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LeEsu(エス?), aussi connu sous le nom deClass S(クラスS,Kurasu Esu?), désigne une pratique sociale née dans leJapon du début duXXe siècle, ainsi qu'ungenre littéraire traitant de cette pratique. Cette pratique désigne spécifiquement les relations intimes partagées entre deux écolières d'âge différent, où la plus âgée est laonē-sama(お姉さま,grande sœur?) de la plus jeune, qualifiée deimōto(妹,petite sœur?).
Esu est un termewasei-eigo signifiant « S », initiale du mot anglaissister (sœur)[1].
Le « S » peut aussi faire référence à d'autres mots :shōjo(少女?,jeune fille), sexe[2],schön (« Beau » en allemand), etesukeipu(エスケイプ?,évasion)[3].
L'histoire duesu est intimement liée à la scolarisation des filles au Japon[1] : le pays entre dans un processus de modernisation au début de l'ère Meiji en 1868. En 1872 l'école élémentaire devient obligatoire pour les garçons et filles, mais l'éducation publique supérieure reste réservée aux garçons, aussi des écoles privées, généralement créées par des missionnaires chrétiens, sont ouvertes aux filles. La scolarisation des filles se répand lentement dans le pays : environ 4 % en 1905, 12 % en 1920, 16 % en 1930 et 25 % en 1945.
Dans ces écoles l'environnement est exclusivement féminin, et les filles sont formées pour devenir desryōsai kenbo(良妻賢母?,« bonne épouse, sage mère »), aussi les élèves sont encouragées à créer des relations de typeesu, où une élève d'âge supérieur décide de devenir laonē-sama(お姉さま,grande sœur?) d'une élève plus jeune, qualifiée deimōto(妹,petite sœur?). Cette relation basée sur le principe duren'ai(恋愛,amour spirituel?) est intime et intense, et doit servir « d’entraînement à aimer son mari et ses enfants ». Laonē-sama doit servir de guide et de protectrice pour saimōto. C'est une relation inégale mais qui est censée être émotionnellement forte et chaleureuse. Bien qu'intense la relation est faite pour s'arrêter au moment où laonē-sama quitte l'établissement à la fin de ses études, laimōto peut alors décider de se trouver une petite sœur.
Toutefois en 1937 le gouvernement interdit les relations de typeesu lors de l'entrée du pays dans laguerre sino-japonaise, ce type de relation étant jugé comme étant « inapproprié ». Après la fin de la guerre en 1945 les relationsesu sont restaurées, mais perdent en importance du fait de la généralisation des écoles mixtes, où les relations filles-garçons sont privilégiées sur les relations filles-filles ou garçons-garçons. Mais aujourd'hui encore ce type de relation existe toujours[4].
S'il est de nos jours tentant de qualifier les relationsesu delesbianisme, il faut savoir que le concept derezubian(レズビアン?,lesbienne) n'existait pas dans le Japon d'avant-guerre[5], aussi comme le fait remarquer Deborah Shamoon on ne peut appliquer un concept social là où il n'existait pas[1]. À l'époque les relationsesu étaient perçues comme étant dudōseiai(同性愛?,Amour pour le même sexe), un amour passionnel mais platonique, voire spirituel, un type de relation jugé comme « non-pathogène » et même considéré comme normal dans la vie d'adolescent, apparaissant comme une « phase » qui doit disparaître à l'âge adulte. Si la relation prenait une dimension physique elle était alors qualifiée deome no kankei(雄雌の関係?,Amour entre homme et femme), c'est-à-dire une imitation de l'amour hétérosexuel similaire aux relationsbutch-fem en Occident, une telle forme d'amour entre femmes était jugée comme « pathogène » et réprimée socialement[2]. Aussi si les filles développaient une relation physique, cela devait rester secret.
En 1911 un doublesuicide de deux écolières fait sensation àNiigata, et dans les années qui suivent des suicides similaires se multiplient, il est généralement considéré que ces suicides sont liés aux relationsesu, les filles n'acceptant pas leur séparation[5]. Ces suicides successifs ternissent l'image des relationsesu et mènent à leur bannissement lors de l'entrée en guerre du pays. Hiruma Yukiko considère que ces suicides marquent la « découverte » de l'homosexualité féminine dans le cadre desétudes de genre japonaises[5].
Par ailleurs la littératureesu contient des traces de lesbianisme.Nobuko Yoshiya, l'une des auteursesu les plus populaires, est lesbienne[6]. La nouvelleKibara du recueilHana monogatari décrit un baiser entre deux adolescentes[1], et à la fin de la nouvelleYaneura no Nishojo les deux protagonistes décident de vivre ensemble en coupant toute relation avec leur famille[7].
Lesesu apparaissent dans lashōjo shōsetsu[1], la littérature pour filles, ces textes étaient publiés dans des magazines féminins comme peuvent l'êtreShōjo no tomo (1908-55) ou encoreShōjo Club (1923-62). Du fait que le lectorat était majoritairement constitué par les élèves d'écoles pour filles le genreesu se généralise rapidement dans les magazines, à tel point que dans les années 1930 la majorité des histoires publiées parShōjo no tomo étaient desesu[1].
L'interdiction de la pratique duesu en 1937 provoque de fait la disparition des histoiresesu du paysage littéraire. Après la guerre les histoiresesu réapparaissent dans la littérature, mais aussi dans le monde dumanga, commeSakura namiki en 1957. Mais avec la généralisation des écoles mixtes le genre connait un déclin rapide, remplacé par les romances hétérosexuelles qui deviennent populaires auprès du lectorat féminin[1].
Leesu est considéré comme étant l'ancêtre du genre manga/littéraireyuri[8]. C'est d'ailleurs à travers les œuvresyuri que la thématique duesu réapparaît, ainsiMaria-sama ga miteru, un romanyuri publié en 1998 marque le « retour duesu » selon la presse japonaise[9].