Lesendophytes[1] (dugrec endo « dans », φυτόν « végétal » ; littéralement « à l'intérieur d'un végétal », terme défini et employé pour la première fois en 1866 parAnton de Bary[2], maisLink est le premier à décrire en 1809 ces organismes sous le terme d'« Entophytae » considérés alors comme un groupe distinct de parasites fongiques[3]) sont tous les micro-organismes (bactéries ouchampignons en général) qui accomplissent tout ou partie de leurcycle de vie à l'intérieur d'une plante (en colonisent tous les tissus ou un organe en particulier)[4], de manièresymbiotique (endosymbiote), sans qu'il y ait systématiquement un bénéfice mutuel pour les deux organismes[5],[6]. L'endophyte peut vivre et se reproduire dans les espaces intercellulaires (méats desparenchymes)[7] et/ou dans certaines cellules de la plante. L'endophyte et son hôte entretiennent uneinteraction appeléeendophytisme. Les endophytes qui font partie dumicrobiote des plantes (lemicrobiome étant appeléphytobiome) jouent chez elles un rôle assez comparable à celui dumicrobiote intestinal chez l'animal, rôle qui selon les études les plus récentes, a été très longtemps inconnu puis sous-estimé. De nombreux endophytes ont une activité ou des propriétés favorisant potentiellement la croissance de la plante, ou sa résilience face à certain stress (chaleur, manque d'eau, sel,attaques parasitaires via l'effetbioinsecticide, etc.)[8],[9]. Une partie du génome d'endophyte est parfois retrouvée, intégrée, dans l'ADN de la plante-hôte[10]
On connait depuis plusieurs décennies les bactéries symbiotes qui vivent dans les nodules de plantes fixatrices d'azote, mais la plupart des endophytes connus n'ont été découverts que récemment. Discrets car ne provoquant aucunsymptôme de maladie, ils sont en réalité omniprésents ; retrouvés dans presque toutes les espèces de plantes étudiées à ce jour. On a d'abord cru qu'il s'agissait de champignons et/ou de bactéries pathogènes en latence dans la plante, sans y causer de dommages apparents, mais sans être bénéfique pour la plante Puis, au début des années 2000, essentiellement de nombreuses preuves scientifiques ont montré que ces endophytes concourent à améliorer la croissance et la santé des plantes (y compris cultivées), et à augmenter leur biomasse, notamment en les rendant plus résistantes aux maladies. L'endophytisme microbien est ainsi aujourd’hui considéré comme une règle générale chez les plantes[11].
Une partie des relationsendophyte ↔ plante et de l'origine de ces relations sont encore mal comprises, mais on sait déjà que des endophytes jouent un rôle majeur pour la santé des plantes et leur bioproductivité, dont chez la plupart des plantes fourragères et herbacées économiquement importantes (par exemple,Festuca spp. ouLolium spp.) vivent avec des champignons endophytes (Neotyphodium spp.) qui améliore notamment la capacité de ces plantes à tolérer des stress abiotiques tels que la sécheresse, ainsi que leur résistance aux insectes et mammifères herbivores[12]. Ou parmi les plantes engazonnantes, lafétuque élevée, leray-grass vivace, lafétuque rude, lafétuque rouge gazonnante et la fétuque rouge traçante en contiennent, et ce dans tous les compartiments de la plante (hormis dans les racines qui elles vivent en symbiose avec d'autres microbes) ; les endophytes sont plus concentrés dans la gaine foliaire chez ces espèces, alors que lepâturin des prés ou l'agrostide stolonifère ne semble pas en contenir[13].
Une part des endophytes fait partie de ladiversité biologique utile qui a été dégradée ou perdue par l'industrie semencière. Lessemences paysannes et le patrimoine génétique endophyte qu'elles recèlent pourrait redevenir une ressource reconnue pour l'amélioration végétale dans le monde[14]
Il est possible que lespollinisateurs et/ou le type de pollinisation joue un rôle important dans ladiversité biologique et donc dans l'évolution adaptative de l'endosphère[15]. Le recul des pollinisateurs serait alors aussi un enjeu encore mal évalué de ce point de vue. Selon des travaux récents, les espèces pollinisées par les insectes ont un microbiote moins diversifié que celles qui sontanémophiles (« ce qui suggère un effet de nivellement par les insectes vecteurs ; La microscopie électronique à balayage ainsi que l'hybridation fluorescente in situ couplée à la microscopie confocale à balayage laser (FISH ‐ CLSM) ont indiqué que la surface dutectum constituait la niche préférée de la colonisation bactérienne ».
Il est possible que leurs endophytes expliquent le succès de reproduction et d'adaptation ou de résilience de certaines plantes invasives[16].
Acceptés par lesystème immunitaire de leur plante-hôte - probablement à la suite d'une longuecoévolution - les champignons endophytes colonisent l'intérieur des tissus vivants de tout ou partie de cette plante, sans symptôme apparents de maladie[18].
Selon (Manoharachary et al. (2005)[19] il pourrait exister environ 1.5 million d’espèces de champignons endophytes, mais seules environ 75.000 d’entre elles avaient déjà été décrites en 2005 et le nombre d'espèces de champignon endophyte est encore complètement inconnu[16]. La plante nourrit et protège ces champignons. En échange, ces derniers apportent des métabolites intéressant pour la plante, car améliorant sa santé, sa compétitivité dans le milieu (par une résistance accrue aux pathogènes, aux parasites, à divers autres stress et en rendant la plante plus résiliente[20].
Les modes de transmission des endophytes sont dits[21] :
verticaux (passage direct des plantes « parents » aux propagules « enfants ») ; La transmission verticale des champignons endophytes correspond à unereproduction asexuée. Elle se fait par deshyphes dechampignon pénétrant l'hôte (exemple avecNeotyphodium). Leur taux de réussite en matière de reproduction est intimement lié à celui de leurplante hôte, ces champignons sont donc souvent ceux qui vivent en situation demutualisme avec leur hôte. De même, les graines des arbres et des céréales, lorsqu'elles sont diffusées par le vent, l'eau, les oiseaux, mammifères, etc. hébergent déjà un complexe microbiotique de bactéries spécifiques. Ces bactéries proviennent de l'anthosphère, de lacarposphère ou descônes degymnospermes mais aussi des tissus internes des plantes ; après une longue colonisation passant généralement du sol ou de l'eau du sol aux organes reproducteurs[18]. Les mises en cultures artificielles sur des substrats stérilisés peuvent priver la future plante d'une partie de ce patrimoine.
horizontaux (passage d'un individu à un autre individu sans nécessité de contact ou lien direct). La transmission horizontale est propre aux champignons endophytes àreproduction sexuée. Elle se fait via desspores qui peuvent être disséminées par le vent, ou par unvecteur (insectes en général) et pénètrent indirectement (via lesstomates ou leslenticelles) ou directement. Ces champignons se propagent plutôt à la manière d'agents pathogènes infectieux (ils sont souvent apparentés à desagents phytopathogènes, mais n'en sont pas eux-mêmes, en tous cas pour leurs plantes-hôtes).
La colonisation de tout ou partie des tissus végétaux par des endophytes crée et entretient un «effet barrière» empêchant d'autres endophytes qui pourrait être pathogènes de s'installer, faute de place et/ou parce que les endophytes peuvent aussi sécréter des substances biocides ou répulsives à l'égard de ses concurrents, éventuellement pathogènes. L'utilisation par une plante de champignons endophytes pour se défendre est un phénomène très commun.
Dans le cas des champignons endophytes, leur pénétration dans la plante se limite souvent aux seuls tissus racinaires, mais chez certaines espèces de plantes elle s'étend à d'autres organes (ex :« endophytes foliaires ») ; Dans tous les cas, la présence de champignons endophytes se traduit par uneévapotranspiration plus importante de la plante hôte, mais des champignons mycorhiziens symbiotes aident aussi la plante à fortement augmenter son accès à l'eau du sol et aux nutriments ;
Certains endophytes bénéfiques peuvent devenir pathogènes quand la plante, par exemple en situation de stress, ne les contrôle plus. Il semble en réalité exister une complexité probablement sous-estimée des relations d'endophytisme et d'interactions durables, avec un« continuum endophyte pathogène-saprotrophe »[27]. Ainsi des endophytes peuvent être bénéfiques dans certains écosystèmes, néfastes dans d'autres (par exemple l'intoxication par la fétuque élevée).
Certains endophytes pathogènes passent directement de la plante à la graine (via l'infection dupollen ou dupistil au moment de la floraison[28]) ; la graine devient alors vectrice de la maladie[29],[30] et peuvent ainsi être diffusés (dont par l'homme lors du commerce à grande échelle de graines, qui peut donc contribuer à l'émergence dephytopathologies loin de leur source biogéographique.
Une large gamme de molécules complexes produites par des endophytes a été découverte et est en cours d'exploration, souvent avec des vertusantibiotiques, et parfoisantiparasitaires voireanticancéreuses dans quelques cas quand ils sont utilisés chez les animaux, dont les humains.
Par exemple, plusieurs espèces de papillons, comme leDemi-deuil, leTristan et leMyrtil, dont les chenilles se nourrissent degraminées préférentiellement composées de champignons endophytes, contiennent des alcaloïdes pyrrolizidiniques qui, en plus d'être toxiques, ont également des propriétés antibactériennes. Ainsi, en plus d'offrir une protection contre les prédateurs, ces substances chimiques pourraient également renforcer la résistance des papillons aux maladies bactériennes[31].
Inoculer des plantes cultivées avec certains endophytes peut en effet améliorer la résistance ou résilience de ces plantes face à divers stress ou maladies[12] ou parasites. D'autres endophytes disposent d'enzymes capables de convertir la cellulose et d'autres sources de carbone, enzymes que certains aimeraient utiliser par exemple via legénie génétique ou d'autres manipulations (inoculations) par exemple pour produire un carburant "myco-diesel»[33].
Piriformospora indica est un champignon endophyte de l'ordreSebacinales qui semble pouvoir coloniser les racines et entretenir une relation symbiotique avec n'importe quelle plante terrestre.P. indica s'est aussi montré capable d'augmenter le rendement des récoltes et les défenses de plusieurs variétés cultivées (d'orge, tomates,maïs, etc.) contre certains des agents pathogènes des racines[34],[35].
Au vu des données disponibles, on peut supposer qu'il puisse exister plusieurs milliers d'endophytes potentiellement utiles à l'humanité. Il n'y a cependant que peu de spécialistes pour les étudier et les forêts et milieux riches en biodiversité sont de plus en plus rapidement détruits ou dégradés et à grande échelle, rendant probable la disparition de nombreux endophytes potentiellement utiles pour la médecine, l'industrie, l'économie... avant même qu'ils ne soient découverts.
Quelques études portent sur les effets réels ou possibles dudérèglement climatique ou d'une augmentation des taux de CO2 sur les endophytes (dans le domaine de la forêt et de l'agriculture essentiellement).
Elle se fait via le microscope, les analyses biologiques ou génétiques.
Beaucoup d'endophytes colonisent de multiples espèces de plantes. Certains ont un ou quelques hôtes spécifiques. On suppose qu'ils ontcoévolué avec leurs hôtes et sonsystème immunitaire[36].
Les espèces endophytes déjà connues sont très diverses, et on n'en a probablement identifié, caractérisé et nommé qu'une petite partie. Une seule et même feuille peut abriter de nombreuses espèces d'endophytes, tant bactériennes que fongiques. Ils peuvent être identifiés de plusieurs manières, de plus en plus souvent par amplification (PCR) et séquençage d'un petit morceau d'ADN.Certains endophytes peuvent être mis en culture à partir d'un petit morceau de leur plante-hôte, dans un milieu de croissance approprié.
À titre d'exemple, on peut observer des endophytes dans les feuilles desherbacées les plus communes au microscope (grossissement 400 X). Ils ont l'apparence de tubes en spirale (hyphes) une fois les cellules foliaires traitées à l'éthanol et colorées aubleu d'aniline.
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