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L'Estonie (enestonien :Eesti), en forme longue larépublique d'Estonie (enestonien :Eesti Vabariik) est unÉtat souverain d'Europe du Nord dont le territoire s'étend sur le flanc oriental et sur près de 2 200 îles de lamer Baltique. La partie continentale possède des frontières terrestres avec laRussie à l'est et laLettonie au sud, tandis que l'Archipel d'Estonie-occidentale constitue l'essentiel de la partie insulaire du pays.
Contrairement à ses voisins méridionaux (pays baltes proprement dits), la culture autochtone de l'Estonie estnordique fennique et possède unfolklore, une origine et langue semblables à celles de laFinlande. L'Estonie a également été influencée par les cultures germaniques.
L'Estonie est unpays développé avec un niveau deIndice de développement humain élevé qui se distingue dans des domaines variés tels que la faible densité de population, la liberté de la presse, l'absence de corruption, le niveau d'éducation, l'absence de religion dans sa population, le haut degré dedigitalisation dans la société, le nombre élevé d'entreprises technologiques et de start-ups par habitants, ainsi qu'un attachement à laprotection de l'environnement.
Le nom « Estonie » tire son nom desEstoniens (peuple fennique), occupants autochtones du territoire. Le nomEstoniens semble lui-même provenir de racinesgermaniques via le nom tribal gothiqueaistan (« respect, honneur »), ou via les motsāst, eest (« grange, grenier »), ou encoreaistmar (« mer d'ambre »), ou de racinesbaltes via les noms de lieux-dits enLettonie etLituanie[5].
Le terme est à la fois unethnonyme et unexonyme[5]. Les variations, utilisées par de nombreux savants au cours de l'histoire, ont conduit aux deux racines les plus couramment utilisées pour qualifier le pays: l'une d'origineLatine:Estonia, l'autre d'origine germanique:Estland[5].
Depuis le XIXè siècle, le terme a été largement réapproprié par les estoniens eux-mêmes, qui emploient tantot les expressionsEesti (« Estonie ») ouEestimaa (« Terre estonienne ») pour qualifier le pays[5].
La partie continentale de l'Estonie est bordée par laMer Baltique à l'ouest via leGolfe de Riga et laVäinameri, et au nord via le Golfe de Finlande.
Frontières de l'Estonie en pointillés. En vert fluo: le territoire cédé à l'Estonie lors duTraité de Tartu (1920), puis annexé par la Russie pendant l'Occupation soviétique (1944).
Si le territoire indigène estonien était historiquement divisé en deux entités administratives distinctes (l'Estlande au nord et laLivonie au sud, qui comportait également une partielettone), les changements suivants larévolution russe font coïncider les frontières administratives et ethniques à partir de 1917[8],[9],[10]. À la suite de la victoire lors de laguerre d'indépendance, leTraité de Tartu de 1920 élargit le territoire de la nouvelle république, mais après la fin de l'occupation soviétique de 1944-1991, laRussie conserve quelques territoires annexés après laSeconde Guerre mondiale[10]. Un traité de 2014 fixant les frontières avec la Russie, signé à la suite de nombreux désaccords sur la validité du traité de Tartu, n'a pas été ratifié par les parlements des deux pays, la délimitation actuelle n'est donc pas officiellement appelée frontière mais "Ligne de contrôle temporaire"[10].
La partie maritime de l'Estonie est constituée de près de 2 200 îles situées au large de cotes de l'Estonie continentale. Les plus grandes îles telles queSaaremaa,Hiiumaa,Muhu ouVormsi se trouvent à l'ouest du continent[13]. L'Estonie contrôle toutes les îles du Golfe de Riga, y compris celle deRuhnu, pourtant située au large de laLettonie[13]. Les îles maritimes ne comptent que pour 9,% de la superficie totale du pays, mais comptent pour plus de la moitié de ses 3 780 km de littoral, soit 1 540 km[13].
Carte du relief estonien. Les zones les plus claires sont les plus surélevées.
L'Estonie constitue la partie Nord-Ouest de la plateforme d'Europe de l'Est et dubouclier russe, à la frontière avec le versant Sud dubouclier scandinave (fennoscandien)[13]. Dans les profondeurs du sol se trouve unsocle cristallin incliné vers le Sud, formé il y a environ 1,6-1,8 milliard d'années et composé essentiellement d'amphibolite deGneiss, deMigmatite et deQuartzite[13]. Il existe en outre une différence progressive de géologie entre le nord et le sud du pays: Les roches cambriennes du Nord du pays sont du grès, du limon et de l’argile, les roches ordoviciennes et siluriennes au Nord et au centre de l’Estonie sont de types calcaires, dolomies, domérites et marnes tandis que les roches dévoniennes du sud sont principalement des limons et du grès[13]. Lacroûte terrestre libérée des glaces après la fin de l'Ère glaciaire, a contribué à l'élévation progressive du terrain et à l'apparition d'iles et de péninsules[13].
L'Estonie est située dans une zone humide où la quantité de précipitations est supérieure à l'évaporation totale.Les précipitations moyennes pour la période 1991-2020 ont été comprises entre 573 et761 millimètres (22,6 et 30,0 pouces) par an et ont été les plus importantes à la fin de l'été.Il y a eu entre 102 et127 jours de pluie par an[17].
Comme dans les autres pays nordiques, la latitude élevée de l'Estonie engendre une importante différence de lumière de jour entre l'hiver et l'été. Ainsi, au solstice d'hiver, le jour le plus court compte plus de6 heures d'ensoleillement, et le solstice d'été plus de18 heures[18]. Le nombre annuel d'heures ensoleillées varie entre 1 600 et 1 900, ce nombre étant plus élevé sur la côte et les îles et plus faible à l'intérieur du pays. Cela correspond à moins de la moitié de la quantité maximale de soleil possible[18].
Malgré une certaine homogénéité, l'Estonie compte une variété de paysages naturels, avec des grands lacs, de larges littoraux préservés, des zones humides, mais aussi des terres agricoles et de nombreuses forêts. L'Estonie est un des pays les plus boisés d'Europe, les forêts occupant plus de la moitié du territoire (53,6 %), soit 23,308 km2. La superficie forestière est notamment composée de 34 % depins sylvestres, 31 % debouleaux et 16 % d'épicéas communs[19].
Les paysages et lesécosystèmes ont été largement détériorés pendant l'occupation soviétique, notamment en raison de l'exploitation des ressources naturelles, de l'industrialisation intensive et des activités militaires sans considération environnementale[20]. La négligence et mauvaise qualité des infrastructures ont notamment entrainé la dispersion de polluants issus de gisements deschiste bitumineux, decentrales thermiques, d'usines à papier, decimenteries, et même l'abandon en pleine nature de déchets toxiques voireradioactifs[21],[20]. L'Estonie entame dès le rétablissement de l'indépendance, une campagne de nettoyage sur les sites les plus sensibles suivie d'une stratégie nationale de réduction massive de la pollution avec l'aide d'autres pays européens[20].
Depuis les années 2000, l'Estonie fait face aux problématiques environnementales similaires à de nombreux pays développés : la croissance rapide de l'étalement urbain entraine une plus forte artificialisation des sols, et l'utilisation depesticides dues à l'intensification de l'agriculture provoque la présence de substances nocives dans les eaux de surface[22],[23],[24]. En dehors de la région très industrialisée d'Ida-Virumaa, les eaux souterraines sont considérées comme étant de bonne qualité en Estonie[24].
Usine deschiste bitumineux deKiviõli àLüganuse émettant des rejets polluants (2007). Centrale de production d'éléctricité et de chauffage. Image antérieure à l'installation du système de filtration de la cheminée dans les années 2010.
Si les émissions degaz à effet de serre de l'Estonie restent insignifiantes à l'échelle de l'Europe en valeur absolue, elles sont importantes rapportées au nombre d'habitants[25]. Avec 10,72 kilotonneséquivalent CO2 par habitant en 2022, l'Estonie possède la cinquième plus forteempreinte carbone par habitant parmi les pays de l'Union européenne[25]. Les émissions de gaz à effet de serre ont connu un pic dans les années 1980 en raison de l'exploitation intensive ducharbon et dupétrole issus desschistes bitumineux avant de diminuer après le rétablissement de l'indépendance, elles ont ensuite stagné pour diminuer à nouveau lors de lapandémie de Covid-19[26],[27]. Bien qu'elle ait diminué au fil du temps, l'utilisation des schistes bitumineux pour la production d'énergie représente encore plus de la moitié des émissions de GES du pays[25],[28].
En Estonie, les forêts et les zones humides constituent d'importants stocks de carbone contenu dans la biomasse vivante, la biomasse morte et les sols[29],[30]. Considéré comme unpuits de carbone jusqu'en 2017, le bilan en Estonie du secteurUTCATF présente pourtant depuis cette date davantage d'émissions de CO2 que d'absorption et a des difficultés à améliorer la capture du carbone, notamment en raison de manquements dans la politique de gestion et de préservation des forêts[29],[30],[31].
Depuis le rétablissement de l'indépendance, les pouvoirs publics estoniens tentent de répondre aux défis environnementaux. L'Estonie se dote depuis 2004 d'une politique de protection des espaces naturels[35],[36]. Les 21 564 aires protégées du pays couvrent 22 % de la surface du territoire et 19 % du littoral[37],[38]. Elles sont gérées par l'Agence de l'environnement (qui dépend duministère dédié) et incluent notamment 8 parcs nationaux[39].
LeWorld Clean Up Day, journée mondiale du nettoyage des déchets, est une initiative estonienne débutée en 2008. Ici àNantes enFrance (2024).
Du fait des similitudes sur les plans géographiques et culturels, la tradition dudroit d'accès à la nature despays nordiques est aussi présente en Estonie[41],[42]. Plus généralement, la société civile estonienne est sensibilisée à la protection de la nature et des forêts, dont une grande partie dufolklore traditionnel est issu[43],[44],[45],[46],[47]. L'intérêt pour l'environnement est également entretenu par des initiatives de dépollution telles que laJournée mondiale du nettoyage de la planète, créée en Estonie par une ONG locale[48]. L'Estonie possède ainsi une image, parfois exagérée, de pays proche de la nature et l'utilise pour promouvoir l'écotourisme sur son territoire[49],[46],[50],[51],[52].
Localisation des six plus grandes villes estoniennes.
L'Estonie est marquée par une faible densité de population et des déséquilibres spatiaux multiples. La capitaleTallinn concentre 33 % de la population et plus de la moitié des entreprises du pays, et sa contribution au PIB national (48,2 %) est six fois supérieure à celle deTartu, seconde ville d'Estonie[65],[66],[67]. Bien qu'ayant chacune des économies et activités diversifiées, les quatre plus grandes villes d'Estonie sont communément associées à des spécialités très marquées : Tallinn (453 864 habitants) est le centre politique et économique, Tartu (100 724 habitants) est la ville universitaire,Narva (53 875 habitants) la ville industrielle etPärnu (52 362 habitants) la ville touristique[68],[69],[70].
L'aire d'attraction de Tallinn couvre essentiellement lecomté de Harju environnant, mais aussi le pays dans sa globalité, tandis que Tartu sert de capitale régionale : son aire d'attraction couvre notamment les régions du Sud-Est plus éloignées de la capitale[22]. Le Nord-Est, caractérisé par un important passé industriel et minier débuté sous l'Empire russe et intensifié lors de l'occupation soviétique, connait un lent déclin démographique et économique[71]. Le centre géographique du pays est marqué par une très faible densité de population et par un phénomène d'exode rural[22]. Les zones rurales situées loin des villes se vident, créant un phénomène de polarisation spatiale au bénéfice des grandes aires urbaines[22]. En 2023, la part de la population urbaine atteint près de 70 %[72].
Densité de population en Estonie.
La plupart des villes ont été historiquement fondées par et pour lescolons allemands ; les estoniens ethniques restent une population principalement rurale et paysanne pendant la majeure partie de leur histoire. Le peuplement et la prise de contrôle des villes par les estoniens à partir duXIXe siècle va de pair avec leur émancipation politique et économique. L'industrialisation conduit ensuite à unexode rural, bien que la majorité de la population vive dans les campagnes jusqu'à l'entre-deux-guerres[73]. Les estoniens commencent alors à bâtir de modestes maisons de vacances à l'écart des villes[74]. Pendant l'occupation soviétique, le développement des maisons d'été (Suvilad), de construction sommaire et propriétés de coopératives, est planifié et couplé auxjardins ouvriers[74]. Les travailleurs estoniens passent ainsi les jours de repos et les périodes estivales hors des grands ensembles urbains[74]. Lors du rétablissement de l'indépendance, les suvilas sont conservées ou converties en véritables résidences secondaires ou il est possible de vivre en permanence, sur le modèle des maisons de campagne familiales despays nordiques[74].
De nos jours, l'essentiel de la croissance urbaine se fait dans les zonespériurbaines des deux plus grandes villes (Tallinn et Tartu), de plus en plus éloignées de l'agglomération-centre, qui permettent de retrouver un niveau de tranquillité semblable à l'habitat rural[22]. L'étalement urbain est cependant insuffisamment contrôle par les pouvoirs publics et contribue à l'isolement et la dépendance des habitants, des aménagements jugés inadaptés au contexte de stagnation et de vieillissement de la population par l'OCDE[22].
L'ouverture complète sur la mer baltique se fait après le retour de l'indépendance[75]. À partir des années 2000, l'intégration de l'Estonie dans les schémas de transports européens renforce l'axe Nord-Sud, et tend à privilégier la façade maritime ouest du pays au détriment de l'intérieur des terres, plus enclavé et situé à la frontière orientale de l'Union européenne. L'axeTallinn-Tartu, traversant le pays en diagonale est un des plus fréquentés.
L'Estonie compte également des réseaux de bus urbains, les plus développés sont àTartu etTallinn[86]. Le réseau urbain de Tartu utilise desvéhicules autonomes dans ses rues en été[87]. Des réseaux de bus régionaux organisés par l'état desservent les régions rurales reculées et sont gratuits pour les jeunes et les personnes âgées ou en situation de handicap[88]. Le transport de car reliant les grandes villes est géré par des opérateurs privés[86].
Trains de passagers opérés parElron. La couleur orange des wagons leur vaut le surnom de « carottes » (Porgandid).
Les 1 219 km du réseau ferroviaire estonien sont gérés par la compagnieEesti Raudtee, reformée après le rétablissement de l'indépendance[90]. Privatisée en 1998, la société revient sous le contrôle complet de l'État estonien à partir de 2007[91]. Le réseau ferroviaire estonien conserve l'écartement russe et est en voie d'électrification[92],[93]. Le transport des voyageurs est assuré par l'opérateur publicElron et était fréquenté par 7,83 millions de passagers en 2023[94]. Le transport de fret est assuré par la société privéeEdelaraudtee, et le volume de marchandises transportés s'élève à23 millions de tonnes en 2023, un chiffre en diminution[95].
En dehors des grandes lignes ferroviaires, la capitale Tallinn dispose de sontramway depuis 1888, électrifié à partir de 1920, dont le réseau se développe encore dans les années 2020 avec l'ouverture de nouvelles lignes[98],[99].
L'Estonie se dote dans les années 1930 de nombreux aéroports ; ils seront transformés en bases militaires pendant l'occupation soviétique[106]. L'aéroport Lennart Meri de Tallinn, rénové à l'occasion desJeux olympiques d'été de 1980 puis en 1999 après le rétablissement de l'indépendance, concentre l'essentiel du trafic aérien et constitue l'un des principaux points d'arrivée dans le pays[107]. Après un premier pic de fréquentation en 2019, l'aéroport de Tallinn connaît un agrandissement de ses infrastructures en 2023 et atteint son record absolu en 2024 avec 3,6 millions de voyageurs[108],[109],[107],[110]. L'Estonie compte beaucoup de pistes privées, ainsi que 5 aéroports régionaux (dont 3 situés dans les îles) proposant des trajets réguliers: l'Aéroport de Tartu propose notamment une ligne internationale avecHelsinki[111]. En 2024, les aéroports régionaux ont accueilli 87 000 passagers, dont la moitié sur l'aéroport deKuressaare[110].
Disposant d'une façade sur lamer Baltique, l'Estonie est depuis leMoyen Âge, un pays largement connecté au transport maritime[112]. L'Estonie comptait en 2023 236 ports recensés[113].
La capitale Tallinn, autrefois ville importante de laligue hanséatique, est aujourd'hui le premier port passager du pays[114]. Son statut de ville touristique pousse notamment les navires decroisière à s'y arrêter[115]. Le transport de passager international connecte l'Estonie à laFinlande et laSuède principalement via les lignes Tallinn-Stockholm, et surtout Tallinn-Helsinki qui totalisait 7,1 millions de voyageurs en 2023[116]. Les lignes maritimes intérieures relient le continent aux îles dugolfe de Riga et dugolfe de Finlande[117].
Le transport de marchandises est assuré à Tallinn, ainsi que dans les ports deMuuga et dePaldiski, qui sont les trois plus grands ports marchands du pays[113]. En 2021,40 millions de tonnes de chargement sont passées par les ports estoniens, 53 % des marchandises étant en transit vers d'autres pays[113].
L'implantation humaine en Estonie est devenue possible il y a 13 000-11 000 ans, lorsque la glace de la dernièreère glaciaire fond. La plus ancienne colonie connue en Estonie est celle dePulli, sur les rives dufleuve Pärnu dans le sud-ouest de l'Estonie. Selon ladatation au carbone 14, elle a été colonisée il y a environ 11 000 ans[118].
La première habitation humaine pendant la périodeMésolithique est liée à laculture de Kunda. À l'époque, le pays est couvert de forêts, et les gens vivent dans des communautés semi-nomades près des plans d'eau. Les activités de subsistance comprennent la chasse, la cueillette et la pêche[119]. Vers 4900 av. J.-C., des céramiques apparaissent pendant la périodenéolithique, connue sous le nom deculture de Narva[120]. À partir d'environ 3200 av. J.-C., laculture de la céramique cordée apparaît ; cela inclut de nouvelles activités telles que l'agriculture primitive et l'élevage[121].
L'Âge du bronze commence vers 1800 av. J.-C. et voit la création des premiersoppida[122]. Une transition de la subsistance par la chasse et la pêche à l'établissement basé sur une seule ferme commence vers 1000 av. J.-C. et est complète au début de l'Âge du fer vers 500 av. J.-C.[118],[123] La grande quantité d'objets en bronze indique l'existence d'une communication active avec des tribus scandinaves et germaniques[124].
Pendant l'âge du fer moyen, le territoire de l'Estonie fait l'objet de conflit et d'incursions venant de deux territoires différents. Plusieurssagas scandinaves évoquent des confrontations majeures avec les Estoniens, notamment lorsque, au début duVIIe siècle, les « Vikings estoniens » ont vaincu et tuéIngvar, le roi desSuiones (ancêtres desSuèdois)[125].Des menaces similaires apparaissent à l'est, où lesprincipautés slaves de l'Est s'étendent vers l'ouest.Vers 1030, les troupes de laRus' de Kiev dirigées parIaroslav le Sage soumettent les Estoniens et établissent un fort dans l'actuelleTartu.Les slaves auraient conservé le contrôle du fort jusqu'en 1061 environ. Il est détruit par une tribu estonienne appelée « Sosols » par les slaves[126],[127],[128],[129].
Comtés indépendants de l'Estonie ancienne au début duXIIIe siècle.
L'Estonie peut à cette époque être divisée en deux principales zones culturelles. Les zones côtières du nord et de l'ouest entretiennent des contacts étroits avec laScandinavie et laFinlande, tandis que le sud intérieur de l'Estonie a davantage de contacts avec lesBaltes et la région dePskov[132]. Le paysage de l'Estonie ancienne est parsemé de nombreux oppida[133]. Des sites portuaires préhistoriques ou médiévaux ont été découverts sur la côte de Saaremaa[133]. L'Estonie compte également plusieurs tombes de l'ère viking, tant individuelles que collectives, avec des armes et des bijoux très répandues dans l'Europe du Nord et la Scandinavie[133],[134].
Aux premiers siècles après J.-C., des subdivisions politiques et administratives émergent en Estonie. Deux subdivisions plus importantes apparaissent : la paroisse (estonien :kihelkond) et le comté (estonien :maakond), qui se composent de plusieurs paroisses. Une paroisse est dirigée par des « aînés » (vanemad) et centrée sur un oppidum ; dans certains cas rares, une paroisse peut avoir plusieurs oppida. AuXIIIe siècle, l'Estonie comprend huit grands comtés : Harjumaa,Järvamaa,Läänemaa,Revala,Saaremaa,Sakala,Ungannie, etVirumaa; elle comprend aussi six petits comtés à une seule paroisse : Alempois, Jogentagana, Mõhu, Nurmekund, Soopoolitse, et Vaiga. Les comtés sont des entités indépendantes et ne coopèrent qu'en cas de menace étrangère[135],[136].
On sait peu de choses sur les pratiques spirituelles et religieuses des Estoniens médiévaux avant lachristianisation. LaChronique d'Henri le Letton mentionneTharapita comme la divinité supérieure des habitants deSaaremaa de l'époque (Oeseliens). Des preuves historiques attestent l'existence de « bosquets sacrés », en particulier des bosquets dechêne, ayant servi de lieux de culte « païen »[137],[138].
Croisades, domination allemande et essor du commerce au Moyen Âge
Statue deLembitu, seigneur indigène ayant défendu les estoniens contre la croisade, devenu un symbole national de résistance à l'oppression à partir duXIXe siècle.
En 1199, le papeInnocent III lance lescroisades baltes pour imposer lechristianisme à grande échelle dans la région, après plusieurs tentatives de conversions infructueuses, et invoque la défense des quelques chrétiens présents sur le territoire[139]. Lesmoines-soldats atteignent l'actuelle Estonie en 1206, lorsque le roi duDanemarkValdemar II tente sans succès d'envahirSaaremaa. L'ordre religieux allemand deschevaliers Porte-Glaive soumet les peuples indigènes au Sud, tels que lesLivoniens, lesLatgaliens et lesSéloniens, et poursuit sa campagne au Nord contre les Estoniens en 1208. Les années suivantes sont marquées par de nombreuses batailles et contres-attaques, avec des raids et des conquêtes menés par les deux camps.
Le chef de la résistance estonienne estLembitu, le doyen (vanem) du comté deSakala. Il est tué pendant la défaite estonienne à la Bataille de la Saint-Mathieu en 1217. En 1219, l'armée danoise emmenée par Valdemar II débarque sur la côte Nord, bat les Estoniens lors de labataille de Lyndanisse, et commence à conquérir le nord de l'Estonie (dit « Estlande »)[140],[141]. L'année suivante, laSuède envahit l'Estonie occidentale, mais estrepoussée par les Oeseliens. En 1223, une révolte majeure chasse les Allemands et les Danois de toute l'Estonie, sauf Reval (Tallinn, fondée à l'emplacement de Lyndanisse). Les croisés finissent par reprendre leur offensive, et en 1227, Saaremaa est le derniermaakond (comté) à se rendre[142],[143].
Après la croisade, le territoire de l'Estonie et de la Lettonie actuelle est appeléTerra Mariana ; plus tard, il portera simplement le nom deLivonie[144]. Le nord de l'Estonie devient leduché d'Estlande (colonie du Danemark), tandis que les terres sont réparties entre les Porte-Glaive et lesPrincipautés épiscopales deDorpat etÖsel–Wiek. En 1236, après avoir subi unedéfaite majeure, les Porte-Glaive fusionnent avec l'Ordre teutonique devenant l'Ordre livonien[145]. Dans les décennies suivantes, il y a plusieurs rébellions des habitants contre les dirigeants allemands à Saaremaa. En 1343, un importantsoulèvement englobe le nord de l'Estonie et Saaremaa. L'Ordre teutonique réprime la rébellion en 1345, et en 1346, le roi du Danemark vend son territoire d'Estonie à l'Ordre[146],[147]. La rébellion infructueuse conduit à une consolidation du pouvoir pour laminorité allemande[148]. Pendant les siècles suivants, le dialectebas allemand reste la langue de l'élite dirigeante dans les villes estoniennes et à la campagne[149].Reval (Tallinn), la capitale de l'Estlande, adopte laLoi de Lübeck et obtient tous les droits de ville en 1248[150]. LaLigue hanséatique contrôle le commerce en mer Baltique, et les quatre plus grandes villes de l'actuelle Estonie en deviennent membres : Reval (Tallinn), Dorpat (Tartu), Pernau (Pärnu) et Fellin (Viljandi). Reval agit en tant qu'intermédiaire commercial entreNovgorod et les villes hanséatiques occidentales, tandis que Dorpat remplit le même rôle avecPskov. De nombreusesguildes d'artisans et de marchands sont formées pendant cette période[151]. Protégées par leurs remparts de pierre et par leur adhésion à la ligue, des villes prospères comme Reval et Dorpat peuvent défier d'autres souverains de laConfédération livonienne médiévale[152].[note 2] L'Estlande et la Livonie sont alors de véritables colonies allemandes en dehors des frontières duSaint-Empire romain germanique.
LaRéforme débute en Europe centrale en 1517 et se propage vers le nord jusqu'en Livonie malgré l'opposition de l'Ordre livonien[154]. Les villes sont les premières à adopter le protestantisme dans les années 1520, et dans les années 1530, la majorité des propriétaires terriens et de la population rurale adoptent leLuthéranisme[155],[156]. Les services religieux sont conduits dans la langue vernaculaire, à savoir lebas allemand, mais à partir des années 1530, des offices religieux réguliers se déroulent enestonien[155],[157].
Pendant leXVIe siècle, les monarchies expansionnistes deMoscovie, de Suède et dePologne-Lituanie consolident leur pouvoir, faisant peser une menace croissante sur la Livonie décentralisée affaiblie par des conflits entre les villes, la noblesse, les évêques et l'Ordre[155],[158]. En 1558, le tsarIvan le Terrible deMoscovie envahit la Livonie, lançant laGuerre de Livonie. L'Ordre livonien estdéfait en 1560. La majorité de la Livonie accepte la domination de la Pologne, tandis que Reval et les nobles allemands du nord de l'Estonie prêtent allégeance au roi de Suède et que l'évêque d'Ösel-Wiek vend ses terres au roi du Danemark. Les forces russes conquièrent progressivement la majorité de la Livonie ; à la fin des années 1570, les armées polono-lituanienne et suédoise lancent leurs propres offensives ; la guerre sanglante prendra fin en 1583 par la défaite russe[158],[159]. Conséquence de la guerre, le nord de l'actuelle Estonie devient l'Estlande suédoise, le sud de l'actuelle Estonie devient laLivonie polonaise, et Saaremaa reste sous le contrôle danois[160].
« Academia Dorpatensis » (de nos joursuniversité de Tartu) a été fondée en 1632 par le roi Gustave II Adolphe. Après la mort du roi, elle devient « Academia Gustaviana ».
Bien que de nombreux paysans restent desSerfs pendant la domination suédoise, des réformes juridiques renforcent à la fois les droits d'utilisation des terres et d'héritage des serfs et des fermiers libres - d'où la réputation de cette période sous le nom de « Bonne vieille époque suédoise » dans la mémoire populaire et l'historiographie estonienne[164]. Le roi suédoisGustaf II Adolf établit des lycées à Reval et Dorpat ; celui de Dorpat est élevé au rang d'université en 1632. Desimprimeries sont également établies dans les deux villes. Dans les années 1680, les débuts de l'éducation élémentaire estonienne apparaissent, en grande partie grâce aux efforts de Bengt Gottfried Forselius, qui introduit également des réformes orthographiques pour l'écriture de la langue estonienne[165]. La population de l'Estonie augmente rapidement jusqu'à la Grande Famine de 1695–97 au cours de laquelle 70 000-75 000 personnes meurent - soit environ 20 % de la population[166].
Pendant lagrande guerre du Nord (1700–1721) letsarat de Russie (Moscovie) conquiert l'ensemble de l'Estonie à partir de 1710[167]. La guerre ravage à nouveau la population de l'Estonie, la population est alors estimée à 150 000–170 000 en 1712[168]. En 1721, l'Estonie est divisée en deux gouvernements : legouvernement d'Estlande, qui comprend Tallinn et la partie nord de l'Estonie, et legouvernement de Livonie, qui comprend Tartu et s'étend jusqu'à la partie nord de la Lettonie au sein du nouvelEmpire russe[169]. Le pouvoir russe rétablit tous les droits politiques et fonciers des nobles Allemands baltes et leur laisse une grande autonomie dans l'administration du territoire[170]. La condition des paysans, au service des nobles allemands, se dégrade alors complètement, le servage domine dans les activités agricoles au cours duXVIIIe siècle[171]. Le servage est officiellement aboli en 1816–1819 ; cela a initialement très peu d'effet pratique sur la conditions des paysans. L'amélioration de la condition paysanne commencera avec les réformes du milieu duXIXe siècle, inspirées par les idéeslibérales et lenationalisme romantique venant d'Europe occidentale et apportées par les Allemands[172].
Le Réveil national estonien débute dans les années 1850 lorsque plusieurs figures de l'élite paysanne commencent à promouvoir une identité nationale estonienne parmi la population. Les rachats massifs de fermes par des Estoniens et la classe croissante de fermiers propriétaires qui en résulte fournissent la base économique de la formation de cette nouvelle « identité estonienne ». En 1857,Johann Voldemar Jannsen commence à publier le premier journal quotidien en langue estonienne et utilise pour la première fois le terme deeestlane (Estonien) pour définir son appartenance ethnique[173]. Le directeur d'écoleCarl Robert Jakobson et le pasteur Jakob Hurt deviennent des figures de proue d'un mouvement national, encourageant les agriculteurs estoniens à être fiers de leur identité estonienne[174]. Les premiers mouvements nationaux se forment : campagne pour établir l'école Alexandre de langue estonienne, fondation de la Société estonienne de littérature et de laSociété des étudiants estoniens, et premierfestival national de chanson, qui a lieu en 1869 à Tartu[175],[176],[177]. Les réformes linguistiques contribuent au développement de la langue estonienne[178]. L'épopée nationaleKalevipoeg est publiée en 1862, et, en 1870, ont lieu les premières représentations duthéâtre estonien[179],[180]. En 1878, une scission se produit dans le mouvement national. L'aile modérée dirigée par Hurt se concentre sur le développement de la culture et de l'éducation estonienne, l'aile radicale, dirigée par Jakobson, réclame des droits politiques et économiques accrus[176].
Le drapeau originel de laSociété des étudiants estoniens, datant de 1881, exposé auMusée national estonien àTartu. Les couleurs du drapeau deviennent l'emblème du nationalisme estonien, puis le drapeau officiel de l'Estonie à l'indépendance.
Pendant laRévolution russe de 1905, les premiers partis politiques estoniens légaux sont fondés. Un congrès national estonien est convoqué : il demande l'unification des régions estoniennes en un seul territoire autonome, ainsi que la fin de la russification. Des manifestations politiques pacifiques s'accompagnent parfois d'émeutes violentes ; il y a des pillages dans le quartier commercial de Tallinn et dans les manoirs de propriétaires terriens allemands. Le gouvernement tsariste répond par une répression brutale ; environ500 personnes sont exécutées, des centaines d'autres emprisonnées ou déportées en Sibérie[182],[183].
Lutte pour l'indépendance puis Estonie libre dans l'entre-deux-guerres (1917-1939)
En 1917, après laRévolution de Février, leGouvernement provisoire russe accepte la demande des Estoniens de redessiner les frontières pour inclure tous les territoires de culture authentique estonienne (Estlande et Nord de la Livonie) au sein de la nouvelle Province autonome d'Estonie ; cela permet la formation de l'Assemblée provinciale estonienne[184]. Un coup d'état desBolcheviks à lieu en novembre 1917, et l'Assemblée provinciale est dissoute. L'Assemblée provinciale crée alors le Comité de salut public estonien, et pendant la courte période entre la retraite russe et l'occupation allemande, le comitédéclare l'indépendance le 24 février 1918. Il forme le Gouvernement provisoire estonien.L'occupation allemande a lieu peu après. Vaincus, les Allemands restituent le pouvoir au gouvernement provisoire le 19 novembre 1918[185],[186].
En juin 1919, l'Estoniebat laLandeswehr allemande qui avait tenté de dominer la Lettonie, rendant le pouvoir au gouvernement deKārlis Ulmanis. Après l'effondrement des forces russes blanches, l'Armée rouge lance une offensive majeure contreNarva à la fin de 1919, mais ne parvient pas à percer. Le 2 février 1920, leTraité de paix de Tartu est signé par l'Estonie et la Russie soviétique : cette dernière s'engage à renoncer définitivement à toutes les revendications souveraines sur l'Estonie[188],[190].
Discours de Konstantin Päts en 1938.
En avril 1919, l'Assemblée constituante estonienne est élue. L'Assemblée constituante adopte une vaste redistribution des terres, exproprie de grands domaines et manoirs autrefois propriétés desnobles allemands, et adopte une nouvelle constitutionextrêmement libérale établissant l'Estonie comme une démocratieparlementaire[191],[192].
En 1924, l'Union soviétique organise une tentative de coup d'État communiste en Estonie, qui échoue rapidement[193]. La loi estonienne sur l'autonomie culturelle des minorités ethniques, adoptée en 1925, est reconnue comme l'une des plus libérales du monde à l'époque[194]. LaGrande Dépression exerce une forte pression sur le système politique estonien, et en 1933, le mouvement populiste Vaps mène une réforme constitutionnelle instaurant une présidence forte[195],[196].Le 12 mars 1934, le chef d'État intérimaire,Konstantin Päts, déclare l'état d'urgence, sous le prétexte que le mouvement Vaps planifiait un coup d'État. Päts, avec le général Johan Laidoner etKaarel Eenpalu, établissent un régime autoritaire pendant l'« ère du silence », où le parlement ne se réunit pas et la nouvelle Ligue patriotique devient le seul mouvement politique légal[197]. Une nouvelle constitution est adoptée par référendum, et des élections ont lieu en 1938. Les candidats pro-gouvernementaux ou de l'opposition sont autorisés à participer, mais uniquement en tant qu'indépendants[198]. Le régime de Päts est plutôt clément, comparé à d'autres régimes autoritaires de l'entre-deux-guerres en Europe ; il n'a jamais utilisé la violence contre les opposants politiques[199].L'Estonie rejoint laSociété des Nations en 1921[200]. Les tentatives d'établir une alliance avec laFinlande, la Pologne et la Lettonie échouent ; seule une alliance de défense mutuelle est signée avec la Lettonie en 1923, suivie de l'Entente baltique de 1934[201],[202]. Dans les années 1930, l'Estonie s'engage dans une coopération militaire secrète avec la Finlande[203]. Des pactes de non-agression sont signés avec l'Union soviétique en 1932 etavec l'Allemagne en 1939[200],[204]. En 1939, l'Estonie déclare sa neutralité, mais cela se révèlera inutile pendant laSeconde Guerre mondiale[205].
Seconde Guerre mondiale, occupations allemandes et soviétiques (1940-1944)
Les troupes de l'Armée rouge entrent dans les bases militaires en Estonie en octobre 1939, après que l'Union soviétique a forcé l'Estonie à signer leTraité des bases.
Une semaine avant le déclenchement de laSeconde Guerre mondiale, le 23 août 1939, l'Allemagne nazie et l'Union soviétiquestalinienne signent lePacte germano-soviétique. Dans un protocole secret du pacte, la Pologne, la Roumanie, la Lituanie, la Lettonie, l'Estonie et la Finlande sont divisées entre l'URSS et l'Allemagne en « sphères d'influence », l'Estonie étant assignée à la « sphère » soviétique[206]. Le 24 septembre 1939, l'Union soviétique exige que l'Estonie signe un traité d'« assistance mutuelle » qui permettrait à l'Union soviétique d'établir des bases militaires dans le pays. Le gouvernement estonien estime qu'il n'a d'autre choix que de se soumettre, et leTraité d'assistance mutuelle soviéto-estonien est signé le 28 septembre 1939[207]. Le 14 juin 1940, l'Union soviétique impose un blocus naval et aérien total sur l'Estonie. Le même jour, l'avionKaleva est abattu par lesForces aériennes soviétiques. Le 16 juin, l'URSS présente un ultimatum exigeant le passage libre complet de l'Armée rouge en Estonie et l'établissement d'un gouvernement pro-soviétique. Sans possibilité de s'y opposer, le gouvernement estonien est contraint d'abdiquer et, le lendemain, le pays entier est occupé[208],[209]. Le 6 août 1940, la république d'Estonie est annexée par l'Union soviétique, qui créé larépublique socialiste soviétique d'Estonie sur son territoire[210].
L'URSS établit un régime de guerre répressif en Estonie occupée. Beaucoup de hauts fonctionnaires civils et militaires du pays, ainsi que des intellectuels et des industriels, sont arrêtés. Les répressions soviétiques culminent le 14 juin 1941 avec lesdéportations de masse d'environ 11 000 personnes vers laRussie[211],[212]. Une lutte de soldats estoniens partisans (les « Frères de la forêt ») s'engage contre l'Union soviétique et coïncide avec l'invasion allemande le 22 juin 1941 lors de la « guerre d'été » (enestoniensuvesõda)[213]). Environ 34 000 jeunes hommes estoniens sont enrôlés de force dans l'Armée rouge, moins de 30 % d'entre eux survivront à la guerre. Lesbataillons de destruction soviétiques initient unepolitique de la terre brûlée. Les prisonniers politiques qui n'ont pas pu être évacués sont exécutés par leNKVD[214],[215]. De nombreux Estoniens rejoignent les « Frères de la forêt », et commencent une guérilla anti-soviétique. En juillet, laWehrmacht allemande atteint le sud de l'Estonie. L'URSS évacue Tallinn fin août, avec des pertes massives, et la capture des îles estoniennes est achevée par les forces allemandes en octobre[216].
Une fois les soviétiques chassés, de nombreux Estoniens espèrent que l'Allemagne va restaurer l'indépendance de l'Estonie, en vain. Seule, une administration autonome de collaboration est établie, et l'Estonie occupée est intégrée auReichskommissariat Ostland ; son économie est entièrement subordonnée aux besoins militaires allemands[217]. Environ un millier de Juifs estoniens n'avaient pas réussi à partir : ils sont presque toustués en 1941. De nombreux camps de travail forcés sont construits, où mouront des milliers d'Estoniens, de Juifs étrangers, deRoms et de prisonniers de guerre soviétiques[218]. Les autorités d'occupation allemandes recrutent des hommes pour de petitesunités volontaires. Les recrutements donnant peu de résultats, la situation militaire s'aggravant, les occupants allemands mettent un place une conscription forcée en 1943. Elle conduit à la formation de ladivision estonienne de la Waffen-SS[219]. Des milliers d'Estoniens échappent au service militaire allemand, et fuient en Finlande, oùbeaucoup se portent volontaires pour combattre aux côtés des Finlandaiscontre les Soviétiques[220].
Un navire avec desSuédois estoniens fuyant vers l'ouest à cause de l'invasion soviétique (1944)
L'Armée rouge atteint à nouveau les frontières estoniennes au début de 1944 ; son avancée en Estonie est stoppée dansde violents combats près de Narva pendant six mois par les forces allemandes, comprenant les unités d'estoniens enrôlés de force[221]. En mars, les forces aérienne soviétiques effectuent d'intenses bombardementscontre Tallinn et d'autres villes estoniennes[222]. En juillet, les Soviétiques lancentune offensive majeure depuis le sud, forcent les Allemands à abandonner l'Estonie continentale en septembre et les îles estoniennes en novembre[221]. Alors que les forces allemandes se retirent de Tallinn, le dernier Premier ministre d'avant-guerre,Jüri Uluots, nomme un gouvernement dirigé parOtto Tief dans une tentative infructueuse de reprendre le contrôle du territoire de l'Estonie[223]. Des dizaines de milliers d'Estoniens, dont la plupart desSuédois d'Estonie, fuient vers l'ouest pour éviter la nouvelle occupation soviétique[224].
L'Estonie perd environ 25 % de sa population dans les décès, les déportations et les évacuations de la Seconde Guerre mondiale[225]. Les occupations soviétiques et allemandes contribuent à décimer la société estonienne tout entière, parfois à l'intérieur même de familles. Les soldats estoniens enrôlés de force par le premier occupant sont contraints de se battre contre leurs compatriotes enrôlés par le second. L'Estonie subit des pertes territoriales irréversibles : l'Union soviétique transfère des zones frontalières de la RSS d'Estonie à laRSFS de Russie. Cela représente environ 5 % du territoire estonien d'avant-guerre[226].
Deuxième occupation soviétique, Estonie en exil et révolution chantante (1945-1990)
Des milliers d'Estoniens s'opposant à ladeuxième occupation soviétique rejoignent un mouvement de guérilla connu sous le nom de « Frères de la forêt » (enestonienMetsavennad). La résistance armée est la plus intense au cours des premières années après la guerre, mais les autorités soviétiques l'affaiblissent progressivement par l'usure, et la résistance cesse d'exister au milieu des années 1950[227]. Les Soviétiques lancent unepolitique de collectivisation, mais comme les agriculteurs y restent opposés, une campagne de terreur est déclenchée. En mars 1949, environ 20 000 Estonienssont déportés en Sibérie. La collectivisation est entièrement achevée peu de temps après[211],[228].
Les autorités d'occupation, dominées par les Russes sous l'Union soviétique, commencent la colonisation de peuplement, accompagnée d'uneRussification, incitant des centaines de milliers deRusses ethniques et quelques autres peuples de l'Union soviétique à s'installer en Estonie occupée. Ce processus avait pour but de transformer les Estoniens autochtones et leur culture en une minorité dans leur propre pays natal[229]. En 1945, les Estoniens représentaient 97 % de la population, en 1989, leur part était descendue à 62 %[230].Les campagnes de déportations massives des populations locales entraînent une perte de 3 % de la population autochtone de l'Estonie[231]. En mars 1949, 60 000 personnes sont déportées d'Estonie et 50 000 de Lettonie vers leGoulag en Sibérie, où les taux de mortalité atteignent 30 %. Le régime d'occupation crée un Parti communiste estonien ; les Russes y sont majoritaires[232]. Économiquement, l'industrie lourde est privilégiée, sans améliorer le bien-être de la population locale et en causant d'énormes dommages environnementaux dus à la pollution[233]. Le niveau de vie sous l'occupation soviétique continue de stagner par rapport à la Finlande indépendante voisine, en plein développement économique[229].Le pays est militarisé, les zones militaires fermées couvrent 2 % du territoire[234]. Les îles et la plupart des zones côtières sont transformées en une zone frontalière restreinte qui nécessite un permis spécial d'entrée[235].L'Estonie est fermée jusqu'à la deuxième moitié des années 1960, lorsque, progressivement, les Estoniens regardent clandestinement la Télévision finlandaise dans les parties nord du pays, découvrant un aperçu du mode de vie derrière lerideau de fer[236].
La majorité des pays occidentauxconsidèrent l'annexion de l'Estonie par l'Union soviétique comme une occupation illégale[237].La continuité juridique de la république d'Estonie (surnomméeVaba Eesti - « l'Estonie libre ») est préservée grâce augouvernement en exil et aux services diplomatiques estoniens basés à l'étranger - particulièrement depuis les pays nordiques ainsi qu'auxÉtats-Unis. Ils continuent d'émettre des passeports, et les gouvernements occidentaux continuent de les reconnaître[238],[239].La diaspora estonienne, composée entre autres de 70 000 réfugiés, est très présente dans les pays anglo-saxons : lesÉtats-Unis, leRoyaume-Uni, leCanada et l'Australie[240]. Elle tente d'alerter l'opinion publique sur l'histoire de leur pays[241].
Lors de laVoie balte le 23 août 1989, deux millions de personnes forment une chaîne humaine à travers trois pays lors d'une manifestation de masse contre l'occupation soviétique.
L'introduction de laperestroïka par le gouvernement central soviétique en 1987 permet une activité politique ouverte en Estonie et déclenche un processus de restauration de l'indépendance. Le mouvement sera connu sous le nom derévolution chantante (enestonienlaulev revolutsioon), en raison deschants traditionnels baltes utilisés lors des manifestations[242].La campagne environnementaleFosforiidisõda (« guerre du phosphore ») devient le premier grand mouvement de protestation contre legouvernement central[243].En 1988, des mouvements politiques apparaissent : leFront populaire estonien, qui représente l'aile modérée du mouvement indépendantiste, et leParti de l'indépendance nationale estonienne, plus radical, premier parti non communiste de l'Union soviétique, exigeant le rétablissement complet de l'indépendance[244].Le 16 novembre 1988, se tiennent les premières élections multipartis non truquées depuis un demi-siècle ; le parlement d'Estonie sous contrôle soviétique émet la Déclaration de souveraineté, affirmant la primauté des lois estoniennes. Au cours des deux années suivantes, de nombreuses autres « parties administratives » (ou républiques) de l'URSS suivent l'exemple estonien en émettant des déclarations similaires[245],[246].Le 23 août 1989, environ2 millions d'Estoniens, de Lettons et de Lituaniens participent à une manifestation de masse, formant une chaîne humaine de laVoie balte à travers les trois pays[247]. En février 1990, des élections ont lieu pour élire le Congrès de l'Estonie[248]. En mars 1991, unréférendum a lieu : 78,4 % des électeurs soutiennent une indépendance totale. Pendant leputsch de Moscou, l'Estoniedéclare la restauration de la République le 20 août 1991[249].
L'Estonie depuis 1991 : intégration européenne, croissance accélérée et digitalisation
Lennart Meri, premier président de l'Estonie après le retour de l'indépendance.
Les autorités soviétiques reconnaissent l'indépendance estonienne le 6 septembre 1991, et le 17 septembre, l'Estonie est admise dans lesNations unies[250]. Le gouvernement revenu d'exil passe le flambeau au nouveau président éluLennart Meri en 1992. Les dernières unités de l'armée russe quittent l'Estonie en 1994[251].
Le 28 septembre de la même année, le ferryMS Estonia reliant Tallinn àStockholm coule dans laMer Baltique. La catastrophe cause la mort de852 personnes (dont 501 Suédois[252]), et constitue l'une des pires catastrophes maritimes duXXe siècle[253].
Le début des années 1990 est une période instable entre l'effondrement du système soviétique et la transition vers une économie de marché ; l'accession aux biens de première nécessité est difficile[254]. De nombreusesmafias estoniennes, en lien avec la Russie, prospèrent dans l'organisation d'un marché noir dans l'ex-URSS. Les activités criminelles sont progressivement réduites, grâce à la restauration du système judiciaire et policier[255]. Dès 1992, des réformes économiques radicales sont initiées pendant le mandat du premier ministreMart Laar pour passer à une économie de marché. Elles comprennent la privatisation, le lancement d'une nouvelle monnaie (laCouronne estonienne), un système fiscal simplifié, et, plus largement, une politique plutôtlibérale favorable à l'entrepreneuriat[256]. Le développement économique rapide vaut à l'Estonie d'être le seul pays de l'ancienBloc de l'Est à débuter les discussions en vue d'une adhésion à l'Union européenne sans période de transition[257],[258]. L'Estonie rejoint l'OMC le 13 novembre 1999[259].
Robots de livraison de la sociétéStarship Technologies, conçus et testés en Estonie.
Des Estoniens revenant d'exil, menés parToomas Hendrik Ilves, ont été témoins de l'arrivée d'Internet dans les pays anglo-saxons[269]. Sous leur impulsion, le gouvernement lance, en 1996, la politique du « bond du tigre » (enestonienTiigrihüpe) : elle promeut l'utilisation massive du numérique, notamment dans les écoles[270]. L'Estonie rattrape son retard, et devient précurseur dans l'utilisation destechnologies de l'information pour les besoins quotidiens[271]. Les innovations numériques pénètrent la société estonienne avant les pays de l'ancien bloc de l'ouest : banques en ligne dès 1996, administration des tâches gouvernementales (e-cabinet), impôts en ligne, paiement de parking par téléphone mobile dès 2000, systèmeX-Road d'échange de données en 2001,carte d'identité à puce etsignature numérique dès 2002,vote en ligne dès 2005,E-santé en 2008 et 2010, portail d'administration routière etE-Residence en 2014, distribution automatique desprestations sociales aux familles et authentification digitale desactes notariés en 2020 et mêmecontrat de mariage en ligne en 2022[272].
Avec une politique basée sur le numérique, l'Estonie devient une destination pour les entrepreneurs et investisseurs du secteur, au point d'être surnommée « laSilicon Valley de l'Europe » par la presse étrangère[273], Tallinn devient la ville avec le plus destart-ups par habitants au monde[274] et l'université de Tartu voit la création de plus de50 entreprisesspin-off[275].
Des entreprises, qui ont un siège à l'étranger, installent des bureaux en Estonie, pour concevoir leurs produits.Skype,Playtech, Glia, Veriff, ID.me, Gelato, Zego, Pipedrive,Bolt etWise deviennent les 10 premières « licornes » estoniennes ou d'origine estonienne[276].
Départ d'un convoi humanitaire estonien vers l'Ukraine en novembre 2023.
Le pays fait face à la plus fortevague d'inflation de l'Union européenne avec un record de près de 25 % en août 2022[285]. Après la réélection de Kaja Kallas sous la présidence d'Alar Karis, l'Estonie autorise en 2024 lemariage homosexuel[286].
L'Estonie est unedémocratie libérale, dontle gouvernement a la forme d'unerépublique. Les fondements de l'organisationpolitique et administrative de l'Estonie ont été énoncés pour la première fois par laConstitution estonienne de 1920, mais la constitution (põhiseadus) en vigueurdate de 1992. Selon son article premier,« L'Estonie est une république démocratique indépendante et souveraine, où le pouvoir suprême appartient au peuple. L'indépendance et la souveraineté de l'Estonie sont intemporelles et inaliénables. »[287]
L'organisation des pouvoirs en Estonie est définie dans laconstitution de 1992. L'Estonie possède un régime politique parlementaire comportant de nombreuses similarités avec ses voisinsbaltes etnordiques.
Lepouvoir législatif appartient auParlement (Riigikogu, littéralement « Assemblée d'État »)formé d'une seule chambre formée de101 députés élus tous les quatre ans ausuffrage universel. L'élection a la forme d'unscrutin proportionnel plurinominal aveclistes ouvertes etvote préférentiel, conçu de manière complexe dans l'idée de rapprocher le plus possible les résultats en sièges de ceux du vote de la population[288],[289]. Dans les faits, l'obtention de la majorité absolue des sièges par un seul parti politique est souvent impossible ; cela encourage la formation decoalitions de plusieurs partis. Le représentant ou dirigeant de la coalition est alors chargé par le président de former un gouvernement.
Lepouvoir exécutif appartient en premier lieu auGouvernement de la République (Vabariigi Valitsus) représenté et dirigé par lePremier ministre (Peaminister, littéralement « ministre de tête »). Le président de la République nomme un candidat-premier ministre (le plus souvent le représentant/dirigeant du parti ou de la coalition majoritaire) qui doit ensuite être autorisé à former un gouvernement par le Parlement. Une fois nommés, les membres du gouvernement prêtent serment devant le Parlement. Le gouvernement est officiellement composé de 11 ministères ainsi que de la Chancellerie d'État (Riigikantselei) qui organise le travail gouvernemental[290].
Le chef de l'État est leprésident de la République (Vabariigi President), également pourvu du pouvoir exécutif. Il se tient néanmoins écarté du gouvernement. Le président, au minimum âgé de40 ans, est élu pour cinq ans par le parlement et ne doit appartenir à aucun parti ou mouvement politique durant son mandat. Il promulgue les lois, après le vote par le parlement, et dispose du droit de renvoyer un texte de loi au parlement, ou de consulter laCour d'État pour en vérifier la constitutionnalité. Il dispose également d'un pouvoir spécial, notamment en cas d'état d'urgence ou de guerre, ainsi qu'un rôle de représentation[291].
Lepouvoir judiciaire est séparé des deux autres pouvoirs ; le président de la République dispose d'undroit de grâce. Le système judiciaire estonien est divisé en trois niveaux : les tribunaux administratifs et de comtés, en première instance, les cours d'appel de districts, en seconde instance, et laCour d'État (Riigikohus), aussi appelée Cour suprême, en dernière instance. L'ordre administratif du pouvoir judiciaire est assuré par le Conseil d'administration des tribunaux, dirigé par le Juge en chef de la Cour d'État[292]. La conformité des lois à la Constitution, la régularité des scrutins et, plus largement, le respect des institutions sont contrôlés par la Cour d'État[293]. Ledroit estonien est de traditionromano-civiliste de type germanique (austro-allemand)[294] ; il dispose que tout accusé, avant d'être condamné, estprésumé innocent, et qu'une affaire peut être rejugée enappel sur demande d'une des parties.
L'Estonie est divisée en 79 collectivités locales d'un seul niveau : les communes (kohalik omavalitsus, littéralement « gouvernements-propres locaux »). 64 communes d'Estonie sont dites rurales (enestonien :vallad au pluriel,vald au singulier), 15 autres sont dites urbaines (linnad au pluriel,linn au singulier). Chaque commune est gérée par un conseil municipal (rural :vallavolikogu, urbain :linnavolikogu) élu par les habitants tous les4 ans, qui élit le maire parmi ses membres et nomme les adjoints au maire[295]. Le maire (rural :vallavanem, urbain :linnapea) et ses adjoints forment le gouvernement (rural:vallavalitsus, urbain :linnavalitsus). Les communes ont leur propre budget et prélèvent des impôts locaux. Officiellement, les communes organisent les services sociaux, les activités culturelles et sportives, l'aide à la dépendance, le logement, la gestion de l'eau, la salubrité publique, l'ordre public, l'aménagement du territoire, l'urbanisme, les transports publics et prend en charge les équipements publics (écoles, bibliothèques, musées...) sauf si la loi estonienne confie ces services à un tiers[296].
Carte d'Estonie avec les limites des differentes communes.
Les communes peuvent avoir une surface très étendue et une très faibledensité de population ; elles incluent une ou plusieurs localités (asustusüksus) qui peuvent être des villes (singulierlinn, pluriellinnad), des bourgs (alev /alevid), des petits bourgs(alevik /alevikud) ou des villages (küla /külad). Des communes dites rurales peuvent inclure des localités urbaines et des communes dites urbaines peuvent inclure une ou plusieurs localités rurales[297]. La superficie actuelle des communes date de la réforme de fusion des communes de 2017, qui a fait passer leur nombre de 213 à 79[298].
L'Estonie est également découpée en comtés (maakonnad au pluriel,maakond au singulier) qui n'ont pas de rôle politique.
Le système politique estonien, basé sur unrégime parlementaire et une volonté delarge représentativité, donne un fort pouvoir législatif au moment de son élaboration. Cela mènera à la formation de 16 gouvernements successifs entre 1924 et 1934[299]. L'entre-deux-guerres est marquée par un fort soutien auxpartis agrariensconservateurs ettravaillistes patriotiques avec une percéepopuliste au milieu des années 1930[300]. Après 1934, une période de transitionautoritaire, avec l'interdiction temporaire des partis, voit un déséquilibre des pouvoirs au profit de l'exécutif[301] ; elle entraine la rédaction d'une nouvelle constitution en 1938 avec, notamment, la création du poste deprésident de la République[302].
La vie politique de l'Estonie après la fin de l'occupation est marquée par des orientationslibérales, à la fois sur le plansociétal (liberté d'expression, pluralité des partis, liberté de la presse...) etéconomique (privatisations, ouvertures à la concurrence, politique favorable à l'entrepreneuriat...), avec l'instauration deprestations sociales en parallèle. La plupart des coalitions au pouvoir depuis 1992 sont dominées par des formations decentre droit ou dedroite libérale. LeParti de la réforme gagne en soutien à partir du début des années 2000 et compte le plus de participations à des gouvernements, avec notamment les premiers ministresSiim Kallas,Andrus Ansip,Taavi Rõivas etKaja Kallas[305]. Les plateformes récentesParempoolsed (centre-droit à droite) et « Estonie 200 » (centre) se veulent être des alternatives au Parti de la réforme. Plus à droite se trouvent le partiIsamaa, les héritiers de l'« Union de la Patrie »[306], ainsi que l'Assemblée des Agriculteurs, plus minoritaire, qui se veut héritière des partis agrariens d'avant-guerre[307].
La fin des années 2010 est notamment marquée par une montée dupopulisme d'extrême droite du « Parti populaire conservateur » (EKRE), issus de la fusion d'anciens partis conservateurs[308]. Les dirigeants du parti sont ouvertementeurosceptiques,LGBTphobes,anti-immigration etsuprémacistes blancs[309]. Le parti parvient à entrer dans la coalition gouvernementale de 2019 à 2021. De multiples déclarations des ministres du parti suscitent des controverses dans le pays et participent à la démission du premier ministre en 2021[310].
Le principal mouvement de gauche est le « Parti social-démocrate ». Ayant participé à plusieurs gouvernements, le parti soutien l'amélioration des services publics et l'aide aux plus démunis, et se veutprogressiste sur le plan sociétal[311]. Il a notamment milité en faveur de l'introduction dumariage pour tous en 2023. LeParti vert est le principal parti écologiste du pays[312]. Le « Parti du futur », beaucoup moins influent, est un mélange de mouvement agrarien et écologiste[313].
Le positionnement politique du « Parti du centre d'Estonie », héritier du Front Populaire, est sujet à débats. Officiellement affiché au centre-gauche, le « Parti du centre » est parfois perçu comme conservateur sur certains aspects[314],[315]. Il reçoit, entre autres, un large soutien des membres de laminorité russophone, plutôt conservatrice[316],[317]. La ligne du parti, objet de divergences internes, entraînent le départ de plusieurs responsables fin 2023[318].
Il n'existe pas departi politique ethnique notable en Estonie. En revanche, la politique d'opposition à l'invasion de l'Ukraine par la Russie du gouvernement en 2023 conduit en réponse à la création de micro-mouvementspro-russes très localisés à destination de la minorité russophone, commeVasakpoolsed se réclamant ducommunisme[319],[320], ou encore le parti Ensemble (Koos)[321].
Depuis le rétablissement de l'indépendance, le taux de participation aux élections nationales se maintient autour de 60 %[322]. Le résultat desélections législatives de 2023 remportées par le « Parti de la Réforme » accentuent lapolarisation entre la coalition gouvernementale (Réforme, Sociaux-démocrates, Estonie 200) vue comme progressiste d'un côté[323], et l'opposition (EKRE, Isamaa, « Parti du centre ») plus conservatrice de l'autre[324],[325].
En Estonie, l'enregistrement des partis et de leurs membres est rendu public et consultable par tous[326].
Depuis 2007, l'Estonie est le seul pays au monde à avoir complètement généralisé levote par internet dans tous ses scrutins[327]. L'élection en ligne a lieu sous forme devote anticipé la semaine précédant le jour de l'ouverture des bureaux de votes physiques[327]. Les électeurs ayant déjà voté en ligne peuvent alors remplacer leur choix précédent en votant depuis le bureau de vote physique[328],[329],[330]. Ce mode de scrutin a été critiqué en raison de potentielles failles desécurité : une étude détaillée paraît en 2014[331]. La plateforme de vote en ligne est régulièrement mise à jour et améliorée[332]. Le record de participation en ligne est atteint lors desÉlections législatives de 2023 avec plus de la moitié des voix comptabilisées obtenues par le vote par internet[333].
En Estonie, lesprélèvements obligatoires représentaient 32,8 % du PIB en 2022[334], soit un taux presque identique à la moyenne des pays membres de l'OCDE ; ce taux reste stable[335]. Lescotisations sociales représentent près de 34,75 % du total, soit environ dix points de plus que la moyenne des pays de l'OCDE ; à l'inverse, l'Estonie est l'un des pays développés où lesimpôts sur le revenu etsur les sociétés représentent une part plutôt faible du total des prélèvements obligatoires[336].
Les dépenses publiques totalisent 41,5 % du PIB en 2022. Ledéficit public a augmenté, atteignant 3 % du PIB en 2023[337].
Ladette publique de l'Estonie s'établit à 18,5 % du PIB au milieu de l'année 2023, faisant de l'Estonie le pays le moins endetté de toute l'Union européenne[338]. Le record absolu de la dette publique est de 19,2 % du PIB en 2021, à la suite d'emprunts contractés pour aider les entreprises et les ménages lors de lapandémie de Covid-19[339]. L'Estonie est tenue de respecter les critères duPacte de stabilité et de croissance de lazone euro, qui limite le déficit budgétaire à 3 % du PIB et la dette publique à 60 % du PIB[note 3], ainsi que les critères duPacte budgétaire européen de 2012 qui limite le déficit structurel à 0,5 % du PIB pour l'objectif budgétaire à moyen terme.
Les trois principalesagences de notation financière attribuent aux obligations estoniennes des notes convenables sans toutefois atteindre les notes maximales. La note deMoody's est la plus élevée de la catégorie moyenne-haute (A1), tandis queStandard & Poor's etFitch attribuent les notes les plus faibles de la catégorie haute (AA-)[340],[341].
L'Estonie dépense chaque année depuis 2015 plus de 2 % de son PIB dans son armée selon les données duSIPRI[342]. Pour répondre entre autres, à lamenace russe, l'Estonie a augmenté continuellement ses dépenses militaires depuis la fin de l'occupation en 1991, avec plus d'1 milliard d'Euro, soit 2,73 % de son PIB en 2023[343]. Les forces armées estoniennes sont composées d'unearmée de terre, d'unearmée de l'air et d'unemarine, complétées par des unités logistiques de support, une police militaire, uneacadémie militaire, desforces spéciales, un service de renseignement militaire et des unités decyberdéfense[344].
Les forces de défense estoniennes se composent principalement deréservistes. Ils doivent avoir effectué leservice militaire au cours des dix dernières années. Le service militaire dure généralement 8 ou11 mois, est obligatoire pour les hommes âgés de 17 à27 ans inclus, et volontaire pour les femmes[345],[346]. La partie active des forces armées se compose de 43 000 soldats, dont 4200 professionnels à plein temps. En comptant les réservistes et les appelés, l'armée estonienne dispose de 230 000 soldats mobilisables à tout moment, soit 20 % de la population[347]. Comme ses voisinslettons etfinlandais, l'Estonie applique le principe de défense totale, à savoir l'implication de la société tout entière dans la protection du pays contre les agressions extérieures[348]. Elle compte entre autres pour cela sur sa propreorganisation paramilitaire : laLigue de défense estonienne qui prépare la population aux situations de combats et de crises. Elle compte près de 30 000 volontaires[349].
Soldate volontaire de la Ligue de défense lors d'un exercice (2023).
L'occupation de l'Estonie par l'URSS a été à l'origine de lamilitarisation de nombreuses localités telles queTartu, devenueville fermée, ou encore l'aéroport dePärnu[350],[351]. Les derniers soldats de l'Armée rouge (devenuearmée russe) ont quitté le territoire estonien en 1994[352]. Une partie des installations étaient vétustes, et ont été progressivement rénovées pour accueillir l'armée estonienne reconstituée.
L'Estonie possède d'une expertise reconnue dans le domaine de lacyberdéfense. Elle possède depuis 2006 une unité spécialisée, le CERT (enAnglaisComputer Emergency Response Team, littéralement « Équipe d'interventions rapides d'urgence informatique »), au sein de son administration[363]. Elle accueille depuis 2008 leCentre d'excellence pour la cyberdéfense en coopération de l'OTAN[265].
En 1995, l'Estonie signe un traité de libre-échange avec l'Union européenne et ouvre la question de son adhésion à cette dernière. Un accord d'harmonisation avec l'UE et déjà ratifié par la plupart des pays de l'ancienbloc de l'Est est signé en 1995. L'accord n'est ratifié par l'UE qu'en 1998, mais l'Estonie participe aux discussions stratégiques dès 1995, du fait de son développement économique accéléré. Les négociations d'adhésion se tiennent de 1999 à 2002, suivies par letraité d'adhésion et l'approbation parréférendum en 2003. L'entrée dans l'union européenne se fait en 2004 aux côtés de 9 autres pays[368]. L'Estonie fait partie de l'espace Schengen depuis 2007, et de laZone euro depuis 2011[369]. Pendant la période 2021-2027, la contribution de l'Estonie auBudget de l'UE est de320 millions d'euros, en augmentation. Les fonds européens reçus par l'Estonie sont plus élevés que sa contribution à l'UE[370],[371]. Ce statut de bénéficiaire net pourrait toutefois évoluer après 2027[372]. Le siège de l'Agence européenne de gestion des systèmes d'information (EU-LISA) est situé àTallinn depuis 2012[373]. L'Estonie a exercé laPrésidence du Conseil de l'Union européenne dans la seconde moitié de l'année 2017[374].
La république d'Estonie est reconnue par la plupart des pays du monde. En 2022, elle entretient des relations diplomatiques avec191 pays et possède 41 ambassades[384]. Elle est également représentée auprès des grandes organisations internationales dont elle fait partie, telles que l'ONU et l'UE.
Les représentations diplomatiques dans les pays duBloc de l'Ouest sont les seules administrations estoniennes à ne pas être passées sous contrôle soviétique lors de l'invasion[391]. Leslégations à l'étranger maintiennent un embryon d'État estonien, en particulier depuis les villes deLondres etNew York, et continuent de délivrer des passeports et d'aider les estoniens réfugiés[392]. Pendant cette période, l'Estonie est le seul des troispays baltes à posséder ungouvernement en exil, non reconnu à l'étranger, mais qui maintient la continuité constitutionnelle de la République jusqu'au rétablissement de son indépendance[393],[394].
Après 1991 et la fin de l'occupation, la politique étrangère de l'Estonie est marquée par une volonté de réintégration dans l'espace politique et économique européen et, plus largementoccidental, ainsi qu'une sortie rapide de lasphère d'influence de laRussie, perçue comme une menace pour sa souveraineté[395],[396]. Les deux pays maintiennent une coopération transfrontalière minimale, malgré un désaccord sur les frontières[397],[398],[399]. L'Estonie travaille à sensibiliser l'opinion internationale en témoignant des conséquences de l'impérialisme russe et soutient les pays menacés ou attaqués par la Russie, ce qui a pour effet de régulièrement détériorer les relations avec cette dernière[400],[401]. L'Estonie réagit à l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022 en apportant à l'Ukraine la plus forte aide rapportée au PIB parmi les pays alliés[402],[403].
L'Estonie entretient des relations étroites avec lespays nordiques via le formatNordic-Baltic Eight, dans lequel elle mutualise une partie de ses activités diplomatiques[404],[405],[406],[407]. Elle entretient des liens étroits avec laFinlande, partageant avec elle une culture similaire, et, dans une moindre mesure, avec laSuède, ayant été une de ses colonies[408],[409],[410]. À partir de 1999, l'Estonie revendique son identité nordique, sans faire partie du groupe des pays nordiques constitué lorsque l'Estonie était sous occupation[411],[412].
Représentations diplomatiques de l'Estonie à travers le monde. L'Estonie entretient des relations diplomatiques avec de nombreux pays en gris sans toutefois avoir de représentation permanente sur place.
De nos jours, l'Estonie fournit des services d'assistance et d'expertise enadministration numérique à d'autres États et gouvernements dans le monde, ce qui lui permet de d'acquérir un certainsoft power[413],[414],[415]. Le pays aide au développement des systèmes d'informations souverains de divers pays, notamment enAfrique[416],[417]. Il collabore également avec des pays européens comme l'Ukraine, ou des organismes internationaux comme l'Organisation mondiale de la santé[418],[419]. L'Estonie possède une ambassade digitale auLuxembourg à la suite d'un partenariat entre les deux pays[420],[421]. Le Luxembourg héberge une partie des données souveraines de l'Estonie et permet de les préserver en cas d'invasion.
L'Estonie dépense 0,16 % de son PIB dans des programmes humanitaires et d'aide au développement ; elle a pour objectif d'augmenter sa participation à 0,30 % en 2030[422].
Les symboles actuels de l'Estonie datent de son indépendance, au début des années 1920 ; ils proviennent tant de son origine indigènefennique que des influencesallemandes etscandinaves sur le pays.
Lesarmoiries de l'Estonie sont le symbole officiel de l'État estonien. Elles représentent trois lions bleus l'un sur l'autre. Elles trouvent leur source dans les armoiries deTallinn et de l'ancienne province d'Estlande, elles-mêmes basées sur lesarmoiries du Danemark, dont la région et la ville sont d'anciennes colonies. Les armoiries font également l'objet d'une loi spécifique, datant de 2001[426].
Lors de l'occupation soviétique, les trois symboles de l'État estonien étaient interdits et leur utilisation punie dedéportation ou d'une peine de prison[434]. Les Estoniens chantent alors un hymne non officielMu isamaa on minu arm lors des démonstrations publiques et trouvent des moyens détournés pour déployer les couleurs nationales[435],[436].
D'après leStatistikaamet, 1 366 491 habitants vivent en Estonie au[437]. D'aprèsEurostat, la population de l'Estonie représente 0,3 % de l'Union européenne[438]. Au, 453 864 personnes, soit plus de 33 % d'entre eux, vivent dans la capitaleTallinn[439].
L'Estonie organise des recensements environ tous les10 ans, y compris pendant l'occupation soviétique. Le dernier date de 2021[440].
Évolution animée de la pyramide des âges de l'Estonie.
LaSeconde Guerre mondiale, lesdéportations puis la colonisationrusse ethnique durant l'occupation soviétique changent drastiquement la composition de la population du pays. En 1953, la colonisation russe porte la population à un niveau similaire à celui d'avant-guerre. La population d'Estonie atteint un pic, à plus d'1,5 million d'habitants en 1989, avant de baisser progressivement après ladislocation de l'URSS et le départ de colons russes. En 2015, la population atteint son plus bas niveau depuis le rétablissement de l'indépendance avec 1,313 million de personnes[441]. La population augmente légèrement chaque année depuis 2016, principalement en raison de l'immigration[442],[443].
Dans des projections allant jusqu'à l'année 2080, l'office des statistiques d'Estonie prévoit une stagnation ou une baisse progressive de la population, selon différents scénarios incluant la fécondité et l'immigration[444].
L'augmentation de l'espérance de vie moyenne en Estonie est la plus rapide de toute l'Union européenne. L'espérance de vie moyenne est de 78,82 ans, elle reste en dessous de la moyenne européenne ; elle connaît un écart important entre les sexes : les hommes vivent en moyenne 8,4 années de moins que les femmes[445],[446].
La république d'Estonie reconnaît une distinction entre lacitoyenneté (ou nationalité politique) et lanationalité ethnique (ou culturelle) d'un individu. Les résidents d'Estonie peuvent déclarer leurappartenance ethnique lors des recensements. L'État publie desstatistiques ethniques et donne, à partir de 1925, un cadre spécifique auxminorités nationales. La loi sur l'autonomie culturelle de 1993 considère comme minorité nationale un groupe ethnique distinct des estoniens ayant des liens durables avec le pays, et permet aux membres de ces minorités de conserver leurs spécificités (langue, culture, religion...)[447]. Leministère de la Culture recense211 groupes ethniques différents sur le territoire national[448].
Part de la population russe ethnique dans chaque comté d'Estonie (2020).
Les minorités nationales historiques d'Estonie (Allemands de la baltique,Suédois d'Estonie,Juifs,Lettons etRusses baltes) formaient ensemble environ 12 % de la population avant laSeconde Guerre mondiale[449]. Les invasions allemandes et soviétiques pendant la guerre entraînentle déplacement des Allemands, la fuite des suédois et l'extermination des juifs. Pendant l'occupation soviétique, lacolonisation de peuplement augmente fortement le nombre de Russes ethniques, atteignant 30,3 % de la population totale en 1989. Ils bénéficient d'un système deségrégation sociale mis en place par les autorités et disposent de leurs propres quartiers, écoles et institutions dans leurs propres langues, ainsi que d'emplois attractifs[450]. Les russes ethniques perdent leurs privilèges lors du rétablissement de l'indépendance en 1991 et se retrouvent marginalisés en raison de leur faible intégration dans la société[451]. La situation des russes ethniques fait encore l'objet de débats et controverses en Estonie. Cette minorité s'intègre progressivement ; sa culture et son mode de vie tendent à converger vers ceux des Estoniens ethniques[452].
Passeport délivré aux personnes à la citoyenneté indéterminée (2021).
Depuis les années 1920, l'accession à la citoyenneté estonienne repose sur ledroit du sang : un individu l'obtient dès sa naissance si un des parents, au moins, est citoyen estonien. Malgré l'occupation soviétique, les citoyens estoniens nés dans l'entre-deux-guerres n'ont légalement jamais perdu la citoyenneté, et leurs descendants l'ont obtenu automatiquement[453]. En 2021, 1 128 433 habitants du pays sont des citoyens estoniens, soit environ 80 % de la population[454]. Il est possible d'acquérir la citoyenneté du pays parnaturalisation[455]. L'Estonie n'accepte pas ladouble citoyenneté pour les citoyens naturalisés, et exige un renoncement de leur citoyenneté d'origine[456],[455].
En 1991, la fin de l'occupation soviétique engendre le rétablissement de la souveraineté des lois estoniennes sur le territoire. Parallèlement, l'effondrement de l'URSS entraîne l'expiration de la citoyenneté soviétique des colons installés en Estonie. De ce fait, des centaines de milliers de résidents se retrouventapatrides. En raison de leur entrée sur le territoire dans un cadre illégal - transgression par l'URSS de l'article 49 de laQuatrième convention de Genève interdisant le transfert de populations civiles dans les territoires occupés, et invocation du principe dedroit internationalEx injuria jus non oritur (« les actes illégaux ne font pas loi ») -, l'Estonie impose à ces résidents d'effectuer les démarches de droit commun pour obtenir la citoyenneté estonienne[457],[458],[459],[460].
Ainsi, 180 000 ex-soviétiques (souvent d'ethnie russe, biélorusse ou ukrainienne) deviennent citoyens estoniens, via les procédures régulières de naturalisation, depuis 1991[454]. Près de 80 000 ex-citoyens soviétiques résidents ont choisi la citoyennetérusse et vivent en tant qu'étrangers sur le sol estonien. Près de 60 000 autres n'ont engagé aucune procédure de naturalisation depuis 1991, et sont toujours classées en tant quepersonnes à la citoyenneté indeterminée. Leurs descendants bénéficient néanmoins de facilités pour obtenir la citoyenneté estonienne[453],[454].
À partir des années 2010, l'Estonie met en place diverses mesures pour attirer chez elle les étudiants, entrepreneurs et employés qualifiés du monde entier. L'origine des immigrants tend depuis à se diversifier[454]. Le pays comptait en 2021 20 000 citoyens de l'Union européenne (hors Estoniens) dont desLettons (5 038),Finlandais (4 677),Lituaniens (1 871),Allemands (1 796),Français (1 300) etItaliens (1 267)[461]. Le nombre de citoyens ne venant ni d'Europe, ni des paysslaves orientaux (Russie,Ukraine,Bélarus) passe de 6 885 en 2018 à 17 052 en 2023[454]. En 2021, l'Estonie comptait ainsi plus de 2 000 ressortissantsafricains, dont la moitié venant duNigeria, et près de 7 000 asiatiques dont 1 300 Indiens[461]. Enfin l'Estonie compte près de 2 000 personnes provenant d'Amérique, dont 855 ressortissants desÉtats-Unis[461].
SelonEurostat, l'Estonie possède en 2014 la quatrième plus forte proportion d'étrangers et non-nationaux parmi les pays de l'Union européenne, derrière leLuxembourg,Chypre et laLettonie[462]. À partir de 2015, la population augmente grâce à l'immigration, qui compense la faible natalité[463]. En 200 595 habitants du pays étaient nés à l'étranger, soit environ 15 % de la population[464]. À la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, près de 121 000 Ukrainiens, ont fui la guerre en passant par l'Estonie où ils bénéficient d'une protection temporaire[465],[466]. La population permanente d'Ukrainiens installés en Estonie passe de 15 934 en 2022 a 48 712 personnes en 2023[454].
Carte de la diaspora estonienne dans le monde.
L'Estonie a connu plusieurs vagues d'émigrations, lors des différentes guerres et invasions. Leministère des Affaires étrangères estime à 200 000 le nombre de personnes d'origine estonienne à travers le monde ; il mène une politique active de création de liens avec la diaspora estonienne[467]. LaFinlande voisine compte environ 50 000 Estoniens, tandis que laSuède, lesÉtats-Unis et leCanada comptent chacun entre 20 000 et 30 000 citoyens estoniens[468],[469],[470].Toronto est la ville qui compte le plus d'Estoniens à l'étranger, elle héberge les organisations et réseaux d'Estoniens les plus actifs[471],[472].
Le rétablissement de l'indépendance, en 1991, génère plusieurs mutations dans les familles estoniennes. À partir de 1996, l'État met en place une politique active deprévention et d'éducation sexuelle ; le taux de naissance et d'avortements chute drastiquement[479],[478]. Le taux de mariage pour 1 000 habitants chute et stagne entre 4 et 5[480]. En 2022, le taux de mariage est de 5,27 mariages pour 1 000 habitants, plus élevé que la moyenne européenne (4,2)[481]. Le taux de divorce connait un pic dans les années 1990, puis redescend à un taux compris entre 1 et 2 divorces pour 1 000 habitants[480]. Lamajorité sexuelle est fixée à16 ans depuis 2022[482]. Depuis 2014, l'Estonie reconnait l'union civile comme alternative au mariage ; les décrets d'application ne sont pas votés en même temps, créant desvides juridiques multiples jusqu'en 2023[483].
L'Estonie indépendante d'avant-guerre applique les anciennes règles de l'Empire russe contre l'homosexualité jusqu'en 1929 ; à cette date, les relations homosexuelles sont légalisées[484],[485],[486]. L'homosexualité est interdite parStaline pendant l'occupation soviétique, puis classée commemaladie mentale jusqu'à larévolution chantante à la fin des années 1980. À cette date, se tiennent les premières réunions et conférences sur les minorités de genre[487],[488]. Les droits des personnes LGBT s'améliorent dans l'Estonie indépendante, entre autres grâce aumilitantisme[489],[488]. Les lois contre la discrimination à l'étranger, reconnaissant les unions de couples de même sexe, l'adoption pour les couples homosexuels et le droit de changer de genre à l'état civil pour lespersonnes transgenres sont votées dans les années 2010[490]. Lemariage homosexuel est autorisé à partir de 2024[491],[492]. Sur les questions LGBT, l'Estonie est aujourd'hui perçue comme le pays le plusprogressiste etlibéral parmi lespays d'Europe centrale et orientale, souvent dominés par le conservatisme[493],[494],[495],[490]. Il reste les différences entre générations : les plus jeunes sont en général plus tolérantes que les plus âgées[496].
Non documentées et largement ignorées pendant l'occupation soviétique, les violences domestiques et/ou sexuelles à l'égard des femmes et des mineurs ne seront prises en charge par les autorités qu'à partir du début des années 2000[500]. L'Estonie est l'un des rares territoires de l'ancienBloc de l'Est à avoir pris des mesures contre les violences faits aux femmes. Elles restent, néanmoins, largement en deçà des politiques menées enEurope de l'Ouest[501].
L'écart de salaire entre hommes et femmes est de 19 %, la moyenne des pays de l'OCDE étant de 12 %[502]. L'une des explications est l'inégalité entre les congés maternités (L'Estonie a l'un des plus longs en Europe) et les congés paternités, qui entraînent des répercussions sur les carrières professionnelles[503],[504]. L'Estonie mène une politique active contre les inégalités de genres : elles tendent à se réduire[502],[505],[506].
L'estonien est la langue officielle de l'Estonie, parlée par 84 % de la population (dont 67 % en tant que langue maternelle)[507],[508]. La Loi sur les langues de 2011 charge l'État de préserver la langue estonienne et ses dialectes régionaux[508]. L'usage de l'estonien est régi par le Conseil de la langue estonienne (Eesti keelenõukogu)[508]. L'Estonie mène une politique active de protection de sa langue dans l'espace public, via différentes lois (notamment inspirées de laLoi 101 de protection du français auQuébec) ; elle dispose d'une administration dédiée, leKeeleamet[509]. L'Estonie reconnait également l'usage de laLangue des signes estonienne[508],[510]. Malgré son attachement à la langue nationale, l'Estonie présente un fortmultilinguisme : en 2021,240 langues maternelles étaient recensées à travers le pays et 76 % des habitants maitrisaient au moins une langue étrangère[507],[511].
Seuls pays au monde à posséder des langues officiellesfenniques, l'Estonie et laFinlande sont engagées dans la préservation des langues et des cultures indigènes fenniques (et plus largementfinno-ougriennes etouraliennes) présentes en Estonie, Finlande,Lettonie,Scandinavie, ainsi qu'en Russie, où elles sont réprimées[512],[513],[514],[515],[516],[517]. Lefinnois, voisin de l'estonien, est la quatrième langue la plus parlée du pays, avec 10,7 % de locuteurs dans la population en 2021[511].
La langue allemande a été parlée en Estonie jusqu'au début duXXe siècle et ledépart des Allemands ethniques. En 2021, l'allemand est parlé par 6,9 % de la population, il subsiste largement dans les noms propres des personnes et des lieux à travers le pays[522],[523],[524],[511].
Avec 47 % de locuteurs dans la population, l'anglais est, en 2021, la langue étrangère la plus comprise, parlée et apprise par la jeunesse ; elle remplace le russe en tant que seconde langue pour les Estoniens nés après le rétablissement de l'indépendance[511],[529],[530]. En plus de l'anglais et des trois langues historiques du pays (estonien, russe et allemand), lefrançais est enseigné dans de nombreuses écoles ; l'Estonie est membre observateur de l'Organisation internationale de la francophonie[531].
L'article 40 de laConstitution de 1992 garantit aux individus et organisations laliberté de conscience,de religion et de croyance[532]. La république d'Estonie n'a pas dereligion d'État, mais reconnaît l'organisation des cultes et leur fournit un cadre juridique, via la loi sur les églises et congrégations de 2002[533],[534]. Certaines missions liées à l'État civil, comme l'enregistrement desmariages, peuvent être assurées par des congrégations religieuses, via des accords avec leministère de l'Intérieur[535],[536]. L'Estonie est un des rares pays en Europe où la religion historique dominante (protestantisme luthérien) est différente de la religion majoritaire en nombre d’adeptes (orthodoxie)[537],[538].
En 2021, 58,4 % de la population déclarait n'appartenir à aucune religion et, en 2009, seuls 14 % des habitants déclaraient que la religion avait une place importante dans leur vie[539]. De ce fait, l’Estonie est le pays le moins religieux du monde en termes d'appartenances déclarées[540],[541],[542].
À partir duXIXe siècle, lesnationalistes estoniens cherchent à s'émanciper des croyances venues de l'extérieur : ils créent leur propre religionnéo-païenne : elle est basée sur les pratiques folkloriques anciennes et sur l'invention artificielle de nouveaux dieux, créant unpanthéon et unemythologie[547]. Dans l'Estonie indépendante de l'entre-deux-guerres, près de 80 % des estoniens se déclarent toujours luthériens, mais seulement 27 % d'entre eux déclarent participer activement à la vie des congrégations[548],[549]. Les invasions allemandes et soviétiques pendant laSeconde Guerre mondiale obligent les membres du clergé à fuir le pays[549]. Pendant l'occupation soviétique, les croyances religieuses sont rejetées par le pouvoir soviétique ; il veut imposer son idéologie[549]. L'église luthérienne connait alors un fort déclin dans les années 1970[549].
Les religions connaissent un regain d’intérêt au moment du rétablissement de l'indépendance, même si la société est en très grande majoritélaïcisée[549].
La sécularisation puis l'ouverture et lalibéralisation du pays après 1991 voit apparaître une formeconsumériste de laspiritualité[550],[551],[552]. Des croyances multiples, inspirées du néo-paganisme estonien, se mélangent aux pratiques répandues dans le monde occidental basées sur leNew Age ou l'Ésotérisme[551]. L'Estonie présente une forte concentration d'entrepreneurs qui proposent des activités basées sur ces croyances, notamment despseudo-médecines comme leReiki ou lamédecine chinoise[553],[554].
D'aprèsEurostat, les dépenses d'éducation représentent 6,4 % du PIB en 2022 : l'Estonie est le quatrième pays européen en la matière, après l'Islande, laBelgique et laSuède[560],[561]. Selon les enquêtesPISA, menées parmi les pays de l'OCDE, l'Estonie est le premier pays européen pour l'acquisition des savoirs enmathématiques, sciences et compréhension écrite[562]. D'après les évaluations, l'Estonie est l'un des pays de l'OCDE où le contexte socio-économique a l’impact le plus faible sur les performances des élèves[563].
Atelier d'initiation à larobotique pour les écoliers àTallinn (2017).
Le système éducatif estonien encourage lavulgarisation scientifique grâce à ses différents musées, évenements et centres d'interprétations, ainsi que l'utilisation des nouvelles technologies tels que l'enseignement massif de l'informatique dès les années 1990 ou l'introduction de l'intelligence artificielle à l'école en 2025[564]. Depuis 2002, la politique éducative de l'Estonie tend à développer l'apprentissage par la pratique et l'acquisition de compétences tout au long de la vie[565]. Depuis l'indépendance, le système estonien est également caractérisé par une importante autonomie accordées aux écoles : elles disposent d'une large liberté pour établir les programmes sur la base des standards établis par leMinistère de l'Éducation et de la Recherche, chargé de la politique éducative du pays[566],[567],[565],[568]. Le financement et la gestion des écoles publiques est assuré en priorité par lescommunes[569]. Il existe des écoles d'État, directement financées et gérées par lui, ainsi que des écoles privées[570].
Schéma du système éducatif estonien (en anglais).
L'éducation pré-scolaire est dispensée dans desécoles maternelles (appeléesLasteaed, « jardin d'enfants ») ouvertes à partir de 1,5 an et jusqu'à sept ans. Si l'éducation n'est pas obligatoire avant sept ans, 94 % des enfants entre quatre et sept ans sont inscrits dans les jardins d'enfants, selon le ministère[571].
L'éducation basique (Põhiharidus) est gratuite, obligatoire, et concerne les classes 1 à 9 (de 7 à16 ans). L'enseignement basique se veut uniforme entre les différentes écoles ; il se termine par un examen dans trois épreuves standardisées, avec deux matières obligatoires : mathématiques, littérature et un troisième examen au choix entre différentes matières[565].
L'enseignement secondaire (Üldkeskharidus), gratuit mais non-obligatoire, concerne les classes de niveau 10 à 12 (de 16 à 18-19 ans) et est dispensée dans des lycées (Gümnaasium) ou dans des écoles de formation professionnelle[565]. Certains lycées se spécialisent dans un domaine, d'autres sont sélectifs et incluent des examens d'entrée, créant un phénomène deconcurrence scolaire[572]. L'enseignement secondaire général se conclut par un examen de fin d'études, avec trois épreuves nationales standardisées, une épreuve propre à l'école, ainsi que des travaux pratiques. 70 % des élèves se tournent vers l'enseignement secondaire général, 26 % vont dans des écoles de formation professionnelles[573].
Du fait des similitudes culturelles et historiques, la vie scolaire et étudiante estonienne est largement imprégnée des traditions scolairesallemandes etnordiques telles que les cours centrés sur la matinée, lesgymnasiums, lequart d'heure académique ainsi que les associations étudiantes de typeCorps ouStudentenverbindung. L'estonien est la langue d'apprentissage la plus courante même si, à cause de l'occupation soviétique, certaines écoles de quartiers à majoritérussophone utilisent encore lerusse comme langue d'apprentissage dans une partie des enseignements jusqu'en 2030[576],[577].
Malgré une efficacité générale avérée, le système éducatif estonien rencontre quelques difficultés[578]. Le pays souffre d'une pénurie chronique d'enseignants[579],[580]. Les enseignants dénoncent une détérioration de leur conditions de travail depuis les années 2020[581],[582],[583]. Il reste des écarts de niveau entre les écoles de langue estonienne et les écoles de langue russe qui sont généralement moins performantes[563].
L'Estonie indépendante depuis 1918 utilise d'abord un système social hérité de l'Empire russe[584]. L'embryon d'État-providence est alors basé sur un système d'assurance sociale contributive, ressemblant au systèmeallemand bismarckien, et ne concerne qu'une minorité d'employés[584],[585]. Un système de pension pour les fonctionnaires apparaît en 1924, suivi, en 1936, par la création d'une assurance pour les accidents du travail chez les agriculteurs, jusque-là écartés des régimes sociaux[584]. L'instauration d'allocations pour les familles, personnes âgées, malades ou invalides est décidée en 1939, mais leur implémentation est interrompue par l'occupation soviétique de 1940[584]. Pendant l'occupation, les citoyens bénéficient du système soviétique très redistributif et d'une couverture universelle pour la vieillesse, la maladie, l'invalidité et les familles, les niveaux de prestations restant peu élevés[585]. Si la politique sociale de l'URSS a généralement favorisé l'égalité entre les différentes classes sociales, le système était néanmoins plus avantageux pour les membres de lanomenklatura[585].
Après l'indépendance, l'Estonie conserve le principe d'une couverture universelle, mais minimale en comparaison de ses voisins baltes ; la priorité des gouvernements des années 1990 et 2000 est de rétablir la croissance économique et améliorer le niveau de vie[585]. L'Estonie développe les branches de son système de protection sociale dans un second temps, suivant entre autres les recommandations de laBanque mondiale, duFMI, de l'Union européenne, et dans une moindre mesure lemodèle social nordique[585].
D'après les données duStatistikaamet, l'Estonie dépense, en 2022, près de 5,74 milliards d'euros, soit environ 16 % de son PIB pour la protection sociale[586]. L'Estonie est confrontée à une légère augmentation de ses dépenses sociales chaque année, notamment due au vieillissement de sa population et à l'augmentation du nombre de retraités (23,8 % de la population en 2024)[586]. Le premier pilier de retraite est financé par répartition, via la taxe sociale, tandis que les second et troisième piliers sont financés par capitalisation via des placements coordonnés par l'état dans des fonds privés[587]. La contribution au second pilier est obligatoire depuis 2021, tandis que le troisième pilier est facultatif[588]. Depuis 2017, l'âge légal de la retraite est de65 ans, mais sera revu tous les ans et corrélé à l'espérance de vie moyenne à partir de 2027[589].
L'assurance-chômage est financée par les cotisations des employeurs et salariés. Les allocations chômages sont versées, sous conditions, par la caisse de chômage (Töötukassa)[590].
En dehors des caisses chômage, maladie et retraites complémentaires, le système de protection sociale est directement financé et supervisé par l'état via leministère des Affaires sociales. L'Office de l'assurance sociale (Sotsiaalkindlustusamet), dépend du ministère des Affaires sociales ; il est notamment chargé du versement d'allocations spécifiques pour les familles, enfants et personnes en situation de handicap. À l'échelle locale, les communes organisent le versement d'un revenu minimal de subsistance et gèrent les infrastructures de santé comme les hôpitaux, ainsi que les structures d'accueil comme les maisons de retraites[591],[592].
L'Estonie a subi de nombreuses épidémies au cours de l'histoire, notamment lapeste noire au Moyen Âge, ou ladysenterie lors de grandes famines de la fin duXVIIe siècle[593],[594]. L'Estonie, indépendante depuis peu, fait face à sa première épidémie detyphus en 1920 ; elle parvient à la contrôler avec l'aide américaine[595]. Au milieu des années 1930, la différence d'espérance de vie entre l'Estonie et la Russie soviétique est d'environ13 ans. Pendant l'occupation de l'Estonie par l'URSS, la politique de santé soviétique contrôle les principales maladies infectieuses jusque dans les années 1990, mais ne parvient pas à traiter les maladies dégénératives et chroniques. Les effets de la baisse de la mortalité infantile sont annulés par la hausse de la mortalité adulte ; s'en est suivie une période de40 ans de stagnation globale de la mortalité[596].
À partir des années 1990, l'Estonie indépendante réforme son système de santé publique et de prévention ; il parvient à endiguer des problèmes sanitaires communs aux pays de l'ancienbloc de l'Est tels que les addictions, sans les faire disparaitre[597]. En 2016, l'Estonie avait un taux d'alcoolisme de 12,2 % (le dixième mondial), plus haut que laFinlande voisine, malgré une consommation d'alcool plus élevée chez les Finlandais[598],[599]. La consommation d'alcool en Estonie a diminué à partir du milieu des années 2010, et augmenté à nouveau au début des années 2020[600],[601],[602],[603]. En 2022, l'Estonie fait partie des pays européens les plus touchés par les décès dus à la prise de drogue, principalement en raison de la consommation d'opioïdes[604],[605]. Le taux d'infections sexuellement transmissibles a largement diminué entre 2000 et le début des années 2020[606],[607],[608]. D'après l'OCDE, l'Estonie était en 2020 le quatrième pays de l'Union européenne avec le plus haut taux de suicides, ce taux à néanmoins diminué de moitié depuis le début des années 2000[609],[610],[611].
L'espérance de vie moyenne est de 78,82 ans, en augmentation rapide[446]. Selon l'Organisation mondiale de la santé, le taux de mortalité prématurée était, en 2015, plus élevé que la moyenne des pays de l'Union européenne, mais inférieur à la moyenne des pays de l'ancienbloc de l'Est et despays baltes. Il est en constante diminution[616].
Ambulance estonienne.
Le système de santé estonien repose sur une assurance obligatoire, basée sur un financement solidaire, et sur l'accès universel aux services fournis par des prestataires privés. Tous les prestataires de services de santé sont des entreprises autonomes, régies par le droit privé ; elles sont conventionnées par le Fonds estonien d'assurance maladie (Eesti Haigekassa), qui paie tous les prestataires sous contrat. La majorité des médecins généralistes travaillent soit pour eux-mêmes, soit pour des entreprises privées ou les autorités locales. En Estonie, la majorité des hôpitaux sont des fondations créées par les institutions (gouvernement, municipalités ou organismes publics), ou des entreprises à responsabilité limitée appartenant aux municipalités. Le système de santé estonien est en grande partie financé par la Caisse de Santé (Tervisekassa), entre autres, via la taxe sociale payée par les employeurs[617]. Les personnes affiliées à la caisse de santé (95 % de la population) doivent choisir un médecin de famille ; ses consultations sont entièrement gratuites[618]. Les consultations de spécialistes et les hospitalisations peuvent être payantes, mais les frais à la charge des patients assurés sont très encadrés et relativement peu élevés ; certaines catégories de personnes (enfants, femmes enceintes, personnes âgées ou en soins intensifs...) en sont souvent exemptées[618]. La même philosophie est appliquée pour les soins dentaires, gratuits jusqu'à l'âge de19 ans[618]. La caisse de santé détermine également la liste des médicaments prescrits pouvant faire l'objet d'un remboursement partiel ou total[618].
Depuis 2008, l'Estonie dispose d'un système centralisé deE-santé ; il est disponible pour les patients et pour les fournisseurs de soins ; il concerne le dossier médical, la prise de rendez-vous et la prescription de soins et de médicaments[619],[620]. Sa politique de E-santé vaut régulièrement à l'Estonie de participer à l'élaboration de dispositifs similaires à l'échelle internationale, aux côtés de l'OMS et de l'Union européenne, et une reconnaissance internationale ; ce fut le cas, notamment, lors de laPandémie de Covid-19 en 2020-2021[621],[622],[623],[624],[625].
Premier tirage du journalPostimees, le plus ancien et le plus vendu d'Estonie (1857).
Initialement créée par et pour l'élite allemande-balte qui gouvernait le territoire, y compris lors des dominations suédoises puis russes, la presse d'Estlande etLivonie est à l'époque surtout présente dans les villes et publiée exclusivement enAllemand. L'apparition de publications en langue estonienne, d'abord avecTarto maa rahva Näddali-Leht (endialecte de Tartu) en 1806, puis avec la création du journalPostimees parJohann Voldemar Jannsen en 1857, contribue à affirmer l'unité nationale et le désir de liberté dans un contexte de domination étrangère[626]. Lors de l'occupation soviétique, les médias continuent de jouer un rôle émancipateur pour la population, malgré lacensure : l'étendue du signal de l'Émetteur de radiotélévision d'Espoo enFinlande permet aux Estoniens du Nord du pays de visionner la télévision finnoise dès les années 1970[627]. Les Estoniens, grands consommateurs de médias, contournent ainsi la censure et la propagande du régime, et s'informent sur l'actualité et la vie de l'autre coté durideau de fer et dans le reste du monde[628].
Largement libéralisé dans les années 1990, le secteur de la presse est florissant dans l'Estonie indépendante. Le rachat des titres de presse par des groupes étrangers (en particulierscandinaves) jusqu'aux années 2000, et la multiplication des publications permet au secteur de conserver sa pluralité (contrairement à la formation d'oligarchies dans les autres territoires duBloc de l'Est). Malgré une inversion récente de la tendance et une re-concentration de médias privés dans de grands groupes (tels quePostimees ouEkspress Grupp), l'Estonie figure aux premières places dans le classement de laliberté de la presse de l'ONGReporters sans frontières, aux côtés despays nordiques voisins[629],[630],[631].
En plus du journal historiquePostimees, les journauxEesti Päevaleht etÕhtuleht font partie de la presse quotidienne nationale. L'Estonie compte de nombreux journaux régionaux, dont les déclinaisons locales dePostimees.
Logo deDelfi, le principal portail d'informations en ligne dans lesPays baltes.
Apparu en 1992, le réseauInternet bondit à partir de 1995, atteint en 2024 92,9 % des ménages du pays et change les modes de consommation de l'information[632].Les tirages papiers de la presse nationale déclinent, ces journaux créent leur version Web, concurrençantDelfi, le portail en ligne le plus consulté[633],[634]. La télévision reste prisée, malgré la concurrence des portails Web et desréseaux sociaux : ils sont la première source d'informations et de divertissements chez les jeunes[635].
Margus Saar, journaliste emblématique du service public estonien, présentateur du Journal télévisé.
L'Estonie dispose d'un serviceaudiovisuel public comprenant la télévision et la radio :Eesti Rahvusringhääling. La principale chaîne de télévision publique estETV. La principale radio du service public,Vikerraadio, est la plus écoutée du pays[636]. L'Estonie compte près de 35 radios privées dontKuku Raadio, la plus ancienne et la plus écoutée, des radios musicales telles queSkyPlus ouMyHits. Le groupeDuo Media Network propose les chaînes privées de divertissements les plus regardées du pays commeKanal 2, qui diffuse les versions estoniennes des formats internationaux tels queDanse avec les Stars ouLe Juste Prix.
Les grands groupes du pays possèdent tous une déclinaison de leurs médias enlangue russe à destination de laminorité russophone du pays[637]. En télévision, on compte notamment la chaîne publique d'information ETV+, ainsi queKanal 7 (divertissement) ouKino 7 (cinéma)[638],[639].
Jusqu'aux années 2020, environ un tiers de la minorité russe ne consultait que les médias deRussie, eux-mêmes contrôlés ou surveillés par le gouvernement russe[640]. Évoluant dans unesphère informationnelle fermée, cette population, principalement composée de personnes âgées, est exposée à lapropagande et ladésinformation de masse de la part de la Russie[641],[642],[643]. À la suite de l'Invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022 et aux discours de haine envers l'Estonie sur ces canaux, le gouvernement estonien a limité l'accès aux chaînes de télévisions et sites russes concernés[644],[645].
Terrain couvert d'Annemõisa àTartu. Les dômes gonflables, répandus en Estonie, permettent de jouer auFootball toute l'année malgré le froid hivernal.
En 2022, les dépenses sportives du gouvernement estonien représentent 1,3 % de la dépense publique, soit la seconde dépense la plus élevée de l'Union européenne après laHongrie[648]. D'après leStatistikaamet, en 2015, 60 % des personnes de plus de15 ans font régulièrement du sport en Estonie[649]. Elle mène une politique qui veut porter le nombre de personnes actives à un tiers de sa population d'ici 2030, en s'inspirant despays nordiques. En dehors des très populaires activités defitness ou d'aérobic, les sports comprenant le plus de licenciés dans les organisations sportives sont lefootball (23 890 pratiquants), lanatation (17 584), l'athlétisme (8 179) ainsi que leBasket-ball (7 574 licenciés)[650]. Du fait de sa faible population (et d'un plus faible vivier d'athlètes), l'Estonie n'est pas toujours en mesure de rivaliser avec les grandes nations mondiales. Le pays a connu des succès et des champions notables encyclisme,escrime,volley-ball outennis.
Du fait des similitudes sur les plans climatiques, géograhiques et culturels, les sports de pleine nature populaires enFinlande etScandinavie le sont également en Estonie. En hiver, leSki (en particulier leski de fond) se pratique autant dans les parcs à proximité des villes que dans les stations dédiées, telles queOtepää, ou se déroule leTartu Maraton. En été, leDisc golf est pratiqué dans les forêts, le nombre de ses pratiquants augmente chaque année. Développées dans les années 1930 pendant l'indépendance, les compétitions desports mécaniques sont maintenues pendant l'occupation soviétique. Profitant des grands espaces à travers le pays, lerallye automobile est popularisé au même rythme qu'en Finlande. Les pilotes, équipes et voitures estoniennes sont surreprésentés dans les palmarès des différents championnats automobiles soviétiques[651],[652],[653]. L'Estonie indépendante possède depuis 2020 sapropre épreuve auChampionnat du monde des rallyes.
Dégradations de bâtiments par desRusses d'Estonie en réponse au déplacement d'un ancienmonument de propagande soviétique par le gouvernement en 2007, unique émeute majeure depuis le rétablissement de l'indépendance.
Le rétablissement de l'indépendance de l'Estonie en 1991 est suivie par une période d'instabilité, due au démantèlement du système soviétique et au passage à une économie de marché. Les années 1990 sont marquées par une forte criminalité, avec une prévalence du crime organisé. L'Obtshak, une alliance informelle de groupes mafieux, principalement d'origine russe, se livre à un large éventail de trafics : prostitution, vol et recel de véhicules, trafic de drogue et, même « fourniture » de travailleurs pour des contrats de construction en Finlande, où les organisations criminelles confisquent une partie des salaires des travailleurs[654],[655],[656]. Le renforcement progressif de l'État de droit, via un encadrement des échanges et une meilleure protection des personnes et de la propriété, freine les activités du système mafieux ; il voit ses revenus diminuer au milieu des années 2000, la plupart de ses leaders sont arrêtés ou tués au début des années 2010[657],[658],[659],[660].
La délinquance et la criminalité sont baisse depuis le milieu des années 2000. Selon leStatistikaamet, le nombre total d'infractions de tous types est passé de 51 834 en 2006 à 25 982 en 2021[661]. Le taux d'homicides pour 100 000 habitants est de 1,35 en 2022 ; l'Estonie se place à la septième position dans les pays de l'Union européenne, derrière les pays voisins (Finlande,Lettonie,Lituanie), et juste devant laFrance[662]. Les atteintes à la propriété (incluant les vols) diminuent drastiquement entre 2010 et 2020. À partir de 2021, tous les types de vols diminuent, sauf lesvols à l'étalage, qui font à nouveau légèrement augmenter le chiffre global des atteintes à la propriété[663].
LesAbipolitseinikud, volontaires de la police, aident au maintien de l'ordre, entre autres, lors de grands évenements.
L'Estonie est de nos jours considérée comme très sûre en matière de sécurité dans l'espace public. Selon les enquêtes du ministère, réalisées en 2023, 70 % des personnes interrogées disent se sentir en sécurité le soir dans les rues[664].
À l'inverse, les violences dans la sphère privée restent des fléaux : une personne sur six a été victime d'abus sexuels durant son enfance, souvent commis par des proches ou des connaissances ; 41 % des femmes et un tiers des hommes ont subi des violences conjugales[665],[666],[667],[668]. L'absence de répression des violences privées pendant l'occupation soviétique a entraîné de multiples défaillances dans leur compréhension et leur documentation de nos jours[669]. Les autorités n'ont pas anticipé le phénomène des violences domestiques : elles ne sont pas considérées comme une violation des droits de l'homme ou un crime contre la société, mais comme une affaire privée entre membres d'une famille[670]. Les premières stratégies nationales massives de lutte contre les violences domestiques, sexuelles et violences contre les enfants n'apparaissent qu'en 2010[671]. La création de centres d'accueil, de numéros de téléphone d'urgence et de services spécialisés contribuent à améliorer la prise en charge des victimes[672]. Cette stratégie permet de détecter et d'évaluer le phénomène ; elle entraîne mathématiquement une hausse du nombre de crimes sexuels depuis 2012[673].
Malgré une tolérance zéro de la part des autorités, les accidents de la route sont en 2023 causés par des conducteurs en état d'ébriété. Le nombre d'accidents de la route et d'accidents pour conduite en état d'ivresse diminue néanmoins d'année en année[674].
En 2022, l'Estonie dépensait 1,8 % de son PIB dans le maintien de l'ordre et la sécurité, légèrement plus que la moyenne européenne (1,8 %)[678]. Sur la période 2020-2022, l'Estonie possède18 juges pour 100 000 habitants, exactement dans la moyenne européenne[679]. Le nombre de policiers est néanmoins inférieur à cette moyenne, avec près de 300 agents pour 100 000 habitants[679]. Par ailleurs, les 5000 policiers et gardes-frontières du pays sont aidés par une réserve de 1500 volontaires (abipolitseinik) qui assistent les agents dans leurs missions[680].
Le pays possède trois centres pénitentiaires àJõhvi,Tallinn etTartu. Construite en 2000, laprison de Tartu répond aux exigences modernes en matière de droit des prisonniers. Elle héberge, entre autres, des criminels de guerre de laguerre de Bosnie-Herzégovine, tels queMilan Martić[681],[682]. La diminution constante de la population carcérale dans le pays, depuis les années 2000, encourage, en 2024, le gouvernement estonien à proposer de louer les cellules vides à d'autres pays européens pour y accueillir leurs détenus[683],[684].
La vie démocratique dynamique de l'Estonie des années 1920 est réprimée durant « l'ère du silence », à partir de 1934. Les partis politiques sont interdits. À la fin des années 1930, une nouvelle constitution rétablit les partis politiques. La vie politique du pays est interrompue lors de l'occupation soviétique. L'administration soviétique, marquée par unerépression politique, plonge la société estonienne dans la résignation et lecynisme. Chacun tente d'utiliser le système politique pour servir ses propres intérêts[685]. À la fin des années 1980, la « révolution chantante » réveille la conscience nationale, jusque-là transmise dans le cadre privé. Laculture politique de la société estonienne renaît en trois phases distinctes : une lutte commune transpartisane pour l'indépendance idéalisée, une désillusion après le rétablissement des partis et des idéologies venues desdémocraties libérales européennes (mais éloignées des attentes), et enfin, l'émergence d'une vie politique active et critique où les idées se confrontent à la réalité du terrain[686].
Les manifestations et grèves sont peu fréquentes en Estonie. En 1987, les Estoniens manifestent contre l'ouverture des mines de phosphore par l'occupant soviétique. Les protestations s'amplifient contre l'occupation soviétique, notamment lors de la « Voie balte » en 1989.
Les manifestations publiques sont moins nombreuses après le rétablissement de l'indépendance, et reprennent dans les années 2000[687],[688].
L'Estonie présente un faible taux desyndicalisation[689],[690]. Le syndicat du personnel de l'éducation (Eesti Haridustöötajate Liit, EHL) compte le plus de membres (environ 6000)[691]. La principale confédération de syndicats - confédération des syndicats d'Estonie (Eesti Ametiühingute Keskliit) - compte environ 12 000 membres[691]. D'autres syndicats sont également influents dans leurs secteurs respectifs tels que celui des travailleurs de la santé ou les marins[691]. L'Estonie possède un large tissu associatif, avec près de 33 000 associations enregistrées[692].
L'égalité des citoyens en Estonie est inscrite dans l'article 12 de la constitution de 1992[693]. Elle est également spécifiée dans la loi sur l'égalité des sexes, et la loi sur l'égalité de traitement[694],[695]. L'interdiction des discriminations est mentionnée dans plusieurs textes : la loi sur le travail, la loi sur le service public, le code pénal[696]. Selon l'insitut « V-Dem » de l'université de Göteborg, l'Estonie est le pays qui a l'indice des droits humains le plus élevé au monde[697].
Pendant l'occupation soviétique, la population estonienne a été victime de nombreuses et multiples violations de droits humains. Elle a subi unecolonisation de peuplement qui visait à rendre les Estoniens minoritaires sur leur territoire. Favorisés par le pouvoir soviétique, les colons, généralementrusses ethniques et/ou russophones, ont imposé leur langue et leur culture, en ignorant, voire en rejetant la langue et la culture estonienne. Pour toutes ces raisons, l'Estonie s'est engagée auprès desNations unies dans la protection des droits despeuples indigènes à travers le monde[698].
Lors du rétablissement de l'indépendance, la politique de restauration de l'État a eu pour objectif prioritaire de réparer les dommages subis, l'occupation étant considérée comme illégale par la loi locale et par le droit international. Les populations ex-soviétiques n'ont reçu aucun traitement particulier de la part de l'État estonien pour leur intégration ; cela a entraîné des situations de discrimination rapportées par plusieursONG. Ainsi dès 1993,Human Rights Watch (HRW) rapportait le manque de politique volontariste pour réduire le nombre de personnes à lacitoyenneté indéterminée (apatrides) vivant sur le territoire. Ils n'avaient pas effectué de démarches de naturalisation après l'expiration de leur citoyenneté soviétique[699]. Le problème subsiste en 2015, d'après HRW, et encore en 2022, d'aprèsAmnesty International. LeHaut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a tout de même noté les efforts significatifs de l'Estonie pour réduire l'apatridie, en particulier chez les enfants[700],[701],[702].
L'un des principaux obstacles à la naturalisation, et plus largement à l'intégration des minorités et des étrangers, est le manque de maîtrise de l'estonien. En ce sens, leComité sur l'élimination de la discrimination raciale et les ONG rapportent que l'Estonie ne traitait la politique linguistique que selon une approche punitive, au lieu d'encourager son apprentissage et sa pratique en tenant compte des spécificités individuelles et des réalités locales[703],[702]. En conséquence, entre le milieu des années 2000 et le début des années 2010, l'État a pris des mesures pour généraliser l'accès aux cours de langue estonienne[702].
Les écoles de quartiers, à majorité russe ethnique, utilisent le russe comme principale langue d'enseignement. Pour répondre aux problèmes d'intégration des russophones dans la société estonienne, l'État augmente la place de l'estonien dans ces écoles, à partir des années 2010 ; il fait de l'estonien la seule langue d'enseignement à partir de 2024, mais maintient les cours de langue et culture russe. Les ONG locales y voient des mesures favorisant la cohésion sociale. Mais l'ONGFUEN et les rapporteurs des Nations unies dénoncent un risque d'assimilation culturelle et une potentielle violation des droits des minorités[704],[705],[706],[707].
Au nom de laliberté d'expression, pendant plusieurs années, les gouvernements estoniens sont critiqués sur leur application des lois condamnant lesincitations à la haine[708]. L'Estonie renforce ses instruments législatifs en la matière à partir de 2023[709],[710].
Malgré une période d'incertitude entre 1992 et 1995 engendrée par l'adoption d'unenouvelle monnaie, l'Estonie indépendante connaît une forte croissance, unelibéralisation et une réorientation de son économie vers les services[715],[716],[75]. L'économie du pays, ouverte et libéralisée, se détache de la Russie, notamment après lacrise financière russe de 1998, et s'oriente vers l'Ouest, en particulier, l'Allemagne et lespays nordiques[717].
Évolution du PIB nominal par habitants de l'Estonie et de sesvoisins baltes (Lettonie,Lituanie) entre 1973 et 2018. L'Estonie, chef de file des pays baltes, est peu à peu rejoint par la Lituanie.
En 2023, selon leWorld Inequality Database, en Estonie, les 1 % les plus aisés captent 12,8 % durevenu national avant impôt, les 10 % les plus aisés en captent 35,8 % et les 50 % les plus pauvres 18 %[721]. Les inégalités ont fortement augmenté dans les années 1990, puis fluctué dans les années 2000, pour finalement se stabiliser à partir de 2015-2016[721].
Les inégalités de revenus sont proches de la moyenne de l'Union européenne ; la richesse est plus inégalement répartie que dans la plupart des pays européens : en 2023, l'indice de Gini, mesurant les écarts de richesse, était de 31,8 (à l'échelle 100) ; seuls6 pays (dont laLettonie etLituanie) ont un score plus élevé[722]. D'après les études économiques relayées par laBanque centrale d'Estonie, les inégalités de richesses semblent liées au volume élevé de créations d'entreprises : leurs actifs représentent en moyenne 22,6 % du total des actifs du pays (contre 8,6 % en moyenne dans la zone Euro) ; une autre cause serait les différences deprix de l'immobilier entre les régions, le taux élevé d'accession à la propriété dans la population, et les taxes : cumulées, elles rendent la fiscalité estonienne dégressive (en comparaison avec les pays qui ont un niveau de revenu similaire)[723].
Selon leStatistikaamet, l'écart salarial entre les hommes et les femmes a fortement chuté : il passe de 22,9 % en 2011 à 17,7 % en 2022, puis à 13,1 % en 2023[731],[732]. D'aprèsEurostat, en 2022, cet écart s'élevait à 21,3 %, ce qui ferait de l'Estonie le pays d'Europe avec le plus haut écart salarial[733],[734]. LeStatistikaamet précise que l'écart de rémunération publié par Eurostat ne prend pas en compte les indicateurs des entreprises et des institutions comptant moins de10 salariés[731]. Sont exclus également les revenus des salariés de l'agriculture, de la sylviculture et de la pêche, ainsi que ceux de l'administration publique et de la défense[731].
Leseuil de risque de pauvreté, fixé parEurostat à 60 % du revenu disponible équivalent médian national (après transferts sociaux), s'établit en 2023 à 9 295 €. C'est une valeur comparable à celles de laTchéquie et de laPologne ; elle place l'Estonie en18e position sur les27 pays de l'Union européenne[735]. Le taux de population qui vit sous ce seuil est de 22,5 %, soit le niveau le plus haut de toute l'UE[736]. Les revenus d'une population n'évoluant jamais de façon uniforme, l'augmentation très rapide durevenu médian ces dernières années en Estonie a mécaniquement augmenté le taux statistique de risque de pauvreté, sans pour autant traduire une augmentation effective de la pauvreté[737],[738]. En revanche, les plus de65 ans forment la catégorie d'âge avec le plus fort taux de risque de pauvreté, soit 39,4 % en 2023[739]. Cette catégorie, et plus généralement les retraités, est l'une des plus exposées, à cause des faibles montants des pensions. Ce phénomène est commun aux troispays baltes ; il est dû au manque de financement des retraites après la fin du système soviétique ; il fait de l'Estonie le pays dans lequel les retraités ont le plus fort risque de pauvreté de toute l'Union européenne[740],[741].
Indice de développement humain (IDH) enEurope. LaSlovénie et l'Estonie sont les seuls territoires de l'ancienbloc de l'Est à posséder un IDH supérieur ou égal à 0,889.
LeStatistikaamet calcule le taux de pauvreté absolue d'une personne à partir d'un seuil calculé sur la base du revenu disponible équivalent, qui tient compte de la composition du ménage[742]. Le seuil de pauvreté absolue est le minimum vital estimé, le coût financier des besoins minimaux[742]. En 2023, le pourcentage de la population en deçà de ce seuil (taux de pauvreté absolue) était de 2,7 %, contre 29,7 % en 1997[739]. Leschômeurs forment la catégorie socio-professionnelle avec le plus fort taux de pauvreté absolue (21,7 %) en 2023[742]. Par ailleurs, selon laBanque mondiale, 0,7 % de la population vivait avec moins de 6,85dollars par jour en 2017, un taux semblable à celui duRoyaume-Uni et inférieur à celui de laSuède, de l'Espagne et de l'Italie[738].
Entre la fin des années 1990 et le milieu des années 2010, l'Estonie connaît d'importantes fluctuations de son taux de chômage, vulnérable aux périodes de crise : des pics apparaissent lors de lacrise financière russe de 1998 puis lors de lacrise financière mondiale de 2007-2008[745]. Depuis 2014, le taux de chômage tend à se réduire puis se stabilise, et descend à 4,4 % en 2019[745]. Le chômage augmente pendant lacrise économique liée à la pandémie de Covid-19 et à cause de l'inflation en 2021-2023, mais il n'excède pas 8 %[745]. En 2023, le taux de chômage estonien était de 6,4 %[746],[747]. Le Nord-Est de l'Estonie, ancien bassin industriel datant de l'occupation soviétique et très peuplé, est plus touché par le chômage que les autres régions du pays[746].
En 2023, le taux d'emploi en Estonie était de 69,2 %[747]. Le peu de destructions d’emplois en parallèle de l'augmentation du nombre de chômeurs s’explique par le nombre croissant d’employés sur le marché du travail : la population active atteint un record, avec 694 000 personnes ; cela peut s’expliquer par l’arrivée des réfugiés ukrainiens, et également par la hausse du coût de la vie qui force des personnes inactives à chercher un emploi[719],[747].
35 % des 65-69 ans travaillent pour compléter leurs revenus, taux plus élevé que la moyenne européenne (16,7 %)[748]. Le marché de l'emploi en Estonie manque demain-d'œuvre chronique dans certains secteurs, notamment dans lestechnologies de l'information, chez le personnel desanté, dudroit et de l'éducation[749],[750],[751]. Par ailleurs, en 2021, l'Estonie comptait 28 424 fonctionnaires, soit 2,9 % de la population en âge de travailler[752].
L'économie estonienne est tournée vers lesecteur des services. En 2022, le services composent 61,64 % du PIB, l'industrie 24,02 % et l'agriculture 2,52 %[754]. En 2022, les emplois de services composaient 68,78 % des emplois en Estonie, 28,62 % pour l'industrie et 2,6 % pour l'agriculture[755].
En 2023, les activités économiques contribuant le plus au PIB de l'Estonie sont l'industrie (14 % du PIB), le commerce de gros et de détail (12 % du PIB) et les activités liées à l'immobilier (10 %)[728],[110]. En dehors de ces trois secteurs, les autres activités majeures du pays contribuent à part presque égales[728]. L'information-communication compte pour 7,6 % du PIB, le secteurs de l'administration publique (dont la défense), la construction, l'ingéniérie/recherche scientifique, la finance/assurance, le transport comptent chacun pour 6 % du PIB[728]. L'éducation et le secteur de la santé/social comptaient chacun pour 5 % du PIB[728],[110]. Au total, tous les secteurs comptant chacun pour moins de 5 % du PIB tels que le tourisme, l'agriculture, l'exploitation forestière, l'eau, les mines ou le secteur de l'énergie forment les 17 % restant[728].
Le secteur agricole connait une grande vague de modernisation à partir du rétablissement de l'indépendance[756],[757]. Le pays développe ensuite son agriculture dans le cadre de lapolitique agricole commune (PAC) de l'Union européenne : l'Estonie reçoit280 millions d'euros de fonds européens entre 2023 et 2027, soit 0,48 % du budget total de l'UE[757],[758]. L'Estonie compte 8 000 emplois agricoles en 2021, chiffre qui diminue au cours des années[759].
L'agriculture, la sylviculture et la pêche ne représentent que 2,2 % du PIB total de l'Estonie, l'agroalimentaire 1,8 % en 2023. Ces domaines d'activités cumulés forment le troisième secteur exportateur du pays avec 1,4 million d'euros de marchandises exportées en 2023[760],[728].
Le nombre d'exploitations agricoles (environ 11 000) diminue, leur surface moyenne (980 000 hectares au total) augmente[761],[713]. En 2023, la surface agricole moyenne par exploitation est de91 hectares, devant la moyenne européenne (17 hectares) ; elle fait de l'Estonie le troisième pays de l'UE ayant la plus grande surface moyenne par exploitation derrière laTchéquie et laSlovaquie[713]. Les exploitations agricoles ont des surfaces très variables et un niveau de productivité très inégal : la majorité des exploitations est de petite taille, mais les 2 400 plus grandes exploitations ont produit 93 % de la production agricole totale du pays en 2023[713]. En 2022, 23,4 % (231 000 hectares) de la surface agricole du pays était consacrée à l'agriculture biologique, deuxième pays de l'UE ayant la plus grande part d'agriculture biologique dans sa superficie agricole après l'Autriche[762],[763].
En 2023, l'Estonie a produit 1 353 227 tonnes deCéréales, 87 326 tonnes depommes de terre, 231 838 tonnes delait et 27 528 tonnes deviande[764]. Le poisson pêché s'élevait à 2 505,9 tonnes dans les eaux intéreures et 57 504,9 tonnes dans lamer baltique[765]. Les poissons les plus pêchés dans la baltique sont leHareng baltique et leSprat européen avec respectivement 29 000 et 25 000 tonnes[765].
La forêt joue un rôle social important et est au cœur des traditions et de la culture nordique estonienne. Lasylviculture et de l'industrie du bois jouent le même rôle dans l'économie du pays : l'industrie du bois proprement dite représente 3 % du PIB ; la contribution totale (directe et indirecte) de la filière bois est estimée à 16 % du PIB[769],[728].
Au total, la filière bois compte pour 5 à 6 % des emplois du pays[770]. Le secteur comptait 31 500 travailleurs en 2021, un nombre qui devrait augmenter de 4 % en 2031[771]. Sur les 2,33 millions d'hectares de forets présents dans le pays, 12,08 millions de m3 d'arbres ont été abattus en 2022[772].
L'industrie du bois et des produits dérivés est une source majeure d'exportations pour l'Estonie : en 2023, l'Estonie exporte pour 1,8 million d'euros de produits en bois d'origine estonienne, notamment vers laScandinavie[760],[773]. Les produits à base de bois constituent près de 11 % du total des produits exportés depuis l'Estonie[713].
Selon les acteurs de la filière, l'Estonie est le premier exportateur de maisons préfabriquées en bois d'Europe, une maison sur quatre exportée depuis l'UE est construite en Estonie[774],[775],[776]. 90 % de la production estonienne de maison en bois préfabriquées et 75 % de la production de meubles est destinée à l'export[776],[777]. Malgré sa taille, l'Estonie est également le21e plus gros exportateur de bois scié du monde[778].
À partir duXIXe siècle, le territoire de l'Estonie bénéficie tardivement du rayonnement de larévolution industrielle, en comparaison des grandes puissances européennes[721]. Laminorité allemande dominante et ses liens économiques avec le reste de l'Europe permettent aux provinces baltes de s'industrialiser plus intensément que dans le reste de l'Empire russe : l'usine textile emblématique de Kreenholm, ouverte en 1857 àNarva, hébergeait, pendant un temps, les plus grands ateliers de filature et de fabrication de coton au monde[779],[721]. À la même époque, d'autres secteurs industriels se développent à travers le pays : les usines de papiers et de cellulose[721]. Ensuite, l'Estonie des années 1930 voit se développer plusieurs secteurs notamment celui des équipements électriques[721].
Pendant l'occupation soviétique, les industries ayant prospérés pendant l'indépendance sont nationalisées par les autorités de l'URSS[721]. La mise sur pied de pans entiers de l'industrie, telles que l'outillage et de la métallurgie, s'ajoute aux secteurs existants afin de répondre aux besoins du plan de développement de l'industrie lourde soviétique[725]. Privatisés après le rétablissement de l'indépendance, ces trois secteurs se sont diversifiés et restent des domaines-clés de l'industrie estonienne : la métallurgie comptait pour 1,8 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2023, les équipements électriques1 milliard (et 14,2 % des exportations) et l'outillage683 millions[713],[731].
De nombreuses usines disparaissent après le rétablissement de l'indépendance. D'autres secteurs industriels se développent : les ordinateurs, les équipements électroniques (1,4 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2023), la production de véhicules (600 millions)[780],[731]. Avec environ500 millions d'euros de chiffre d'affaires chacun en 2023, la chimie, la plasturgie et l'ameublement sont des secteurs importants de la production industrielle[731].
Usine de la marque Aquaphor (équipements de filtration d'eau) àNarva.
Avec19 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2023, les industries manufacturières représentent environ 13 % du PIB de l'Estonie. Selon leStatistikaamet, plus de la moitié de la production industrielle du pays est destinée à l'export.
Si la plupart des sociétés industrielles estoniennes sont de petite ou moyenne taille, leurs volumes élevés d'exportations en font des leaders régionaux. On compte notammentPalms (véhicules pour l'industrie forestière),Balteco (meubles) ouNTT (équipements sportifs)[781],[782],[783]. L'Estonie attire les usines de multinationales telles que GPV,Ericsson (électronique),Würth (distribution de produits électriques) ouABB (équipements électriques)[784],[785].
Depuis les années 1920, l’Estonie est l’un des rares pays au monde à exploiter à grande échelle leschiste bitumineux pour ses besoins énergétiques[786]. Cette ressource est abondante dans le Nord-Est du pays ; elle fut d'abord utilisée pour la production de carburant, puis a été orientée vers la production d'électricité[787]. L'exploitation intensive de schiste, avant et pendant l'occupation soviétique, en a fait une source d'énergie centrale pour le développement du pays[787].
Héritant d’infrastructures vieillissantes et polluantes lors du rétablissement de l'indépendance, le pays entreprend de moderniser ses capacités de production, de distribution et de régulation. Il va représenter, à lui seul, 70 % de la production mondiale dans les années 2000, et peut exporter son savoir-faire à l'étranger[788],[789],[787]. Le fort impact environnemental de l'exploitation de schiste bitumineux (production de déchets, émissions degaz à effet de serre), et des autresénergies fossiles, ainsi que la dépendance du pays aux importations de ces dernières, pousse l'Estonie à les remplacer par desénergies renouvelables. Le schiste sera arrêté totalement en 2040[790].
Potentiel photovoltaïque de l'Estonie.
L'Estonie se donne comme objectif de porter sa part d'électricité d'origine renouvelable de 31 % en 2024 à 100 % en 2030. Elle investit à grande échelle dans l'optimisation de son réseau électrique, développe l'éolien et lesolaire[791]. Les énergies renouvelables, avec en premier lieu labiomasse, représentent 63 % de la production d'électricité totale du pays en 2024[792]. L'Estonie se dote également d'un programme de construction decentrales nucléaires pour 2030[793],[794].
L'entretien et le développement des réseaux électriques et gaziers sont assurés par l'entreprise publiqueElering[795]. L'Estonie dispose d'un fournisseur public d'énergie :Eesti Energia, qui produit, entre autres, de l'électricité d'origine renouvelable via sa filialeEnefit Green et qui en fournit, via son opérateurElektrilevi[796].
Depuis 2019, l'Estonie est importatrice nette d'électricité, les importations proviennent majoritairement de Finlande, via les câbles sous-marinsEstlink 1 et 2[797]. L’Estonie est connectée au réseau du marché nordiqueNord Pool, et fait partie depuis 2025 duréseau continental européen de l'électricité[798],[799]. Si le développement des interconnexions transfrontalières sécurise l’approvisionnement sur le long terme, la phase transitoire d’harmonisation rend le marché de l’énergie estonien temporairement vulnérable. Dans les années 2020, la conjonction de plusieurs facteurs —crise énergétique mondiale, transition vers les énergies renouvelables, détérioration de câbles sous-marins reliant l’Estonie à ses voisins, conditions climatiques particulières et synchronisation avec le réseau électrique européen — contribue à une forte volatilité des prix de l’énergie, pénalisant l'économie[800],[801],[802],[803].
Siège de la banqueSEB dans le quartier d'affaires deMaakri, àTallinn.
Refondé lors de l'indépendance, le secteur bancaire se développe avec l'entrée des pays baltes dans l'Union européenne[809]. Le secteur compte en 202213 établissements de crédits, et est partagé entre la domination d'anciens établissements locaux, devenus filiales de banquesscandinaves, (telles queSwedbank ouSEB) d'un coté, et des banques estoniennes issues de la fusion de sociétés régionales (telles queLHV,Luminor ouBigbank) de l'autre[810],[811]. La plupart des établissements bancaires présents en Estonie le sont aussi enLettonie etLituanie, où ils font partie des leaders du secteur[811],[812].
75 % des actifs du secteur bancaire sont détenus par les trois plus grandes banques du pays, faisant de l'Estonie un des marchés les plus concentrés de l'UE[811]. Le secteur des assurances (2,4 % du PIB) possède un niveau de concentration similaire: en 2022 86 % des paiements d'assurance vie étaient au profit des trois plus grandes sociétés du secteur[811]. Comme pour les banques, le secteur des assurances est aussi dominé par des filiales de sociétés issues despays nordiques[811].
Reconversions d'usines en immeubles de bureaux et habitations (Rotermann àTallinn) avant (haut) et après rénovation (bas).
Depuis l'indépendance en 1991, lemarché immobilier estonien a connu une transition rapide vers une économie de marché, marquée par une vasteprivatisation[814]. La part du parc immobilier appartenant à l’État est passée de 64 % à seulement 4 % entre 1994 et 2002, faisant de l’Estonie l’un des pays européens avec le plus fort taux de propriété privée (96 % en 2002)[814].
Au début des années 2000, le développement du crédit immobilier a stimulé le marché. Entre 2000 et 2008, les prêts immobiliers ont été multipliés par 29, atteignant 6,2 milliards d’euros, soit 41 % du PIB[815]. Cette dynamique a conduit à unebulle immobilière, avec une hausse des prix de près de 450 % à Tallinn entre 2000 et 2007[816]. LaCrise financière mondiale de 2007-2008 a ensuite provoqué une chute des prix, d’environ 50 %[816].
Depuis 2010, les prix de l’immobilier sont repartis à la hausse, triplant entre 2010 et 2023 - la plus forte progression de l’Union européenne - tandis que les loyers augmentaient de 212 % sur la même période[817]. En 2023, le marché a connu une contraction : la valeur des transactions a reculé de 17 %, et leur nombre de 16 %, sous l’effet d’une inflation élevée et de la hausse des taux.
Le secteur de laconstruction, qui représentait plus de 8 % du PIB au début des années 2010 du fait des importantes rénovations suivant l'occupation soviétique, a reculé à environ 6 % en 2023[818]. L’emploi dans le secteur est passé de 57 670 personnes en mars 2023 à 51 230 fin 2024. En parallèle, la production du secteur a reculé de 5,3 %, et les permis de construire ont chuté de 34,1 % sur les deux premiers trimestres de 2023[817]. Plusieurs projets publics, commeRail Baltica, les investissements en infrastructures, ou les programmes de rénovation énergétique, ont permis de maintenir une activité dynamique et d’offrir des perspectives à moyen terme.
L’Estonie s’est affirmée comme un pays innovant dans le secteur de la construction, avec une expertise reconnue en construction bois modulaire[819]. Le pays met l’accent sur la durabilité, la numérisation et la performance énergétique. La stratégie « Estonia 2035 » promeut l’adoption de technologies avancées comme lamodélisation numérique (BIM), la rénovation verte et laGestion technique de bâtiment[820].
Le secteur de lagrande distribution en Estonie s’est formé dans le contexte de la transition vers uneéconomie de marché, après la restauration de l’indépendance, en 1991. Dès la fin des années 1990, des chaînes de distribution modernes s’implantent ; elles marquant un retour rapide vers un modèle occidental et mettent fin au modèle soviétiqueplanifié, à l'offre restreinte et la qualité de service limitée[821]. C'est l’essor descentres commerciaux et la généralisation dessupermarchés et d’hypermarchés.
Le commerce de détail en Estonie est un pilier de l’économie nationale ; il représente environ 14 % du PIB en 2023 et emploie plus de 90 000 personnes dans le pays en 2021[822],[823].
Le réseau de coopérative alimentaireCoop Eesti, héritier des coopératives des années 1920, est le principal acteur du marché[824],[825].Selver, propriété du groupeTallinna Kaubamaja, détient une part du marché urbain. Les autres concurrents majeurs sont possédés par des sociétés des pays voisins, (le lituanienMaxima), ou despays nordiques (le finnoisPrisma, le lettonRimi Baltic, propriété du groupe danoisSalling Group)[826],[827]. Dans les années 2020, des multinationales spécialisées font leur apparition :Lidl (alimentaire discount),Decathlon (sports et loisirs) ouIkea (ameublement)[828],[829],[830].
Les consommateurs récupèrent les commandes dans des casiers à colis, répandus à travers le pays.
Le secteur du commerce est très digitalisé : en mars 2023, un sixième de tous les paiements par carte sont réalisés via téléphone mobile ou montre connectée ; au 1ᵉ trimestre 2023, 66 % des transactions par carte effectuées en Estonie se faisaient sans contact[831]. Des équipements tels que lescaisse en libre-service et lelibre scannage sont très répandus en Estonie, les applications mobiles de scannages de grandes enseignes commeMaxima etCoop comptent chacune 100 000 utilisateurs[832],[833]. Le taux d'acheteurs sur l'E-commerce est de 73 %, un chiffre comparable à laBelgique, l'Autriche, supérieur à l'Espagne ou l'Italie[834].
Les entreprises artisanales et les petits détaillants sont plus nombreuses mais de très petite taille ; elles jouent un rôle essentiel dans la diversification de l’offre et la valorisation des produits traditionnels, notamment dans les secteurs du textile, de l’alimentation artisanale, du bois et de la céramique[731],[835],[836],[837],[838]. Confrontées à la concurrence des grandes surfaces en matière de prix et de logistique, elles tirent parti de leur ancrage local, de la qualité artisanale des produits et de la fidélisation de la clientèle[731],[835],[836],[837],[838].
Depuis les années 1990, la république d'Estonie indépendante se sert de son expertise acquise enSTIM lors de l'occupation soviétique pour faire destechnologies de l'information la colonne vertébrale de son administration, en reconstruction[718]. Le pays initie en 1994 une stratégie visant à créer une "société de l'information" plaçant les technologies digitales au service des besoins quotidiens de ses citoyens selon le principe de l'État plateforme[718]. Les services basés sur le numérique pénètrent la société estonienne à un rythme soutenu : banques en ligne dès 1996, administration des tâches gouvernementales (e-cabinet), paiements des impôts en ligne et des parkings par téléphone mobile dès l'an 2000[272],[718].
En 2001, la conception du système d'échanges de donnéesX-Road, colonne vertébrale de l'administration numérique, puis l'introduction de lacarte d'identité à puce et de lasignature électronique dès 2002, permettent à l'administration estonienne de proposer de nouveaux services digitalisés à la population:E-santé en 2008 et 2010, portail d'administration routière en 2014, distribution automatique desprestations sociales aux familles et authentification digitale desactes notariés en 2020 et mêmecontrat de mariage en ligne en 2022[718],[272]. L'Estonie est le premier pays au monde a instaurer levote en ligne aux élections à partir de 2005[839].
L'État estonien déclare proposer l'intégralité des services administratifs (600 services à la population et 2400 aux entreprises) en ligne, et estime que la digitalisation permet au pays d'économiser 2 % de son PIB chaque année[270],[269],[840],[841]. En conséquence, l'expertise du pays dans le domaine de l'e-gouvernement fait de l'Estonie un précurseur à l'échelle mondiale[842],[843]. La dématérialisation permet d'accéder aux services depuis l'étranger, instaurant une forme d'« état virtuel », accessible hors des frontières[718].
Cours d'initiation à l'informatique dans une école estonienne en 1996.
En parallèle, la politique dite du « Bond du Tigre » (enestonienTiigrihüpe) genère, en 1997, un plan pour démocratiser à grande échelle l'usage et l'accès à l'informatique : l'état équipe toutes les écoles enordinateurs ; en 2003, 98 % des écoles du pays ont accès aInternet[719],[745]. La jeunesse estonienne est sensibilisée tôt au fonctionnement des ordinateurs et à l'usage d'Internet, alors que 17 % de la population mondiale y est connectée[719],[745]. En 2000, l'Estonie vote une loi déclarant l'accès à Internet comme un « droit humain fondamental ». Elle développe une infrastucture pour amener le réseauWi-Fi dans les principaux bassins de populations dès 2002. En 2023, 93,2 % de la population a accès à Internet à domicile[844]. Dans la continuité duTiigrihüpe, l'Estonie lance en 2025 leTI-hüpe, un programme d'apprentissage des outils d'intelligence artificielle dans les écoles[845].
La politique de développement massif des nouvelles technologies dans les années 1990 suscite l'intérêt de la population[846]. La libéralisation de l'économie après l'indépendance encourage une culture entrepreneuriale[847],[848]. Dans les années 2000, le succès de la sociétéSkype et de son logiciel développé àTallinn, consolide le savoir-faire estonien dans ce secteur et renforce la notoriété du pays[849]. Des entreprises estoniennes connaissent une expansion internationale, et, en 2024, dix d'entre elles ont le statut de « licornes », c'est-à-dire qu'elles ont plus d'1 milliard de dollars de valorisation[747]. Skype est ainsi rejoint entre autres, parWise (Fintech),Bolt (mobilité),Playtech (casinos en ligne) ou Pipedrive (relation client)[747].
Taavet Hinrikus, ancien employé deSkype devenu cofondateur deWise.
Les secteurs destechnologies de l'information et de la communication (TIC) comptent pour 7 % dans le PIB, ce qui en fait le cinquième secteur économique du pays, et place l'Estonie au-dessus de la moyenne de lazone euro[742]. En Europe, seulesChypre,Malte, laSuède et l'Irlande (référence européenne du domaine) possèdent un secteur TIC plus développé en comparaison de leurs PIB respectifs[742].
En 2023, les exportations du secteur des TIC totalisent 3,6 milliards d'euros, 12 % du volume total des exportations du pays[742]. 80 % des exportations concernent ledéveloppement logiciel[742]. Le secteur des technologies de l'information compte en 2023 37 000 employés, soit 5 % de la main-d'œuvre totale du pays, en augmentation constante depuis 2010[742]. Les entreprises technologiques estoniennes étant en concurrence sur les marchés mondiaux pour attirer les employés, elles proposent des salaires plus élevés pour des postes plus qualifiés et plus productifs en comparaison des autres secteurs économiques du pays[742].
sTARTUp Day, évènement pour les entreprises technologiques et startups ayant lieu chaque année àTartu.
Les 1500 startups du pays comptent pour 2 % du PIB en 2023[742]. L'écosystème estonien des startups est soutenu par l'État, via des politiques d'attractivité, faites pour attirer les talents, (accès à desvisas spécifiques),incubateur d'entreprises commeLift99 ouGarage48, ou encore évènements tels queLatitude49 (Tallinn) ousTARTUp Day (Tartu)[850],[851],[852]. En outre, le programmee-Residence permet depuis 2014 de créer des sociétés estoniennes en ligne depuis l'étranger, un système unique au monde au moment de son instauration[718].
L'accès aux fonds d'investissements constitue un des points forts du pays : l'Estonie possède en 2022 le plus grand nombre d'investissements encapital risque dans le secteur des TIC d'Europe[742],[853]. L'environnement entrepreneurial du secteur des TIC est tel qu'en 2023, l'Estonie a le plus grand nombre destart-ups et delicornes par habitant en Europe ; Tallinn est la ville avec le plus de start-ups par habitant au monde[743],[742].
La connexion avec les grands centres intellectuels européen contribue à la diffusion d'idées émancipatrices. Après l'indépendance, l'Estonie renforce ses activités scientifiques en créant l'université de technologie de Tallinn en 1918, puis l'Académie estonienne des sciences en 1938 : les savants estoniens succèdent aux germano-baltes avec notammentErnst Öpik (astronomie),Jaan Einasto (astrophysique) ou Alma Tomingas (pharmacie).
L'occupation soviétique isole l'Estonie des échanges scientifiques internationaux et concentre la recherche sur lessciences dures, et la met au service des programmes industriels de l'État soviétique. L'administration de l'URSS exploite le haut niveau d'éducation et de qualification des estoniens (et plus largement des habitants despays baltes) : elle installe sur leurs territoires des laboratoires de recherche en mathématique et en informatique[738]. Ainsi, l'Institut de Cybernétique, créée à Tallinn en 1960, modifie et améliore desordinateurs soviétiques existants, puis fini par développer ses propres modèles[855]. Devenu un centre de recherche majeur de l'URSS, l'institut de cybernétique est alors l'un des rares centres autonomes pouvant entretenir des liens avec l'étranger hors duBloc de l'Est[738].
Après l'occupation, la recherche estonienne est refondée : intégration auProcessus de Bologne, une ouverture à l'international et instauration de programmes d'envergure tels que le « Projet génome Estonie » : il collecte les données génétiques d'une large partie de la population du pays, pour améliorer la santé publique et crée une des plus grandesbiobanques du monde[856].
Depuis la fin de l'occupation, la recherche estonienne est caractérisée par une forte implication et coopération entre les secteurs publics et privés[859]. Ainsi, l'université de Tartu et l'université de technologie de Tallinn ont généré et hébergé respectivement 55 et 11spins-offs[860],[861],[862]. Apparu dans les années 1990 avec les premiers incubateurs dédiés (Tartu Science Park etTehnopol), le secteur de laDeep tech (sociétés proposant des produits novateurs basés sur la recherche) augmente au milieu des années 2010 ; il fait l'objet d'une politique développement dédiée à partir de 2021. Il compte aujourd'hui 132 sociétés. Si les applications de nouvelles technologies couvrent de nombreux domaines, certains secteurs font l'objet d'une attention particulière dans leur développement, tels que lespatial avec l'incubateur de l'Agence spatiale européenne, l'armement avec l'accélérateurDIANA de l'OTAN ou l'Intelligence artificielle avec le programmeKratt[863],[864],[865].
Exemples d'innovations d'origine estonienne
Ordinateur JUKU E5101 (Institut de Cybernétique de Tallinn, 1988).
En 2024, selon leFMI, leProduit intérieur brut (PIB) nominal de l'Estonie s'élevait à environ43 milliards de dollars, ce qui la place au102e rang mondial selon ce critère. En termes deparité de pouvoir d'achat (PPA), le PIB était estimé à 65,5 milliards de dollars internationaux. LePIB par habitant était de 31 855 dollars en 2024, reflétant un niveau de vie relativement élevé pour un pays de seulement 1,3 million d’habitants et sorti d'une économie planifiée trois décennies auparavant.
L’économie estonienne est fortement extravertie, avec plus de 70 % de ses exportations destinées aux pays de l’Union européenne. En 2024, les exportations de biens ont atteint 17,4 milliards d’euros, tandis que les importations se sont élevées à 20,7 milliards d’euros, générant undéficit commercial de 3,3 milliards d’euros, en hausse de275 millions par rapport à l’année précédente[866]. Les exportations principales incluent les équipements électriques, les produits agricoles, le bois et les produits dérivés[866]. Concernant les services, l’Estonie a enregistré au quatrième trimestre 2024 des exportations de 3,267 milliards d’euros contre 2,536 milliards d’euros d’importations, dégageant un excédent significatif[867]. En 2024, le déficit commercial global s’élevait à 3,3 milliards d’euros, en grande partie en raison des importations énergétiques et de biens de consommation[868]. Cette situation résulte aussi de la dynamique de la demande intérieure, alimentée par une hausse des revenus et des investissements.
La balance commerciale des biens reste déficitaire, mais l’excédent dans le secteur des services en atténue l’impact[869]. Par exemple, leCommerce électronique est un secteur en plein essor. En 2024, son chiffre d'affaires a atteint 5,4 milliards d’euros, représentant environ 25 % du commerce global du pays[870]. Sa croissance annuelle, estimée entre 10 et 20 %, laisse entrevoir une part potentielle de 40 à 50 % dans la prochaine décennie[870].
D'après leWorld Competitiveness Ranking 2024 (indice de compétitivité), l’Estonie se classe au33e rang mondial sur 67 économies évaluées[725]. Bien qu’en recul de sept places par rapport à 2023, ce classement reste remarquable au vu de la taille modeste de son économie. L'Estonie devance ainsi des économies bien plus vastes en termes de population ou de PIB[725]. Cette performance repose principalement sur son environnement réglementaire efficace, la digitalisation avancée de son administration publique, la stabilité macroéconomique et la qualité de sa gouvernance. En matière de compétitivité numérique, l’Estonie figure parmi les leaders européens, avec des infrastructures informatiques solides, un accès généralisé à Internet et une stratégie cohérente d’E-gouvernement[871].
Le rapportBusiness Ready 2024 de laBanque mondiale renforce cette image : parmi 50 économies évaluées, l'Estonie a obtenu le meilleur score global en matière de services publics, atteignant 73,31 %[872]. Ce score reflète notamment l’efficacité des processus d’enregistrement des entreprises, l’administration fiscale numérique et l’accès rapide à l’électricité[872].
Carte de E-résident permettant d'enregistrer une société estonienne en ligne depuis l'étranger.
L’Estonie est internationalement reconnue pour sa stratégie numérique[871],[873]. En 2023, selon laCommission européenne, 98,9 % des services publics destinés aux entreprises et 95,8 % de ceux destinés aux citoyens étaient disponibles en ligne, positionnant le pays parmi les plus avancés d’Europe en matière de numérisation[874]. Plus largement, la forte concentration d'entreprises technologiques en comparaison de sa population et sa16e position sur l'Indice mondial de l'innovation 2025[875] donnent à l'Estonie une image d'avant-garde, parfois exagérée, au point de la qualifier deSilicon Valley européenne[876],[877].
Le programmeE-residence, lancé en 2014, permet à des personnes du monde entier de créer et gérer une entreprise en Estonie sans y résider physiquement[878]. En 2024, 11 484 nouveaux e-résidents ont rejoint le programme, fondant 4 818 entreprises, soit une augmentation de 5 % par rapport à l’année précédente[879]. Ces entreprises ont généré environ 63,6 millions d’euros de recettes fiscales pour l’État, dont45 millions d’euros sous forme de taxes sur le travail[879].
La culture estonienne est d’origine nordiquefennique ; elle s'est enrichie d'éléments extérieurs au contact d'autres peuples, essentiellementgermaniques etscandinaves, et dans une moindre mesurebaltes etslaves[880],[881],[882],[883]. L'Estonie possède une variété de cultures minoritaires, tant d'origines étrangères qu'autochtones (régionales)[884]. De tout temps, l'Estonie a fait partie de l'ensemble culturel européen, elle s'inscrit désormais dans l'espaceoccidental[885].
La culture fait l'objet de nombreuses mesures de préservations et de transmissions ; c'est le rôle duMinistère de la culture et des collectivités locales[886]. Les investissements du pays concernent de nombreux domaines telles que le financement des lieux de culture nationaux et régionaux (musées, opéras, bibliothèques, théâtres, centre d'interprétations...), l'organisation d'évènements, ou encore l'accompagnement d'artistes et d'écrivains[886].
Le pays compte sept inscriptions sur la liste dupatrimoine culturel immatériel[892]. La plupart de ses éléments résultent de traditions autochtones. On y trouve la culture duSauna de fumée, variante dusauna emblématique de la région duVõrumaa. Les traditions régionales inscrites sont principalement celles des peuples et régions du Sud du pays : traditions del'ile de Kihnu, chants duSetomaa, la préparation duMulgi Puder dans le Mulgimaa, ou encore la construction des pirogues des marais de Soomaa.
D'autres éléments témoignent des interactions entre la culture estonienne et les autres cultures européennes. Ainsi, lescélébrations de chants et danses baltes, partagées avec laLettonie et laLituanie, constituent un mélange entre les chants et danses respectives de ces pays avec leschorales d'originegermanique. La décoration des œufs àPâques, partagée avec l'Ukraine, est héritée des quelques influencesslaves présentes dans le pays.
Traditions estoniennes inscrites au patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO.
L'architecture urbaine est principalement le fruit d’influences croisées entre l'Europe nordique et l’Allemagne. LeMoyen Âge marque une utilisation de l'architecture gothique germanique, encore visible notamment dans lavieille ville de Tallinn et dans certains châteaux[896]. Ces structures en pierre (oubrique rouge), aux toits pentus, flèches élevées et ouvertures aux arcs brisés, témoignent du passé commercial, religieux et militaire du pays, notamment pendant laligue hanséatique[897].
Sous l’occupation soviétique, l’architecture devient un outil idéologique, imposant d’abord dans les années 1950 leStyle stalinien : monumental et ornementé, il se manifeste dans les bâtiments publics, avec colonnades, frontons et références classiques, le tout destiné à glorifier le régime[904],[905]. À partir de la fin des années 1950, ce style est remplacé par unmodernisme fonctionnel, centré sur la préfabrication, l’économie de moyens et la production en masse de logements[906]. Le « brutalisme » s’impose dans les années 1960–1980, privilégie les structures en béton nu, les volumes rigides et l’absence d’ornement dans les grands ensembles périphériques[907].
Après le rétablissement de l’indépendance, de nouveaux quartiers voient le jour, avec une architecture épurée, de larges baies vitrées, parfois en bois, dans un style similaire aux pays nordiques[908]. D'anciens ensembles industriels desXIXe et XXe siècles sont rénovés et modernisés, tout en conservant certains éléments architecturaux d’origine[909],[910]. Parallèlement, plusieurs bâtiments d’intérêt historique ont été réhabilités et placés sous protection officielle, dans le cadre des politiques de préservation du patrimoine[911].
Au début duXXe siècle, le peintreKonrad Mägi se fait connaitre avec des paysages expressifs, influencés par lefauvisme et l'expressionnisme, incarnant une forme d'identité picturale estonienne[912]. D’autres figures de cette période sontNikolai Triik, Ants Laikmaa ou encoreOskar Kallis[912]. La période d'indépendance voit les peintresAdamson-Eric etEduard Wiiralt accéder à la notoriété ; l'École d’Art Pallas deTartu ouvre, première école d'enseignement supérieure artistique du pays[912]. La sculpture s'enrichit des travaux de Jaan Koort, qui mêle expressionnisme et modernisme dans ses bustes et statues[912].
Les invasions de laseconde guerre mondiale entraînent la fuite de nombreux artistes :Karin Luts, Linda Sõber ou Endel Kübarsepp, qui continuent leurs travaux à l'étranger[913]. L’occupation soviétique impose le réalisme socialiste : des représentations idéalisées du travail et de la vie collective[914]. Malgré lacensure, Olev Subbi ou Lembit Saarts explorent des formes plus subjectives ou décoratives, échappant partiellement au dogme officiel[915],[916].
Le [[CentreTYPA pour l'imprimerie et les arts du papier]] àTartu, seule institution desPays baltes consacrée aupaper craft.
À partir des années 1960, une peinture plus personnelle, parfois abstraite ou conceptuelle, amène vers une plus grande liberté formelle, par exemple, le travail de Mare Vint[917]. Des sculpteurs, Villu Jaanisoo ou Jaak Soans, expérimentent des formes contemporaines et populaires[918],[919]. Dès la fin des années 1970,Dolores Hoffmann fait renaître l'art des maîtres-verriers chrétiens. a vitrailliste Après 1991, la scène picturale estonienne s'ouvre, les artistes expérimentent de nouveaux médiums. Le retour des échanges internationaux permet d'exporter les créations estoniennes à l'étranger. Le sculpteurMati Karmin réalise de nombreux monuments, les travaux d'Anu Põder font l'objet d'une reconnaissance internationale à laBiennale de Venise en 2022[920],[921]. L'Estonie importe de nouvelles formes d'arts visuels, comme lePaper craft ou leStreet art, apparu dans les années 2000 et popularisé par le FestivalStencibility de Tartu[922].
Les racines de la littérature estonienne remontent aux traditions orales despeuples fenniques ; elle s'est développée avec l'influencegermanique à partir duXIIIe siècle, qui apporte la culture écrite[923]. Les premiers textes en estonien sont des traductions religieuses : la premièreBible complète en estonien date de 1739[923]. AuXVIIIe siècle, le mouvement desLumières favorise l’étude du folklore estonien, poursuivie au siècle suivant sous l’impulsion du prêtre Jakob Hurt, qui collecte des récits populaires, des chants et proverbes[923].
La poètesseKristiina Ehin et son livreSüdametammide taga.
Après la Seconde Guerre mondiale, la littérature estonienne est déchirée : d'un coté, les auteurs ayant fui l'occupation soviétique et qui participent à la promotion de la culture estonienne à l'étranger, de l'autre, ceux qui sont restés sur le territoire, et qui sont soumis à la censure et aux pressions du régime commeJaan Kross ouJaan Kaplinski[934],[935].
L'Estonie se distingue par son attrait pour la littérature, pour l'éducation, et un accès libre aux savoirs et à la culture[937],[938]. L'industrie littéraire est soutenue par les gouvernements, et ses auteurs ont fréquemment recours à l'auto-édition[939],[940].
La sociétéVanemuine deTartu œuvre au développement de la culture estonienne depuis 1865. En 1870, elle propose la première pièce en langue estonienne:Saaremaa Onupoeg (« Le cousin de Saaremaa »), adaptation parLydia Koidula d'une pièce allemande deTheodor Körner[945]. Au fil des années, les créations originales se mèlent aux adaptations de pièces européennes, comme les œuvres deWilliam Shakespeare[945].
Ancient théâtre de la Société des artisans allemands deTartu, construit en 1904. Aujourd'hui Annexe duThéâtre de Vanemuine.
LeThéâtre Vanemuine est construit à Tartu ; il devient le centre de la production théatrale estonienne à partir de 1906. Après 1918 et l'indépendance de l'Estonie, les arts, libérés de la censure impériale russe et soutenus par l'état, se développent : les troupes de théâtres se professionnalisent sous l'impulsion de figures comme Ants Lauter ou Priit Põldroos ; les conditions techniques s'améliorent, et les places deviennent plus accessibles. LeThéâtre dramatique d'Estonie remplace le théâtre allemand de Tallinn en 1924. Influencées par le modernisme dès le début du siècle, les scènes estoniennes explorent le symbolisme et l’expressionnisme dans les années 1920, avant un retour au réalisme dans les années 1930. Les premières troupes estoniennes de marionnettes se structurent à la même période[946].
Sous l’occupation soviétique, la scène estonienne perd sa liberté de création sous la contrainte de l'idéologie du régime et lacensure[947]. Lapériode stalinienne voit l'importation de pièces soviétiques : elles sont jugées inintéressantes et désertées par le public[947]. Après 1953, le théâtre estonien renaît, renoue avec le réalisme poétique et s'enrichit des influences deBertolt Brecht. Voldemar Panso et Kaarel Ird lui donnent l'impulsion[947]. Dans les années 1960, une nouvelle génération expérimente des formes non réalistes, comme le théâtre de l’absurde porté par des auteurs tels qu’Artur Alliksaar, Ain Kaalep et Paul-Eerik Rummo[947]. En 1969, les metteurs en scène Jaan Tooming et Evald Hermaküla introduisent un nouveau style radical, symbolique et physique, qui s’impose entre 1976 et 1983[947]. Les années 1980 voient un retour du réalisme enrichi, avec les œuvres de Enn Vetemaa, Vaino Vahing, Jaan Kruusvall, Rein Saluri et Mikk Mikiver[947].
Elmo Nüganen, Comédien, metteur en scène, directeur artistique du Théâtre municipal de Tallinn.
Après l’indépendance en 1991, le théâtre se renouvelle et se diversifie. De nombreux théâtres se développent à Tallinn et des figures commeElmo Nüganense révèlent[948]. Le théâtre visuel, les performances expérimentales et les créations collectives prennent place dans le travail artistique. Des festivals commeBaltoscandal, organisé à Rakvere, participent à l’ouverture du théâtre estonien à l’international. La fondation de la troupeComedy Estonia en 2010 démocratise les spectacles d'humour : l'humoriste Ari-Matti Mustonen se fait connaître à l'étranger[949].
Le théâtre occupe une place significative dans la vie culturelle estonienne, la fréquentation est élevée[950]. Il est représenté dans toutes les régions du pays ; ses institutions majeures sont situées à Tallinn et Tartu, mais on peut citer aussi les théâtresUgala àViljandi,Endla àPärnu et le théâtre deRakvere.
L’intérêt pour la danse a été marginal en comparaison de la musique ; en cause, les conditions de vie difficiles et le climat peu favorable aux festivités[951],[952]. Peu de danses ont été conservées ou reconnues comme authentiquement nationales[951],[952].Kaera-Jaan, une danse comique datant de la fin duXIXe siècle, est longtemps restée la seule identifiée comme typiquement estonienne[951],[952]. Le réveil national voit les premères collectes et formalisations des danses folkloriques[951],[952]. Sous l’impulsion de personnalités comme Oskar Kallas, les recherches révèlent que les danses estoniennes partagent de nombreuses points communs avec celles d’autres peuples européens[952],[951].
En parallèle, les travaux d'Anna Raudkats, publiés en 1926, mettent en valeur une identité chorégraphique nationale[951],[952]. Les danses folkloriques connaissent un regain d'intérêt, notamment via la création du premier Festival national de danse en 1934 ; elles ne se répandent pas dans la population, car elles sont considérées seulement comme des performances athlétiques[951],[953],[952]. Sous l'occupation soviétique, la danse folklorique fait l'objet d'une moindre censure, contrairement aux autres formes d'arts[951],[953],[952]. La pratique se développe sous la direction de Mait Agu. À partir de 1976, il enseigne et modernise les danses en créant deschorégraphies scéniques qui mêlent folklore, danse de caractère et ballet[951],[952].
Le chorégraphe Mart Kangro.
La danse connait un véritable essor après l’indépendance de 1991. Apparaissent des clubs de danses indépendants, couvrant tous types de styles, et permettant une pratique populaire[951]. La dimension de performance subsiste dans de nombreux concours de danse, comme leKuldne Karikas, dédié à la jeunesse[954]. Une nouvelle génération d’artistes émerge dans le domaine de la danse académique, explorant le corps, le mouvement et l’espace de manière expérimentale. Ladanse contemporaine et interdisciplinaire est représentée par Renate Keerd ou Mart Kangro, dans des évènements comme leNU Performance Festival de Tallinn[955],[956],[957].
Les professionnels de la Danse en Estonie sont représentés par l'Union des danseurs, et le « Conseil estonien de la danse », qui regroupe plusieurs institutions d'enseignements[958].
Malgré son origine étrangère, le Festival de chant devient un symbole politique des revendications du peuple estonien pour son émancipation, et de son unité contre les dominations étrangères : d'abord, lors de l'indépendance en 1918, puis lors des protestations contre l'occupation soviétique à la fin des années 1980. Ces revendications portent le nom derévolution chantante en référence à cette origine[967],[968]. Organisé tous les cinq ans, « le Festival estonien de la chanson » regroupe près de 35 000 chanteurs répartis dans 1 000 chœurs et accueille près de 100 000 spectateurs ; il est un des plus grands festival de chants au monde[969].
Le chant choral est l'activité culturelle la plus répandue d'Estonie ; il implique plus de 40 000 personnes, dans plus de 700 chorales : de nombreuses institutions, entreprises et associations disposent de leurs chorales ; les chefs de chœurs connaissent une notoriété nationale[970],[971]. Les festivals de chants locaux et nationaux ont leurs espaces dédiés : les esplanades de chants (Lauluväljak) ou scènes de chants (Laululava) réparties à travers le pays.
L'Estonie possède un opéra national : l'Estonia, et a exporté certaines de ses créations, avec des chanteurs lyriques tels queGeorg Ots, ou plus récemmentElina Nechayeva[972].
Personnalités notables de la musique classique estonienne
La musique populaire estonienne commence à se professionnaliser dans l'Estonie indépendante de l'entre-deux-guerres, mais connaît ensuite un coup d'arrêt en raison de la guerre, puis de la censure exercée par le régime soviétique. Dans les années 1960, des enregistrements musicaux venus de l'Ouest se vendent clandestinement, le succès de genres comme lerock progressif atteint l'Estonie : le mouvementHippie est introduit dans les années 1970[974].
Pour désarmocer l'intérêt envers les musiques de l'ouest, les autorités soviétiques créent de toute pièces des groupes demusique pop-rock imitant voire reprenant les chansons occidentales, mais compatibles avec la censure et la propagande[975]. Ces groupes connaissent un certain succès, mais n'enrayent l'attrait pour la musique occidentale. L'Estonie voit se développer leJazz, leDisco ou laFunk dans les années 1970 et 1980[976]. Dans les années 1980, des chanteurs commeAnne Veski ouIvo Linna, mais aussi des groupes de Rock estoniens commeRuja,Terminaator,Singer Vinger ouVennaskond ont du succès. Après l'indépendance, l'Estonie voit le développement de nouveaux genres comme la pop (avec notammentVanilla Ninja,Ines,Koit Toome ou Liis Lemsalu) ou lerap (avec notamment Nublu,5miinust ouTommy Cash), tant en estonien qu'en anglais.
Dans les années 1990, l'Estonie assiste à la création de nouvellesmaisons de disque commeMade in Baltics ouMoonwalk Records, et l'arrivée de labels internationaux commeSony Music. À partir du début des années 2000, l'Estonie développe ses propres cérémonies, telles que lesEstonian Music Awards, et de nouvelles infrastructures comme leSuurhall permettant d'accueillir les artistes étrangers internationaux.
L'Estonie participe depuis 1994 auConcours Eurovision de la chanson, qu'elle remporte en 2001. Pays de faible population et ayant une industrie musicale réduite, elle se sert du Concours pour faire connaître ses artistes et exporter ses productions. Le concours de sélection à l'Eurovision, l'Eesti Laul, est réputé[977].
Personnalités notables de la musique populaire estonienne
Extrait deKarujaht Pärnumaal – cliquer sur l'image pour lire la vidéo.
Le cinéma arrive en Estonie à partir de 1896. Le cinéma estonien proprement dit se développe au début du XXᵉ siècle[978]. Le premier film tourné en Estonie est réalisé et diffusé en 1912 àTartu parJohannes Pääsuke, photographe et pionnier du cinéma documentaire estonien[978]. Il réalise également le premier court-métrage de fiction:Karujaht Pärnumaal (Chasse à l’ours en Pärnumaa) en 1914[978]. La création de studios commeEesti Kultuurfilm dans les années 1930 crée une infrastructure et une production cinématographique nationale ; elles sont centrées sur les documentaires d’intérêt public soutenus par l’État[978].
Le Cinéma « Amitié » (Sõprus) deTallinn, construit sous l'occupation soviétique.
Pendant l'occupation soviétique, la production estonienne est intégrée dans le système centralisé ducinéma soviétique[978]. Le studioTallinnfilm produit la majorité des films réalisés sur le territoire[978]. Soumis à lacensure idéologique, le cinéma estonien préserve son identité, grâce à l’emploi de la langue estonienne et à la mise en avant de thèmes locaux[978]. Des réalisateurs comme Kaljo Kiisk, Leida Laius,Arvo Kruusement ouGrigori Kromanov marquent cette période avec des œuvres emblématiques, telles queViimne reliikvia (La dernière relique, 1969), un film d’aventure historique devenu culte dans toute l'URSS, ouKevade (Printemps, 1969), adaptation du roman éponyme d'Oskar Luts[978]. Lavieille ville de Tallinn, à l'architecture européenne, est souvent utilisée comme décor[979].
Affiche du filmDroit et Justice, adaptation du roman éponyme d'A.H. Tammsaare.
Le volume des productions estoniennes s'effondre après l’indépendance en 1991, à cause de la transition vers l'économie de marché. Le secteur est restructuré en 1997 : l'Institut estonien du cinéma est créé[980]. Le gouvernement soutient la production, participe à des financements pour des coproductions internationales, apporte des subventions à l’écriture et à la distribution, et accompagne les films vers les festivals étrangers[980]. Le programmeFilm Estonia propose, depuis 2016, des incitations fiscales pour attirer des tournages étrangers en Estonie, notamment pour les productions d'Allemagne et des pays nordiques[981].
À partir des années 2000, les films estoniens s'exportent et sont remarqués dans des festivals internationaux. Ainsi, les coproductions internationalesMandarines etLe Maître d'escrime sont nommées à l’Oscar du meilleur film étranger, respectivement en 2013 et 2015[982],[983]. D'autres films sont salués : le documentaireSmoke Sauna Sisterhood, lauréat du Prix de la réalisation internationale auFestival de Sundance en 2023, ou l'adaptation du romanDroit et Justice, présélectionnée auxOscars 2020, et qui détient le record d'entrées dans les cinémas estoniens[984],[985]. Desblockbusters internationaux sont tournés en Estonie, commeTenet (2020) deChristopher Nolan ou la sérieThe Agency (2024), produite parGeorge Clooney[986],[987].
L'acteur Mait Malmsten dans une scène deMelchior, adaptation du roman deIndrek Hargla.
L'Estonie dispose de son festival international, leFestival Nuits noires de Tallinn (PÖFF), plateforme pour le cinéma d'Europe du Nord, accrédité par laFIAPF[988]. Ses déclinaisons saisonnières sont le Festival du Film d'Horreur etFantasy deHaapsalu et le Festival du Film d'Amour deTartu[989],[990].
La projection des films tout publics est assurée par le groupeApollo, qui possède un quasi-monopole dans le pays[991]. Le marché est dominé par des films étrangers, d'Europe et desÉtats-Unis[992]. Les sorties de films estoniens varient selon les années. Le record date de 2015 avec 64 films proposés en salles[992]. En 2023, 175 films proposés provenaient d'Europe, 163 des États-Unis, 54 d'Estonie et 32 d'autres pays[992]. En 2024, les salles estoniennes ont généré près de 2,47 millions d'entrées[993].
Après l'indépendance, les costumes traditionnels subsistent comme un marqueur identitaire ; ils restent utilisés lors d'évènements et cérémonies (festivals de chants et danses, mariages, remises de diplômes, anniversaires...)[994]. Les spécificités régionales sont valorisées, présentent des coupes, des couleurs et des accessoires distincts, façonnés par l’histoire locale et les contacts extérieurs[994].
La mode européenne influence les vêtements du quotidiens depuis la seconde moitié duXIXe siècle, venant d'abord d'Allemagne du fait de la présencegermano-balte. L'Estonie indépendante de l'entre-deux-guerres adopte des inspirationsArt déco[996]. Pendant l'occupation soviétique, les estoniens s'organisent pour détourner et réinterpréter les standards de styles fonctionnels imposés par le régime, contournant les interdictions idéologiques et les pénuries[997]. Dès 1958, le magazineSiluett de Tallinn lutte contre l'isolement culturel soviétique, relaie la mode des pays nordiques et duBloc de l'Ouest, et conseille ses lecteurs pour le tricot et la couture à domicile ; il contribue à faire de l'Estonie le territoire le plus culturellement occidentalisé de l'URSS[998],[999].
Boutique de l'enseigne espagnole de prêt-à-porterMango dans le centre de Tallinn.
Depuis l'indépendance en 1991, l’Estonie voit émerger un secteur de la mode contemporaine. La mode estonienne se caractérise par une esthétique minimaliste, un usage prononcé de matières naturelles, et une sensibilité inspirée du climat, de la lumière et des paysages. Une nouvelle génération dedesigners, formés à l’Académie des arts ou à l’étranger, tels que Jaana Varkki, Karolin Kuusik, Reet Aus ou Lilli Jahilo, contribuent à faire connaître la mode estonienne[1000],[1001],[1002],[1003]. La scène estonienne compte également des festivals comme laFashion Week de Tallinn,ERKI, ou lePort Noblessner Fashion Showcase.
La consommation de mode en Estonie s’est massifiée et européanisée, avec la présence de marques internationales defast fashion dans les grandes villes[1004]. Il existe un marché de la seconde main, complété par des plateformes de revente entre particuliers et des ateliers de réparation textile[1005].
La cuisine estonienne trouve ses racines dans les traditions paysannes de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche[1006]. La nourriture estonienne est très marquée par la saisonnalité[1006],[1007]. Des spécialités estoniennes sont, en grande partie, communes avec les pays voisins ; de nombreux plats sont issus ou partagés avec les cuisinesallemande,suédoise etfinlandaise, mais aussirusse etlettone[1007],[1006].
Les ingrédients typiques sont : le pain noir (qui accompagne tous type de plats), le porc, le poisson, la soupe au chou, les pommes de terre, les légumes et les produits laitiers[1006],[1007]. Les champignons sauvages, baies de genévrier, airelles ou le saumon sont régulièrement intégrés aux plats contemporains[1007]. Le printemps et l’été sont les saisons des produits frais ; durant cette période, les Estoniens utilisent des légumes, des baies et des herbes, et, avec le climat plus chaud, les Estoniens font griller de la viande en plein air[1007]. En hiver, les Estoniens consomment des champignons, des confitures et des aliments conservés[1007].
L'Estonie met en place une politique et une culture de proximité favorisant la production et consommation de nourriture locale provenant des fermes estoniennes[1008],[1009]. Le développement du tourisme et l'amélioration du niveau de vie permettent à l'Estonie de se construire un savoir-faire gastronomique. Il est reconnu à partir des années 2020. L'Estonie figure depuis 2022 sur leGuide Michelin : les restaurantsNOA et180 de Tallinn possèdent respectivement une et deux étoiles. D'autres établissements à travers le pays sont labellisés[1010],[1011].
La société estonienne a été traversée par des courants d'idées variées, principalement venus de l'extérieur. Une part significative de l'héritage philosophique provient de la tradition intellectuelle germanique et du protestantisme. La ville deTartu est considérée comme le berceau intellectuel du pays[1019].
Les idées d'émancipation se traduisent par un engagement pour améliorer le sort des paysans estoniens[1021],[1024],[1025]. Des ecclésiastiques luthériens et intellectuels « estophiles » comme Otto Wilhelm Masing, initient la publication de périodiques en estonien et militent pour l’abolition du servage[1027],[1028]. Les idées du nationalisme romantique inspirent les Estoniens dans l'édification de leur nation lors du réveil national (Ärkamisaeg). Elles les amènent ensuite à l'unité politique, l'autonomie, et enfin l'indépendance au XXᵉ siècle. Un ancrage culturel, religieux et politique dans lespays nordiques est revendiqué politiquement lors de l'indépendance, notamment en raison de certaines valeurs civiques communes, entre autres venues du Luthéranisme[1029].
Sous l'occupation soviétique, la société estonienne devient une culture sécularisée[1023],[1030]. Les sciences humaines et sociales sont surveillées et réprimées. Néanmoins, l'École de Tartu, créée parJüri Lotman dans les années 1960, instaure une percée majeure ensémiotique de la culture, combinant linguistique structurale et analyse des symboles, et influence durablement les sciences humaines[1028].
Après la restauration de l’indépendance, l’Estonie adopte une variété de courants contemporains, tels que laphilosophie analytique de Madis Kõiv, renouvelant l'intérêt pour la discipline[1028]. L'Estonie revendique des valeurs communes à celles des pays nordiques, comme la rationalité, l'attachement à la liberté et à l'environnement. L'influence nordique est notable, et d'autres spécificités (telles que la confiance institutionnelle ou l'individualisme) témoignent d’un héritage distinct[1031],[1032],[1033],[1034],[1029],[1035].
Historiquement associé à des fonctions, tout au long de la vie (naissances, guérisons, rites de passages ou préparatifs funéraires), le Sauna est également un lieu de sociabilité et de rencontres entre amis ou famille ; il est parfois considéré comme sacré[1039],[1040],[1036]. Dans les campagnes, il est situé loin des fermes principales et à proximité d’une source ou d’un plan d’eau[1041].
Version originelle du Sauna finnois/estonien jusqu'auXIXe siècle, le Sauna dit « de fumée », est largement présent en Estonie[1041],[1042]. Dans la région duVõrumaa, le Sauna de fumée est inscrit sur la liste du patrimoine immatériel de l'UNESCO depuis 2014[1039],[1043]. Cette forme ancienne est caractérisée par l'absence de cheminée pour évacuer la fumée, elle nécessite un savoir-faire pour préparer le bois, le chauffage, l'évacuation, selon des règles symboliques associées[1043].
Depuis leXXe siècle, le sauna finlandais dit « classique » est le plus utilisé en Estonie, par sa facilité d'installation et d'usage[1042]. Le Sauna permet au pays de devenir une destination touristique debien-être : avec l'amélioration des technologies, des Saunas originaux sont apparus : structures mobiles, bus réaménagés, igloos, cabanes flottantes[1044]... Le folklore associé au Sauna génère des traditions burlesques : leMarathon du Sauna d’Otepää, qui rassemble chaque année des centaines de participants, ou une grande variété de festivals[1045]. L'Estonie exporte son expertise dans la construction de saunas à travers le monde[1046],[1047].
Les rites de passage (mariages,baptêmes,funérailles) conservent certains éléments du folklore traditionnel, souvent intégrés à des formes modernes ou religieuses[1048],[1049],[1050],[1051],[1052]. Le mariage donne lieu à des rituels symboliques : l’enlèvement fictif de la mariée, le changement de coiffe marquant son passage au statut d’épouse, des chants de lamentation lors du départ du foyer familial[1048],[1049],[1050]. Ces traditions sont parfois accompagnées de jeux collectifs et d’épreuves à visée humoristique, renforçant l’aspect communautaire de la cérémonie[1048],[1049],[1050].
Le calendrier folklorique estonien se distingue par un ensemble de fêtes combinant héritages préchrétiens, traditions agraires et influences chrétiennesgermaniques etscandinaves[1053].Jaanipäev (« Jour de Jean »), célébré autour du 23 juin, est la déclinaison estonienne deMidsummer, fête nordique associée au solstice d’été et à laFête de la Saint-Jean[1054]. Comme dans les pays de la région nordique, elle conserve des éléments des anciens cultes solaires : l’allumage de feux de joie, les chants populaires (regilaulud) et des pratiques rituelles comme les sauts au-dessus des flammes ou la recherche symbolique de la « fleur de fougère »[1055],[1056].
Volber/Volbriöö est la déclinaison estonienne de la « Nuit de Walpurgis », une tradition allemande et nordique (équivalent deVappu enFinlande) qui marque la transition vers l’été. Cette fête populaire dans les milieux étudiants àTartu, se caractérise par une ambiance carnavalesque et la présence de déguisements évoquant des sorcières ou des figures folkloriques[1057],[1058]
D'autres célébrations témoignent du rôle des rituels agraires dans la culture estonienne :Mardipäev (« Jour de Martin », 10 novembre) correspond à laSaint-Martin etKadripäev (« Jour de Catherine », 25 novembre), correspond à laSainte-Catherine[1059],[1060]. Ces fêtes consistent en des visites de maison en maison par des enfants déguisés, chantant pour recevoir des dons symboliques ; elles sont perçues comme l'équivalent local d'Halloween[1059],[1060],[1061]. LeVastlapäev est la version estonienne de la fête nordiqueFastelavn mélangée à la tradtion deMardi gras[1062],[1063]. Précédant le carême chrétien, ce jour donne lieu à des activités hivernales comme la luge[1063],[1062].
LeSapin de Noël deTallinn est l'une des plus anciennes traditions de sapins de Noël du monde.
La fête deNoël en Estonie découle directement de l'appropriation par lesallemands-baltes protestants deYule, l'ancienne fêtepaïenne germanique et nordique du solstice d'hiver. Elle en reprend le nom (en estonienJõul)[1064],[1065]. La ville deTallinn est la première ville au monde qui mentionne l'usage d'unsapin pour célebrer Noël en place publique, en 1441[1066].
Plusieurs manifestations contemporaines s’inspirent de traditions anciennes tout en incorporant des dimensions festives ou symboliques renouvelées. LaMuinastulede öö (« Nuit des feux anciens ») est organisée chaque année à la fin août, le long du littoral de laMer Baltique ; elle s’inspire des anciens signaux de feu maritimes et se veut un acte collectif de mémoire et d'hommage à la tradition nordique maritime de l'Estonie[1067],[1068].
D'autres évènements popularisent la culture indigène sous forme humoristique, voire d'autodérision. LeSeto Kuningriigipäev (« Jour du Royaume desSetos »), journée de valorisation de la culture du peupleSeto, propose des mises en scènes burlesques et décalées[1069],[1070]. Dans les fêtes de villages (küla peod), on organise des jeux populaires, comme le concours dePorter de femme[1071]. Ces évènements permettent de faire vivre les cultures vernaculaires et revisiter les croyances ancestrales dans un cadre ludique et distancié.
En Estonie, 12jours fériés légaux sont définis par la Loi[1072].Le1er janvier,Jour de l'an, célèbre le début de l’année[1073]. La fête nationale de l'Estonie est le 24 février, jour de la publication formelle de ladéclaration d'indépendance, acte fondateur de la république d'Estonie en 2018[1074]. Ce jour est marqué par une parade militaire et des cérémonies[1074].
Le 23 juin, Journée de la Victoire, honore la mémoire de laBataille de Cesis (1919), durant laGuerre d'indépendance de l'Estonie[1079]. Le lendemain est le jour de la Saint-Jean (Jaanipäev) ; il coïncide avec le solstice d’été, et reste l’une des fêtes les plus importantes et les plus populaires d'Estonie, alliant traditions païennes et festivité officielle[1054]. Le 20 août célèbre la restauration de l’indépendance de l’Estonie et la fin de l'occupation soviétique, en 1991[1080].
La période deNoël constitue un bloc de jours fériés. Le 24 décembre, veille de Noël, est reconnu comme jour de repos officiel où débute la Paix de Noël[1081]. Les 25 et 26 décembre, respectivement Noël et le lendemain de Noël, sont fériés, dans la continuité des célébrations chrétiennes de laNativité[1082].
L'Estonie consacre une journée à la langue estonienne : laJournée de la langue maternelle, le 14 mars, date d'anniversaire du poète et écrivainKristjan Jaak Peterson[1088]. Le 4 juin est laJournée du drapeau, qui commémore la bénédiction dudrapeau national en 1884[1089]. Le deuxième samedi d’octobre est laJournée despeuples finno-ougriens, qui souligne l'appartenance linguistique et culturelle de l’Estonie à cette famille ethno-linguistique[1090],[1091]. D'autres dates mettent à l’honneur la vie familiale et les valeurs sociales : la Fête des mères (deuxième dimanche de mai), la Fête des pères (deuxième dimanche de novembre) et la Journée des grands-parents (deuxième dimanche de septembre)[1092],[1093],[1094]. Bien qu’issus de la tradition chrétienne, leJour des Trois Rois (Épiphanie, le 6 janvier), et leJour des défunts (2 novembre) sont aussi des jours d’importance nationale[1095],[1096].
L’Estonie a des liens culturels avec lespays nordiques, perceptibles tant dans sa production artistique que dans les modes de vie et valeurs de sa population[1101]. Pour des raisons géopolitiques (rattachement habituel auxpays baltes, à l'Europe centrale et orientale, et absence de l'Estonie des structures officielles decoopération nordique), cette proximité culturelle est rarement reconnue à l'étranger[1102],[992],[1103]. L'identité nordique, en général, et sa proximité avec la Finlande, en particulier, ont été revendiquées par l'Estonie à chaque période d’émancipation et de conquête de son indépendance, tant sur les plans politiques que culturels[1104],[992],[1105],[1103],[1106].
L'Estonie a de tout temps été rattachée à l'espace cultureleuropéen. Mais son éloignement géographique et les conquêtes étrangères lui ont valu d'être à la limite dumonde occidental[1107]. Pendant l'occupation soviétique, l'accès à la culture de l'autre coté du Rideau de fer, via les radios et télévisions de la Finlande voisine, ont fait de l'Estonie le territoire le plus occidentalisé de l'URSS[974]. Son intégration dans lamondialisation en fait aujourd'hui un pays sujet à de multiples influences culturelles extérieures[1108].
Plusieurs aspects de la culture estonienne et de son patrimoine, tels que le grand nombre d'espaces naturels, ou les lieux historiques (comme la vieille ville de Tallinn), attirent les touristes du monde entier[1109]. La ville de Tallinn a attiré 1,31 Million de touristes étrangers en 2024, avec une augmentation des visiteurs venus d'Allemagne, duRoyaume-Uni, desÉtats-Unis et d'Asie[1110]. L'identité culturelle nordique de l'Estonie et le développement des nouvelles technologies ont permis de développer une véritableimage de marque nationale à partir des années 2000[1111],[1112].
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