L'Empire russe utilisa lecalendrier julien (CJ) jusqu'à sa chute ; les dates indiquées ci-dessus sont données à la fois dans ce calendrier et lecalendrier grégorien (CG).
Selon lerecensement de 1897, l'Empire compte à cette date environ 125,6 millions d'habitants[1], dont plus de 70 % (93,4 millions) vivent en Russie d'Europe. Plus de cent groupes ethniques différents vivent dans le territoire de l'Empire (lesRusses représentant 45 % de la population). L'Empire russe n'est pas unÉtat-nation mais une entitémultiethnique[2] intégrant une diversité de peuples en son sein dès ses origines[3].
L'Empire russe est uneautocratie dirigée par unempereur, appelé le plus souventGosoudar (« souverain »), ou tsar dans les campagnes. Mais sa dénomination officielle estimperator. Il est issu de la dynastie desRomanov. Lechristianisme orthodoxe est lareligion officielle de l'Empire, administrée par le souverain par le truchement duSaint-Synode. Les sujets de l'Empire sont séparés en ordres (classes) comme ledvorianstvo[Note 1] (дворянство, la « noblesse »), leclergé, les marchands (répartis en plusieursguildes), lemechtchanstvo (мещанство, « petits commerçants » ou artisans), lescosaques, et les paysans (libres, d'État, ou de la noblesse).
AuXIIIe siècle, lesTatars s'attaquent aux principautés russes. Les villes sont détruites et la population réduite en esclavage. Les principautés deviennent des vassales de l'État mongol, laHorde d'or. Seule larépublique de Novgorod parvient à garder son indépendance, alors que legrand-duché de Lituanie s'étend à l'ouest deKiev[9]. Dans la seconde moitié duXIIIe siècle, lesprinces de Moscou commencent à s'étendre en s'alliant régulièrement avec le khan de la Horde d'or et s'émancipent de la tutelle des princes de Vladimir. En1327, lemétropolite transfère sa résidence deVladimir à Moscou, augmentant considérablement le prestige de la principauté moscovite. Vers1330, lekremlin de Moscou commence à être bâti[10].
Les princes de Moscou unifient la Russie en annexant une à une les principautés voisines, mais la tradition de partage du territoire entre les fils fait éclater une guerre civile auXVe siècle. En1462,Ivan III monte sur le trône de la Moscovie. Il libère définitivement la Moscovie de l'emprise mongole et annexe les principales principautés russes dont la puissanterépublique de Novgorod et laprincipauté de Tver. En1493, il prend le titre de« souverain de toute la Russie ». Son fils continue son œuvre en annexant larépublique de Pskov ainsi que les principautés deRiazan et deSmolensk[11].
Au cours duXVIIIe siècle,Pierre le Grand (1682-1725), après unelongue guerre avec la Suède, obtient un accès à lamer Baltique. Il fait construireSaint-Pétersbourg qui devient à compter de 1712 la nouvelle capitale, symbolisant ainsi l'ouverture du pays vers l'Europe. Une puissante industrie métallurgique, la première d'Occident à l'époque, est édifiée dans l'Oural et permet de soutenir l'effort de guerre. Le, Pierre prend le titre d'« Empereur de toutes les Russies », qui remplaça le traditionnel titre detsar qui lui était jusque-là accordé.Catherine II de Russie (1762-1796), autocrate éclairée, achève la conquête des steppes situées au bord de lamer Noire après avoir défait l'Empire ottoman et lekhanat de Crimée et repousse vers l'ouest les frontières de l'Empire russe[12] grâce au partage de laPologne. L'actuelleUkraine et laRussie blanche (Biélorussie) sont désormais entièrement en territoire russe. Durant toute cette période, les cosaques occupent progressivement la Sibérie et atteignent l'océan Pacifique en 1640.Irkoutsk, au bord dulac Baïkal, est fondé en 1633, la région dudétroit de Béring et l'Alaska sont explorés dans les années 1740.
Un code édicté en 1649 lie désormais le paysan et ses descendants à la terre et à son propriétaire généralisant leservage, à contre-sens de l'évolution du statut du paysan en Europe occidentale. En contrepartie, les propriétaires terriens sont astreints à servir leur souverain. Catherine II confirme et renforce ces dispositions. Le mécontentement des paysans et d'une classe naissante d'ouvriers, exploités par leurs propriétaires et lourdement taxés par la fiscalité d'un État en pleine croissance déclenchent auXVIIe et XVIIIe siècles de nombreuses révoltes paysannes dont la plus importante, menée par le cosaquePougatchev, parvient à menacer le trône avant d'être écrasée (1773). L'Église à l'époque joue un rôle essentiel dans la société russe et les monastères sont dotés par les tsars et par les grandsboyards d'immenses domaines comprenant terres agricoles, forêts, moulins, mines…
Pierre le Grand puis Catherine II font venir un grand nombre de colons allemands (par exemple lesAllemands de la Volga) d'artisans et de savants occidentaux souvent allemands, pour moderniser le pays, édifier des industries et jeter les fondements des établissements d'enseignement et de diffusion du savoir. Les bases de la langue littéraire russe sont définies parMikhaïl Lomonossov. Les premiers journaux sont publiés à cette époque.
Sous le règne deCatherine II, eut lieu laGuerre russo-turque de 1768-1774, à la suite de laquelle l'Empire russe conquit de vastes terres au sud, notamment les côtes de la mer Noire et de la mer d'Azov, laFort Sainte-Élisabeth a joué un rôle clé dans cette victoire[13]. Après la liquidation deSitch zaporogue en 1775, laNouvelle-Russie a été créée sur les anciennes terres des cosaques ukrainiens, et les villes ont été fondées sur les sites des colonies cosaques :Iekaterinoslav,Elizavetgrad (la garnison de la Fort Sainte-Élisabeth a été dissoute en raison de sa perte d'importance militaire et de l'acquisition des droits de ville),Odesa,Mykolaiv etHerson[14],[15],[16],[17].
La noblesse russe s'occidentalise, surtout sous l'influence de la philosophie allemande et de la langue française, parlée par la noblesse, et certains de ses membres s'enthousiasmeront pour les idées desLumières, et parfois même de laRévolution française.
L'Empire russe joue un rôle décisif durant lesguerres napoléoniennes, qui la transforme en puissance européenne de premier plan. Animé comme tous les souverains européens par une hostilité aux idées de la Révolution française, l'empereur participe à deux coalitions contreNapoléonIer et essuie des défaites coûteuses.AlexandreIer choisit alors par renversement d'alliance le camp duPremier Empire lors du traité depaix de Tilsitt et l'entrevue des deux empereurs, mais la paix ne dure que cinq ans (1807-1812). Il profite de cette pause pour attaquer la Suède et lui ôter sa province de Finlande, donnant ainsi naissance augrand-duché de Finlande. En 1812, les hostilités reprennent. Lors de lacampagne de Russie, laGrande Armée de Napoléon parvient au prix de combats acharnés à s'emparer deMoscou, mais doit en repartir chassée par l'incendie de la ville. Lesarmées russes harcèlent alors un ennemi décimé par la faim et le froid et, en 1814, elles occupent Paris, avec l'armée prussienne. Alexandre joue un rôle majeur dans laSainte-Alliance qui entend gérer le destin de l'Europe post-napoléonienne et s'oppose notamment à la reconstitution de l'État polonais. En 1849, son successeur,NicolasIer, envoie des troupes enHongrie pour soutenir l'armée autrichienne, opposée auxrévolutionnaires hongrois depuis l'année précédente. Les grandes puissances européennes sont la Russie, l'Autriche et la Prusse. La France est marginalisée et l'Angleterre occupée par ses conquêtes coloniales.
L'Empire russe en 1866 ; en vert clair les territoires sous influence.
L'Empire russe poursuit, sous son règne et celui de ses successeurs, son expansion dans leCaucase et vers les bouches duDanube, au détriment des Empires perse et ottoman. LaGéorgie rejoint volontairement l'Empire en1801. La partie orientale de laprincipauté de Moldavie (vassale de l'Empire ottoman) est annexée en1812 et forme legouvernement de Bessarabie. L'Arménie, leDaghestan et une partie de l'Azerbaïdjan sont annexés en1813 au terme d'un conflit de quatre ans avec l'Empire perse. Au décès d'Alexandre (1825), des officiers réformistes, lesdécembristes, se soulèvent en vain pour demander une réforme de la monarchie dans un sens constitutionnel. Cette tentative de soulèvement d'officiers issus de l'aristocratie va servir aussi de modèle à de nombreux intellectuels russes au cours du siècle suivant, inspirés par la philosophie deHegel ou deKropotkine. En1829 l'Empire russe se fait céder par l'Empire ottoman lesbouches du Danube, ce qui marque le début du processus d'indépendance des populations chrétiennes de la région.NicolasIer bénéficie d'une bonne croissance économique, mais renforce l'appareil répressif. Il écrase violemment un soulèvement armé de laPologne (1831). Le déclin de l'Empire ottoman, qui attise les convoitises des puissances européennes, est à l'origine d'un conflit entre la Russie et les autres puissances européennes, la Grande-Bretagne en tête, et la France qui revient en scène : laguerre de Crimée. Défait àSébastopol (1856),Alexandre II, le successeur de Nicolas, doit céder le Sud de la Bessarabie avec les bouches du Danube, et perd les droits de passage entre lamer Noire et laMéditerranée. Un dernierconflit victorieux avec l'Empire ottoman (1878) lui permet de retrouver un accès au Danube et parachève la conquête du Caucase. La Russie obtient aussi la création dans lesBalkans d'un royaume deBulgarie, et la reconnaissance par les Ottomans de l'indépendance de laSerbie et de laRoumanie. Cet accroissement d'influence ravive l'hostilité de laGrande-Bretagne (Le Grand Jeu) et provoque la méfiance de l'Autriche-Hongrie, qui craignait le réveil des Slaves du Sud dans ses territoires, et qui elle-même s'étendait dans les Balkans.
Toujours en quête de plus de territoires, la Russie gagna plus d'un million de kilomètres carrés en obtenant Priamurye (Mandchourie extérieure) de la Chine de laDynastie Qing, laquelle était dirigée par les Mandchous et était affaiblie par laRévolte des Taiping.
Ceci se fit en 1858 par leTraité d'Aïgoun qui enregistra la cession d’une grande partie de la Mandchourie extérieure à la Russie, et en 1860, par laConvention de Pékin qui entérina la cession duKraï du Primorié moderne, avec en particulier ce qui deviendra la grande ville portuaire deVladivostok sur la côte Pacifique, ainsi que les villes deNakhodka et d'Oussouriisk.
A contrario, peu après, la Russie accepta en 1867 de vendre aux États-Unis pour 11 millions de roubles (7,2 millions de dollars) son dernier territoire en Amérique du nord, l’Alaska, qui devint le49e État des États-Unis en 1959.
De nombreusesjacqueries contre l'aristocratie terrienne endettée et attachée de ce fait au système du servage, ont lieu durant cette période. L'industrie se développe surtout dans les mines et letextile mais reste très en retrait par rapport au Royaume-Uni et à l'Allemagne (environ 600 000 ouvriers vers 1860). Une nouvelle classe de commerçants et de petits industriels — souvent d'anciens serfs libérés par rachat — apparaît, mais ses effectifs sont relativement peu nombreux.
Au XIXe siècle, l'Empire russe mena une politique brutale deRussification dans les territoires conquis. Cette politique se traduisit non seulement par l'interdiction des langues maternelles de nombreux peuples et l'imposition du russe, mais aussi par l'effacement total de leur identité. Ainsi, les Vepses, peuple autochtone du nord de la Russie, furent presque entièrement assimilés aux groupes de Russie du nord ; il n'en reste aujourd'hui qu'environ 5 000[18].
Sous son règne, l'Empire a poursuivi son expansion coloniale enAsie centrale : après l'annexion des terres deskazakhs achevée en 1847, les troiskhanats du territoireouzbek (Kokand,Boukhara etKhiva) sont conquis au cours des trois décennies suivantes puis annexés ou placés sous protectorat (1876). Cette avancée place les limites de l'Empire russe aux portes de l'Empire britannique auxIndes qui poursuivait aussi son expansion à l'est plus au sud. La tension (Grand Jeu) entre les deux pays va rester très vive jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé en 1907 (convention anglo-russe). La Pologne se soulève sans succès en 1863. Au sud-est, l'Empire tire profit en1876 de l'insurrection des Serbes de Bosnie, qui se termine par une attaque contre l'Empire ottoman[19]. Ce conflit inquiète cependant les investisseurs car la Turquie, malgré sa défaite, refuse de signer le protocole élaboré à Londres par les grandes puissances : en un mois, l'emprunt public français de référence perd quatre points, l'italien six points et le russe dix points[19].
L'agriculture a toujours un poids écrasant : en 1897 la Russie compte 97 millions de paysans pour une population totale de 127[réf. nécessaire] millions d'habitants. Ceux-ci ne possèdent généralement pas les terres qu'ils cultivent (25 % seront propriétaires en 1914). Le pourcentage de terres détenues par la noblesse est passé de 96,3 % en 1867 à un peu plus de 55 % en 1906, il existait encore 159 domaines de plus de 50 000 dessiatines à cette date.
Le taux d'alphabétisation est très faible et la mortalité infantile est élevée (environ 180 pour 1 000). L'excédent démographique est absorbé par les villes dont le nombre croît rapidement : à la veille de la Première Guerre mondiale, la population citadine dépasse les 25 millions d'habitants. La Russie continue d'accroître son aire d'influence : enChine et enCorée elle se heurte aux intérêts japonais. Laguerre russo-japonaise qui s'ensuit se termine par une défaite complète (1905 à labataille de Tsushima) : la modernisation duJapon a été sous-estimée et l'éloignement du champ de bataille a créé d'énormes contraintes logistiques.
Voici les budgets russe et japonais en 1903/1904, avant l'entrée en guerre, établis enfrancs français au cours de 2 fr. 67 pour lerouble et de 2 fr. 55 pour le yen[20] :
Cette guerre déclenche le premier soulèvement généralisé de la population russe contre le régime. Larévolution de 1905, urbaine à l'origine, est aussi un mouvement paysan qui touche essentiellement la région des terres noires et des côtes de la Baltique. La loyauté des forces armées va sauver le régime.Nicolas II, qui est monté sur le trône en 1894, est obligé de donner des gages d'ouverture. Une assemblée, laDouma d'État de l'Empire russe, élue est dotée de pouvoirs législatifs. Mais les élections de deux doumas successives donnent une large majorité à l'opposition. La loi électorale est alors modifiée pour obtenir une chambre des députés favorable au pouvoir.
La Russie entre en guerre contre l'Empire allemand et l'Empire austro-hongrois dès août 1914 pour venir en aide à laSerbie, son alliée ; et aussi parce qu'elle fait partie de laTriple-Entente. L'Empire russe déclenche sur lefront de l'Est une offensive en Pologne orientale mais est sévèrement battue. Les troupes russes doivent abandonner la Pologne, puis une grande partie despays baltes, qui sont occupés durant les trois années qui vont suivre.
Début 1917 éclate larévolution de Février, une série de mouvements sociaux, suscités par le poids de la guerre sur l'économie, les pertes sur un front réduit à une stratégie défensive, l'instabilité des dirigeants et la défiance vis-à-vis du tsar. Le refus des troupes de réprimer les manifestations et la lassitude des classes dirigeantes obligent l'empereurNicolas II à abdiquer.
Ungouvernement provisoire est alors constitué, présidé successivement par le princeGueorgui Lvov et parAlexandre Kerensky, qui finit par proclamer laRépublique russe le. Tout en esquissant des réformes, celui-ci tente malgré tout de respecter les engagements de la Russie vis-à-vis de ses alliés en poursuivant une guerre très impopulaire.
L'empire russe disparaît remplacé officiellement par une république. Elle connait une période d'instabilité majeure avec une guerre civile entre partisans du Tsar et bolcheviks (1917-1922) avant l'instauration de l'Union des Républiques Soviétiques Socialistes basée sur l'idéologie fédérative ducommunisme[21]. Instituée parLénine, puis dirigée et consolidée par ses successeursStaline,Ktroutchev,Brejnev,Gorbatchev, elle va perdurer jusqu'en 1991 date de sonson effondrement et de l'empire soviétique qu'elle avait reconstitué autour d'elle notamment après laSeconde Guerre Mondiale[21].
Cosaques du Terek, image de l'albumLes peuples de la Russie par Emelian Korneïev, 1812.Paysans d'Ingrie, gravure de Gustav-Teodor Pauli, 1862.Princessenogaï, image de l'albumLes peuples de la Russie par Emelian Korneïev, 1812.Familletchouktche devant sa maison proche dudétroit de Béring, image de l'albumVoyage à travers le monde par Louis Choris, 1816.
Certaines ethnies de l'Empire pouvaient parfois avoir un statut spécial[25] : par la charte du gouvernement desindigènes de juillet1822 (Уложение об Управлении Инородцами,Ulozhenije ob Upravlenii Inorodtsami), chaque peuple autochtone (deSibérie, duCaucase, d'Asie centrale) conservait son droit propre dans les domaines de la vie quotidienne (famille, droit foncier, pêche, chasse, etc.)[25] et les juges traditionnels rendaient la justice, sauf pour les crimes graves qui devaient eux être portés devant les tribunaux d'État[25]. En outre, selon qu'ils étaientnomades ousédentaires, chaque peuple se voyait accorder des droits correspondant à son mode de vie, notamment des droits exclusifs sur ses terres[25] et une autonomie dans l'élection de ses propres autorités locales. Les compétences en matière administrative, militaire et fiscale étaient du ressort des autorités de l'Empire[25]. Mais ce n'était pas le cas de toutes les ethnies, et certaines se virent rogner leurs droits au point de tous les perdre : par exemple, lesMoldaves furent, juste après leur annexion en1812, gouvernés par unprince moldave,Scarlat Sturdza(ro), mais il est destitué au bout d’un an, remplacé par des gouverneurs russes et l'autonomie locale est abolie en1828. Une politique derussification se met en place : en1829, l'usage de lalangue locale est interdit dans l'administration au profit durusse. En1833, le « moldave » est interdit dans les églises et, en1842, dans les établissements d’enseignement secondaire, puis dans les écoles primaires en1860. Enfin, en1871, la langue locale est purement et simplement interdite dans toute la sphère publique par le mêmeoukaze impérial qui érige leur territoire en « gouvernement »[26].
En dehors desSlaves, lesFinnois et lesTatars sont les deux principaux peuples qui émergent de l'Empire russe. Les Finnois sont les plus anciens occupants de l'espace géographique qu'occupe la Russie[27]. Ils sont dispersés dans l'Empire, de laFinlande à laSibérie, en passant par la Russie d'Europe (Vepses), l'Oural ou encore les rives de laVolga. Protestants et longtemps sujets suédois, lesFinlandais et lesEstoniens sont les seuls qui échappent à la lenterussification des Finnois. Au fil du temps, les autres peuples finnois ont été fragmentés, de sorte qu'ils ne sont plus en mesure de jouer un rôle politique dans l'Empire[28].
« Tatars » (souvent improprement rendu par « Tartares » à l'époque) est le nom donné aux tribus turco-mongoles qui déferlèrent auXIIIe siècle sur l'actuel territoire de la Russie. Par la suite, le nom est aussi attribué aux différentspeuples turcs présents en Russie[29]. Après avoir longtemps été les suzerains des principautés russes, les chefs tatars, passés duchamanisme à l'islam, refusèrent d'en devenir les sujets et se replièrent, au fil des conquêtes russes, vers l'est (autour deKazan) ou vers le sud sous protectionottomane. Mais à partir duXVIIIe siècle, l'Empire russe les y rattrapa, et au début duXXe siècle les Tatars ne sont plus, sur leurs anciennes terres, que des îlots minoritaires[30]. En revanche, les peuples turcs sont en majorité dans les provinces russes de l'Asie, auTurkestan où l'on trouve lesKirghizes (terme qui à l'époque inclut aussi lesKazakhs), lesTurkmènes ou lesOuzbeks[31].
Dans la Russie impériale, il n'y avait initialement que quatre grandes classes dont les deux premières s'européaniseront sous l'impulsion successive dePierreIer le Grand etCatherine II la Grande ; ce sont :
lesboyards,aristocrates qui exercent le métier des armes, pourvoient les offices publics et possèdent la plus grande partie des terres ;
lespaysans, divisés entre «odnodvortsy» (alleutiers), hommes libres possesseurs des terres de leur village et la travaillant eux-mêmes en commun selon le système du « mir »[32] mais devant le service militaire auTzar[33], etserfs appartenant aux boyards ou aux monastères, exemptés de service militaire mais soumis à de lourdes corvées et assignés à résidence dans leurs villages ; avec le temps et les donations successives des Tzars à leurs fidèles boyards ou aux monastères, le nombre des premiers diminue et celui des seconds augmente au point qu'auXVIIIe siècle les quatre cinquièmes des paysans sont asservis.
Le drapeau national de l'Empire russe à usage privé qui contient le drapeau national de la Russie et l'étendard impérial de l'empereur russe.
Si ces classes existent légalement, elles n'ont ni unité ni cohésion interne : rivalités, complots, guerres civiles, révoltes et répressions ne cessent d'ensanglanter l'histoire du pays. On trouve par ailleurs des différences entre les pays nouvellement conquis (qui sont parfois autorisés, du moins pour un temps, à garder leur organisation antérieure) et ceux plus anciennement annexés par la couronne russe. En1914, quatre entités gardaient encore leur organisation antérieure à leur conquête : laPologne russe, laFinlande, et les deuxkhanatsouzbeks deKhiva et deBoukhara. Il existe aussi des populations hors-classes comme les tribusnomades de chasseurs et d'éleveurs derennes deSibérie, ou encore lesRoms, pour certains bateleurs, bûcherons, charrons, chaudronniers, chiffonniers, ferronniers, fossoyeurs, selliers ou tanneurs libres et nomades, pour d'autres serviteurs attachés à tel ou tel boyard, monastère, régiment (Khaladitika Rôma) ou groupe ethnique (Tataritika Rôma) selon des systèmes complexes de servitude personnelle[34].
La noblesse russe ne ressemble pas à ses équivalents occidentaux. Elle a d'abord la particularité de n'être qu'un instrument du pouvoir central, ensuite, elle a constamment été renouvelée, empêchant ainsi la création d'un esprit de caste entre ses membres. Il y a deux noblesses dans l'Empire russe : la noblesse personnelle et la noblesse héréditaire. La première est créée avec l'arrivée de la bureaucratie occidentale dans les institutions russes. Elle est donnée aux petits employés d'État, qui ne bénéficient pas de plus de privilèges que la classe bourgeoise embryonnaire[pas clair]. La noblesse héréditaire est au contraire celle de la grande noblesse russe. DePierre le Grand jusqu'àAlexandreIer, celle-ci est ouverte à tout officier de l'armée ou tout employé civil. Ces modalités augmentent fortement le nombre de nobles, mais créé une noblesse sans éducation. À partir de1822, le niveau des grades militaires ou civils requis pour prétendre à la noblesse, augmente progressivement, jusqu'àAlexandre III qui supprime l'anoblissement par le grade. La noblesse ne s'acquière désormais plus que par gratification ou comme récompense de mérites particuliers[35].
L'empereur de Russie, surnommé « tsar » dans les campagnes de l'Empire, est un monarqueabsolu dedroit divin. Considéré comme n'étant responsable que devantDieu seul, le monarque est à la tête duTrès Saint-Synode, l'institution suprême qui régit le christianisme orthodoxe, religion d'État. Il est également le commandant suprême de l'armée impériale russe. Détenteur formel de tous les pouvoirs politiques, judiciaires et militaires, il gouverne avec l'aide de ministres et de conseillers qu'il choisit. Il règne sur les différents territoires etgouvernements du vaste Empire en déléguant de l'autorité à des hommes ou des institutions choisis qui agissent sur ses ordres et dans les limites de ses lois[36]. L'empereur est métaphoriquement considéré comme étant le père de l'ensemble des peuples de l'Empire et tous les habitants de l'Empire sont considérés comme étant ses enfants, d'où son surnom de « Père des peuples » et, de manière affectueuse, « царь-батюшка » (tsar-petit-père)[36].
Jusqu'en 1797, l'empereur pouvait choisir librement son héritier dans sa famille et c'est ainsi que de nombreuses femmes ont pu accéder au trône au cours du XVIIIe siècle. Un an après son accession au trône,Paul Ier promulgue laLoi de succession de l'Empire russe, qui établit la primogéniture masculine et écarte les femmes de l'ordre de succession au trône excepté dans le cas d'une extinction totale de la lignée masculine[37].
L'empereur étant la source formelle du pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, il n'existe aucunparlement dans l'Empire jusqu'en 1906, date de la création de laDouma d'État dans la foulée de larévolution russe de 1905 (leConseil de l'Empire ayant été auparavant ce qui se rapprochait le plus d'un parlement). Le régime devient dès lors semi-absolutiste sous laConstitution de 1906 : le premier ministre et les ministres sont responsables uniquement devant l'empereur et celui-ci peut rejeter toute loi promulguée par la Douma et la dissoudre à tout moment qu'il le souhaite. Alors que les deux premières Doumas ont une représentation qui reflète la diversité ethnique, religieuse et économique de l'Empire, les sessions parlementaires suivantes seront dominées par les nobles, les propriétaires terriens et les bourgeois[38].
Les institutions administratives de la Russie avant l'avènement dePierreIer le Grand sont rudimentaires. Elle est dirigée par desvoïvodes, des sortes d'intendants du tsar qui possèdent tous les pouvoirs civils et militaires. Pierre le Grand souhaite moderniser l'État en s'inspirant de l'Occident et en faisant table rase du passé. Au sommet de l'administration existe deux grands corps d'État : leSénat dirigeant et leConseil de l'empire. Le premier, le plus ancien, est créé par Pierre le Grand avec comme mission de contrôler l'administration. AuXIXe siècle, il perd ses attributions au détriment du second pour ne devenir qu'une sorte de cour de cassation. Les sénateurs reçoivent parfois la mission de réaliser des enquêtes administratives dans les provinces. Le Conseil de l'Empire est créé parAlexandreIer avec comme mission de rédiger les lois, d'examiner le budget et de recevoir les comptes rendus des ministres. Néanmoins, il ne s'agit pas d'un parlement et il ne donne qu'un avis ; la décision suprême reste au tsar qui a la liberté de ne pas tenir compte des conseils. Ses membres sont nommés par l'empereur. Avec le temps, sa mission principale sera d'enregistrer les décrets[39].
Les ministres apparaissent en Russie à la même période que le Conseil de l'Empire pour remplacer les collèges, eux-mêmes créés par Pierre le Grand pour succéder auxprikazes. Les ministères sont divisés en départements, indépendants les uns des autres. Les ministres sont assistés d'un conseil, qui peut passer des années sans se réunir et d'un ou deux adjoints qui souvent lui succèdent. La peur de voir les ministres monter en puissance et devenir des autocrates dans leur domaine, fait que le souverain confie progressivement les places de ministres à des favoris et des fidèles plutôt qu'aux personnes compétentes. Les ministres se réunissent par moments pour se concerter, mais il n'y a aucun lien, ni aucune cohésion entre les différents ministres. Il existe officiellement uncomité des ministres, mais les ministres ne sont pas les seuls à y siéger et on y trouve des personnalités comme leContrôleur de l'Empire, leprocureur du Saint-Synode, des chefs de lachancellerie, les présidents de sections du Conseil de l'Empire et même le directeur desharas. Le président lui-même, n'est pas ministre et est nommé par l'empereur. Les ministres sont en fait cantonnés dans un rôle de secrétaire de l'empereur et dont la mission principale est de présenter des rapports au monarque[40].
En deçà des représentants du pouvoir impérial il y avait localement plusieurs types de représentation électorales ayant un pouvoir local :
l'assemblée des paysans en Mir. Elle n'a d'abord qu'un rôle économique, qui se dédouble après 1861 d'un rôle administratif très important. Le mir est un système villageois semblable auxlandsgemeinde suisses[41]. Chaque famille envoie un délégué, généralement le chef de famille, à l'Assemblée[42]. Celle-ci se réunit librement en public pour débattre des problèmes et élire les fonctionnaires[43]. On y décide également du partage des terres ;
l'assemblée deVolost. C'est un système dedémocratie représentative. Elle comprend tous les fonctionnaires élus d'un bailliage, ainsi que les délégués choisis par les villageois[43]. L'assemblée doit compter au minimum un représentant parhameau. Parmi ses tâches, elle doit élire les fonctionnaires supérieurs, désigner les représentants de la paysannerie aux assemblées de district (où se réunissent des membres de toutes les classes)[43]. Elle a également le pouvoir de prendre des décisions sur l'entreprise de travaux utiles à toutes les communautés représentées, comme la construction de chemins ou d'écoles. Pour les financer, l'assemblée a le droit de voter destaxes locales[43] ;
Depuis 1870 les parties européennes de la Russie avaient des institutions semblables aux zemstvos, elles reposaient sur un système censitaire. Le rôle était hiérarchisé en fonction de la somme payée puis divisé en trois collèges de taille inégales qui élisaient un maire et un conseil municipal. Celui-ci dépendait du gouverneur ; le système fut étendu à des villes sibériennes en 1894 et d'autre au Caucase en 1895.
Le système judiciaire fut beaucoup modifié par les réformes deCatherine II en 1775[44]. Chaque classe élisait et était jugée par ses propres autorités judiciaires, ses propresmagistrats[44] (à l'exception des tribunaux inférieurs, nommés par les gouverneurs). Ainsi, lespropriétaires terriens étaient jugés par les tribunaux supérieurs « zemstvo » dans les gouvernements, et par les tribunaux de districts dans les districts. Les paysans d'État étaient jugés par les tribunaux supérieurs « rasprava » dans les gouvernements et par les tribunaux inférieurs dans les districts[44]. La réforme de 1775 institua un nouveau tribunal, appelé le « sovetsny », dont le but était de réconcilier pacifiquement les parties en litige[44].
La nouvelle organisation judiciaire règle aussi les rapports entre le droit écrit et ledroit coutumier devant les tribunaux. Les juges doivent tenir compte des coutumes mais en cas de conflit entre le droit écrit et le droit coutumier, c'est normalement la loi écrite qui prime[45]. En revanche, l'application du droit coutumier est autorisée en cas d'absence d'une loi écrite, dans les affaires où la valeur litigieuse est peu importante, et dans certains domaines spécifiques (héritages, ordre de succession)[45].
Institué en 1711, le Sénat était laCour suprême de l'Empire[46]. Il était constitué de neuf départements[47], chacun ayant compétence dans un domaine déterminé. Le Sénat devait notamment :
Surveiller l'exécution des lois (et il pouvait pour cela demander des comptes de leur gestion à tous les fonctionnaires de l'État, y compris aux ministres)[46] ;
Faire des rapports à l'Empereur en cas de torts ou de négligence créés par les agents d'application de la loi, et rendre des jugements en la matière, si nécessaire[46] ;
Juger en appel, en dernier ressort, toutes les affaires civiles et criminelles (en tant que haute cour de justice)[47] ;
20oblasts, qui sont en général les régions les plus proches mais aussi les régions où vivent les cosaques, pour celle du Don la dépendance se faisait directement à travers le ministre de la Guerre ;
Il y avait aussi les États vassaux et les protectorats comme l'émirat de Boukhara et les khanats deKokand,Khiva etTouva. Certaines grandes villes avaient des pouvoirs spéciaux, certaines avaient leurs gouverneurs généraux à partir de 1906 comme à Varsovie,Vilnius, Kiev, Moscou, ou Riga, mais aussi en Finlande. D'autres villes avaient de plus leur système administratif propre et les chefs de la police avaient les prérogatives de gouverneurs (Saint-Pétersbourg, Moscou,Odessa, Sébastopol, Rostov).
Les gouverneurs généraux avaient des pouvoirs étendus qui allaient, en plus du civil, jusqu'au commandement des troupes stationnées sur le territoire.
Multi-ethnique, l'Empire comprend des centaines de langues et de religions différentes, et intègre les différents peuples en son sein au fil de son expansion, ce qui fait qu'il est une union de peuples et non unÉtat-nation[48].
Lapopulation urbaine a augmenté de 70 % entre 1897 et 1913 et représente alors 18 % de la population totale.
Moscou et Saint-Pétersbourg ont 2 millions d'habitants,Kiev a 500 000 habitants,Kharkov etBakou 300 000 et une vingtaine de villes dépassent les 100 000 habitants.
Du fait de réformes tardives (leservage n'estaboli qu'en 1861), larévolution industrielle démarre tardivement en Russie. Son développement économique est toutefois été relativement rapide à partir desannées 1880. Ainsi, en1913, l'Empire russe est déjà la troisième économie mondiale, après lesÉtats-Unis et l'Empire allemand. S'agissant duPIB à parité de pouvoir d'achat, elle est à égalité avec ce dernier avec, en1913, un PIB (PPA) de 237 milliards dedollars internationaux soit 8,8 % du PIB mondial pour l'Allemagne et 232 milliards de dollars internationaux soit 8,6 % pour laRussie. Elle vient également recouvrer son indépendance financière à l’égard de l’Europe de l’Ouest : en 1914, le capital russe contrôle 51 % de l’économie nationale contre 35 % en 1905.
Le gouvernement tire les capitaux nécessaires au développement de l'impôt qui frappe essentiellement les paysans.
Le capital français entre dans 80 % desemprunts d'États à l'étranger, et dans plus de 30 % des investissements privés.
Pour la décennie desannées 1890,Richard Pipes rapporte que« la productivité industrielle russe s’est accrue de 126 %, le double du taux de croissance allemand et le triple de celui des États-Unis »[50].
La production de minerai defer est multipliée par cinq entre 1890 et 1913 (9,2 millions de tonnes en 1913), celle decharbon par huit (29,1 millions de tonnes en 1913), celle d'acier par cinq (4,2 millions de tonnes en 1913).
La densité duréseau ferré double entre 1892 et 1903, leTranssibérien construit à cette époque étant l'exemple le plus fameux de ce développement. On compte 18 000 locomotives en1913 transportant dix millions de tonnes de marchandises par an. Les pertes provoquées par la guerre font qu'en janvier 1918, on ne compte plus que sept à huit mille locomotives pour un transport de trois millions de tonnes de marchandises.
Laclasse ouvrière, qui compte trois millions de personnes à temps plein en 1917 et trois millions de saisonniers, baisse à 1,5 million en 1920 à la suite de laguerre civile russe[52].
Symboliquement les trois bandes sont interprétées comme le tsar (blanc), le ciel (bleu) et le peuple (rouge). Le drapeau de l'actuellefédération de Russie reprend celui de l'Empire russe.
Son hymne national, de 1833 à 1917, était « Dieu, garde le tsar » (en russe : Боже, Царя храни,Boje, Tsaria khrani). Les paroles sont de Vassily Joukovsky, la musique d'Alexeï Lvov.
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↑Новороссия, состоящая из губерний Бессарабской, Херсонской, Таврической, Екатеринославской, области Войска Донского и Ставропольской губернии, занимает южную окраину Европейской России, примыкающую к Чёрному морю и к Манычу». (Россия. Полное географическое описание нашего отечества. Настольная и дорожная книга для русских людей / Под ред. В. П. Семенова и под общим руководством П. П. Семенова-Тян-Шанского и В. И. Ламанского. — Т. XIV. Новороссия и Крым Архивная копия от 31 октября 2015 на Wayback Machine / Сост. Б. Г. Карпов, П. А. Федулов, В. И. Каратыгин и др. — СПб.: Изд. А. Ф. Девриена, 1910. — 983 с.
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