémence précoce d'Emil Kraepelin, et le remplace par celui de schizophrénie pour illustrer l’idée d’une fragmentation de l’esprit. Pour Bleuler, les schizophrénies correspondent à un groupe desyndromes cliniques, d’origines différentes mais toujours organiques, où l'affaiblissement intellectuel n'est pas toujours présent mais qui sont réunis par des mécanismes psychopathologiques communs, en particulier une défaillance du mécanisme associatif.
Ce mécanisme permet, selon une théorie partagée avec Freud, d'organiser les émotions issues de l'histoire de vie. Il est décrit comme une "étroitesse de conscience" qui se crée normalement au moment d'agir, pour permettre une fixation des idées en rapport avec le but poursuivi. Dans le groupe des schizophrénies selon Bleuler, l'absence de cet élément régulateur fait que la personne reste en prise avec des émotions diverses coexistant parallèlement. Il décrit sur cette base un morcellement de la personnalité en fragments, en utilisant le terme « spaltung », traduit en français par « clivage », ce qui définit aussi lesyndrome dissociatif.
Selon Bleuler, à la base de la schizophrénie se trouve un processus biologique (l'altération basale des fonctions associatives) qui fait émerger les signes primaires de la maladie par-dessus lesquels apparaissent des signes secondaires (réactions psychologiques du sujet face à sa souffrance) qui constituent de véritables stratégies de lutte contre le processus biologique de base. Il écrit « la symptomatologie qui nous saute aux yeux n'est sûrement en partie (et peut être globalement) rien d'autre que l'expression d'une tentative plus ou moins ratée de sortir d'une situation insupportable. ».
Parmi les signes primaires, Bleuler intègre le blocage de la pensée et des signes apparaissant lors des poussées aiguës sans aucune raison externe : états d'obtusion, épisodes d'excitation ou de dépression, prédisposition aux hallucinations, le syndrome catatonique et quelques signes physiques.
Bleuler a montré que la psychanalyse permet de trouver le sens des signes secondaires, symptômes provenant d’une psychogenèse inconsciente. Tous les signes de la sphère instinctivo-affective ci-dessous sont des signes secondaires. Bleuler parlait de charge affective des complexes. Ces signes secondaires s’opposent donc aux signes primaires qui, résultant d'un processus biologique, ne peuvent pas être interprétés. Ceci constitue une réelle introduction à la psychopathologie, à la compréhension des signes et de leur sens.
Il distingue dans ces symptômes secondaires trois« stratégies » de confrontation avec laréalité (collective, extérieure, unitaire, commune).
Perdre le contact avec elle ou remettre en cause son existence. Le monde onirique est considéré comme plus réel, ce monde tangible n'étant plus qu'apparence. C'est ce qu'il appelle l'autisme.
La reconstruire. (Il parle de psychoses hallucinatoires de désir.)
La fuir. (Comportement de désocialisation ou de plainte somatique (hypocondrie.)
Bleuler précise que pour le« schizophrène autiste », le « défaut de rapport affectif » ne correspond pas à une « perte de la fonction du réel », mais du maintien d'un monde à soi, d'où le terme autisme du grec auto, soi-même. Cetautisme est analogue à ce que Freud appelle l'auto-érotisme et n'a pas été retenu dans les nominations psychiatriques. Le sens retenu pourautisme est celui deLéo Kanner, à peu de chose près[6].
Parallèlement à la conception de l'autisme comme symptôme de la schizophrénie, il crée la notion de pensée autistique qu'il désigne comme « normale », la version pathologique n'étant que son exagération. Par définition, il s'agit d'une pensée déconnectée de la réalité trouvant son origine dans les émotions et permettant l'existence de l’imaginaire chez tout être-humain. Elle est à l’œuvre dans le rêve et la fiction. Elle s'oppose à la pensée réaliste qui se soumet aux exigences de la vie pratique et permet l'adaptation à l'environnement.
En 1910, il utilise cette terminologie pour caractériser un aspect de l'état psychique des schizophrènes « qui, à la même idée, réveille deux émotions opposées et à la même pensée, deux pensées de force opposée ».
Dementia praecox oder Gruppe der Schizophrenien (1911), (rééd.Dementia praecox ou Groupe des schizophrénies, GREC/EPEL, 2001, coll. « École lacanienne de psychanalyse »,(ISBN2908855119))[1]