Par ses origines, Ennius avait pour langue maternelle l'osque[2],[3]; comme tous les habitants du sud de la péninsule italienne (laGrande-Grèce), il parle aussi couramment legrec, et assimile lelatin sans doute très jeune.
Il suit d'abord la carrière militaire ; en 204, il se trouve en Sardaigne, certainement dans les auxiliaires alliés (alae sociorum) ; il y est remarqué parCaton l'Ancien et accompagne ce dernier à Rome[3].
À Rome, il habite sur la colline de l'Aventin, au lieu-ditloca Tutilinae[4], et mène une vie modeste. Il enseigne les lettres grecques et latines et se concilie l'estime et la faveur des plus grands personnages : il est l'ami desScipions[3].
À sa mort, les Scipions auraient fait mettre sa statue en marbre dans leur tombeau le long de lavoie Appienne, mais cela est remis en doute par les historiens modernes[3].
Il eut aussi pour protecteurMarcus Fulvius Nobilior, qui l'emmena en 189 av. J.-C. dans son expédition contre lesÉtoliens, et son filsQuintus Fulvius Nobilior, grâce auquel il obtint en 184 la citoyenneté romaine[3]: Q. Fulvius Nobilior, chargé de fonder deux colonies de citoyens romains, Potentia etPisaurum, inscrivit Ennius parmi les citoyens de l'une de ces nouvelles colonies[5].
Mais l'apport décisif d'Ennius à la langue latine est l'acclimatation de l'hexamètre grec (le vers épique d'Homère) à la poésie latine[3].
Auparavant, la poésie latine utilise surtout levers saturnien, bien adapté au lexique latin, mais monotone au point que les auteurs jouaient de l'allitération pour lui donner du relief.
Ennius emploie la versification dactylique dans sesAnnales, le premier des poèmes patriotiques latins : et c'est un fait qu'au milieu duIIe siècle av. J.-C., le saturnien a disparu de la littérature, au profit de l'hexamètre dactylique.
Cette révolution dans la poésie doit certainement beaucoup de son succès auphilhellénisme de l'époque, car l'hexamètre dactylique est en réalité mal adapté à la langue latine : trop exigeant en voyellesbrèves, il n'eut jamais auprès des foules la popularité des rythmes de la comédie (les rythmesïambo-trochaïques), bien plus simples dans leur structure (succession de paires brève-longue répétées).
La forme rigide de l'hexamètre excluait aussi bon nombre de mots courants en latin, ce qui confère à la poésie dactylique latine un caractère bizarre et affecté.
Aussi faut-il à Ennius user de toute sa science des deux langues, grecque et latine, pour latiniser l'hexamètre.
Nous n'en avons plus que des fragments, citations par d'autres auteurs latins, commeCicéron,Varron ouAulu-Gelle.
Ces fragments sont en général très brefs et peuvent se réduire à un vers ou même à un morceau d'hémistiche.
Il existe cependant quelques morceaux qui atteignent la dizaine ou la vingtaine de vers comme, dans lesAnnales, le songe d'Ilia[6] ou la consultation des auspices parRomulus et Rémus[7].
Virgile lui fait de fréquents emprunts[8], aussiHorace dit-il (Odes, IV, 8) que ce poète « tirait des perles du fumier d'Ennius », expression qui passa dans le langage courant et devint même le titre d'un ouvrage[9].
Parmi ses œuvres les plus connues, on peut citer l’Épicharme, l’Évhémère, lesSatires et lesAnnales.
« C'est pourquoi, quand les grands sont les maîtres, la cité ne peut être dans une condition qui soit définitive, encore moins dans une monarchie car,ainsi que le dit Ennius, il n'y a pas de lien social ni de foi qui demeurent inviolés quand il s'agit de régner. »
Il est aussi l'auteur d'unHedyphagetica, ouvrage portant sur lagastronomie et fortement inspiré de celui du grecArchestrate de Gela.
Les fragments de ce poème qui nous sont parvenus expliquent au lecteur où trouver les meilleurs, au sens gastronomique, des poissons. Ces fragments sont incomplets et endommagés ; ils donnent des noms de poissons associés à des noms de lieux.
LeHedyphagetica est écrit en hexamètres, mais qui diffèrent de ceux desAnnales au regard des règles de versification du temps[10].
L’Énéide deVirgile est truffée de vers pris chez Ennius ;
Cicéron, dans sonDe officiis entre autres, cite Ennius[11] :« Quand il s'agit du trône, ni pacte ni serment, rien n'est sacré » ;
Montaigne, dans sesEssais, cite plusieurs fragments d'Ennius.
Horace, dans le livre premier de sesSatires[12], cite un vers d'Ennius et le commente ainsi :« En vain de pareils vers vous romprez l'harmonie ; Leurs lambeaux garderont l'empreinte du génie. »
↑Pater Ennius (Properce, III, 3, 6). Cf.alter Homerus (Horace,Épîtres, II, 1, 50).
↑Il est probable qu'à l'époque de sa naissance, l'osque avait remplacé lemessapien dans la presqu'île duSalento, selon J. Heurgon,op. cit., p. 8. Aulu-Gelle rapporte qu'Ennius aimait dire qu'il avait trois âmes (tria corda) parce qu'il était trilingue (quod loqui Graece, Osce et Latine sciret, « parce qu'il savait parler le grec, l'osque et le latin »).
↑Selon le témoignage deVarron. Tutilina était une vieille déesse protectrice, dont le nom est en rapport avec le verbetueor, « protéger ». Cf. J. Heurgon,op. cit., p. 10.