Unescadron de la mort est le nom couramment donné à un groupe armé qui organise, généralement en secret, desexécutions sommaires ou desenlèvements d'activistes, dedissidents, d'opposants politiques ou économiques ou toute personne perçue comme interférant avec une politique ou ordre social établi. Les escadrons de la mort sont souvent associés, d'une manière ou d'une autre, aux méthodes derépression orchestrées par lesdictatures ou les régimes totalitaires. Ils mettent en œuvre une politique deterrorisme d'État décidée par ou avec l'accord tacite des plus hauts échelons du pouvoir. Les escadrons de la mort peuvent être une police secrète, un groupe paramilitaire ou une unité spéciale d'un gouvernement ou ont été détachés des membres de la police ou de l'armée.
On distingue, en général, les escadrons de la mort desterroristes dans le fait que leur violence est utilisée pour maintenir unstatu quo plutôt que pour rompre avec l'ordre social existant.
Bien que le terme d'« escadron de la mort » ne se soit popularisé qu'avec l'émergence de ces groupes en Amérique centrale et du Sud pendant lesannées 1970 et1980, l'existence de ces escadrons est attestée en bien d'autres lieux et époques : ainsi, après laguerre de Sécession américaine, certains groupes affiliés auKu Klux Klan eurent des activités apparentées à celles d'escadrons de la mort envers les Noirs des États du Sud. Après la chute duKaiserallemand, des escadrons d'anciens combattants, lesFreikorps, furent également utilisés dans lesannées 1920 pour mater les révoltes communistes. En Italie, dès 1919, les anciens combattants de la droite nationaliste se regroupèrent dans desSquadre et menèrent une lutte armée (qui passa progressivement de la simple rixe à la bataille rangée) contre la gauche qui entretenait des troubles sociaux (grèves, occupations de terre et d'usine...). Cependant à la différence des escadrons de la mort latino-américains lessquadre italiennes étaient des créations spontanées qui n'entretenaient aucun lien de subordination avec les pouvoirs publics.
C'est cependant au cours desannées 1930 que la violence militaire dirigée contre les populations civiles prend de l'ampleur. Le gouvernementsoviétique deJoseph Staline met en place des unités spéciales duNKVD pour traquer et éliminer les opposants politiques durant lesGrandes Purges. Sans pouvoir être qualifiées d'escadrons de la mort proprement dit, puisqu'elles agissent dans un cadre légal, elles conduisent des actions assez semblables dans les faits à celles qui seront conduites enAmérique latine après guerre. Nombreux seront les simples passants raflés et exécutés pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment.
Adolf Hitler fait à la même époque un usage tout aussi massif de laviolence d'état, commençant lors de laNuit des Longs Couteaux et culminant lors de l'invasion de l'Union soviétique en1941. Suivant la progression de laWehrmacht, quatre unités spécialisées, lesEinsatzgruppen A à D s'occupaient d'éliminerjuifs,communistes,partisans et autres « indésirables » dans les zones occupées de l'Est. Entre 1941 et1944, le nombre de victimes de ces Einsatzgruppen a été estimé à près de 1,2 million de personnes.
Toujours pendant laSeconde Guerre mondiale, l'Armée impériale japonaise utilise également des unités militaires pour terroriser et soumettre les populations des territoires nouvellement conquis.
Après guerre, durant laguerre d'Algérie, l'armée française, forte des enseignements tirés de son échec enIndochine, met au point des techniques de répression et de contrôle des populations civiles qui serviront de modèle aux dictatures d'Amérique du sud[1].
En 1961, dans le cadre de la lutte anti-OAS, l'avocat gaullistePierre Lemarchand a recruté dans les prisons de la région parisienne des détenus pour constituer ce que l'on appellerait les « barbouzes anti-OAS ». Le recours à des truands permettait au pouvoir gaulliste de nier toute implication dans les méthodes extralégales utilisées contre les ultras de l'Algérie Française. DansLes Nettoyeurs,David Defendi fait référence à ce douloureux épisode de l'histoire dugaullisme.
Néanmoins, l'emploi de truands n'est pas sans risques ni conséquences puisque les « barbouzes » survivantes ont utilisé leurs liens avec la sphère gaulliste (Services de Renseignement, police,SAC) dans le but d'obtenir des protections pour leurs affaires illégales. L'alliance truands-police-SR donnera lieu à certains cafouillages dont le plus célèbre est l'affaire Ben Barka.
Les escadrons de la mort étaient relativement courants enAmérique du Sud depuis lesannées 1970 et jusqu'au début desannées 1990. Dans le cadre des dictatures militaires duCône Sud, ils étaient notamment chargés de la mise en œuvre duplan Condor. Celui-ci se fondait au moins en partie sur le résultat du développement de méthodes de guerre contre-révolutionnaire par l'armée française après les guerres d'Indochine et d'Algérie. Elle avait en effet pu expérimenter de nouvelles formes deguerre contre-subversive : torture, quadrillage du pays, etc. Pendant et après laguerre d'Algérie, des généraux français seront donc envoyés en Amérique du Sud (basés àBuenos Aires, ils y resteront jusqu'à la chute de lajunte du GénéralJorge Rafael Videla) ainsi qu'à l'École militaire des Amériques pour y enseigner leurs méthodes contre-insurrectionnelles. Un documentaireLes escadrons de la mort, l'école française, deMarie-Monique Robin, décrit précisément les enseignements français auprès des armées sud-américaines dans la région.
Des escadrons de la mort de gauche ont aussi existé, tels les Forces punitives de gauche qui assassinaient des propriétaires terriens auNicaragua dans les années 1990 pour conserver les acquis de la révolution[2].
Des escadrons de la mort sont ou ont encore été récemment actifs auBrésil, enColombie, auVenezuela et auSalvador[3],[4],[5],[6]. Souvent constitués de policiers ou anciens agents des forces de l'ordre, ils agissent dans les zones les plus pauvres de ces pays. Les plus violents de ces escadrons de la mort étaient lesAutodéfenses unies de Colombie, chargées de s'attaquer aux populations civiles supposées bases sociales des guérillas, et dont l'action a fait quelque 150 000 morts[7].
D'autres escadrons de la mort étaient également actifs enAmérique centrale pendant les différentes guerres civiles qui ont embrasé la région. AuSalvador, s'ajoutant à l'Orden (Organisation démocratique nationaliste), créée en 1960 avec le soutien de l'administration Kennedy, des groupes paramilitaires se multiplient dans les années 1970 (la Main blanche, l'Union guerrière blanche, la Phalange, l’Armée secrète anticommuniste) et se livrent à une campagne d'assassinats politiques. Ces groupes mènent dans les années 1980, avec l'approbation de l'armée régulière, une répression généralisée dans les zones rurales favorables aux groupes rebelles de gauche. Leprêtre jésuiteRutilio Grande, en mars 1977, et, trois ans plus tard (mars 1980),Oscar Romero,archevêque de San Salvador, furent victimes des escadrons de la mort.
Le journaliste salvadorien Oscar Martinez Penate explique que « chaque jour, au matin, sur les chemins, sur les décharges publiques, on trouve les corps aux yeux crevés, torturés, découpés vivants, décapités, soumis aux plus abominables tourments avant d’être achevés. Des instituteurs sont assassinés simplement parce qu'ils ont rejoint un syndicat. La barbarie est telle qu'un militant n'a plus peur de mourir mais vit dans la hantise d’être capturé vivant. » Le conflit fait au moins 70 000 morts, dont plus de 90 % sont attribuables aux paramilitaires pro-gouvernementaux selon un rapport d’enquête de l'ONU[8].
AuGuatemala, après la fin de laguerre civile, d'anciens militaires se sont organisés en bandes criminelles pour éviter la mise en place d'une justice transitionnelle effective pour les victimes de crimes de guerre. Menacés par le processus de transition démocratique, ils répondaient par des exécutions (de militants politiques ou associatifs). L'exemple le plus notable fut l'assassinat de l’évêqueJuan José Gerardi Conedera sur ordre d'un commandant d'une base militaire. Le politiste Edgar Gutierrez souligne que ces groupes « étaient mus par une ambition plus vaste : le contrôle de l’État et de l'économie. La plupart des officiers de renseignement de la dictature militaire sont devenus pendant ces années des infiltrés de la criminalité organisée à proximité ou au sein de l’État[9].
Depuis le début de l’année 2013, des associations alertent sur la recrudescence du « nettoyage social » au sein des dirigeants et communautés mayas militant pour la défense de leurs territoires et ressources naturelles, dont souhaiteraient s'emparer certaines grandes entreprises. Cent soixante-neuf attaques de défenseurs des droits humains ont eu lieu au premier trimestre 2013 selon l’Unité de protection des défenseurs du Guatemala[10].
EnUruguay, les escadrons de la mort, apparus durant les années 1960 et particulièrement actifs durant les années 1970, sont des groupes d'extrême droite multipliant les assassinats et les attentats contre des membres d'organisation de gauche, particulièrement lesTupamaros. Ils sont alors liés à l'armée uruguayenne.
À la suite de l'arrêt des élections législatives de 1991 par les généraux algériens, un escadron de la mort nommé « Unité 192 »[11][réf. à confirmer] est créé afin de procéder à la liquidation physique de plusieurs opposants politiques et de militants islamistes. On dénombrera plusieurs disparitions forcées, liquidations extra-judiciaires, tortures… Il y a officiellement 20 000 disparus durant cette période des années 1990[12][réf. à confirmer].
Les escadrons de la mortchiites liés au gouvernement ont tué dessunnites aléatoirement afin de les dissuader de toute insurrection après l'invasion américaine en 2003. Un documentaire deGrand reportage intitulé « Les Escadrons de la Mort », dePaul Moreira, décrit comment deschiites irakiens pro-Khomeini se sont alliés aux Américains dans le but de faire payer aux communautéssunnites le prix de leur résistance armée contre les nouveaux occupants.[réf. nécessaire]
En,Balla Keita, ancien ministre de l'Enseignement sousFélix Houphouët-Boigny et opposant àLaurent Gbagbo, est retrouvé assassiné àOuagadougou. Le généralRobert Guéï, sept membres de sa famille et sa garde rapprochée, ainsi que le comédienCamara Yéréféré sont également retrouvés assassinés au même moment[13]. Le, le quotidien françaisLe Monde évoque l'existence d'escadrons de la mort, et cite des noms d'hommes supposément impliqués tels qu'Anselme Séka Yapo, alorsaide de camp deSimone Gbagbo, ou encore Patrice Bahi, proche de Laurent Gbagbo[13].
Le, 3 prévenus dont le commandant Séka Yapo et legénéral Dogbo Blé sont condamnés à la prison à perpétuité pour l'assassinat de Robert Guéï et son épouse[17],[18].
En 2000, pour lutter contre le crime à Douala fut créé le Commandement opérationnel, dépendant de l'armée. Les membres de cet organisme furent bientôt accusés de se livrer à des exécutions sommaires. Le cardinalChristian Tumi fut parmi ceux les dénonçant[19],[20],[21],[22].
↑Rangel, Alfredo (editor); William Ramírez Tobón, Juan Carlos Garzón, Stathis Kalyvas, Ana Arjona, Fidel Cuéllar Boada, Fernando Cubides Cipagauta (2005). El Poder Paramilitar. Bogotá: Editorial Planeta Colombiana S.A., 26.
↑Transport : face aux exactions duCeCOS, les transporteurs menacent de garer les véhicules le 30 octobre -Article du Patriote sur allAfrica.com. Consulté le 31 janvier 2013.
↑« Quelques minutes plus tard, un camion des Cecos [Centre de commandement des opérations de sécurité, rebaptisé «les escadrons de la mort» par certains Ivoiriens, ndlr] est arrivé sur les lieux. J'ai entendu le jeune de la Fesci qui disait: "C'était un manifestant, un rebelle". Entendant cela, un policier de la Cecos est descendu de son véhicule et il a tiré quatre fois sur le jeune à la tête avec un long fusil. » - Témoignage recueilli par Human Rights Watch et transcrit dans unarticle de Slate Afrique. Consulté le 31 janvier 2013.
↑Assassinat du général Guéi - Dogbo Blé, Séka Séka … inculpés -Abidjan.net. Consulté le 2 avril 2015.
↑‘' Le Cdt Séka a tiré au moins deux balles dans la tête du Général Guéï ‘' ( Parquet militaire) -Seneweb.com. Consulté le 2 avril 2015.