Le propriétaire d'un esclave est quant à lui appelémaître. Défini comme un« outil animé » parAristote[4], l’esclave se distingue duserf, ducaptif ou duforçat (conditions voisines dans l'exploitation) par l'absence d'une personnalité juridique propre[5]. Des règles (coutumes,lois…) variables selon le pays et l’époque considérés, fixent les conditions par lesquelles on devient esclave ou on cesse de l'être, quelles limitations s'imposent au maître, quelles marges de liberté et protection légale l'esclave conserve, quelle humanité (quelleâme, sur le plan religieux) on lui reconnaît, etc. L'affranchissement d'un esclave (par son maître ou par l'autorité d'un haut placé) fait de lui unaffranchi, ce qui lui donne un statut proche de celui de l'individu ordinaire. Un esclave en fuite qui a échappé à sonpropriétaire est appelémarron.
Esclaves sur le pont d'un navire, vers 1900.
Au fil des siècles, trois commerces à grande échelle, lestraites négrières, ont prospéré en s'approvisionnant spécifiquement sur le continent africain : latraite orientale (17 millions de déportés, sur 13 siècles[6]), dont latraite dite arabe était la composante principale, latraite intra-africaine (14 millions de déportés, sur plusieurs siècles, et qui a lieu majoritairement auXIXe siècle[6],[7]), et latraite atlantique (11 millions de déportés, dont90 % sur 110 ans[6]). On notera que les estimations sont parfois contestées, surtout pour le nombre de victimes de latraite intra-africaine. En tout cas l'impact sociologique, culturel et économique, tant dans les régions esclavagistes qu'enAfrique, où se trouvaient les trois grandes villes du trafic d'esclaves :Tombouctou,Zanzibar etGao, est particulièrement important, et les troistraites restent fortement gravées dans les mémoires.
LaMauritanie a été le dernier pays du monde à interdire officiellement l'esclavage, en 1981[8], avec des poursuites pénales contre les propriétaires d'esclaves établies en 2007[9]. Cependant, en 2019, environ 40 millions de personnes, dont 26% d'enfants, étaient encore réduits enesclavage dans le monde malgré l'illégalité de cette pratique[10]. Plus de 50% des esclaves servent de main-d'œuvre forcée, généralement dans les usines et les ateliers clandestins du secteur privé de l'économie d'un pays. Dans lespays industrialisés, latraite des êtres humains est une forme moderne d'esclavage ; dans lespays non industrialisés, la servitude pourdettes est une forme courante d'asservissement, tels que les domestiques captifs, les personnes dans desmariages forcés et lesenfants soldats[11].
Le terme moderne « esclavage » vient dulatin médiévalsclavus : le mot « esclave » serait apparu auhaut Moyen Âge àVenise[12], où la plupart des esclaves étaient desSlaves desBalkans (alors appelésEsclavons, terme issu dugrec médiévalΣκλαβηνοί /Sklaviní, pluriel deΣκλαβηνός /Sklavinós), dont certains furent vendus jusqu'enEspagne musulmane où ils sont connus sous le nom deSaqāliba[13].
Rome pratiquant l'esclavage, comme d'autres peuples antiques, lelatin disposait de plusieurs termes pour désigner l'esclave selon son statut[14] mais celui que l'on retient généralement est le motservus qui a conduit aux termes « servile » et « servitude », relatifs à l'esclave et à sa condition. Ce mot a aussi donné naissance aux termes « serf » duMoyen Âge et aux modernes « service » et « serviteur ».
Nommer l'esclavage est difficile. La notion peut s'approcher, mais elle stigmatise, prétendant par sa seule utilisation identifier quelqu'un, et le terme est souvent refusé par qui subit l'esclavage. Ainsi Nicey Pugh, une de ces femmes qui, un jour de 1936, recevant des enquêteurs de l'État fédéral aux États-Unis qui voulaient recueillir le témoignage des derniers esclaves encore vivants leur répondit :« Je suis née esclave mais je n'ai jamais été esclave. » Et une autre femme, Abina Mansah, qui, en 1876 devait expliquer à un juge de l'Empire Britannique au Ghana si elle avait été esclave, lui a répondu qu'on lui avait dit qu'elle était esclave de son maître, et, l'apprenant, avait voulu fuir. Zhang Rhu un des meneurs d'une révolte en Chine à la fin de ladynastie Ming au17e siècle, répondant au juge qui lui demandait les motifs de l'insurrection, dit :« Je ne désirais rien d'autre que de ne plus être esclave. » Enfin, l'un des plus célèbres d'entre eux,Ésope, dont les histoires ont inspiréSocrate,Marie de France (poétesse) et tant d'autres, disait de lui-même :« Je suis un être de chair et de sang. » -[15].
Il existe deux approches pour définir l'esclavage. La première est de s'appuyer sur l'état de propriété qu'exerce le maitre sur la totalité de la personne esclave (chattel slavery, esclavage de possession)[16]. C'est l'approche de laConvention relative à l'esclavage (1926). Elle a évolué en considérant que, mieux que l'état de propriété, la possession, la contrainte par la violence du corps des victimes qualifiait mieux en droit l'esclavage. La deuxième façon d'élaborer une définition est de travailler à partir de la désocialisation et l'exclusion sociale imposées à l'esclave. Pour tirer profit de l'esclave, il s'agit de faire plus que de le déshonorer, et le sociologueOrlando Patterson qui a travaillé sur ces questions en Jamaïque et aux États-Unis montre le principe demort sociale. Ces deux modes de définition ne sont pas contradictoires. Que ça soit l'appropriation des personnes, que ça soit leur désocialisation, même lorsque ces éléments sont ponctuels, même lorsqu'ils découlent d'un contrat supposé libre, elles distinguent bien l'esclavage des autres statuts de dépendance. Elles peuvent s'inscrire dans des modalités différentes, comme celle de la race, mais elles sont toujours le produit d'une institution esclavagiste[17].
Plusieurs textes internationaux ont tenté de définir la notion d'esclavage :
laConvention relative à l'esclavage (1926) de laSociété des Nations dispose en son article premier que« L'esclavage est l'état ou condition d'un individu sur lequel s'exercent les attributs du droit de propriété ou certains d'entre eux ». L'article définit également la traite des esclaves comme« tout acte de capture, d'acquisition ou de cession d'un individu en vue de la réduire en esclavage ; tout acte d'acquisition d'un esclave en vue de le vendre ou de l'échanger ; tout acte de cession par vente ou échange d'un esclave acquis en vue d'être vendu ou échangé, ainsi que, en général, tout acte de commerce ou de transport d'esclaves »[18] ;
l'Organisation internationale du travail (OIT) a adopté en 1930 une définition dutravail forcé que l'on peut rapprocher de celle de l'esclavage :« le terme travail forcé ou obligatoire désignera tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré »[19] ;
Dans son ouvrageQu'est-ce que l'esclavage ? Une histoire globale, l'historienOlivier Grenouilleau propose une définition de l'esclavage autour de quatre caractères se combinant, selon les cas, de manières différentes :
l'esclave est un humain qui, même semblable (de race, d'origine ou de religion), est transformé en un« autre radical » à la« suite d'un processus de désocialisation, de déculturation et de dépersonnalisation faisant de lui une personne exclue des liens de parenté et ne pouvant les exercer sur ses enfants » ;
l'esclave« est possédé par son maître ». Olivier Grenouilleau préfère, à celui de « propriété », le terme de « possession » pour marquer la« dimensiontotalitaire de cette dépendance », le maître disposant de la personne de l'esclave et pas seulement de son travail :« L'État ou la puissance publique ne peut l'atteindre que par la médiation de son maître » ;
« L'utilité quasi universelle de l'esclave »,« des tâches les plus humbles et les plus déshonorantes jusqu'à de très hautes fonctions administratives et militaires » ;
quatrième caractère découlant des précédents, l'esclave« voit son humanité mise en sursis » :« Pouvant tour à tour être considéré comme une chose, un animal ou encore une machine, l'esclave demeure un homme, mais un homme frontière dont l'appartenance à la société des hommes dépend largement de la médiation de son maître »[21].
L'esclavage interne par opposition à l'esclavage externe, se caractérise par la réduction en esclavage des membres d'une communauté (religieuse,étatique,lignagère ou autre).
L'esclavage interne, pouvant être assimilé à l'esclavage pour dettes ou à cette forme amoindrie que l'on nommeservitude pour dettes, résulte de la possibilité de vendre ses enfants en esclavage, de se vendre soi-même ou d'être réduit en cette condition pour cause de dettes insolvables. Au contraire, l'esclavage externe est celui qui a pour source ultime la guerre. À l’exception possible desAztèques, il n'existerait aucun exemple de société qui pratiquerait l'esclavage interne sans pratiquer aussi l'esclavage de guerre. L'esclavage interne n'est donc pas un cas particulier de l'esclavage en général[23].
Ni l'Europe chrétienne, ni le monde arabo-musulman n'ont pratiqué l'esclavage interne[réf. nécessaire]. En revanche, à l'époqueprécoloniale destraites négrières, les deux considéraient légitimes de se pourvoir en esclaves enAfrique[24].
Il est fréquent au cours de l'Histoire que la réduction en esclavage soit le sort réservé auxprisonniers de guerre. Cette dernière est ainsi souvent un facteur de recrudescence de la pratique esclavagiste. En atteste l'afflux d'esclaves àRome à la suite de ses différentes campagnes militaires victorieuses (guerres puniques,guerre des Cimbres,guerre des Gaules[25]) ou le maintien de l'esclavage dans lapéninsule ibérique à la suite des luttes que se livrentArabes etchrétiens duVIIIe siècle auXVe siècle. Dans la période contemporaine, laguerre du Darfour est un exemple des liens entre esclavage et conflits guerriers.
Lesrazzias, pratiquées par despirates ou descorsaires au service d'une entité politique, sont un autre moyen d'approvisionnement en marchandise humaine. Dans laRome antique, la piraterieméditerranéenne alimente un commerce florissant qui possède ses intermédiaires spécialisés et ses places de commerce comme l'île deDélos. La piraterie desBarbaresques (Algériens notamment) et ses nombreuses razzias sur les côtes européennes de lamer Méditerranée restera pour sa part active jusqu'auXIXe siècle.
Lors des différentes traites au cours de l'histoire, la capture des esclaves est fréquemment assurée par des groupes n'utilisant pas eux-mêmes les esclaves ou seulement en proportion limitée. Si leslançados portugais, actifs sur le sol africain, ont approvisionné lesnavires négriers, leur participation à l'alimentation ducommerce triangulaire fut par exemple minoritaire. La grande majorité de l'approvisionnement des places de commerce d'esclaves était le fait d'États côtiers, de chefs locaux ou de marchands eux-mêmesafricains, dont l'activité s'est progressivement centrée sur le trafic d'esclaves.
De la même manière, durant l'Antiquité grecque, les marchands d'esclaves achetaient les captifs à des intermédiaires, souvent non grecs, dont les modalités d'approvisionnement nous restent largement inconnues[26]. La capture des esclaves était donc dans une large mesure « externalisée » par des sociétés esclavagistes en mesure d'établir un système durable d'échange marchand d'humains avec les sociétés qui les fournissaient en main-d'œuvre servile.
Sous laRépublique romaine, certainesinfractions entraînent la déchéance des droits civiques (capitis deminutio maxima) : les déserteurs et les citoyens qui se sont dérobés aucens peuvent ainsi être vendus comme esclaves (seruii) par unmagistrat, en dehors de Rome toutefois[28]. Sous l'Empire romain, la condamnation aux mines (ad metalla) est l'une des peines les plus redoutées (Voirinfra).
Beaucoup plus tard, auxÉtats-Unis, à l'époque de l'esclavage, lesNoirs libres peuvent être condamnés à l'esclavage pour un ensemble d'infractions juridiques assez larges : l'accueil d'un esclave fugitif, le fait de rester sur le territoire de certains États, telle laVirginie, un an après sonémancipation.
Enfants sous-alimentés à bord d'unnavire négrier arabe intercepté par laRoyal Navy britannique, 1869.
L'esclavage touche historiquement les populations les plus fragiles et en premier lieu les enfants. Le sort de l'enfant abandonné le conduisait ainsi souvent à l'esclavage enMésopotamie et plus tard enGrèce et àRome[29]. Dans ces deux dernières civilisations antiques, le « droit d'exposition » autorise l'abandon d'un enfant, le plus souvent devant un bâtiment public, untemple, par exemple. L'enfant recueilli est soumis à l'arbitraire de son « bienfaiteur » et échappe rarement à l'esclavage.
Quand il n'est pas abandonné, l'enfant peut aussi être vendu. Des contrats de vente d’enfants, datant de la troisième dynastie d'Ur, indiquent que la pratique semble être répandue au sein des civilisationsmésopotamiennes[27].
La servitude pourdette résulte d'une procédure, parfois encadrée juridiquement, qui consistait à s'acquitter d'unecréance par l'abandon de la propriété de soi à soncréancier. Elle est fréquente parmi les paysans pauvresathéniens, au point d'être interdite parSolon auVIe siècle av. J.-C. ; le RomainVarron désigne ces débiteurs insolvables sous le nom deobaerarii (qui ne sont pas considérés comme desserui ou esclaves), en précisant que cette pratique se retrouve (auIer siècle av. J.-C.) enÉgypte, enAsie et enIllyrie, mais pas enItalie[30].
Elle constitue l'une des formes d'esclavage qui persistent dans la période contemporaine.
Intérieur de fortune moyenne auBrésil,J.-B. Debret, 1823 inVoyage pittoresque et historique au Brésil, São Paulo, 1816-1831.
Latransmission héréditaire du statut d'esclave est historiquement récurrente. Les modalités et le degré de formalisation des règles de transmission sont cependant variables. Durant lapériode romaine classique, ce statut s'hérite par la mère, sans qu'aucune attention ne soit portée à la condition du père[31]. On nomme « verna » un esclave de naissance[14].
À compter d'Omar, dans la seconde moitié duVIIe siècle, un des courants dudroit musulman considère que l'enfant d'une esclave est libre si le propriétaire est le père de l'enfant. La « mère d'enfant » — le titre est officiel — est libérée à la mort de son maître[32]. La législation islamique se situe sur ce point dans la continuité des législations mésopotamiennes qui nous sont parvenues : un père libre etveuf qui épouse une esclave peut même faire de l'enfant qui naîtrait de cette union son héritier s'il l'a expressément adopté. La descendance d'une mère libre et d'un esclave est automatiquement libre[33].
AuxÉtats-Unis, si la législation est mouvante dans le temps et, surtout, différenciée selon les États, la transmission de la condition d'esclave par la mère est très largement dominante. Les premiers textes en attestant sont le statut duMaryland de 1664 et le codevirginien de 1705[34]. La loi a parfois répondu aux rares cas d'union entre femmes libres et esclaves en imposant aux enfants de servir le maître de leur père, à vie ou pour une durée déterminée[35].
Les fonctions de l'esclavage ont fortement varié selon les sociétés et les périodes historiques. En premier lieu, à la suite de l'historien américainMoses Finley, qui s'était sans doute inspiré de l'historienne des CaraïbesElsa Goveia, on opère traditionnellement une distinction sur la base de l'importance tenue par les esclaves dans l'économie générale desrapports de production et des relations symboliques. On désigne ainsi une société dont les esclaves occupent une fonction indispensable à son fonctionnement global sous les termes de « société esclavagiste », pour la distinguer des « sociétés à esclaves », qui emploient des esclaves sans en faire un maillon indispensable de leur système économique et social. L'historiographie considère généralement les sociétés antiquesgrecques[36] etromaines[30], les systèmes économiques et sociaux desAntilles[37] et duBrésil durant la période coloniale (duXVIIe siècle auXIXe siècle) et duSud des États-Unis avant laguerre de Sécession comme des exemples de sociétés esclavagistes. À l'inverse, leMoyen Âge occidental ou lemonde arabe, qui connaissent l'esclavage, sont considérées comme des sociétés à esclaves et non comme des sociétés esclavagistes[38].
Cependant, ainsi formulée, cette distinction est difficile à tenir, et elle manque de pertinence pour beaucoup de situations, particulièrement en dehors de la sphère occidentale. Aussi il est préférable de revenir à l'idée première d'Elsa Goveia, qui définissait les sociétés esclavagistes comme des sociétés où l'esclavage est non plus seulement indispensable, mais où toutes les composantes de la société, même celles qui n'en dépendraient pas directement, concourent en permanence à reproduire l'institution esclavagiste. L'esclavage y conditionne l'ensemble de l'expérience sociale, qu'un individu soit esclave ou pas, de sa sexualité la plus intime à son travail et à sa posture sociale. Cette conception permet de mieux comprendre lespolis, cités-états grecques de l'antiquité classique, la plupart des Antilles coloniales, d'ajouter l'Empire de Sokoto, organisations politiques qui correspondent à cette dimension totalitaire de l'esclavage. Dans d'autres sociétés, même si l'esclavage reste indispensable à leur survie et à leur fonctionnement, il est possible d'avoir d'autres préoccupations ; par exemple dans l'Empire ottoman du19e siècle, les esclaves tenaient des fonctions administratives et militaires, donc essentielles, leharem y jouait un role crucial, mais les esclaves n'y représentent que 5% de la population[39].
Les esclaves ont rempli au cours de l'histoire une large palette de métiers et de fonctions sociales. Dans les sociétés antiques, les esclaves sont ainsi présents dans l'ensemble dessecteurs de l'économie (dont tout lesecteur agricole etpastoral[30]), sans qu'aucun métier ne leur soit réservé en propre. Ils peuvent exercer le métier depédagogue ou demédecin, sont très présents dans les secteurs qui nécessitent la manipulation de l'argent, labanque en particulier[40], mais aussi dans l'artisanat (ateliers decéramique). Le cas fait cependant figure d'exception : il est fréquent au cours de l'histoire que des esclaves aient été exclus de certaines professions, et confinés dans les travaux considérés comme les plus dégradants.
On peut distinguer, au cours de l'Histoire, un certain nombre d'usages récurrents de l'esclavage. Dans lesecteur primaire, l'utilisation dans lesmines et lescarrières et comme main d'œuvre agricole, notamment dans l'économie de plantation, est commune à une grande partie des sociétés esclavagistes. L'esclavage domestique ainsi que l’esclavage sexuel sont, peut-être plus encore que l'utilisation strictement économique des esclaves, largement représentés tout au long de l'histoire humaine. Enfin, l'utilisation par l'État est fréquente pour l'accomplissement de tâches de travaux publics et devoirie. L'emploi d'esclaves à des fins militaires ou depolice publique, plus rare, est une des caractéristiques saillantes de lacivilisation musulmane.
Esclaves travaillant dans une mine, Grèce antique.
Dans l'Antiquité, les esclaves sont indispensables au fonctionnement des carrières qui fournissent les matériaux des grands ensembles architecturaux des grandes cités romaines ou grecques.
ÀAthènes, les esclaves sont les principaux extracteurs desmines d'argent du Laurion, nécessaires à la stabilité monétaire de la cité grecque[41]. Lauffer estime même que près de 30 000 esclaves ont pu travailler dans ces seules mines et leurs moulins de traitement[42]. Sous l'Empire, à Rome, la condamnation aux mines (ad metalla) fait partie des sanctions juridiques les plus redoutées. Au Moyen Âge, les esclaves sont utilisés, àGênes par exemple, dans l'exploitation dessalines[43]. Dans lescolonies espagnoles d'Amérique, les esclaves noirs mais surtout indiens sont massivement utilisés dans lesmines d'or, d'argent et decuivre. LesPortugais importeront de leur côté des esclaves noirs pour l'exploitation des riches gisements aurifères brésiliens duMinas Gerais, découverts à la fin duXVIIe siècle.
Souvent lié à de grands domaines, l'esclavage agricole se développa massivement dans l'Antiquité. ÀAthènes ou à Rome, il dominait dans les exploitations dont les besoins en main-d'œuvre dépassaient les seules forces d'une famille et conduisit à un « système esclavagiste absolu », c'est-à-dire qui combinait le recours à unuilicus (serf) et à une main-d'œuvre fondamentalement servile (seruus)[44],[30],[14]. ÀSparte, leshilotes, dont le statut était proche de celui d'esclave, fournissaient l'essentiel de l'approvisionnement de la cité. À la fin de laRépublique, les grandesoliveraies et les grandsvignobles de l'Italie centrale utilisaient quasi exclusivement des esclaves[45] ; l’ergastule était une des modalités de gestion de la population d'esclaves considérée comme la plus dangereuse. C'est de ces régions à forte concentration en esclaves, notamment le Sud de la péninsule et laSicile, dans des zones pratiquant un élevage extensif, que partirent les grandesrévoltes serviles auxquelles fut confrontée la République.
Malgré le développement duservage enOccident à partir duVIIIe siècle, l'esclavage resta présent dans le monde rural, notamment au sein des domaines agricoles desmonastères[46].
Esclaves de la plantation deJ. J. Smith,Caroline du Sud, 1862
Dans lemonde arabe, l'emploi à grande échelle des esclaves sur les domaines agricoles est également bien présent, notamment enIrak auIXe siècle, où vivaient dans l'esclavage plusieurs dizaines de milliers d'esclaves noirs d'Afrique de l'Est. De la même façon, lessultanats de lapéninsule Arabique et de la côte est africaine pratiquaient l'esclavage, notamment pour la production de produits agricoles (sésame,céréales, etc.). AuXIXe siècle, c'est unesociété de plantation qui se développa également dans lesultanat de Zanzibar à la suite de l'explosion de la demande enclou de girofle[47]. EnMésopotamie, les esclaves sont notamment utilisés pour la culture de lacanne à sucre, fortement consommatrice de main-d'œuvre.
Après lescroisades, l'Europe reprit ce mode d'organisation du travail dans les régions où elle tenta d'importer cette culture, notamment dans lapéninsule Ibérique et dans les îles méditerranéennes. L'exportation de cetteéconomie de plantation par les Portugais dans les îlesAtlantiques (îles Canaries,Sao Tomé), puis par eux et lesEspagnols sur lecontinent américain, s'inscrit dans la continuité de ce déplacement vers l'ouest ; ce système devient caractéristique de la colonisation américaine, qui se tourne presque immédiatement vers l’esclavage pour l'exploitation du sol. La culture de la canne à sucre fut ainsi à l'origine de latraite négrière qui se mit en place auXVIe siècle. Puis, le développement des cultures ducafé, dutabac, ducoton, etc., soutiendra, dans l'Amérique du Sud, duCentre et duNord le niveau de la demande en main-d'œuvre servile.
Famille avec ses esclaves domestiques, Brésil, 1860.L'esclaveÉsope au service de deux prêtres, parF. Barlow, 1687.
S'il n'a pas une fonction directement économique, l'esclavage domestique permet aux propriétaires de dégager un temps libre (l'otium) indispensable aux activités sociales, politiques et artistiques. Il est très répandu àRome et àAthènes, où même la plupart des citoyens pauvres possèdent souvent un esclave domestique. Ainsi, selonMoses Finley, à Athènes, tout homme, financièrement en mesure d’avoir des esclaves, en possède au moins un. Il s'agit le plus souvent d'unhomme à tout faire, qui le suit dans tous ses déplacements et, en fonction de ses ressources, d’une femme, astreinte aux tâches ménagères[48].
Quasiment absent du monde agricole, l'esclave est au contraire omniprésent dans la sphèredomestique arabe. La division sexuelle du travail est, comme dans l'Antiquité gréco-romaine, nettement marquée : là où les hommes servaient de jardiniers, gardiens et homme à tout faire, les femmes occupaient les fonctions denourrices,femme de chambre,couturières ou cuisinières[49].
La grande majorité des « petits Blancs », les paysans pauvres desAntilles françaises, possédaient eux aussi un esclave destiné aux tâches domestiques. Dans les couches les plus aisées de la société blanche ou noire, l'esclavage domestique revêt souvent une fonction ostentatoire. On évalue qu’à l'apogée de l'empire assyrien, une famille aisée deBabylone possède en moyenne de trois à cinq esclaves[50]. AuXe siècle, uncalife deBagdad, sous la dynastieAbbasside, ne possède pas moins de 10 000 esclaves[51].
L'exploitation du corps des femmes pour des fonctions reproductives ou de plaisir constitue un motif récurrent de réduction en esclavage. Lesrécits mythologiques antiques sont un indice du caractère commun que revêtait cetesclavage sexuel. Lecycle troyen mentionne à plusieurs reprises cette forme d'esclavage ; c'est notamment le sort réservé par lesAchéens aux femmestroyennes après la prise de la cité d'Asie Mineure. L'esclavage sexuel est de fait largement répandu dans l'Antiquité, par le biais de laprostitution[52] mais aussi à travers les relations entretenues entre maîtres et esclaves des deux sexes ; les témoignages semblent indiquer que ces dernières n'étaient pas rares àRome[53].
Dans lemonde arabe, l'exploitation sexuelle constitue pour Gordon Murray« la raison la plus courante d'acquérir des esclaves »[54]. Le statut deconcubine est ainsi réservé aux seules esclaves[55] ; en cas d’enfantement, ces dernières étaient protégées de la vente et pouvaient se voir accorder unaffranchissement[56]. Dans les maisons musulmanes les plus aisées, la surveillance des femmes dans lesharems est confiée à un ou plusieurseunuques, qui constituent une autre incarnation du pouvoir accordé au maître sur les fonctions de reproduction de ses esclaves. La dynastie musulmane desSéfévides ou lessultans deConstantinople entretinrent des harems de grande dimension dont le fonctionnement influa de manière notable sur la vie politique[57]. Plus généralement, harems et concubinage constituaient deux éléments fondamentaux de lasociété patriarcale.
Si aucun statut équivalent à celui de concubine n'existait dans lachrétienté, l'exploitation sexuelle des esclaves des colonies américaines était fréquente comme l'atteste le nombre élevé desmétissages qui obligea souvent les autorités à se pencher sur le statut des enfants nés de ce type d'union.
Ils sont la propriété de l'État et assurent les tâches d'intérêt général. Les esclaves sont donc employés commeouvriers (pour les travaux devoirie),secrétaires ou comptables dans les administrations essentielles au bon fonctionnement des différentsservices publics ou encore la surveillance deségouts et des bâtiments publics. Les premières apparitions de services depompiers remontent aux temps égyptiens maisRome a réutilisé ce principe avec des esclaves. Les pompiers romains (vigiles urbani) étaient très souvent appelés au feu dans les incendies criminels ou accidentels (notamment dans les immeubles romains, dénommésinsula).
Dans lamythologie grecque, pour ne pas vouloir payer les dieuxApollon etPoséidon qui lui ont construit la célèbre enceinte de sa ville, le roi deTroieLaomédon, après les avoir considérés comme ouvriers, traite ainsi les deux dieux comme esclaves et est prêt à leur lier les pieds, les vendre au loin ou leur trancher les oreilles[58].
Esclave fouetté avec unechicotte,Congo,XIXe s.LaNature représentée par une femme nourrissant à la fois un enfant blanc et un noir regarde avec compassion les Nègres esclaves maltraités,XVIIIe s.Différents objets en métal pour restreindre les esclaves,Tennessee, 1807
Depuis l'Antiquité, l'esclave est en grande majorité traité de façon inhumaine parce qu'il n'est pas tout à fait considéré comme un être humain mais se situe juste à la lisière entre l'animal et l'humain[21],[59] :
« On divise le matériel en trois catégories : le matériel vocal qui comprend les esclaves ; le semi-vocal qui comprend lesbœufs ; le muet qui comprend les chariots[61]. »
« Quant à frapper les élèves, c'est une pratique… honteuse et faite pour les esclaves, et ce qu'on accordera s'il s'agissait d'un autre âge,- vraiment injurieuse. »
Si plus tard — pour autant que les colons en tiennent compte —, leCode noir de 1685 appliqué dans lescolonies françaises impose une évangélisation catholique des esclaves, il ne leur accorde aucune personnalité politique et juridique[59] et n'oublie pas de réglementer les peines corporelles à leur infliger allant dufouet, aumarquage au fer rouge, à lamutilation (oreilles, nez, mains, jambes…) et jusqu'à lapeine de mort[62].
« SelonVictor Schoelcher, un esclave était soldé au bout de trois années de travail. Après cela, il pouvait mourir de besoin ou sous les coups »[63].
Les réseaux commerciaux ont évolué en fonction de la demande en esclaves qui s'est longtemps confondue avec les grands centres économiques et politiques. Dans l'Antiquité, les réseaux commerciaux sont tournés vers laGrèce,Carthage puis l'Empire romain. Si un trafic est attesté dès lapériode archaïque, c'est l'augmentation de la demande auVIe siècle av. J.-C. qui entraîne semble-t-il le développement d'un circuit commercial de grande ampleur[64].
Le coût d'un esclave sous Rome était de 10 mois de salaire (80sesterces par mois) pour un ouvrier moyen, soit 800 sesterces, pour acquérir un esclave[65]. Les « mauvais sujets » sont meilleur marché. Certains esclaves de qualité ou ayant développé des compétences particulières peuvent coûter bien plus cher et l'agronome romainColumelle dit préférer acheter un esclave habile et intelligent à 8 000 sesterces qui représentent une somme réellement élevée[66].
Des marchés, alimentés par des trafiquants spécialisés, fournissaient une main-d'œuvre barbare directement dans les places grecques (Corinthe,Chypre,Délos,Athènes…). ÀRome, un marché se tenait au cœur de la ville, sur leForum, près dutemple des Dioscures[67].
Après l'exploration des côtes africaines auXVe siècle, lePortugal entame une traite tournée vers les îlesAtlantiques et lapéninsule Ibérique. À l'époque moderne, ce commerce européen des esclaves évolue vers une forme transatlantique connue sous le nom decommerce triangulaire, qui perdure duXVIe siècle auXIXe siècle[69]. Les estimations du nombre de déportés varient, selon les auteurs, de 11 millions (pour Olivier Pétré-Grenouilleau[70]) à 50 millions (pour Victor Bissengué[71]). En Amérique, le Brésil est l'état ayant reçu le plus d'esclaves africains (entre 3,5 et 4 millions de personnes déportées)[72].
Les coûts élevés de l'importation de nouveaux esclaves auxÉtats-Unis puis son interdiction débouchèrent sur le développement accéléré du commerce de la location d'esclave[73].
Présentation de l'esclave blanche,L. Devedeux, avant 1874.
Pour ce qui est de la traite organisée par lesAfricains eux-mêmes, dite « traite intra-africaine », les traces écrites quasi inexistantes jusqu'auXIXe siècle rendent difficile une évaluation quantitative crédible.
La question de la rentabilité de l’esclavage émerge auXVIIIe siècle avec la pensée économique préclassique et classique. Arguant de la supériorité du travail libre, lesphysiocrates etAdam Smith ont à cette époque contesté la valeur économique de l'esclavage. On trouve aussi trace de cette argumentation chez certains penseurs desLumières et, plus tard, au sein des anti-esclavagistes. Le physiocrateDupont de Nemours résume l’ensemble des arguments avancés à l’appui de cette thèse quand il déclare que« l'arithmétique politique commence à prouver […] que des ouvriers libres ne coûteraient pas plus, seraient plus heureux, n'exposeraient point aux mêmes dangers et feraient le double de l’ouvrage »[75]. Suivant ce point de vue, la productivité est induite par l'intérêt du travailleur libre pour son travail, et par l'absence de coût d'achat et de surveillance. Pour reprendre le raisonnement de Smith, le salaire remplace avantageusement les frais d'entretien et d'achat qui incombent aux propriétaires[76].
Un des arguments les plus couramment avancés pointe ainsi le coût de surveillance et d'entretien des esclaves : les abolitionnistes, telsVictor Schœlcher, font état de l'insécurité qui règne dans les colonies esclavagistes et de la charge financière qui en résulte pour les États métropolitains sous forme d'envoi et d'entretien de troupes nombreuses, ainsi que d'indemnités à verser aux propriétaires dont les biens sont détruits à l'occasion de révoltes d'esclaves.
S'ajoutent aussi des arguments que l'on qualifierait aujourd'hui demacroéconomiques. Pour lesphysiocrates français, le développement d'un marché intérieur est indissociable du développement du travail salarié. C'est ce qui pousse les plus audacieux d’entre eux à réclamer la suppression des avantages des planteurs coloniaux qui pénalisent les cultivateurs métropolitains debetterave sur le marché dusucre.
Enfin, l'esclavage a été dénoncé comme un frein à l'innovation technique, le dynamisme industrieux des États du Nord des États-Unis étant pointé face à l’apparente stagnation de l'industrie des États du Sud.
Pour une grande part, l'affirmation de la supériorité économique du travail libre sur l'esclavage est restée sans fondement empirique. Adam Smith s'appuie pour la justifier sur« l'expérience de tous les temps et de tous les pays »[77], sans toutefois qu'aucune comparaison autre que spéculative ne vienne étayer son raisonnement.
Approches contemporaines de la rentabilité de l'esclavage
Dans les années 1860, le développement de lacliométrie a relancé aux États-Unis le débat sur la rentabilité de l'esclavage. L'irrationalité du système esclavagiste, à bout de souffle face au développement ducapitalisme du nord du pays, était alors communément admise. Outre le faible développement industriel du Sud, l'un des indices de cette crise constituait pour les défenseurs de cette thèse l'augmentation du prix des esclaves, interprétée comme une hausse du prix du travail.
L'approchecliométrique a renouvelé, non sans polémiques, les conclusions traditionnellement retenues à ce sujet. La question de la rentabilité de l'esclavage aux États-Unis ne fait aujourd'hui aucun doute, et seul son taux est encore discuté. Le taux de profit des planteurs serait, pour Meyer de 5 à 8 %, avec des pics de 10 à 13 % enCaroline du Sud ou enAlabama[78].Robert Fogel etStanley Engerman l'estiment pour leur part à« 10 % du prix de marché des esclaves », soit un niveau comparable à celui desinvestissements des industriels du Nord des États-Unis[79]. Les études américaines insistent notamment sur le fait que l'esclave est non seulement une force de travail mais aussi un investissement : pour Conrad et Meyer, l'augmentation du prix des esclaves était au contraire un indice de la croissance du marché. Fogel a par ailleurs souligné que le Sud avait développé une industrie « domaniale », dynamique bien que dépendante des productions agricoles, à travers la transformation des matières premières (sucreries,égreneuse de coton,décortiqueuse de riz,scierie, etc.)[80].
S'agissant des plantations françaises des Antilles à l’apogée du prix du sucre,Paul Butel estime que le taux de profit des planteurs oscille entre 15 et 20 %[81].
Thomas Piketty considère notamment que lors du premier âge colonial, le prix des esclaves était l'équivalent d'environ 20 ans de salaire, à cela il faudrait rajouter les coûts tels que la nourriture et les vêtements[82].
En 1944, l'historienEric Williams (qui devint Premier ministre deTrinité-et-Tobago) publie l'ouvrage classique,Capitalisme et esclavage, dans lequel il approche la question essentiellement à partir de l'angle économique. Selon lui, latraite négrière et le modèle d'économie de plantation desCaraïbes aurait permis l'accumulation primitive nécessaire à l'industrialisation de l'Angleterre[83]. Au bout d'un moment, l'esclavage serait devenu non-rationnel d'un point de vue économique et capitaliste ; cette raison structurelle expliquerait, selon lui, l'abrogation de l'esclavage, davantage que la volontéidéaliste ethumanitaire des penseurs desLumières[83]. Le livre mettait ainsi en pièces l'historiographie traditionnelle (Reginald Coupland(en) ouG. M. Trevelyan) qui célébrait les héros idéalistes de l'abolition, affirmant qu'il s'agissait avant tout d'une question économique. Quoique discutée, la thèse eut une influence importante[83]. En 1940, Coupland pouvait ainsi soutenir, dans laCambridge History of the British Empire(en), que l'abolition britannique de l'esclavage s'était faite à l'encontre des intérêts économiques, grâce à l'influence des penseurshumanistes ; en 1965,John D. Hargreaves(en), dans laNew Cambridge Modern History(en), devait au contraire affirmer que les abolitionnistes marchaient de pair avec les intérêts économiques abolitionnistes[83]. Par la suite, toutefois, l'historiographie a revu nettement à la baisse l'importance économique de l'esclavage antillais en ce qui regarde l'accumulation primitive anglaise, bien que la réfutation du récit idéaliste demeure largement partagée[83].
À Rome, les esclaves se sont révoltés plusieurs fois, notamment ceux qui ont suiviSpartacus, un anciengladiateur qui fut tué avec ses compagnons lors de latroisième guerre servile (entre73 et71 av. J.-C.). Seuls les esclaves malades ou infirmes furent libérés, ou abandonnés par leurs maîtres.
Le marronnage était le nom donné à la fuite d'un esclave hors de la propriété de son maître enAmérique, auxAntilles ou dans lesMascareignes à l'époque coloniale, et des esclaves ont fugué ou fui tout au long de l'histoire. Le fuyard lui-même était appelé « marron » ou « nègre Marron », « negmarron » voire « cimarron » (d'après le termeespagnol d'origine).
Esclaves marrons près de leur habitation auSuriname.
Aux Antilles, si l'esclave marron recherché était intercepté, une récompense est remise au preneur par le propriétaire et la loi du 3 octobre 1671 permet qu'on coupe les jarrets du fuyard[84] ; celle du 12 juin 1704 rappelle qu'on lui coupe les oreilles et qu'on le marque au fer de lafleur de lys, et la condamnation à mort a lieu« a la troisieme foiz qu'ils ont esté marons »[85]. Dans leurs tentatives d'évasion (ou desédition), certains esclaves noirs ont pu bénéficier de la complicité deBlancs, comme l'indique un arrêt du Conseil supérieur[86] de l'île Martinique aux Antilles du 26 juillet 1710 visant à les juger[87].
À Rome, l’affranchissement peut se dérouler de plusieurs façons différentes :
la première est par testament du maître (=testamento), c’est le cas le plus fréquent ;
la seconde est lecens, dénombrement de la population tous les cinq ans : le maître inscrit l’esclave sur la liste, ce qui en fait un affranchi ;
la troisième est par décision judiciaire : le maître ou un magistrat touche l’esclave de sa baguette (=vindicta) et prononce les mots suivants :« je dis que cet homme est libre. »
la cinquième est la procréation : la femme esclave est affranchie à la naissance du troisième enfant mâle, esclave de naissance (uernae), qu'elle met au monde[30] ;
enfin, la dernière possibilité est le rachat de sa liberté avec un pécule (=peculium, i n.).
Malgré cet affranchissement, l'esclave n'a pas tous les droits d'un citoyen romain, seul son fils en bénéficiera.
Itq Raqīqah, certificat d'émancipation d'une esclave, selon laloi islamique, 1726.
L'esclavage n'étant pas prohibé par l’islam, les pays musulmans hésitèrent et tardèrent encore plus que lesEuropéens à l'abolir :Albert Londres, dansPêcheurs deperles, signale du trafic régulier d'esclaves en Arabie en1925.
LePakistan a été le dernier pays à abolir l'esclavage, en 1992, ce qui est très tardif au regard des normes internationales. Sa législation reste incomplète et ne s'est pas accompagnée de moyens de contrôle de sa mise en œuvre[88].
EnMauritanie, en dépit de son abolition officielle - très tardive au regard des normes internationales - en 1981, l'esclavage est une pratique qui persiste, concernant entre 10 et 20 % d'une population totale de 3,4 millions d'habitants[96],[97], soit 340 000 à 680 000 esclaves. Toutefois, le, leParlement du pays a adopté une loi criminalisant l'esclavage, désormais puni de dix ans d'emprisonnement[98].
L'esclavage est théoriquement légalement aboli dans les colonies anglaises en1838, auxÉtats-Unis, en1865, dans toutes les colonies et possessions françaises d'Amérique en1848[100]. Le Portugal abolit l'esclavage en 1869[101].
Traite des esclaves du temps de Marraba, roi desMandingues, 1860
Au Moyen Âge, l'esclavage est interdit par l'Église catholique. Il disparaît ainsi d'Europe avant l'an mil[102],[103].
En 1435, le papeEugène IV par labulle papaleSicut dudum condamne l’esclavage des indigènes desCanaries. Cependant en 1454, la bulle du pape Nicolas V,Romanus pontifex, légitime de fait l’esclavage des Africains[104]. En 1537, la bulle pontificaleSublimis Deus du pape Paul III, étend l’interdiction de l'esclavage aux Indiens d’Amérique et aux futurs peuples qui seraient découverts par les chrétiens. En 1839,Grégoire XVI condamne enfin explicitement l’esclavage des Africains (bulleIn Supremo Apostolatus), aidant ainsi à l’abolition par les pays catholiques qui ne l’avaient pas encore fait[105].
Avec lesGrandes découvertes, il reprend dans les colonies des pays d'Europe. Il concerne au début les peuples amérindiens, mais l'Église catholique l'interdit avec lePastorale officium. Il est alors pratiqué sur des esclaves achetés en Afrique et transportés dans les colonies majoritairement catholiques comme celles de France et du Portugal. L'esclavage est aboli dans les colonies portugaises en 1773[106]. En France, l'abbé Grégoire fonde en 1788 laSociété des amis des Noirs opposée à l'esclavage.
En 2000, le papeJean-Paul II reconnaît finalement tous les péchés commis par l’Église catholique, dont la pratique de l’esclavage par certains de ses membres dans l'Histoire, et en demande le pardon à Dieu[107].
Ainsi auxÉtats-Unis, les tensions croissantes au sujet de l'esclavage entre abolitionnistes et partisans aboutissent à des scissions qui coupent les Églises en deux, sur un axe Nord-Sud, suivant les perceptions sociales dans les états. En 1844, un groupe d’églises en désaccord avec l’abolitionnisme de la Methodist Episcopal Church (devenueUnited Methodist Church) l’a quitté pour former la Methodist Episcopal Church, South (qui a fusionné avec laUnited Methodist Church en 1968)[122]. En1845, un groupe d’églises en désaccord avec l’abolitionnisme de la Triennial Convention (devenueAmerican Baptist Churches USA) l’a quitté pour former laSouthern Baptist Convention[123]. En 1995, laSouthern Baptist Convention a adopté une résolution qui reconnaissait l’échec de leurs ancêtres à protéger les droits civiques des Afro-Américains[124].
LeBrésil a été le dernier pays d'Amérique à abolir l'esclavage, en 1888, par laLoi d'or (Lei Áurea), sans compensation pour les propriétaires. Cette loi fut signée par la Princesse régenteIsabelle, pendant l'absence à l'étranger de son père, l'EmpereurDom Pedro II[125].
En France, l'esclavage, déjà peu pratiqué à l'époque, est définitivement aboli en1315 par le roiLouis X. Son ordonnance du,« portant affranchissement des serfs du domaine du roi, moyennant finance »[127], pose le principe que« selon le droit de nature, chacun doit naistre franc », et donc,« nous considerants que nostre royaume est dit, et nommé le royaume des francs, et voullants que la chose en vérité soit accordant au nom », dispose que par tout le royaume« telles servitudes soient ramenées à franchise », c'est-à-dire peuvent toujours être rachetées, contre juste dédommagement des ayants-droit.
En 1642, le roiLouis XIII autorise officiellement la traite des Noirs, et donc l'esclavage dans lesAntilles françaises (mais pas en métropole)[128]. En1685, son filsLouis XIV promulgue le « Code noir », améliorant le traitement des esclaves dans les Antilles françaises, mais développant en même temps le commerce triangulaire, qui sera considérable au siècle suivant. L'ordonnance est appliquée aux Antilles en 1687, puis étendue enGuyane en 1704, àla Réunion en 1723, et enLouisiane en 1724. Si le principe de l'absence d'esclaves en métropole est rappelé en 1696 par leSecrétaire d'État à la MarineLouis de Pontchartrain, son prédécesseurJean-Baptiste Colbert de Seignelay avait laissé faire, voire encouragé la possession d'esclaves à la Cour. Les dissonances entre droit coutumier et Code noir obligentJérôme de Pontchartrain, fils et successeur de Louis au secrétariat d'État à la Marine, à préciser que la condition servile s'applique à nouveau sur les Noirs passés par la métropole et rejoignant l'outre-mer[129].
Pendant larégence duduc d'Orléans, un édit paraît en octobre 1716, permettant aux colons d'amener leurs esclaves en métropole« pour leur faire apprendre quelque métier dont les colonies recevraient beaucoup d'utilité », à condition que les maîtres respectent les procédures d'enregistrement de l'amirauté. Malgré le refus duparlement de Paris d'adopter cet édit, ceux deRennes,Rouen etBordeaux, liés aux armateurs deSaint-Malo, deNantes, duHavre ou deBordeaux, l'avalisent. Toutefois, la légèreté de certains propriétaires omettant de faire les déclarations nécessaires, et le refus continu du parlement de Paris d'appliquer cet édit permet à certains esclaves de retrouver leur liberté. Le 15 décembre 1738, le roiLouis XV rappelle par une déclaration officielle le devoir des colons concernant les procédures d'enregistrement, et leur impose également un délai de trois ans d'apprentissage maximum, la confiscation des esclaves par la Couronne étant prévue en cas de dépassement de ce délai[129].
L’Assemblée nationale de 1790 avait réaffirmé par deux fois (décret du 8 mars[130] et du) la légalité de l’esclavage et ce n’est que confrontée à la révolte des esclaves des colonies (Saint-Domingue notamment) que la Convention décrète sonabolition en 1794[131].Nombre de dirigeantsgirondins étaient opposés à l'esclavage mais leur base politique était en grande partie constituée de la bourgeoisie commerçante des ports de la côte ouest, vigoureusement opposée à une mesure mettant ses profits en péril. En conséquence, les Girondins n'étaient pas immédiatement disposés à mettre leurs idées en pratique. En revanche, les classes populaires qui soutenaient lesJacobins n'avaient aucun intérêt matériel à la poursuite de l'esclavage et pouvaient s'identifier aux souffrances des Noirs[132].[citation nécessaire]
Les mobiles pratiques de cette mesure n'excluent pas toute considération de principe, comme en témoigne l'emploi au cours du débat de l'expression de « crime de lèse-humanité »[133]. Cependant le décret sera abrogé en 1802 parNapoléon Bonaparte qui rétablit l'esclavage« conformément aux lois et règlements antérieurs à 1789 »[134] sous l'influence, notamment, dutraité d'Amiens.
De retour de l'île d'Elbe en1815,Napoléon décrète l'abolition officielle de la traite des Noirs, qui aligne la France sur la décision que vient de prendre lecongrès de Vienne. Napoléon abolit la traite notamment pour se concilier la Grande-Bretagne, mais aussi par conviction. Comme l'indique l'historien Jean-Joël Brégeon, Napoléon n'était initialement pas favorable au rétablissement de l'esclavage[135]. Il imaginait un nouveau statut transitoire adapté à chaque colonie. Néanmoins, l'état d'insurrection de Saint-Domingue imposait d'y remettre de l'ordre. Par ailleurs, tout un « parti créole » exigeait le retour des esclaves dans les plantations[135]. L'historien Jean-François Niort explique : « Manipulé par le lobby esclavagiste, Bonaparte pense que la Guadeloupe est à feu et à sang – ce qui est faux – et que le rétablissement de l’ordre passe par le rétablissement de l’esclavage »[136].
L'abolition de la traite par Napoléon, est confirmée par letraité de Paris le.
L'ordonnance du signée parLouis XVIII interdit la traite des esclaves dans les colonies françaises, cependant la traite continue de manière plus clandestine.
En1848,Victor Schœlcher fait adopter ledécret d'abolition de l'esclavage dans les colonies d'Amérique, qui avait perduré, malgré l'arrêt théorique de tout approvisionnement depuis l'interdiction de la traite. Le 5 mars, 250 000 esclaves des Colonies françaises d'Amérique sont émancipés[137].
Le décret du a accordé aux Français résidant à l'étranger (dans des pays où l’esclavage n’était pas aboli, notamment Brésil, Cuba, Porto-Rico, Louisiane) possesseurs d'esclaves un délai pour se défaire de cette « possession ». Ce délai a été prorogé par une loi du et a expiré le. Cette loi a été prise car certains états esclavagistes soit ne permettaient pas un affranchissement en masse, soit exigeaient des maîtres qui voulaient émanciper leurs esclaves, de prendre en charge leur retour en Afrique[138].
L'esclavage pratiqué par les populations autochtones se poursuit néanmoins en Algérie et au Sénégal. Après 1880, laTroisième république colonise d'autres pays d'Afrique dont des pays musulmans qui pratiquent l'esclavage légalement. Cet esclavage sera parfois toléré par l'administration locale.
« Pour la seule Afrique occidentale française, on estime, vers 1900, à environ deux millions le nombre des esclaves sur près de huit millions d'habitants, soit le quart de la population. Ils sont 400 000 en Guinée sur un million d'habitants — c'est la proportion la plus forte — , 500 000 en Côte-d' Ivoire, 200 000 au Sénégal, etc[139]… »
Il est théoriquement aboli dans les pays colonisés, comme le Sénégal en 1905, mais continuera à être pratiqué clandestinement par les autochtones jusqu'à leur indépendance. Il y est en général toujours pratiqué clandestinement, comme au Mali.
L'esclavage est légalement aboli dans les colonies par la France. Cependant, la France met en place le « travail forcé », pratique qui consistait à réquisitionner de force des travailleurs indigènes pour l’administration coloniale ou pour des entrepreneurs privés[140]. Le travail permet un maigre salaire, quelques droits, ainsi que des conditions meilleures, mais reste une contrainte pour les indigènes, qui ne bénéficient pas des mêmes droits que les citoyens français, et se sentent exploités. Le travail forcé a été aboli en 1946 (loiHouphouët-Boigny du).
La question de l'esclavage avait conduitAbraham Lincoln à en promettre l'abolition s'il était élu. Son élection amena les États du Sud à demander la sécession. Celle-ci leur fut refusée car elle aurait privé les caisses fédérales de l'essentiel de ses impôts[réf. souhaitée], d'où laguerre civile, diteguerre de Sécession, qui s'ensuivit et fut le conflit le plus meurtrier de toute l'histoire du pays.Le Texas avait déjà fait sécession d'avec leMexique quand celui-ci avait, lui aussi, aboli un peu plus tôt l'esclavage[réf. nécessaire].
Lors del'indépendance américaine, malgré l'opposition dePères fondateurs des États-Unis abolitionnistes commeBenjamin Franklin etBenjamin Rush, sous la pression des riches propriétaires de plantations de laCaroline du Sud et de laGéorgie, afin d'éviter un éclatement entre les États du Sud et ceux du Nord, un compromis est établi par l'alinéa 1 de la section 9 de l'article premier de laConstitution des États-Unis de1787, où il est écrit : « L'immigration ou l'importation de telles personnes que l'un quelconque des États actuellement existants jugera convenable d'admettre ne pourra être prohibée par le Congrès avant l'année1808, mais un impôt ou un droit n'excédant pas 10 dollars par tête pourra être levé sur cetteimportation. » ; disposition ambiguë qui sans reconnaître l'esclavage autorise l'importation d'esclaves, et donc de façon implicite le droit à posséder des esclaves. Les deux textes fondateurs des États-Unis, laDéclaration d'indépendance de1776 et laConstitution des États-Unis de1787, étant équivoques, sont des textes sur lesquels ni les esclavagistes ni les abolitionnistes peuvent s'appuyer laissant la porte ouverte aux débats. Ainsi commence la longue histoire des Afro-Américains dans leur quête de leur citoyenneté américaine et des droits civiques qui y sont liés[147].
En1822, leLiberia est fondé par une société américaine de (American Colonization Society, « la société nationale d'Amérique de colonisation »), pour y installer des esclaves noirs libérés[149],[150]. En1931, le journalisteGeorge Schuyler publieSlaves Today : A Story of Liberia, roman dénonçant la perpétuation de l'esclavage domestique dans le pays[151]. La même année, laSociété des Nations (SDN) condamne les conditions de travail forcé imposées aux autochtones par les Américano-Libériens pour le compte de multinationales de l’industrie ducaoutchouc. Le scandale contraint le gouvernement à la démission. En1936, le nouveau gouvernement interdit letravail forcé.
Coolie vers1900 àZhenjiang enChine impériale. Le piquet debambou sur lequel il se tient servait à hisser et transporter le paquet à ses pieds, tenant le piquet sur son épaule et le paquet appuyé contre son dos. Sur le côté gauche de l'image, en arrière-plan, un autre homme utilise la même technique pour porter une lourde charge.
L'esclavage enChine impériale a revêtu de nombreuses formes au cours de l'Histoire. Plus modérée que l'esclavage aux États-Unis ou dans lemonde arabe, la mentalité chinoise considère ses esclaves comme à mi-chemin entre l'humain et l'objet (半人,半物, bànrén, bànwù)[154].
Les empereurs ont à plusieurs reprises tenté d'interdire l'esclavage privé car les esclaves étaient plus dévoués à leur maître qu'à leur souverain. Ils pouvaient devenir des meurtriers si leur maître le leur ordonnait ; les esclaves privés étaient devenus dangereux pour la société. L'esclavage fut à plusieurs reprises aboli, jusqu'à la loi de 1909[155],[154], pleinement entérinée en 1910[156], bien que la pratique de l'esclavage ait perduré jusqu'au moins 1949[157].
SelonAlexandra David-Néel,« une sorte d'esclavage » subsistait encore, dans lesannées 1950, dans maintes parties duTibet. Attachés à une famille particulière, les esclaves en constituaient une grande partie de la domesticité. Cet esclavage, qui n'était pas légal, reposait sur la coutume, laquelle, au Tibet, avait force quasiment de loi[158]. L'existence de cet esclavage ancillaire avait déjà été signalée par sirCharles Alfred Bell pour lavallée de Chumbi au début duXXe siècle[159].
des formes d'esclavage contemporain ont pu exister dans lescamps de travail forcé des puissancestotalitaires (camps nazis,Goulag,Laogaï et autres) mais sont également présentes dans les paysdémocratiques (notamment sous forme detravail clandestin) : 21 millions de personnes y sont soumises dans le monde selon une estimation de l'OIT, 90 % étant exploitées dans l’économie privée, par des individus ou des entreprises (22 % victimes d’exploitation sexuelle et 68 % victimes du travail forcé dans des activités économiques comme l’agriculture, la construction, le travail domestique ou la production manufacturée), 10 % subissant des formes de travail forcé imposées par l’État (notamment en prison, dans l’armée nationale ou dans les forces armées rebelles)[164] ;
la pratique desenfants soldats, également assimilable à une forme d'esclavage, d'autant qu'à l'emprise psychologique mise en œuvre sur des enfants, s'ajoute la dépendance physiologique obtenue par l'usage de drogues fortes ;
auSoudan, des chrétiens ont été enlevés par l'armée puis vendus à des musulmans[166] ;
auPakistan, des chrétiens travaillent comme esclaves pour des musulmans dans des briqueteries[167] ;
enMauritanie, des musulmans sont esclaves d'autres musulmans ;
Il y aurait en 2023, 800 000 esclaves auMali[168].
Selon les chiffres de l'Indice mondial de l'esclavage (Global Slavery Index 2014)[169] élaboré par lafondation Walk Free(en), une ONG internationale ayant son siège social àPerth (Australie), le monde comptait en 2014 près de 36 millions de personnes prisonnières d'une forme ou d'une autre d'esclavage moderne (ce chiffre s'élève en 2019 à 40 millions selon l’Organisation internationale du travail (OIT) et la Rapporteuse spéciale sur les nouvelles formes d’esclavage[170]) : travail forcé, traite d'êtres humains, servitude pour dettes, mariage forcé et exploitation sexuelle[171],[172]. Tous les 167 pays étudiés compteraient des esclaves au sens moderne du terme. Les deux continents comptant le plus d'esclaves seraient l'Asie et l'Afrique : l’Inde (14,3 millions de victimes de l'esclavage), la Chine (3,2 millions), le Pakistan (2,1), l’Ouzbékistan (1,2), la Russie (1,1) ; puis le Nigeria, laRépublique démocratique du Congo, l’Indonésie, le Bangladesh et la Thaïlande[172]. En pourcentage de la population, les pays comptant le plus d'esclaves seraient la Mauritanie (4 % ; l'esclavage y est héréditaire, les Maures noirs étant esclaves des Maures blancs de génération en génération), l’Ouzbékistan (3,97 %), Haïti, le Qatar, l’Inde, le Pakistan, la République démocratique du Congo, le Soudan, la Syrie, et la Centrafrique[172].
Cet indice est toutefois très controversé. Selon les chercheurs Andrew Guth, Robyn Anderson, Kasey Kinnard et Hang Tran, l'examen des méthodes de l'Indice révèle d'importantes et graves faiblesses, et soulève des interrogations quant à sa validité et son applicabilité. De plus, la publicité accordée à l'Indice conduit à l'utilisation de données erronées dans la culture populaire et par des organes et organismes de presse reconnus ainsi que par des revues universitaires et des responsables politiques[173].
Le statut d'esclave est soutenu par le Centre de recherches et de fatwas deDaech qui a établi que ces pratiques existaient déjà auMoyen Âge, avant que l'esclavage ne soit aboli[177]. Selon un document daté du, présenté par l'agence de presse Iraqi news[178], l'État islamique aurait fixé le prix de vente des femmesyésides ou chrétiennes, comme esclaves, entre 35 et138 euros.« Une fillette âgée de un à neuf ans coûterait 200 000 dinars (soit138 euros), une fille de dix à vingt ans 150 000 dinars (104 euros), une femme entre vingt et trente ans 100 000 dinars (69 euros), une femme entre trente et quarante ans 75 000 dinars (52 euros) et une femme âgée de quarante à cinquante ans 50 000 dinars (35 euros) ». Le document mentionne l'interdiction« d'acheter plus de trois femmes », sauf pour les« Turcs, les Syriens ou les Arabes du Golfe »[179].
Le prix des esclaves noirs de Libye était de 350 dinars soit 220 euros[183].
En novembre 2017, des journalistes de la chaîne américaineCNN filment des scènes de vente de migrants comme esclaves. L'Organisation des Nations unies condamne une situation « inhumaine ». La Libye promet une enquête[184]. Le Canada compte accueillir plus de 750 anciens esclaves de Libye, entre 2017 et 2021[185].
Cas des mines en Afrique centrale et mondialisation
La pauvreté et l'instabilité politique enAfrique centrale, les importantesflux migratoires incontrôlés dues aux conflits armés (Soudan, Somalie, Ouganda, République Démocratique du Congo…), ainsi que les richesses des sols deCentre-Afrique, ont entraîné l'apparition d'organisations minières illégales exploitant des centaines de milliers de clandestins souvent mineurs dans lesmines decobalt[186],[187], ou pratiquant l'« esclavage sexuel » et le « travail forcé » dans lesmines d'or et dediamant[188],[189],[190].
La justice s'applique difficilement dans cette région du monde, et il est difficile d'identifier les causes exactes de cetesclavage moderne ni la gravité de la situation. Cependant, bien que les responsables directs soient les communautés armées locales, leur trafic existe grâce aux entreprises occidentales ou asiatiques (automobile,téléphonie,joaillerie…), qui achètent à des prix intéressants[réf. nécessaire][191] le cobalt, l'or et les diamants, indispensables à l'économie mondiale de lamicro-informatique et duluxe, tout comme le trafic d'esclaves existait auparavant pour fournir des denrées et des biens de consommation plus modestes (sucre, coton…).
Le cas desmines africaines n'est qu'un exemple d'un certain nombre d'organisations mondiales qui exploitent les Hommes au profit des économies occidentale, asiatique ou russe (comme hier, au profit des économies occidentale, arabe ou asiatique). En effet, laCorée du Nord est notamment connue pour exporter ses travailleurs forcés aux quatre coins du monde[192],[193]. L'exploitation des clandestins dans les chantiers auQatar au Moyen Orient[194] ou encore dans lestanneries espagnoles, fournisseurs du luxe de grandes marques[195], sont encore d'autres exemples d'exploitation humaine moderne. Finalement, la valeur générée par tous ces travailleurs forcés ou esclaves, parfois mineurs, se retrouve, du fait de la mondialisation, dans les biens de consommation, la nourriture, les mobiliers et immobiliers des millions de personnes des catégories sociales les plus aisées du monde.
Il existe un débat pour dire que lagestation pour autrui (GPA) relève de l'esclavage. Les arguments en ce sens sont que (1) la mère porteuse ou gestatrice subit des restrictions de sa liberté d'agir, y compris dans sa vie personnelle, (2) l'enfant est l'objet d'un contrat qui sera remis contre une rémunération, (3) desgamètes peuvent éventuellement être acquis. La philosopheSylviane Agacinski, par exemple, voit dans la GPA« une forme inédite d'esclavage » qui« s'approprie l'usage des organes d'une femme et le fruit de cet usage »[196].
2006 marque l'année de la reconnaissance de la responsabilité historique de l'État français à propos de l'esclavage, dont les victimes seront dorénavant commémorées tous les 10 mai. Ce jour est également l'anniversaire de l'adoption de laloi Taubira, étape de la démarche mémorielle touchant à l'esclavage, qu'elle qualifie en particulier de « crime contre l'humanité ».
La place réservée dans la mémoire collective à certaines personnalités est également notable, ainsi les « nègres marrons » etSolitude (vers 1772-1802), figure historique de la résistance des esclaves noirs enGuadeloupe et héroïne de labiographie romancée,La Mulâtresse Solitude, d'André Schwarz-Bart, publié en 1972.
↑Cf. pour l'étymologie du mot « slave » Alberto Manco, « On the toponym Schiava ‘slave’ »,Indogermanische Forschungenno 113, 2008.
↑Francis Conte,Les Slaves, Bibliothèque de l'Évolution de l'Humanité,Albin Michel, 1996,p. 91-96.
↑ab etcDans la Rome antique, les esclaves sont généralement appelésserui.Le motuilicus désigne un intendant ou régisseur de condition servile (souvent un ancien esclave ou un « mignon » récompensé) qui a la responsabilité d'une exploitation agricole (uilla) et sous ses ordres des esclaves (seruus/serui).Lauilica issue des esclaves, et concubine duuilicus, doit s'occuper d'un certain nombre de tâches dans lauilla, qui n'est pas le travail de production.Lesmonitores ou lesoperum magistri (sorte decontremaîtres ou « kapos ») sont des esclaves gradés travaillant sous la responsabilité duuilicus et assurant l'encadrement des travailleurs et autres esclaves (serui etoperarii).Les esclaves non-enchaînés sont appeléssoluti.Lescompediti, lesuincti ou lesadligati (selon leurs fonctions) sont des esclaves enchaînés, et ceux enchaînés en permanence sont généralement appelésserui uincti ouserui rustici.Dans l'économie pastorale, les esclaves-bergers (seruitia) sont en général d'origine gauloise et encadrés par unmagister pecorum, lui-même esclave.A tous ces hommes sont adjoints des femmes-esclaves (desconserua) chargées de préparer leur nourriture, de procréer et d'abattre autant de travail qu'eux. Elles sont affranchies quand elles ont mis au monde plus de trois enfants mâles.Les esclaves nés au domaine agricole ou dits « esclaves de naissance » sont appelésuernae.Martin René, « Familia rvstica : les esclaves chez les agronomes latins », lireen ligne
↑abcde etfMartin René. « Familia rustica : les esclaves chez les agronomes latins ». In:Actes du colloque 1972 sur l'esclavage. Besançon 2- 3 mai 1972. Besançon : Presses Universitaires de Franche-Comté, 1974. pp. 267-297. (Actes des colloques du Groupe de recherche sur l'esclavage dans l'antiquité, 3).Lire en ligne.
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↑Dans nombre de pays, des lois punissent le proxénétisme mais tolèrent laprostitution à condition qu'elle soit volontaire et tant que cela ne trouble pas l'ordre public. Celle-ci est conforme à la déclaration desDroits de l'homme autorisant chaque adulte à faire ce qu'il veut (ou peut) de sa personne.
↑Anecdote : le : condamnation de la France qui n'a pas respecté l'article 4 de la convention européenne des droits de l'homme sur l'esclavage. Paris n'a pas assez condamné un cas d'esclavage domestique sur une jeuneTogolaise, Siwa-Akofa Siliadin, dans lesannées 1990 (voirLe Monde.
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