D'abordnazi dans la clandestinité en tant que citoyen autrichien, il milite pour l’Anschluss, le rattachement de son pays à l'Allemagne duTroisième Reich. Après l'Anschluss, il est nommé chef de laSS, aux niveaux politique et policier, pour son ancien pays, devenu une région allemande. Il exerce ces fonctions de 1938 àdébut 1943.
À partir de, il dirige leRSHA à la suite deReinhard Heydrich[a], exécuté par la Résistance tchécoslovaque à Prague en 1942. Il est alors l’un des principaux responsables du système policiernazi et l'un des maillons de laShoah, qui a pris une très grande ampleur depuisl’été 1941.
Originaire de la région deLinz en Autriche commeAdolf Hitler, il suit les traces de son père en faisant des études de droit à l'université de Graz. Pendant ses études, Kaltenbrunner ne cesse d’avoir une activité politique et milite dans leMouvement indépendant de la Libre Autriche, qui le conduit au nazisme. Son père, également avocat à Linz, est un ami d'Adolf Eichmann. Après avoir travaillé de nuit pendant deux ans pour payer ses cours à l'université, Kaltenbrunner s'inscrit au barreau de Linz en 1928.
Dans le courant de 1933, il est nommé chef de la37e brigade SS. Son activité attire l’attention de la police autrichienne. Arrêté en, il est envoyé aucamp de détention de Kaisersteinbruch(de) avec quelques autres nazis autrichiens[réf. nécessaire]. Au camp, Kaltenbrunner réussit très rapidement à prendre un grand ascendant sur ses compagnons de captivité. Sa grande taille et sa force physique y contribuent plus que ses connaissances juridiques. ÀPâques 1934, il organise une grève de la faim qui est d’abord générale puis, le secrétaire d’État Karwinsky étant venu lui-même inspecter le camp et ayant promis quelques améliorations matérielles, la grève cesse dans toutes les baraques, à l’exception de celle de Kaltenbrunner.
Cette tentative ayant échoué, Kaltenbrunner est de nouveau arrêté en, et est inculpé de haute trahison pour ses relations avec l’organisation SS allemande. Il est radié du barreau pour son activité politique. Après six mois de détention préventive, il comparaît devant un tribunal qui, faute de preuves, le condamne pour conspiration à une peine de six mois de prison, peine couverte par la détention préventive.
Il a été nommé chef des SS autrichiens peu avant son arrestation, et, libéré, il consacre son activité à la préparation de l’Anschluss, (le rattachement de l’Autriche à l'Allemagne), recevant ses ordres deGöring. C’est dans le cadre de cette action, qu’il fait la connaissance deSeyss-Inquart. Proche de ce dernier, il est nommé secrétaire d'État à la Sécurité publique dans son cabinet[1], le, dès le déclenchement de l'opération politico-militaire de rattachement de l'Autriche au Reich. Contrôlé discrètement parHimmler, il continue de diriger de manière non officielle la SS autrichienne dans le but demettre au pas la population du pays en cours d’intégration auTroisième Reich[2]. Ainsi, le, il est promuBrigadeführer[b],[3] de laWaffen SS.
Il aide à la mise en place du premier camp de concentration en Autriche, lecamp de Mauthausen près deLinz, qui ouvre en[4],[5].
Le, six mois après l'Anschluss, auquel les nazis autrichiens ont activement contribué, c'est lui qui est nommé à la tête de la police régionale autrichienne avec le titre deDonauHöhere SS und Polizeiführer (Donau HSSPF) (Chef suprême de la SS et de la Police de la Région du Danube), laquelle recouvre l'Autriche, et dont le siège est à Vienne.
Simultanément, il est promuSS-Gruppenführer[c] (Général de la SS). Il garde ce poste et ce grade pendant près de cinq ans, jusqu'au[6].
Au niveau politique, il est nomméSS Führer der Oberabschnitt Österreich(de), soitChef de la région SS d'Autriche, structure propre à la SS, qui est renomméeSS-Oberabschnitt Donau (Région SS du Danube) en.
Le, il est aussi nommé automatiquementPolizeipräsident von Wien (Préfet de Police de Vienne) après la mort de son prédécesseur, leSS-Oberführer''Otto Steinhäusl''(de) : Ce poste est ensuite attribué à l'un de ses adjoints,Leo Gotzmann(de), le.
En, la mentionSS-Gruppenführer undGeneralleutnant der Polizei (General de la SS et Lieutenant Général de la Police) est ajoutée à ses titres, et il devient en quelque sorte le Himmler autrichien, mais sans pouvoir personnel, et dans les faits, simple agent de transmission des ordres venus de Berlin. À ce titre, il participe à la scénographie organisée par Himmler autour de ses hommes morts pendant le service, envoyant des couronnes de fleurs pour les enterrements[7].
Kaltenbrunner (à droite) lors de l’inspection d’une école technique automobile de Vienneen 1941.
Homme de confiance de Himmler, jouissant d'une réputation de spécialiste des services secrets, il est sélectionné dès par celui-ci pour prendre la tête duRSHA[8].
Le, il est officiellement nommé chef de cette organisation[9], succédant à Heinrich Himmler qui assurait l'intérim de cette fonction depuis l'exécution deReinhard Heydrich[8] à Prague par la résistance tchécoslovaque. Il devient également le dirigeant de laCommission internationale de police criminelle (ancêtre d'Interpol), et le reste jusqu'en 1945.
Chef du RSHA, il est également responsable des carrières des agents qu'il encadre : il approuve leurs promotions ou rétrogradations[10], et prend aussi l'initiative de faire pression en vue de la promotion de certains, ce jusqu’à une date tardive du conflit[11].
Dès les premiers mois de sa direction, il doit négocier avec le ministre de la Justice,Otto Georg Thierack, la mainmise sur l'exécution des peines des délinquants étrangers, dont leSD s'assure définitivement le contrôle au terme d'une lutte serrée[9]. Dans le même temps, il est sollicité par le HSSPF en poste à Cracovie,Friedrich-Wilhelm Krüger, afin d'intercéder auprès de Himmler en vue de l'obtention d'un délai pour la déportation de certains ouvriers juifs spécialisés originaires duGouvernement général[12]. Il joue également le rôle d'aiguillon dans la politique d'extermination des Juifs italiens, mise en œuvre à partir del'automne 1943[13].
Ernst Kaltenbrunner, en civil, dans l'assistance duVolksgerichtshof, lors du procès de l'un des conjurés ducomplot du.
Chef du RSHA, c'est Kaltenbrunner plutôt queHimmler, qui est chargé de l'enquête sur l'attentat du contreHitler[14], en s'appuyant notamment sur son agentHorst Kopkow et sur ledépartement IV du RSHA, créé pour l'occasion. Dans les mois qui suivent, Kaltenbrunner informe régulièrementBormann des progrès des enquêtes confiées à ses services[15] : au moyen des« rapports Kaltenbrunner », Bormann est non seulement avisé des progrès de l'enquête, mais aussi informé de la perception trèsantisémite développée par le chef du RSHA, des conspirateursou encore éclairé sur certaines représentations des conjurés conservateurs[pas clair][16].
Le, alors que l'Armée rouge a définitivement libéré l'Ukraine des armées allemandes, les nazis décident de créer en Ukraine un organisme politique qui leur soit favorable afin d'entraver l'avancée soviétique vers l'ouest. Kaltenbrunner propose de libérerStepan Bandera et d'autres leaders du courant nationaliste ukrainien pour mettre en place un gouvernement en exil[17].
Chef du RSHA, donc du SD, il est parfaitement informé de l'état d'esprit non seulement des populations des territoires contrôlés par le Reich[18], que de celui de la population allemande durant la dernière année du conflit. Lorsque les frontières occidentales du Reich sont menacées, à partir de, la panique totale, la dislocation de la cohésion du peuple, tant vantée par les nazis, et le discrédit des responsables locaux et régionaux duNSDAP sont soigneusement enregistrés par ses services[19]. De à, les rapports émanant de ses services renseignent ainsi sur l'attitude des populations du Reich : en sur l'importance du défaitisme en Autriche[20] et en, sur l'attitude des populations desGaue des régions occidentales du Reich, populations qui tendent à se rebeller contre la poursuite du conflit[21].
À la fin de l'année 1944, dans le chaos des villes bombardées, en tant que responsable du RSHA, il doit coordonner les actions des différentes forces de police compétentes pour le contrôle des millions de travailleurs forcés exploités dans le Reich ; il décide en de renforcer l'autonomie dont disposent, depuis un décret de Heinrich Himmler du mois de précédent, les responsables locaux en matière de contrôle et de répression de tous les travailleurs étrangers[22] : forts de cette nouvelle autorité, les responsables locaux multiplient les exécutions de travailleurs étrangers en et, puis, rapidement ces exécutions deviennent des massacres à plus grande échelle[23].
Responsable des projets coloniaux et criminels du Reich pour l’Est de l’Europe
Comme responsable du RSHA, il a aussi continué la politique menée par Heydrich dans le domaine de lacolonisation de l'Est de l'Europe.
Ainsi à l'automne 1941, à la demande de ce dernier, a été élaboré un projet de colonisation de l'Est de l'Europe[24]. Sollicité à ce sujet parFrank dans une lettre du, dans laquelle legouverneur général expose ses réserves à l'encontre des projets coloniaux de Himmler en Pologne, Kaltenbrunner défend, dans sa réponse du, la politique raciale appliquée dans le Gouvernement général à partir de 1939[25].
Plus tard, il applique les consignes en matière de déplacement massif de populations que lui ordonne Himmler en[26].
Mais son action dans l'Europe de l'Est occupée ne se limite pas à la supervision de la réalisation de projets coloniaux, elle consiste également à être parfaitement informé des exactions perpétrées par laSS à l'encontre des Juifs ou des Slaves. À la demande de Himmler, il fournit des statistiques renseignant mensuellement le nombre de Juifs exterminés et le nombre de Juifs encore libres[27] ; de même, chef du RSHA, il est présent lors de l'arrêt, alors pensé comme provisoire, des opérations d'expulsion des Polonais dans le district deZamość[28].
Lors de l'insurrection de Vienne, Hitler l'a chargé de mater la rébellion. Mais la ville tombe avant l'arrivée de Kaltenbrunner. Il préfère alors se réfugier, avec sa maîtresse âgée de24 ans, la comtesse Gisela von Westarp, dans le « réduit alpin » d'Altaussee plutôt que retourner à Berlin menacée d'encerclement. De ce réduit alpin, il continue à entretenir des relations avec son supérieur hiérarchique, Himmler, avec lequel il converse encore par radio le[29].
C'est à Altaussee qu'il aurait ordonné à son subordonnéAdolf Eichmann de quitter le groupe de nazis qui s'y était réfugié (dontFranz Stangl et Wilhelm Höttl), en raison de la menace que sa présence faisait peser sur ce groupe.
Probablement la dernière déclaration de Kaltenbrunner au tribunal de Nuremberg[d].
Barricadé dans sa « forteresse alpine » près d'Altaussee, Kaltenbrunner y est capturé le par le capitaine duCounter Intelligence CorpsRobert E. Matteson[30] ; c'est sa maîtresse qui, par mégarde, a permis aux Alliés de l'identifier. Il est alors transféré au Royaume-Uni pour y être interrogé puis, accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Il est ensuite traduit devant le tribunal allié lors duprocès de Nuremberg, où il figure parmi les principales « personnes physiques » du régime nazi déchu accusés, lesquelles sont au nombre de vingt-quatre.
Après s'être d'abord effondré, il nie toute responsabilité, refusant même de reconnaître sa propre signature sur des documents accablants. Condamné à mort, il est pendu le et a pour derniers mots :« Allemagne, bonne chance ! ».
Son cadavre est crématisé le lendemain dans le crématorium du cimetière de l'est de Munich (Ostfriedhof(en)) et ses cendres sont dispersées dans leWenzbach, un affluent de l'Isar.
Les rangs et dates mentionnés sont issus de l'ouvrage deMiller 2015,p. 393. Il s'agit soit de grades dans laSS générale, sinon de grades dans la police ou de grades dans laWaffen-SS lorsque c’est explicitement mentionné. L’équivalence la plus proche dans l'armée française est fournie entre parenthèses.
« Ich bin hier angeklagt, weil man für den fehlenden Himmler und andere mir vollkommen konträre Elemente Stellvertreterschaft braucht. Ob meine Haltung und Darstellung nun angenommen oder verworfen werden, ich bitte Sie, das Schicksal und die Ehre Hunderttausender gefallener und lebender Männer der Allgemeinen SS, der Waffen-SS und der Beamtenschaft, die bis zum Letzten tapfer und ideal gläubig ihr Reich verteidigt haben, nicht mit Ihrem gerechten Fluche gegen Himmler zu verknüpfen. Sie meinten, so wie ich, nach Gesetz gehandelt zu haben. »
« Je suis ici accusé parce qu'on a eu besoin d’un substitut àHimmler et en raison d’autres éléments complètement contradictoires. Que mon attitude et ma défense soient acceptées ou rejetées, je vous demande de ne pas associer le destin et l'honneur des centaines de milliers d’hommes vivants ou morts de laSS générale, de laWaffen-SS et du service public, qui ont défendu le Reich jusqu'au dernier, honorant bravement les idéaux qu'ils ont défendus, à votre simple condamnation de Himmler. Ils [ces hommes] ont voulu montrer, comme je l'a fait, qu'ils agissaient conformément à la loi. »
Le film1945 - Un village se rebelle (Ein Dorf wehrt sich, 2019) de la réalisatrice autrichienne Gabriela Zerhau raconte l'histoire des trésors cachés d'Altaussee