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L'estran,batture,zone de balancement des marées,zone de marnage,zone intertidale oureplat de marée également appeléforeshore (de l'anglais) ensédimentologie, est la partie dulittoral située entre les limites extrêmes des plus hautes et des plus bassesmarées. Il constitue unbiotope spécifique, qui peut abriter de nombreux sous-habitats naturels.
Il est découpé en trois étages, de haut en bas : l’étage supralittoral, l’étage médiolittoral et l’étage infralittoral.
La répartition des organismes sur l'estran dépend de nombreux facteurs physiques (substrat, température, qualité et quantité de lumière, rythme de la marée immersion/émersion, hydrodynamisme), chimiques (salinité, pH, nutriments, gaz, niveau de pollution), et biologiques (interactions biologiques avec micro-organismes,épibiontes,endophytes, prédateurs, symbiotes, parasites). Cette frange littorale est caractérisée par une zonation biologique plus ou moins marquée : zonation verticale (étagement littoral selon les niveaux d'immersion) et horizontale (en lien avec l'hétérogénéité desmicro-habitats) de la flore et de la faune.


L'estran est aussi appelébatture enAmérique du Nordfrancophone. On utilise aussi pour le désigner le terme « zone demarnage » ou l'anglicisme « zone intertidale » (de l'anglaistidal signifiant « relatif à la marée ») ; en termes administratifs et juridiques, on emploie aussi l'expression « zone de balancement des marées ».
Provenant du néerlandais, et utilisé en français, un estranvaseux prend le nom de « wadden » (qui se répartit enslikke, nu ; etschorre, fixé par la végétation[1],[2]).
Historiquement, le motestran signifie « délaissé sableux de la mer ». Il est attesté sous la formeestrande dans un texte normand auXIIe siècle et a déjà plus ou moins le sens qu'on lui connaît aujourd'hui. Le terme picardstranghe,estranc, attesté auXVIIe siècle, puisestran, est, avec le terme normand, la source du mot français, mais de manière directe. Il s'agit d'un emprunt au moyennéerlandaisstrang, au sens de « grève ». Il est à mettre en rapport avec le terme actuelstrand en anglais, allemand, néerlandais ou suédois.
Ce sont des milieux en régression forte et rapide partout dans le monde[3], mais qui restent mal connus, car ayant longtemps été moins bien cartographiés que d'autres milieux littoraux, bien qu'étant l'un des écosystèmes côtiers les plus vastes et très important en termes deservices écosystémiques[4].
Fin 2018, une cartographie haute résolution, basée sur plus de 700 000 images satellite de la Terre, a précisé leur étendue et leur évolution récente (1984-2016, soit 33 ans, le temps d'une génération humaine)[3].
Les zones intertidales à substrats sableux, rocheux ou vaseux, soumises à une inondation régulière, couvrent plus de 127 921 km2 de la surface terrestre (entre 124 286 et 131 821 km2, pour un intervalle de confiance à 95 %)[3].
Environ 70 % de ces zones sont situées sur trois continents : l'Asie (44 % du total), l'Amérique du Nord (15,5 % du total) et l'Amérique du Sud (11 % du total). En termes de pays, 49,2 % sont dans huit pays (Indonésie,Chine,Australie,États-Unis,Canada,Inde,Brésil etBirmanie)[3].
Certaines régions ont fait l'objet de suivis depuis plusieurs décennies, dont en Asie de l’Est, au Moyen-Orient et en Amérique du Nord : selon cette étude, environ 16 % de la surface (entre 15,62 et 16,47 %) y a été perdue entre 1984 et 2016[3].
Le termeestran recouvre des faciès géomorphologiques très différents qui se traduisent par l'installation de populations végétales et animales diversifiées. En considérant les côtes bordant des mers présentant des marées importantes, il est aisé d'observer trois systèmes principaux[5] :
L'estran est recouvert, au moins en partie, lors des pleines mers, et découvert lors des basses mers. La durée d'exondation (le retrait de la mer) des différentes parties de l'estran dépend de leurs emplacements par rapport au niveau moyen de la mer et du nombre de marées par jour (deux sur les côtes atlantiques de la France, mais une seule dans certaines régions du globe). L'alternance cyclique de périodes d'exondation et d'inondation (appelées aussi périodes d'émersion et d'immersion) est un des facteurs qui conditionnent l'étagement littoral (répartition verticale des communautés animales ou végétales qui se disposent en ceintures en principe parallèles au rivage)[7].
Exposés à l'air libre pendant les périodes d'émersion, les organismes qui vivent en milieu intertidal sont soumis à desstress abiotiques :dessiccation, conditions d'anoxie/hypoxie, variations importantes de température et salinité. L'adaptation des organismes à ces conditions se manifeste par unerésistance à la dessiccation (en) et aux variations de température (tégument, cuticule, coquille et exosquelette imperméables chez les espèces sessiles, déplacements vers des endroits humides et ombragés — surplombs, anfractuosités, masses algales, mares intertidales — chez les espèces vagiles, vie endogée chez les espèces des biocénoses marines), uneréduction du métabolisme, une augmentation des taux de ventilation et d'extraction d'oxygène (vie sur une réserve d'eau, sur le stock d'oxygène dissous fixé par l'érythrocruorine, pigment respiratoire plus oxygénant jouant le rôle de bouteille d'oxygène, respiration de l'oxygène atmosphérique lorsque l'air est humide). La végétation (ainsi que, pour partie, les espèces animales) se répartit verticalement selon une zonation enétages parallèles aux différentes hauteurs de marée et qui traduit la capacité des différentes espèces à supporter les changements environnementaux induit par l'exondation. La zonation de la flore et la faune intertidales est déterminée aussi par les gradients de salinité et les capacités spécifiques d'osmorégulation[8],[9].
L'exposition de l'estran à l'action de la mer n'est pas anodine. Une côte ouverte recevant la houle du large sans que celle-ci ne rencontre d'obstacle n'aura pas la même structure qu'une côte abritée.
La structuration en « étages » est la conséquence des périodes plus ou moins longues d'exondation de l'estran en fonction du positionnement du lieu étudié. Plusieurs facteurs interviennent :
Sur une côte rocheuse, quatre grands étages peuvent être définis (supralittoral,médiolittoral,infralittoral etcircalittoral). Sur un estran sédimentaire ou en estuaire, la structuration verticale des plages est beaucoup moins nette.
L'estran étant alternativement recouvert par la mer et exposé à l'air, il est propice à unécosystème spécifique, adapté à la fois aux conditions maritimes et aériennes, capable de résister aux effets de la force des vagues[10],[11] et descourants etmarées, ainsi qu'aux effets de la déshydratation et des UV à marée basse. L'estran a un fonctionnement différent en zone estuarienne, dans les zones polaires et en milieu tropical (lesmarais à mangroves peuvent occuper la zone de l'estran, de même que des structures coralliennes).
La flore comprend des espèces d'algues qui se répartissent sur l'estran en fonction de leur mode de vie et de la nature du substrat. La flore dite« supérieure » ne comporte qu'un petit nombre d'espèces adaptées aux variations de salinité ou à l’exondation fréquente.

Un grand nombre d'espèces d'algues et bactéries vivent dans la colonne d'eau des estuaires (formant notamment le « bouchon vaseux ».
Le « biofilm intertidal » qui recouvre les vasières, constamment renouvelé est aussi une source de nourriture importante. On a montré[12] par l'étude conjointe d'enregistrements vidéo et du contenustomacal et d'isotopes stables comme marqueurs, que leBécasseau d'Alaska (Calidris mauri) se nourrit en grande partie d'algues et de bactéries qu'il trouve dans le biofilm intertidal.
Auparavant, ce type de biofilm était uniquement considéré comme une source de nourriture pour les invertébrés rapeurs et quelques poissons spécialisés, mais on a montré qu'il constitue en fait de 45 à 59 % de la ration alimentaire totale d'un oiseau comme le Bécasseau d'Alaska, en lui fournissant environ la moitié (50 %) de son « budget énergétique » quotidien[12].
Ce constat implique aussi une concurrence entre cet oiseau et les invertébrés herbivores consommateurs primaires qui exploitent également cette ressource. Mais il est également possible qu'en remuant la couche superficielle du sédiment, l'oiseau favorise la régénération naturelle du biofilm qui à marée haute peut alors être consommé par les invertébrés aquatiques[12].
En outre, comme les taux de « pâturage » individuels sont estimés à sept fois la masse corporelle par jour, et que les colonies de bécasseaux d'Alaska atteignent souvent des dizaines de milliers d'individus, les oiseaux de rivage se nourrissant de biofilm pourraient avoir des impacts« majeurs » sur ladynamique sédimentaire[12]. En théorie, ces biofilms devraient ou pourraient profiter de l'eutrophisation générale de l'environnement, mais ledragage et lechalutage, l'apport depolluants piégés par le biofilm ou susceptibles de l'altérer (pesticides,antifoulings,cuivre…) peuvent aussi interférer négativement avec sa régénération et donc saproductivité.
La forte productivitéphytoplanctonique induit unebiomasse importante des invertébrés, lebenthos,qui confère à l'estran une place essentielle dans leréseau trophique et exerce une influence sur les écosystèmes marins. La productivité du milieu est souvent attestée par la présence d’uneavifaune quantitativement et qualitativement de grand intérêt, comme dans labaie de Saint-Brieuc. Les données nouvelles sur sa valeur nutritionnelle[12] mettent en exergue« l'importance des processus physiques et biologiques de maintien du biofilm pour la conservation de certains oiseaux de rivage et des écosystèmes interditaux »[12].
La mobilité des animauxbenthiques occupant l'estran permet de répartir ceux-ci en trois grandes catégories écologiques : les espècessessiles (fixés à demeure sur un substrat, telles que lescoquillages — moules, etc., lesanémones de mer et lesplumes de mer), les espèces mobiles regroupant lesorganismessédentaires (espèces peu mobiles telles que lesEchinodermes — étoiles de mer,oursins, etc. — et lesGastéropodes — patelles,littorines,limaces de mer,escargots de mer etde roche) et les organismesvagiles (espèces très mobiles telles que lesdécapodes — crabes,crevettes — et les poissons benthiques — gobies,blennies,syngnathes, etc. — qui se réfugient dans lesflaques à marée basse) qui généralement migrent dans l'étage intertidal avec chaque inondation[13].
La faune typique de l'estran inclut de nombreux invertébrés mais aussi des vertébrés. Les espèces ne sont pas nombreuses, mais certaines font preuve d'une haute productivité.
L'estran recouvre une très grande variété d'habitats différents classés différemment selon les différentes typologies d'habitats.La classificationEuropean Union Nature Information System en compte trois grandes catégories : « Dunes côtières et rivages sableux », « Galets côtiers », et « Falaises, corniches et rivages rocheux, incluant le supralittoral ». La classificationCorine Biotope comprend 10 catégories d'habitats littoraux : « Mers et océans », « Bras de mer », « Estuaires et rivières tidales (soumises à marées) », « Vasières et bancs de sable sans végétations », « Marais salés, prés salés (schorres) », « steppes salées et fourrés sur gypse », « Dunes côtières et plages de sable », « Plages de galets », « Côtes rocheuses et falaises maritimes », et « Ilots, bancs rocheux et récifs ».
Ladirective habitats définit 5 grands types d'habitats côtiers, subdivisés en plusieurs sous-types :
Endroit romain, lamer comme les rivages de la mer sontres communis,choses communes: la mer étant commune sonrivage qui en est l'accessoire devait avoir le même caractère. On entend par rivage de la mer la partie de la côte que baigne la mer dans ses plus hautes marées« est tittus maris quatenus hibernus fluctus maximus excurrit » en un mot c'est l'estran. Cependant le long de leur territoire les Romains considéraient la côte de la mer comme propriété de l'État attendu qu'elle forme une espèce de dépendance de la terre ferme et le droit public moderne contient une disposition analogue[14].
Le niveau correspondant à la limite basse de l'estran (laisse de basse mer) sert généralement d'altitude de référence pour lescartes marines (ouzéro hydrographique), à la différence des cartes terrestres qui utilisent leniveau de la mer comme référence. En revanche, tous les organismes cartographiques ne considèrent pas la même partie basse : en France par exemple, l'altitude prise en compte est le niveau des plus basses mers (coefficient de marée de 120), tandis que certaines anciennes cartes britanniques se réfèrent au niveau des basses mers moyennes de vives-eaux (coefficient de marée de 95).
Tout comme la partie sèche du littoral, la propriété et l'utilisation de l'estran peut donner lieu à des controverses légales et politiques :
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