À partir de 1929, laGrande Dépression et la montée des nationalismes étatiques agressifs créent une atmosphère de tension et de peur alimentées par l'installation au pouvoir d'idéologies totalitaires.
En Europe, la brutalité humaine, sociale, politique, militaire et industrielles des deuxguerres mondiales, d'une violence inouïe, cause de millions de victimes, a donné lieu à l'idée d'uneguerre civile européenne qui aurait duré sous diverses formes du début du siècle à 1945. L'entre-deux-guerres apparaît ainsi comme une période de brève et relative accalmie.
Cette période connaît des progrès techniques et scientifiques considérables et de grands changements culturels et sociaux.
L'appellation « entre-deux-guerres », utilisée pour cette période, est unchrononyme rétrospectif à prendre avec recul, car elle ne retranscrit en rien l'esprit de l'époque[2]. En effet, les protagonistes n'avaient pas conscience de vivre une période de calme – tout relatif – avant un second conflit mondial, et ce, même si des signes politiques alarmants le laissaient présager, et que la période était loin d'être exempte de conflits régionaux.
La première moitié de la période a été appelée enFrance « lesAnnées folles » les meilleures années, essentiellement pour les ruptures dans le comportement social (nouvelles esthétiques artistiques transgressives, développement des transports individuels, modification des codes de comportement, en particulier chez les femmes des classes supérieures et moyennes). Les États-Unis parlent deRoaring Twenties et les Britanniques de « Golden Twenties ».
La seconde moitié de la période, est celle de laGrande Dépression et du basculement d'une grande partie de l'Europe dans la dictature.
Cette période constitue néanmoins un ensemble cohérent et homogène qui peut s'appréhender dans sa globalité. Sous couvert d'une critique des horreurs dutotalitarisme, l'historienEnzo Traverso voit une certaine unité dans la période 1914-1945, qu'il décrit comme un déchirement de l'Europe dans son ensemble, composée deguerres totales sans lois ni limites, de guerres civiles locales et degénocides. C'est ce qu'il appelle une « guerre civile européenne », une sorte de nouvelleguerre de Trente Ans[3].
Laguerre de 1914-1918 s'acheva par la victoire des pays démocratiques (France, Grande-Bretagne, Italie et les États-Unis) tandis que s’effondraient les grands empiresaustro-hongrois,russe etottoman[4]. Dans un premier temps, le prestige qui en rejaillit sur le système dedémocratie parlementaire conduisit les nouveaux pays à l'adopter[4].
Le règlement général du conflit mondial pose de nombreux problèmes. L'Europe, dans son ensemble très affaiblie, peine à se remettre de ses blessures. Le bilan est dramatique sur le plan humain et matériel alors qu'un nouveau rapport de force international voit le jour. Une nouvelle carte du continent émerge qui crée de nouvelles tensions. Pendant cette décennie, dans de nombreux pays européens, la thésaurisation des pièces de monnaie en or, argent et bronze conduit les chambres de commerce, des autorités locales et des commerçants à émettre unemonnaie de nécessité.
Le calme ne revient en fin de compte qu'au milieu de la décennie. Après 1925, c'est effectivement l'avènement d'une ère nouvelle – celle de lasécurité collective – qui semble s'imposer au monde : laSociété des Nations, après quelques débuts difficiles, trouve ses marques alors que lesaccords de Locarno règlent au mieux les rapports franco-allemands.
Après le traumatisme de laPremière Guerre mondiale, fusaient en France les « plus jamais ça ! », on parlait du conflit comme de « La Der des Ders » (« dernière des dernières »)[5].
LaSociété des Nations (SDN) fut créée en 1920[n 1]. Cette organisation internationale avait pour objectifs ledésarmement, la prévention des guerres au travers du principe desécurité collective, la résolution des conflits par la négociation et l’amélioration globale de laqualité de vie. Le principal promoteur de la SDN fut leprésident des États-UnisWoodrow Wilson, mais lesÉtats-Unis n’en firent jamais partie. La SDN connut des succès notables dans lesannées 1920, mais fut totalement incapable de prévenir les agressions successives des pays de l’Axe dans lesannées 1930.
L'approche diplomatique qui avait présidé à la création de la Société représentait un changement fondamental par rapport à la pensée des siècles précédents, en prônant la négociation collective à l'encontre de la diplomatie secrète. Cependant, la Société n’a jamais eu de force armée « en propre » et, de ce fait, dépendait desgrandes puissances pour l’application de ses résolutions, que ce soit les sanctions économiques ou la mise à disposition de troupes en cas de besoin.
De nombreux mouvements pacifistes apparurent, et s'internationalisèrent.
« Ce Congrès était le résultat du mouvement pacifiste qui avait succédé à la Première Guerre mondiale. Il avait semblé alors que pour assurer au monde un avenir de paix, rien ne pouvait être plus efficace que de développer dans les jeunes générations le respect de la personne humaine par une éducation appropriée. Ainsi pourraient s'épanouir les sentiments de solidarité et de fraternité humaines qui sont aux antipodes de la guerre et de la violence. »
Une conférence internationale appelée par les bolcheviks se tint en mars1919 à Moscou et se transforma en congrès de fondation de laIIIe Internationale. Les années 1919-1923 sont remplies d'espoir. Mais toutes les insurrections armées en Europe échouent et sont réprimées : révoltespartakiste deBerlin en janvier 1919,République des conseils de Hongrie qui voit la Hongrie dirigée 133 jours parBéla Kun au printemps 1919, reflux des grèves insurrectionnelles de 1919-1920 en Italie.
Affiches depropagande allemandes et soviétiques desannées 1930 : l'« Homme nouveau », héros vaillant et musclé, se dresse contre l'ancien monde sous l'égide éclairée d'un guide tout-puissant issu du peuple qui, en 1949, inspirera àGeorge Orwell le personnage deBig Brother deson roman1984.
Un tournantautoritaire apparaît dès1920-1921 avec l'exclusion de nombreux militants de la gauche de l'Internationale. Pour adhérer à laIIIe Internationale, les partis membres durent à partir de juillet 1920 accepter les « 21 conditions », draconiennes, qui alignent leurs structures et leurs méthodes sur le modèle bolchevik, jusque-là inconnu hors de Russie. Beaucoup de communistes, mais aussi de militants venus de l'anarcho-syndicalisme ou de la gauche républicaine radicale, ont adhéré en pensant qu'ils pourraient toujours garder une certaine autonomie. Mais Moscou entendait aligner fermement les partis sur le modèle russe.
Par letraité de Sèvres, le territoire turc devait également être partagé en zones d'influence au profit des Alliés, ainsi que des minorités kurdes et arméniennes. Les termes de cet accord provoquent en Turquie un sursaut national autour deMustafa Kemal Atatürk qui déclenche uneguerre d'indépendance. Celle-ci aboutit à la chute de l'Empire ottoman et à la proclamation de laRépublique turque, rendant le traité de Sèvres inapplicable et qui ne fut donc jamais ratifié. Un nouveau traité plus avantageux pour la Turquie fut négocié, letraité de Lausanne, qui garantit l'intégrité du territoire de la République turque réduit aux régions nonarabophones et abandonnant le projet de zones d'influence.
Lescolonies des Empiresfrançais etbritannique avaient joué un rôle important pendant laPremière Guerre mondiale, fournissant auxAlliés des soldats, de la main-d’œuvre et des matières premières. 1,5 million de combattants africains avaient été mobilisés et, au total, 2,5 millions de personnes furent touchées, d'une manière ou d'une autre, par l'effort de guerre.
Joséphine Baker, figure emblématique des « années folles » en France.
Ces vingt années connaissent également un formidable élan intellectuel, artistique et technique qui voit s’accélérer un véritable renouveauculturel et se développer lecinéma, laradio, l’aéronautique et l’automobile. Ces années de tensions extrêmes semblent annoncer nossociétés actuelles, marquées par la rapidité descommunications, la prégnance desidéologies et laconsommation de masse.
Dès la fin de la guerre, une recherche du plaisir et des nouveautés succéda aux inquiétudes de celle-ci[13]. L'optimisme est général et la reprise économique apparaît comme solide après les problèmes économiques de l'immédiat après-guerre.
Les années 1930 sont le théâtre d'unecrise économique d’une ampleur mondiale, déclenchée par lekrach de 1929 et dont la principale conséquence sera l’exacerbation de la concurrence entre les nations : les rivalités économiques ouvrent la porte à des rancunes politiques plus anciennes, souvent nées d’ailleurs du règlement à courte vue de laPremière Guerre mondiale.
En Asie, le Japon s'engage dès le début des années 1930 dans unepolitique expansionniste notamment enChine continentale (l'île de Taïwan est déjà japonaise depuis 1895) où le pays est déstabilisé par uneguerre civile, permettant à l'armée nippone d'occuper la Mandchourie. Le pays se dote progressivement d'un régime de quasi-dictature militaire, nationaliste et raciste. Le Japon étant confronté à l'Armée rouge dans sa mainmise sur la Chine et ses tentatives de déstabilisation de laMongolie, il s'engage dans un rapprochement avec les nazis à travers lePacte anti-Komintern, que rejoindront par la suite les autres dictatures européennes.
↑Pierre Brocheux,Samia El Mechat, Marc Freyet al., « Chapitre 7 - De l’indépendance formelle à l’indépendance réelle 1945-1958 », dans : ,Les décolonisations au XXe siècle. La fin des empires européens et japonais, sous la direction de BROCHEUX Pierre. Paris, Armand Colin, « Collection U », 2012, p. 99-122. DOI : 10.3917/arco.broch.2012.01.0099,lire en ligne
↑Introduite par letraité de Versailles en 1919, lui-même élaboré au cours de laConférence de paix de Paris, pendant laquelle a été signé leCovenant ou le Pacte qui institue la Société des Nations, afin de préserver lapaix enEurope à la fin de la Première Guerre mondiale
Enzo Traverso,À feu et à sang : De la guerre civile européenne 1914-1945, Stock,.
Anne Bléger et Myriam Tsikounas,La Fabrication des vedettes dans l'entre-deux-guerres. Petits arrangements avec la biographie, Rennes, PUR, 2024, 222 p.