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Empire du Japon

35° 41′ N, 139° 46′ E
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3 janvier 1868 – 3 mai 1947
(79 ans et 4 mois)

Drapeau
Drapeau de l'empire du Japon (à partir de 1870)
Blason
Emblème
Hymne君が代 (depuis1880) (Kimi ga yo, « Votre règne »)
Description de cette image, également commentée ci-après
L'empire du Japon à son apogée (1942)

En vert foncé : territoire japonais (-).
En vert : acquisitions et occupations (-).
En vert clair : occupation et États satellites (-).
En pointillés :mandat des îles du Pacifique (-).
Informations générales
StatutMonarchie
Texte fondamentalConstitution de 1889
CapitaleKyoto(-)
Tokyo(à partir de 1869)
Langue(s)Japonais
ReligionShintoïsme
MonnaieYen[I 1]
Démographie
Population (c. 1935)97 770 000
Densité (c. 1935)144,8 hab./km2
Superficie
Superficie (c. 1935)675 000 km2
Histoire et événements
Restauration Meiji
Abolition du système han
1re Constitution
-Première guerre sino-japonaise
-Guerre russo-japonaise
-Seconde guerre sino-japonaise
-Guerre du Pacifique (Seconde Guerre mondiale)
Capitulation
Entrée en vigueur d'unenouvelle constitution. Fin officielle de l'empire du Japon.
Empereur du Japon
-Meiji
-Taishō
-Shōwa
Diète impériale du Japon
Chambre hauteChambre des pairs
Chambre basseChambre des représentants

Entités précédentes :

Entités suivantes :

  1. Leyen coréen est officiel enCorée à partir de 1910 et leyen taïwanais àTaïwan à partir de 1896.

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L'empire du Japon (enjaponais大日本帝國 (kyūjitai) /大日本帝国 (shinjitai), prononcéDai Nippon Teikoku, littéralement « empire du Grand Japon ») est lerégime politique que connaît leJapon de larestauration de Meiji en1868 à lacapitulation du pays en1945. Le pays sort durégime shogunal des Tokugawa qui caractérisait lapériode précédente pour adopter des institutions relevant de lamonarchie constitutionnelle : l'empereur est formellement à la tête du pays et, au travers d'institutionsencadrées par une constitution, un gouvernement progressivement issu d'unparlement bicaméral le dirige.

Le Japon connaît initialement un glissement vers un fonctionnement de plus en plus démocratique de ses institutions, culminant lors de la période de laDémocratie Taishō dans les années 1910 et 1920, avant de connaître unedérive militariste marquée par les tentatives decoup d'État des15 mai 1932 et26 février 1936, puis par la prise de pouvoir effective des militaires à partir de1937 avec le déclenchement de laseconde guerre sino-japonaise, jusqu'à lacapitulation du pays.

Sur le plan international, le statut du pays évolue considérablement, qui passe en quelques années de ladomination par les Occidentaux à un rôle international de premier plan. Si, au milieu duXIXe siècle, le Japon est contraint de signer destraités inégaux avec les puissances occidentales, il parvient,dès 1894, à obtenir leur révision puis à signer des traités d'alliance avec elles,le premier en 1902 avec leRoyaume-Uni. Dans le même temps, le Japon devient une puissance régionale en parvenant à vaincre militairement ses grands voisins,d'abord la Chine en 1895, puis laRussie en 1905. Ces victoires dotent le pays de ses premièrescolonies,Taïwan à partir de 1895 et laCorée à partir de 1910. Par la suite, le pays poursuit unepolitique expansionniste enoccupant de nombreux territoires enAsie de l'Est etdu Sud-Est, qui constituent unempire colonial et une vastesphère d'influence appelée « sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale ». C'est ainsi que le Japon s'engage dans une série de conflitscontre la Chine à partir de 1937 etcontre les Alliés à partir de 1941 — conflit qu'il perd en1945, entaché decrimes de guerre qui donnent lieu auprocès de Tokyo en1946.

Lors de cette période, le pays se modernise rapidement, grâce au recours à de nombreuxconseillers étrangers, mais aussi à l'envoi de nombreux Japonais à l'étranger pour se former. Cette modernisation touche à la fois les domaines économiques et industriels — et entraîne la constitution de grands conglomérats que sont lesZaibatsu —, mais aussi artistiques. L'urbanisation rapide que connaît le pays voit l’apparition de nouveaux modes de consommation et l'émergence d'uneculture de masse qui marque profondément laculture du pays. Lecinéma japonais fait ses débuts dès1899, alors que lalittérature, l'architecture, ou encore lapeinture connaissent un grand dynamisme, en intégrant des influences étrangères et en faisant émerger des formes d'expression propres au pays. L'attrait pour la culture japonaise est aussi perceptible à l'étranger, et celle-ci jouit d'unecertaine influence dans les milieux artistiques internationaux, engendrant notamment lejaponisme.

Histoire politique

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Crises du régime shogunal à la fin de l'ère Edo

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Articles détaillés :Shogunat Tokugawa,Bakumatsu etIshin shishi.

Lors de ses trente dernières années d'existence, leshogunat Tokugawa, qui dirige leJapon depuis1603, est confronté à trois séries de crises de différentes natures qui ébranlent ses fondations. La première période de crises est déclenchée par lagrande famine Tenpō qui frappe l'archipel de1833 à1837. Aux centaines de milliers de morts enregistrés dans le pays[1] s'ajoute la rébellion deŌshio Heihachirō en1837, qui vise à débarrasser le pays des fonctionnaires corrompus, accusés d'avoir aggravé la crise par leur cupidité[2]. Les autorités shogunales promeuvent alorsMizuno Tadakuni. Pour répondre au mécontentement de la population, celui-ci engage lesréformes Tenpō[3], qui se soldent par un échec, et aggravent au contraire la perte de confiance envers le régime. Dans le même temps, de grands seigneurs locaux tirent leur épingle du jeu en modernisant efficacement leursfiefs — notamment les domaines deSatsuma et deChōshū, qui disposent de forces militaires équipées d'armes modernes[4].

Une deuxième période de crises s'ouvre lors desannées 1840 et1850, dominée par les questions internationales. Lors de lapremière guerre de l'opium, la victoire duRoyaume-Uni en1842, face à laChine, puissance dominante du continent, fait prendre conscience aux différentes élites du pays de la menace que représente la puissance desOccidentaux pour le Japon[1]. La menace se concrétise en1853, lorsque l'amiralaméricainMatthew Perry et ses « navires noirs » arrivent dans labaie d'Edo et réclament l'ouverture derelations diplomatiques etcommerciales avec le pays[5]. En ce qui concerne la réponse à donner à ces demandes, des lignes de fracture apparaissent entre les responsables du shogunat, lesgrands seigneurs, et lacour impériale — ce qui contribue à affaiblir le pouvoir shogunal[6]. Untraité d'amitié est finalement signé en 1854 avec les Américains, puis untraité commercial avec les puissances européennes, en 1858[7]. Si la menace militaire occidentale ne se matérialise pas lors de cette période[n 1], l'ouverture du marché intérieur aux Occidentaux est à l'origine de plusieurscrises politiques etéconomiques, alors qu'uneinflation galopante frappe le pays[8].

Peinture d'une grande pièce dans un palais japonais. L'empereur du Japon est visible au centre, entouré de dignitaires à genoux devant lui.
Restitution des pouvoirs dushogunTokugawa Yoshinobu à l'empereurMeiji en1867.

La troisième et dernière période de crises agite les dix dernières années du régime. Ces crises, à la fois économiques, politiques etsociales, provoquent la chute du régime[1]. Les responsables du shogunat Tokugawa se divisent en deux branches, l'une conservatrice dirigée parIi Naosuke, l'autre réformiste. Cette dernière branche est frappée par lapurge d'Ansei en1858-1859, avant que l'aile conservatrice ne soit elle aussi victime de l'assassinat de son dirigeant Ii Naosuke, lors de l'incident de Sakuradamon en1860[9]. Lessamouraïs issus des couches les plus défavorisées émergent en1860-1862, comme une force politique importante, susceptible de s'opposer au pouvoir shogunal. En1867, un courant d'agitation populaire et festif, leEe ja nai ka, réunit cinq à six millions de personnes dans le pays. Le rapport de force entre le shogunat Tokugawa et la maison impériale s'inverse lors de la décennie. L'empereur apparait de plus en plus comme le plus apte à assurer le salut du pays[10]. La mort du shogunTokugawa Iemochi en1866 et celle de l'empereurKōmei en1867 précipitent la transition politique. Le nouveau shogunTokugawa Yoshinobu décide de « restituer ses pouvoirs » au nouvel empereurMeiji en. La transition ne se fait pas sans heurts, et les forces des domaines de Satsuma et de Chōshū, favorables à l'empereur, affrontent les dernières forces shogunales lors de laguerre de Boshin en1868-1869[11].

Premières réformes du régime (1868-1873)

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Articles connexes :Restauration de Meiji,Ère Meiji,Gouvernement de Meiji etOligarchie de Meiji.
Photo noir et blanc d'un homme assis sur un fauteuil, en tenue impériale officielle, un sabre à la hanche, un bicorne posé sur une table à gauche.
L'empereur Meiji, photographié parUchida Kuichi en 1873.

Dans sa première déclaration en1868, l'empereur présente une loi fondamentale — leSerment en cinq articles, prélude à uneconstitution et gage deliberté d'expression — et indique qu'une lutte contre la hausse des prix va être entreprise. Une coalition instable est alors au pouvoir, composée du parti anti-shogunal et centrée sur les leaders dudomaine de Satsuma et sur les nobles de la cour[12]. Le nouveau gouvernement restitue leur fief auxTokugawa, cependant amputé des quatre cinquièmes de son revenu. Le début de l'ère Meiji est proclamé en. Le premier organe de gouvernement de ce nouveau régime est un conseil honorifique : celui-ci tente de maintenir encore un équilibre entre, d'une part les domaines ayant participé au renversement de l'ancien régime, d'autre part la noblesse de cour[13].

Lors des mois suivants sont opérés plusieurs changements d'organisation, ce qui permet l'émergence de personnalités commeŌkubo Toshimichi,Kido Takayoshi etIwakura Tomomi. Du au sont publiées34 ordonnances importantes, allant de la suppression des monnaies locales jusqu'à l'interdiction de certainschâtiments corporels[14].Une réforme territoriale remplaçant les anciens domaines par des préfectures est menée à bien au deuxième semestre1869[15], avec comme conséquence principale uneplus grande centralisation de l'État. Unimpôt foncier est introduit en1873 pour garantir une recette publique stable. De1868 à1875, de grandes réformes d'inspiration occidentale sont entreprises — touchant l'éducation, l'armée et le système juridique — et desexperts étrangers sont engagés[16].

Fin1871, Ōkubo, Kido et Iwakura laissent leur place à la tête du gouvernement pour prendre la direction de lamission diplomatique Iwakura — laquelle doit traverser lesÉtats-Unis et l'Europe pour renégocier les traités inégaux mais aussi s'informer sur les sociétés et technologies occidentales. Le gouvernement qu'ils laissent derrière eux doit en théorie se limiter à la gestion des affaires courantes et se tenir à l'écart de décisions politiques trop critiques.Saigō Takamori,Itagaki Taisuke,Ōkuma Shigenobu etEtō Shinpei, qui dirigent ce gouvernement d'intérim, se lancent au contraire dans de grandes réformes : en1872, lascolarité est rendue obligatoire auprimaire, toute forme detrafic d'êtres humains (travailleurs, prostitués…) est interdite, lecalendrier grégorien est adopté et, l'année suivante, sont instituées une nouvelle taxe foncière ainsi que laconscription[17]. Dans le même temps, au cours de leurs voyages, les membres de la mission Iwakura acquièrent la conviction que leJapon doit se lancer dans une modernisation radicale, pilotée par un État fort, et mise en œuvre de manière progressive. Si les réformes de ce gouvernement d'intérim ne sont pas remises en cause lors du retour de la mission Iwakura, les deux camps ont en revanche l'occasion de s'opposer au sujet duSeikanron — projet d'invasion de laCorée en1873, repoussé par l'empereur, qui prend ainsi le parti d'Iwakura[18].

Les soutiens du projet d'invasion de la Corée mis en minorité, commeEtō Shinpei,Gotō Shōjirō,Saigō Takamori, quittent le gouvernement. Certains, comme Etō, prennent la tête de rébellions locales (rébellion de Saga en1874 pour Etō,rébellion Shinpūren en1876…).Saigō en particulier prend la tête de larébellion de Satsuma en1877, dernière grande révolte desamouraïs, dont la répression achève d'asseoir la légitimité du nouvel État[19].

Atermoiements sur la forme du régime (1873-1890)

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Déjà mentionnée dans laCharte du serment de1868, l'adoption d'une constitution fait partie des premières promesses du régime. Ce projet devient un symbole politique fort de l'accession du Japon à un nouveau rang civilisationnel. Dès le début desannées 1870, des ébauches sont rédigées au sommet de l'État, mais celles-ci restent sans suite. Dans le même temps, les intellectuels s'emparent du sujet — très largement discuté dans lapresse —, qui touche alors des millions de lecteurs. Laconférence d'Osaka de 1875 réunit plusieurs responsables d'opposition pour en débattre. Un décret de1875 réaffirme la promesse d'adoption d'une constitution, mais sans précision de date ou de délai. En1881, l'accumulation de crises politiques (dont l'affaire dubureau de colonisation de Hokkaidō) cristallise le mécontentement de la population. Pour apaiser les oppositions, le pouvoir décide par décret de la mise en place d'une constitution et d'unparlement dans les dix ans[20].

Les débats s'articulent autour de deux grandes tendances. D'un côté, les personnes à la tête du régime — commeŌkubo, puisItō Hirobumi — sont favorables à unÉtat autoritaire et fort, mieux à même selon eux de faire aboutir les politiques nécessaires à la modernisation du Japon. Face à eux, les tenants d'uneligne libérale sont favorables à un plus grand droit laissé au peuple, garant d'une plus grande légitimité pour le régime. Cette dernière ligne est défendue par des responsables politiques commeItagaki ouŌkuma, et rassemble de nombreux membres au sein duMouvement pour la liberté et les droits du peuple[21], puis au sein des partisRikken Kaishintō etJiyūtō[22]. Ces mouvements deviennent rapidement populaires — à tel point que legouvernement peine à les contenir —, mais sont aussi gagnés par une certaineradicalité. Les années1884-1885 connaissent un pic de violence avec des évènements comme lesincidents de Chichibu etceux d'Ōsaka, qui entraînent l'intervention de l'armée. Les plus modérés finissent par quitter ces partis, qui dès lors perdent en influence[23]. Toujours en1885, la population critique abondamment le manque d'autorité du gouvernementà l'international, lors ducoup d'État de Gapsin enCorée, qui menace les intérêts duJapon face à ceux de laChine[24].

Le régime s'oriente alors vers unemonarchie laissant le pouvoir suprême à l'empereur[25]. Les institutions qui régissent l'État, modelées sur lerégime des codes, sont réformées en1885 et un système de cabinets ministériels à l'européenne est adopté. À sa tête, est placé le cabinet duPremier ministre. Le système deskazoku et desshizoku est réformé de manière à préparer l'instauration d'unechambre haute dont les membres proviendraient d'unearistocratiecooptée[26]. Si les débats s'articulent autour de deux modèles de constitution européenne — l'unebritannique et libérale, l'autreprussienne et autoritaire —, le projet développé reflète le rapport de force entre les soutiens de ces deux modèles. La constitution retenue énumère un certain nombre de droits civils et dote le parlement dedeux chambres, dont l'une, élue ausuffrage direct, est autorisée àrédiger des lois et àvoter le budget. Cependant, c'est à l'empereur que répondent le gouvernement et l'armée[27].

C'est le qu'une constitution est effectivement adoptée, qui fixe la répartition des pouvoirs[28]. La date est choisie pour correspondre à la date anniversaire de la fondation mythique du Japon par le premier empereurJinmu et la constitution est présentée comme un « cadeau accordé par l'empereur à ses sujets »[29].

Débuts du parlementarisme japonais (1890-1900)

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Articles détaillés :Chambre des représentants (Japon),Chambre des pairs (Japon),Oligarchie de Meiji etGenrō.

Lespremières élections législatives de l'histoire du pays se tiennent en juillet 1890, et placent leJiyūtō et leRikken Kaishintō en tête de la représentation nationale, rassemblant à eux deux 170 des300 sièges de lachambre des représentants[30]. Ces deux partis s'opposent à l'oligarchie — qui tient toujours le pouvoir dans lachambre des pairs et qui décide de la composition dugouvernement. La puissance réelle du Jiyūtō et du Rikken Kaishintō est cependant amoindrie par la faiblesse de leur base électorale. Du fait dusuffrage censitaire, seul 1 % des Japonais dispose du droit de vote lors de cette première élection, ce qui amoindrit la légitimité de ces partis et exclut d'autres mouvements de masse de la représentation démocratique[31].

Les premiersgouvernements formés par l'oligarchie continuent de relever durapport de forces déjà présent au sein du pouvoir. Les représentants des clans deSatsuma (Matsukata Masayoshi…) et deChōshū (Yamagata Aritomo,Itō Hirobumi…) se répartissent les postes avec une grande régularité[32]. La chambre des représentants s'oppose régulièrement à ces gouvernements nommés par l'empereur, dans le but d'obtenir plus de pouvoir pour leur assemblée. L'obstruction passe notamment par le refus de vote du budget, tel que présenté par le gouvernement plusieurs années de suite, aspect sur lequel la chambre des représentants dispose de prérogatives[30]. De son côté, le gouvernement a le droit de dissoudre la chambre des représentants — ce qu'il fait à plusieurs reprises, mais sans parvenir à faire évoluer le rapport de force. Les mêmes personnes sont réélues, élection après élection, et la composition de la chambre des représentants évolue peu[33]. Le manque d'assise du gouvernement au sein des assemblées le rend faible et instable, sa composition, ouverte aux évolutions des rapports de force au sein de l'oligarchie[34].

En1894, le déclenchement de laguerre sino-japonaise en Corée suspend provisoirement l'opposition entre la chambre des représentants et le gouvernement, dans une forme d'« union sacrée » autour de la figure de l'empereur. En, les puissances occidentales contestent certains points dutraité de Shimonoseki et mettent fin à la guerre contre la Chine, ce qui favorise les échanges entre membres de l'oligarchie et responsables de partis de la chambre des représentants[30]. L'oligarchie prend conscience que sans les partis de la chambre des représentants, aucune stabilité institutionnelle n'est possible, tandis que les partis de la chambre des représentants comprennent qu'ils ne pourront jamais accéder au pouvoir sans d'abord accéder au gouvernement. Les deux camps commencent ainsi à passer des alliances ponctuelles, de manière à étendre leurs zones d'influence respectives[35].

En est instauré le premier gouvernement reposant sur une alliance entre l'oligarchie et un parti de la chambre des représentants. En, lePremier ministre Itō Hirobumi nomme le président du Jiyūtō,Itagaki Taisuke,ministre de l'Intérieur. La recherche d'alliances entre oligarchie et partis de la chambre des représentants est renouvelée quatre fois entre1895 et1900, et aboutit à la formation de trois gouvernements de ce type[36]. En1898, le premier gouvernement reposant exclusivement sur une alliance des partis de la chambre des représentants voit le jour. LeKenseitō, parti issu de la fusion du Jiyūtō et du Rikken Kaishintō, soutient la formation d'un gouvernement avecŌkuma Shigenobu comme Premier ministre. Si le gouvernement ne tient que quatre mois, il inaugure la pratique des gouvernements reposant principalement sur des partis de la chambre des représentants[37].

Le collège électoral de la chambre des représentants connaît une évolution importante en1900. Le seuil de taxes permettant d'être électeur est abaissé : le nombre d'électeurs passe ainsi de 502 000 en1898 à 982 000 en1900. Les circonscriptions électorales sont aussi modifiées et favorisent la population urbaine au détriment des territoires ruraux[38]. Les rapports entre haute-administration et élus sont régulés par une série de décrets autour de1900. Les hauts fonctionnaires n'ont plus accès aux postes de vice-ministres, et le poste deministre de la Guerre est limité aux militaires encore actifs les plus gradés. Lesystème des dépouilles et lepantouflage sont combattus, et le recrutement par concours de la fonction publique est renforcé[39].

Ancrage de la pratique parlementaire (1900-1924)

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Articles connexes :Démocratie Taishō,Ère Taishō etcrise politique Taishō.

Une recomposition despartis politiques s'amorce en1900, lorsqueItō Hirobumi etHoshi Tōru se rapprochent pour fonder le partiRikken Seiyūkai, unissant à la fois des anciens membres de lachambre des représentants issus duKenseitō et des membres de lachambre des pairs de différentes tendances. Ce nouveau parti domine la politique japonaise au cours des deux décennies suivantes[40]. Si lors de cette période, ce nouveau parti est majoritaire à lachambre des représentants, il doit y composer avec l'opposition de partis plus faibles, comme leKensei Hontō. Ces derniers peuvent quant à eux compter sur une alliance avec la faction menée parYamagata Aritomo à la chambre des pairs, où elle domine. Le rapport de force entre ces deux groupes perdure jusqu'à la fin de l'ère Meiji en1912[41]. Ce fonctionnement gouvernemental et parlementaire s'ancre dans la pratique politique japonaise et, lors de la décennie suivante, de1901 à1913,Katsura Tarō etSaionji Kinmochi occupent de façon alternée le poste dePremier ministre pour le compte de ces deux familles politiques[42].

En 1913, un an après le décès de l'empereur Meiji, lacrise politique Taishō met fin à cette répartition du pouvoir et ouvre l'époque de ladémocratie Taishō[42]. À la suite d'un conflit avec les dirigeants militaires, le premier ministre Saionji Kinmochi est contraint de démissionner. Souhaitant alors diminuer les dépenses de l'armée pour faire baisser les impôts, il se heurte au refus des militaires de participer au gouvernement[n 2]. Katsura Tarō, un ancien militaire et membre de l'oligarchie, lui succède. Il prend la décision de maintenir le budget de l'armée et s'appuie sur des personnalités de l'oligarchie et sur des proches des anciens clansSatsuma etChōshū. Katsura doit alors faire face à un mouvement d'opposition mené par des députés. Efficacement relayé par des journalistes issus de l'université Keiō, ce mouvement rencontre un écho favorable dans l'opinion publique, ce qui entraîne des émeutes. Des journaux pro-Katsura sont pris pour cibles et mis à sac[43]. L'armée doit reculer, et accepte de participer à un gouvernement sans avoir de garantie sur son budget[44].

Après lacrise politique Taishō de1913, commence une période d'une quinzaine d'années pendant laquelle se renouvelle la culture parlementaire, avec à la clef une ouverture démocratique. La montée en puissance des classes moyennes et du milieu ouvrier favorise l'éclosion de discours critiques sur l'autoritarisme de l'État[44]. De1900 à1920, s'opère un recul des factions politiques liées aux anciens clans du Sud-Ouest, à la bureaucratie et aux hauts fonctionnaires. Cet affaiblissement profite aux diplômés de plusieursuniversités qui s'imposent dans certains secteurs. C'est ainsi que la haute fonction publique, la magistrature et les banques accueillent les diplômés de l'université impériale de Tokyo, le monde de la presse et celui des affaires, ceux de l'université Waseda, et la médecine, ceux de l'université Keiō[43]. Une presselibérale s'épanouit et exprime une certaine sympathie envers les revendicationschinoises etcoréennes lorsque ces pays subissent la répression de l'armée japonaise[45].

La fin desannées 1910 connaît plusieurs vagues d'agitation qui marquent le régime. Desémeutes du riz éclatent en 1918, qui provoquent la chute du Premier ministreTerauchi Masatake[44].Hara Takashi, qui lui succède, organise le premier gouvernement ne comprenant aucun représentant de l'oligarchie. Il amorce plusieurs réformes pour réduire l'influence de ce groupe, comme le retrait de la gestion des colonies par les militaires[45]. L'agitation sociale prend plusieurs formes. Un premier congrès national des syndicats se tient en, qui réclame la journée de8 heures, ainsi que lesuffrage universel[44]. Un premier syndicat agricole se structure en 1922, et le nombre de conflits entre propriétaires terriens et exploitants agricoles se multiplie[46]. En1922, un premierParti communiste japonais est créé, mais il est aussitôt interdit par les autorités[45]. En1925, est votée une loi visant à stopper la montée de l'extrême gauche[47], qui en1928, à l'issue de la première élection au suffrage masculin, compte huit élus auparlement. Unepolice politique est mise en place dans chaque préfecture, et certaines activités politiques deviennent passibles de lapeine de mort[48].

L'ère des chefs de partis, instauration du bipartisme, instabilité sur les questions internationales (1924-1932)

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La gestion de la reconstruction après leséisme qui ravage la région de Tōkyō en 1923 et unetentative d'attentat contre l'empereur la même année ont raison du gouvernement deYamamoto Gonnohyōe, qui démissionne en[49]. Contrairement à la pratique qui commence à s'installer, c'est àKiyoura Keigo, chef duConseil privé, que revient la charge de former un gouvernement. Bien que ce gouvernement comporte quelques membres de lachambre des représentants, la majorité des ministres provient de lachambre des pairs. Poussé dans un affrontement avec la chambre des représentants, Kiyoura Keigo dissout l'assemblée et appelle à de nouvelles élections. Celles-ci placent les membres de la chambre des représentants en position de force, et c'est le chef duRikken Seiyūkai,Katō Takaaki, qui accède au poste dePremier ministre. Dès lors, la pratique de nommer Premier ministre le chef du parti dominant à la chambre des représentants s'impose et est appliquée jusqu'en1932[50].

Le gouvernement de Katō Takaaki fait aboutir plusieurs réformes importantes. Laloi sur les élections législatives de1925 instaure lesuffrage universel masculin, et le Japon passe ainsi de 3,3 millions à 12,5 millions d'électeurs. Katō Takaaki doit cependant concéder une série delois de préservation de la paix qui durcit le contrôle de certains groupes politiques jugés dangereux pour le régime. Les pouvoirs de la chambre des pairs sont aussi un peu amoindris[50]. Lespremières élections législatives organisées selon la nouvelle loi électorale ont lieu en1928. Deux partis s'imposent alors, leRikken Seiyūkai et leRikken Minseitō et alternent au pouvoir jusqu'en1940, exerçant au moins en façade la direction du gouvernement[51].

Les gouvernements successifs sont confrontés à des problèmes liés à la situation internationale, qui précipitent ou provoquent leur chute[52] : la défense desintérêts japonais en Mandchourie entraîne en juillet 1929 la chute du Premier ministreTanaka Giichi[53], la gestion de la crise économique de1929 et de la renégociation dutraité naval de Londres fait se liguer contreHamaguchi Osachi une partie de la population et des mouvements nationalistes, et aboutit à l'attentat qui le prend pour cible en[54].Wakatsuki Reijirō, d'abord opposé à un plus grand engagement militaire enMandchourie, est contraint de l'accepter et de le cautionner après un coup de force des militaires lors de l'incident de Mukden en ; lâché par ses ministres, il finit par démissionner[55].

Lesélections législatives japonaises de 1932 ne parviennent pas à enrayer la perte de légitimité des parlementaires face à l'armée. Le chef du Rikken Minseitō, Wakatsuki Reijirō, est nommé Premier ministre, mais son gouvernement ne parvient pas à mettre fin à l'engrenage de l'intervention en Mandchourie et doit démissionner en. Le gouvernement d'Inukai Tsuyoshi du Rikken Seiyūkai qui lui succède achoppe sur la même difficulté[56].

La politique sous la coupe des militaires (1932-1937)

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Articles connexes :Militarisme japonais,Restauration de Shōwa,Expansionnisme du Japon Shōwa,Incident du 15 mai etIncident du 26 février.

Lacrise économique de 1929 et la montée des tensions internationales dans lesannées 1930 mettent sous pression le système politique basé sur les partis[47]. Alors que la situation économique s'aggrave, l'entretien d'une armée importante devient un lourd fardeau. La montée ducommunisme aux frontières du pays fait peur à la classe moyenne, et lesconservateurs sont considérés comme trop proches desconglomérats industriels pour constituer une alternative possible.A contrario, l'armée continue d'être perçue comme un moyen d'ascension sociale, et son discours impérialiste est jugé crédible par certains pour faire face aux difficultés économiques[57]. Dans ce contexte, un courantnationaliste radical, dont les tenants sont souvent issus des rangs de l'armée, fait son chemin en s'opposant au milieu politique en place, qu'il juge trop faible. Ce mouvement choisit une« stratégie de la tension », ce qui à partir de1931, déclenche plusieurscoups d'État. Le, unetentative de putsch conduit à l'assassinat du Premier ministreInukai Tsuyoshi. Son remplacement par un militaire,Saitō Makoto, met fin au régime des partis existant depuis1918[58].

À partir de1932, les grands partis que sont leRikken Seiyūkai et leRikken Minseitō perdent en influence au sein de la vie politique du pays et ne sont plus considérés comme des passages obligés pour l'accès au pouvoir. Les personnalités issues des milieux économiques, les anciens militaires ou les hauts fonctionnaires sont de moins en moins nombreux à rejoindre les rangs de ces partis. Au sein du Rikken Minseitō, le nombre d'anciens hauts fonctionnaires élus à lachambre des représentants passe de 41 à 27 entre1928 et1936, celui des militaires, de quatre à aucun sur la même période, et celui des personnalités liées aux milieux économiques, de 97 à 72. Dans le même temps, le nombre de candidats indépendants réussissant à se faire élire à la chambre des représentants s'accroit rapidement, passant de 4 % en1932 à 24 % en1937. Cette perte d'attractivité des partis se mue en une perte d'influence au sein du système politique[59]. Les deux grands partis peinent à trouver une posture pertinente face aux militaires qui commencent à s'installer au poste de Premier ministre. Après l'ancien amiral Saitō Makoto, en poste de1932 à1934, c'estKeisuke Okada, un autre ancien amiral, qui est en fonction de1934 à1936[60]. Si le Rikken Minseitō parvient à regagner la majorité à la chambre des représentants lors des législatives de1936, son président ne réussit pas à faire aboutir sa candidature au poste de Premier ministre[61].

Le pouvoir nationaliste émergent est alors traversé par deux tendances : d'une part lafaction du contrôle, composée de militaires alliés à la bureaucratie, qui souhaite orienter l'État vers uneéconomie de guerre en augmentant les dépenses de l'armée, d'autre part lafaction de la voie impériale, plus radicale, qui vise à mettre fin à la domination des partis politiques et des conglomérats industriels sur le pays. Le, cette seconde faction est à l'origine d'unenouvelle tentative de coup d'État pendant laquelle plusieurs ministres sont assassinés. La partie de l'armée restée loyale au pouvoir tire avantage de l'échec de l'opération en imposant ses vues au sommet de l'État[62]. À partir de,Kōki Hirota devient Premier ministre pour onze mois, mais il doit composer avec les militaires les plus radicaux[63]. Ceux-ci exigent une réorganisation de l'État et une hausse drastique du budget de l'armée. Malgré de nombreuses intimidations et des menaces de nouvelle tentative de putsch, les responsables militaires ne parviennent pas à obtenir la mise en œuvre de ces politiques, ce qui conduit Kōki Hirota à démissioner en[64]. L'ancien général qui lui succède,Senjūrō Hayashi, parvient en jouant la modération à faire converger les intérêts des milieux économiques et ceux des militaires. L'ancien banquierToyotarō Yūki entre ainsi au gouvernement comme ministre des Finances, puis commegouverneur de la Banque du Japon, poste qu'il occupe jusqu'à la fin de la guerre. Les conservateurs du Rikken Minseitō perdent ainsi leurs soutiens dans les milieux financiers, alors que les militaires parviennent à obtenir la mise en œuvre de plans de développement pluri-annuels de l'armée[64]. Lesélections législatives de 1937 sonnent comme un désaveu pour le Premier ministre Senjūrō Hayashi, avec les résultats du Rikken Seiyūkai et du Rikken Minseitō qui réaffirment leur position dominante au sein de la chambre des représentants. Leprince Konoe, qui lui succède au poste de Premier ministre, adopte une position plus modérée. Le nouveau gouvernement prend la forme d'un gouvernement d'union nationale ; il accorde une place plus limitée aux militaires, compte de nombreux hauts fonctionnaires et intègre deux membres de partis politiques de la chambre basse[65].

Des gouvernements de guerre (1937-1945)

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Articles connexes :Conseil suprême de guerre (Japon) etAssociation de soutien à l'autorité impériale.

Laguerre qui éclate contre la Chine en surprend le gouvernement et les responsables politiques. L'escalade du conflit est rapide, passant d'un incident isolé à Pékin à une invasion totale du pays en six semaines. Or, politiquement, la guerre permet de légitimer le gouvernement. Tout d'abord, l'armée suspend pour un temps ses exigences en matière de réformes plus profondes ; ensuite, lachambre des représentants se range derrière le gouvernement et soutient les décisions favorables aux troupes engagées enChine ; enfin, la population mécontente prend plus aisément pour cible la Chine que son propre gouvernement[66]. Cependant, l'enlisement du conflit sape rapidement cette « union sacrée », et au contraire, exacerbe les tensions qui traversent l'appareil politique japonais. Si en le gouvernement duprince Konoe parvient à faire voter uneloi de mobilisation générale de l'État, c'est au prix de concessions avec la chambre des représentants — notamment, le fait de suspendre la mise en œuvre de cette loi à la fin du conflit et au retour d'une situation économique plus propice. Or, en plus des difficultés militaires, lesÉtats-Unis décident en d'unembargo économique qui prive le pays de plusieurs ressources stratégiques[67]. Mis en difficulté à cause de l'enlisement du conflit, le prince Konoe démissionne en. Son successeurHiranuma Kiichirō, figure desmouvements nationalistes japonais, ne parvient à se maintenir que quelques mois au pouvoir, son gouvernement achoppant sur la question des alliances internationales[68]. L'ancien généralNobuyuki Abe, Premier ministre d' à, est lui aussi renversé à cause de la gestion des conséquences de la guerre contre la Chine[68]. Pour la troisième trois fois en trois ans, un gouvernement tombe en raison d'une opposition forte au sein de la chambre des représentants. Cela fait prendre conscience aux pouvoirs militaires que, sans une maitrise de cette chambre, aucune réforme favorable à l'armée ne peut être votée[69].

En, dès les premières semaines d'activité du gouvernement de l'amiralMitsumasa Yonai, les responsables de l'armée commencent à manœuvrer pour faire émerger un parti unique au sein de la chambre des représentants[70]. Les dirigeants duRikken Seiyūkai et duRikken Minseitō sont régulièrement pris à partie à laDiète[71], et c'est finalement en, qu'est constitué autour du prince Konoe ce parti unitaire, baptiséAssociation de soutien à l'autorité impériale. Les militaires le considèrent comme l’outil indispensable pour faire passer leurs réformes à la Diète ; les responsables politiques qui s'y rallient y voient la possibilité pour la Diète de peser sur le gouvernement[72]. Jusqu'en, le nouveau parti sert efficacement de relais du gouvernement au sein de la population[73]. La montée des tensions avec les États-Unis favorise les responsables de laMarine impériale, qui envisagent de plus en plus concrètement de frapper les intérêts américains dans lePacifique. Le Premier ministre Konoe tente de s'y opposer, mais, mis en minorité, il démissionne en. Son successeur, le généralHideki Tōjō, est favorable à cette nouvelle guerre que la Marine impériale estime pouvoir gagner en18 mois : le mois suivant, leJapon entre enguerre dans le Pacifique contre les Alliés[74].

Hideki Tōjō reste au pouvoir jusqu'en. Il ne parvient pas à soumettre totalement les oppositions présentes au sein de la bureaucratie et de la Diète. Si lesélections législatives de 1942 font la part belle aux candidats soutenus par l'Association de soutien à l'autorité impériale, l'ampleur de leur victoire n'est pas suffisante pour museler les opposants au sein de cette assemblée, qui dès lors, peut être utilisée comme tribune[75]. Au sein des ministères, l'allocation des ressources matérielles entre les civils et les militaires reste l’objet d'importantes tractations pendant tout le conflit[74]. La justice parvient à conserver une certaine indépendance vis-à-vis du pouvoir militaire[76], mais la presse subit une importantecensure, et les opposants au régime comme leslibéraux, lessocialistes, lesjournalistes ou lesprofesseurs d'université sont intimidés ou arrêtés[77]. Derrière l'apparence de l'unité nationale, les conflits politiques restent intenses, ce qui ne permet pas l'instauration d'un nouvelordre politique totalitaire, comme souhaité par certains responsables militaires. En outre, pour aboutir à des compromis, de nombreuses tractations sont nécessaires. Même lors de la décision decapitulation du pays, les discussions au sein duconseil suprême de guerre montrent de nombreuses lignes de fracture au sein du pouvoir[78].

L'occupation américaine et la démocratisation du pays

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Articles détaillés :Occupation du Japon etChangement de politique des autorités d'occupation américaines du Japon.

Allocution de l'empereur du Japon annonçant la reddition sans condition du pays.
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Discours du président américain Harry Truman annonçant la victoire des forces alliées contre le Japon.
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Le, lors d'uneallocution radiophonique, l'empereurHirohito annonce lacapitulation du Japon[79]. Le 17, le princeNaruhiko Higashikuni est chargé de former un gouvernement transitoire afin de gérer le pays en attendant l'arrivée destroupes alliées. Le, à bord du cuirasséUSS Missouri, les dignitaires japonais signent la reddition du pays et des troupes japonaises, et le 8,Douglas MacArthur, responsable de l'administration de l'occupation américaine, installeson administration àTokyo, face aupalais impérial. Environ quatre cent mille soldats américains débarquent dans le pays jusqu'à la fin du mois d'octobre de la même année[80]. Dès le,40 hauts cadres de l'armée, dontHideki Tōjō, sont arrêtés et, le 4 octobre, l'occupant se porte garant des libertés civiles des Japonais[81] : près de 2 500 prisonniers politiques sont libérés, ledroit de vote est accordé aux femmes, et lamajorité électorale est fixée à vingt ans[82].

Un nouveau système politique se met en place. Le, alors que se posent la question de l'abdication de l'empereur Hirohito et celle de soninculpation, ce dernier annonce qu'il renonce à sa nature de « divinité à forme humaine »[82]. Leslégislatives organisées en avril 1946 débouchent sur un renouvellement profond de la représentation nationale[83], etYoshida devient le premierPremier ministre de ce nouveau régime politique[84]. Unenouvelle constitution est annoncée en ; elle est votée le 3 novembre et entre en vigueur le : si l'empereur garde une place symbolique, leparlement détient l'essentiel du pouvoir, et lesdroits de l'homme sont garantis.Son article 9 proclame le renoncement du Japon à la guerre[85]. Début1946, environ deux cent mille personnes sont déclaréesinéligibles par l'occupanten raison de leurs liens avec le régime précédent[83]. De à, lesprocès de Tokyo jugent les anciens responsables du régime[85] ; sur cinquante mille inculpés, dix pour cent sont condamnés, dont 984 à lapeine capitale. À l'occasion de ces procès, l'opinion publique japonaise prend connaissance descrimes commis par son armée, comme ceux deNankin ou ceux deBataan[86].

C'est dans un climat international tendu, que s'ouvrent les négociations dutraité de paix. Malgré l'opposition de gauche, qui tente d'obtenir la neutralité du pays, et la droite conservatrice deHatoyama etKishi, qui envisage de reconstituer une armée sitôt l'indépendance recouvrée, le Premier ministre Yoshida accepte les conditions américaines, qui prévoient l'instauration de bases militaires permanentes dans le pays[87]. Le,49 États ratifient par écrit letraité de paix avec le Japon[88].

Relations internationales

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Article détaillé :Relations étrangères du Japon de l'ère Meiji.

Le Japon, objet de l'intérêt des puissances occidentales à la fin de l'époque d'Edo

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Articles connexes :Rangaku,Sonnō jōi,Sakoku etIntervention française dans le Bakumatsu.

Le Japon de l'époque d'Edo entretient des relations avec l'Europe au travers desNéerlandais, ressortissants du seul État autorisé par le pouvoir à commercer avec le pays, en vertu d'unepolitique de contrôle strict des frontières. Les Pays-Bas bénéficient d'un statut de partenaire privilégié dans d'autres secteurs que le commerce et conseille régulièrement le pouvoirshogunal pour mieux analyser les demandes des autrespuissances occidentales. Ils servent aussi d'intermédiaire pour introduire denouveaux savoirs dans le pays. C'est ainsi qu'ils fournissent le premiernavire-école moderne au Japon et forment ses officiers à la guerre moderne aucentre d'entraînement naval de Nagasaki, en1855, un an après l'arrivée desAméricains dans le pays. Cependant, vers la fin de l'époque d'Edo, les Japonais prennent conscience que les Pays-Bas ne sont plus une puissance majeure et qu'ils ne peuvent pas être d'une aide importante en cas de conflit[89]. Or, depuis la fin duXVIIIe siècle, desRusses sont présents dans l'environnement immédiat du Japon, au nord, où les deux pays se croisent sur l'île deSakhaline. De plus, la Russie cherche à négocier auprès du shogunat un bail de99 ans sur l'île Tsushima, pour y établir une base militaire. Ces avancées russes sontperçues comme une menace par le pouvoir en place[90].

En1853, l'arrivée de l'amiral américainPerry dans la baie d'Edo signe la fin de lapolitique d'isolement du pays[9], qui dès lors doit composer avec la présence des puissances occidentales. En1858, letairōIi Naosuke est contraint de signer avec celles-ci unesérie de traités inégaux, ce qui provoque la dernière grande crise du régime[8]. Tandis que Naosuke s'efforce d'engager des négociations avec les puissances étrangères afin d'éviter une guerre, il doit faire face à une opposition qui souhaiteexpulser les étrangers du Japon[9]. Une agitation gagne alors plusieurs régions du pays[91]. L'opposition se radicalise lorsque, pour la première fois depuis plusieurs siècles, l'empereur régnant intervient publiquement et manifeste sa désapprobation à l'égard de l'action du gouvernement shogunal. En1863, l'empereurKōmei signe l'ordre d'expulser les barbares[9]. Il s'ensuit unesérie de heurts avec les Occidentaux qui culmine avec lebombardement de Shimonoseki en1864. Dans le même temps, le Japon devient l'objet d'un affrontement diplomatique à distance entre laFrance et leRoyaume-Uni. Si la Franceobtient de moderniser les troupes du pouvoir shogunal, le Royaume-Uni soutient au contraire la rébellion des clans du sud, qui finalement l'emportent et renversent le régime. Le Royaume-Uni remporte ainsi une victoire diplomatique dans le pays, qu'il exploite par la suite[90].

De1864 à1882[n 3],[92], les puissances occidentales ne sont concernées que par des enjeux européens, ce qui évite au Japon de devenir un de leurs champs d'affrontements. La Russie, qui cherche à étendre son influence enAsie centrale et dans lesBalkans, provoque une réaction du Royaume-Uni. Paris doit faire face à l'échec de sa diplomatie au Mexique, puis à unaffrontement militaire avec la Prusse, en1870. De leur côté, les États-Unis sont pris dans laguerre de Sécession jusqu'en1865, puis, occupés à la reconstruction du sud du pays[93]. La poussée coloniale des puissances européennes ne reprend que dans lesannées 1880, ce qui laisse pour un temps le Japon sans danger immédiat à affronter : les Britanniques colonisent laBirmanie en1886, les Français, l'Indochine de1884 à1893[94].

La diplomatie japonaise tournée vers la modernisation du pays à partir de 1868

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Article connexe :Conseiller étranger.

Dès le début de larestauration de Meiji en1868, le nouveau pouvoir fait la promesse via lacharte du serment de renforcer la puissance du pays en faisant l'acquisition de nouveaux savoirs et de nouvelles technologies à l'étranger[95]. Plusieurs missions diplomatiques sont envoyées dans ce but, dont la plus importante, lamission Iwakura, parcourt lesÉtats-Unis et l'Europe de1871 à1873. Une cinquantaine de hauts responsables, dontTomomi Iwakura etItō Hirobumi, ainsi que de nombreux étudiants rencontrent des personnalités politiques, des industriels et des intellectuels occidentaux. Ils acquièrent ainsi la conviction que, si le Japon veut pouvoir résister aux Occidentaux, il ne peut limiter sa modernisation à quelques emprunts technologiques, et doit au contraire faire évoluer son organisation politique et sociale. En effet, l'origine de la puissance occidentale ne provient pas de son armée, mais des responsables civils qui ont permis à celle-ci de se développer[96].

À partir de1872, lesystème éducatif japonais est modernisé en s'inspirant dusystème britannique[97]. À partir de1878, la hiérarchie militaire est organisée sur le modèle de celle de laPrusse, et des officiers sont envoyés se former dans ce pays. Lors desannées 1880 et1890, lamarine de guerre se développe en suivant l'exemple de laRoyal Navy britannique, et sa doctrine navale est inspirée des travaux de l'amiral américainAlfred Mahan. Une fois sonsystème judiciaire réformé et aligné sur le système occidental, le Japon fait valoir cette avancée pour renégocier certains points destraités inégaux : désormais, les expatriés au Japon n'ont plus besoin d'une protection particulière, et les clauses d'extraterritorialité deviennent de fait caduques. Letraité de commerce et de navigation anglo-japonais de1894 entérine cette avancée, et supprime ces mesures d'extraterritorialité. Les années suivantes, le Japon obtient des renégociations de traités similaires sur les mêmes bases : la modernisation du pays est alors utilisée comme un levier de négociation par la diplomatie japonaise[98].

Des Occidentaux de nouveau présents à partir des années 1880, la Corée comme intérêt stratégique

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À partir de la première moitié duXIXe siècle, le Japon observe l'avancée desOccidentaux enChine. LaFrance et leRoyaume-Uni infligent à l'empire du Milieu deux défaites importantes : lors de lapremière guerre de l'opium, de1839 à1842, puis, lors de laseconde, de1856 à1860[99]. Le sac dupalais d'Été en1860 impressionne les esprits japonais, et ces deux pays européens commencent à jouir d'un certain prestige dans l'archipel[90]. LesÉtats-Unis deviennent eux aussi un acteur important dans lePacifique à partir desannées 1890, ce que la diplomatie japonaise prend de plus en plus en compte : les Américainsrenversent le royaume d'Hawaï en1893 et s'installent àGuam et auxPhilippines à la suite de laGuerre hispano-américaine de1898, puis, auxSamoa en 1899. Entretenir de bonnes relations avec cette puissance devient un objectif majeur, d'autant plus qu'il s'agit d'un pays d'émigration important pour le Japon, dont les élites par ailleurs fréquentent en nombre lesuniversités américaines. En prévision d'un possibleconflit avec la Russie, le gouvernement japonais cherche par plusieurs moyens à s'attirer la bienveillance des autorités américaines, acteur probable de toute négociation de paix[100].

À partir de1873, laCorée devient un enjeu stratégique pour certains hommes politiques japonais. Cette année-là, les dirigeants nipponsdébattent sur la question de l'invasion de la Corée, mais l’idée est tout d'abord repoussée en raison de l'insuffisance de la préparation et de la modernisation japonaises. Ce n'est qu'en1875, à l'occasion de l'Incident de Ganghwa, que commence véritablement l'implication japonaise dans le pays. La péninsule ainsi que la région de laMandchourie en Chine deviennent des objectifs majeurs à long terme, autour desquels la diplomatie japonaise se concentre lors des décennies suivantes[101]. La Corée est considérée comme un objectif stratégique, d'autant plus que laRussie cherche à s'étendre dans la région. En effet, en1891, le début de la construction duTranssibérien menace le projet d'extension japonaise, et une Corée sous influence russe pourrait servir detête de pont à une invasion du Japon par la Russie. La Chine continue d'entretenir des relations tributaires avec la Corée, ce qui constitue aussi un obstacle dans les prétentions japonaises sur la péninsule[102]. L'incident d'Imo en1882 permet au Japon d'augmenter le nombre de ses troupes dans le pays[103]. Politiquement, le Japon est aussi actif pour s'immiscer dans la politique locale, notamment auprès des réformateurs coréens. C'est ainsi qu'il soutient unetentative de coup d'État en 1884. Si celle-ci est un échec, letraité négocié par la suite en 1885 permet au Japon de supprimer temporairement la présence militaire chinoise en Corée[104]. La péninsule est ainsi l'objet de laguerre du Japon contre la Chine en1894-1895[105]. Après cette date, la Chine — battue par le Japon lors de cette guerre — voit son influence réduite à néant dans la péninsule. La Russie profite de cette vacance du pouvoir pour s'immiscer dans les affaires internes de la Corée, où elle tente de faire jeu égal avec le Japon les années suivantes[106]. De plus, le Japon doit également renoncer à ses conquêtes en Chine, en raison de l'implication d'autres pays occidentaux, par le biais de laTriple intervention en. La France, le Royaume-Uni, et la Russie font pression sur le Japon pour qu'il revienne sur certains points de sontraité de paix avec la Chine, dont son occupation de lapéninsule du Liaodong. Ne pouvant s'opposer à ces puissances, le Japon est contraint de reculer, et dès1898, la Russie parvient à occuper la péninsule du Liaodong. Si l'armée nippone fait une première démonstration de ses capacités, le Japon perd le fruit de ses victoires militaires en raison d'une diplomatie encore inexpérimentée. Cet échec est mis à profit, et une préparation diplomatique précède les conflits suivants[107].

Par la suite, le Japon accélère sa politique en Corée en soutenant le coup d'État deDaewongun et la mise en place desRéformes Gabo en1894, qui lui donnent une plus grande emprise sur la péninsule[108]. En 1895, l'assassinat de lareine Min, soutenu par des Japonais, ainsi que le regain d'influence de la Russie, marquent un relatif recul du Japon dans le pays[109]. Entre 1895 et 1905[110], la Russie fait alors jeu égal avec le Japon en termes d'influence. En1896, le généralYamagata tente de ménager les Russes en leur proposant de se répartir la Corée autour du38e parallèle, ce qu'ils refusent. En1898, la diplomatie japonaise renouvelle la proposition auprès des Russes — après que ces derniers ont obtenu la concession dePort-Arthur dans lapéninsule du Liaodong —, mais celle-ci est de nouveau repoussée. Après larévolte des Boxers en1900, à l'issue de laquelle lesRusses obtiennent de nombreuses concessions en Mandchourie, la « question russe » revêt une importance majeure. Les années suivantes, d'autres options sont proposées au pouvoir russe, de manière à obtenir des zones d'influence exclusives : la Mandchourie pour les Russes, et la Corée pour les Japonais. Ces propositions essuient de nouveaux refus, la Russie visant toujours à intégrer laCorée à sa sphère d'influence[106]. L'intransigeance de la Russie sur cette question convainc les responsables japonais qu'une guerre contre ce pays est inévitable. De manière à éviter les déconvenues diplomatiques de laguerre contre la Chine quelques années plus tôt, le Japon prend soin au préalable de nouer l'alliance anglo-japonaise en1902, afin de pouvoir compter sur des soutiens lors de futures négociations de paix[111]. À l'issue de laguerre russo-japonaise, la défaite russe de 1905 finit d'asseoir la domination nippone sur la péninsule. C'est ainsi que letraité d'Eulsa transforme la Corée enprotectorat du Japon, prélude à l’annexion du pays en1910[110].

Recherche d'alliances avec les Occidentaux jusqu'à la Première Guerre mondiale

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Articles connexes :Japon pendant la Première Guerre mondiale,Théâtre asiatique de la Première Guerre mondiale etThéâtre océanien de la Première Guerre mondiale.

LeJapon densifie ses relations avec les puissancesoccidentales à l'issue desa victoire contre la Russie en 1905. Son intervention en1901 au sein de lacoalition militaire contre lesBoxers lui a déjà permis d'obtenir quelquesconcessions en Chine et de développer son influence[112]. Grâce aux traités deShimonoseki en 1895 et dePortsmouth en 1905, leJapon accède au rang de puissance régionale. L'alliance anglo-japonaise négociée en1902 est reconduite en1905 et1907. LaRussie noue quant à elle quatre traités entre1907 et1916 ; laFrance en fait de même en1908, suivie par lesÉtats-Unis en1908, via lesaccords Root-Takahira. Le Japon intègre ainsi le système des puissances déjà en place enAsie, sans chercher alors à remettre en cause celui-ci, se contentant de négocier quelques concessions et d'obtenir une reconnaissance de son rang au sein des puissances internationales[113].

L'éclatement de larévolution chinoise de 1911 fait évoluer les perspectives du Japon, et la situation enChine devient un point de crispation pour les pouvoirs japonais. Les gouvernements qui se succèdent à l'époque (Saionji etYamamoto) sont très partagés sur l'attitude à adopter, et sont tiraillés entre les aspirations incompatibles des libéraux et de l'armée.Sun Yat-sen, qui s'est réfugié au Japon en1913, peine à y trouver des soutiens. Cherchant à protéger ses intérêts dans le pays, le gouvernement japonais soumetvingt et une demandes au gouvernement chinois deYuan Shikai[114]. Celui-ci est contraint d'en accepter une partie, et la Chine devient alors de fait unprotectorat du Japon. Cependant, le pouvoir chinois parvient entretemps à trouver le soutien des États-Unis, encore neutres lors de laPremière Guerre mondiale, lesquels par la voix deleur secrétaire d'ÉtatWilliam Jennings Bryan mettent en garde le Japon contre toute action qui « violerait la souveraineté chinoise ». Le Japon commence ainsi à s'aliéner le gouvernement des États-Unis pour de maigres avantages en Chine[115].

L'engagement duJapon pendant la Première Guerre mondiale reste limité et essentiellement restreint aux régions dans lesquelles il a alors des intérêts à défendre. Du fait de l'alliance anglo-japonaise, le pays combat aux côtés desalliés. S'il envoie quelques navires légers pour patrouiller enMéditerranée, le Japon est surtout actif en Asie et dans lePacifique pour combattre les forces allemandes du secteur. La région chinoise duShandong où les allemands ont une concession est saisie, toute commeleurs colonies des Samoa[114]. Le Japon poursuit son engagement aux côtés des alliés lors de l'intervention en Sibérie, pendant la guerre civile russe jusqu'en1922, mais là aussi, plus pour la défense de ses intérêts (éviter une propagation dubolchévisme dans la région) que pour des intérêts diplomatiques[116]. Le retrait des Japonais deVladivostok en octobre 1922 signe la prise par larépublique d'Extrême-OrientÉtat fantoche séparant laRSFSR du Japon[117] — du dernier grand bastion blanc de Russie[118]. Lors de laconférence de paix de 1919, le Japon obtient que letraité de Versailles satisfasse ses revendications sur le Shandong, ce qui conduit le gouvernement chinois à refuser de signer le texte[119] et provoque en Chine unregain d'agitation nationaliste anti-japonaise[112]. Le Japon n'obtient pas que le traité finalfasse état d'une égalité entre les races, ce qui rend les responsables japonais méfiants vis-à-vis d'autres concessions qui pourraient leur être demandées[116].

D'une guerre à l'autre au sein de la Société des Nations

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En1919, leJapon prend part à la création de laSociété des Nations, espace qui, après laPremière Guerre mondiale, devient le principal lieu d'exercice de ladiplomatie japonaise.Nitobe Inazō, un Japonais influent, y est nommé secrétaire-général adjoint[120]. Cependant, ni lesÉtats-Unis ni l'Union soviétique ne siègent dans cette organisation ; de plus, le Japon est la seule nation asiatique représentée, ce qui en limite l’intérêt pour intervenir dans les problématiques de l'Asie. Les relations bilatérales montrent elles aussi leurs limites. En1922, l'Alliance anglo-japonaise doit être renouvelée, mais la grande proximité qu'entretient leRoyaume-Uni avec les États-Unis en réduit tout l'intérêt. L'Alliance n'est donc pas renouvelée, et c'est dans untraité des quatre puissances que le Japon s'engage, aux côtés de laFrance, du Royaume-Uni, et des États-Unis. De portée plus limitée, ce nouveau traité vise à satisfaire lestatu quo existant en Asie et dans lePacifique[121].

En1921-1922, à l'occasion des négociations de laconférence navale de Washington — qui doit fixer la taille des flottes militaires de chaque pays —, le Japon accède à une certaine reconnaissance internationale. Il tente d'obtenir le droit de disposer d'une flotte égale à 70 % des flottes britanniques ou américaines, mais n'obtient que 60 %. Le pays obtient cependant qu'aucune nouvelle base ne soit créée ou agrandie dans le Pacifique, à l'exception de celles présentes àHawaii, àSingapour et au Japon. Il obtient aussi que les porte-avions soient exclus de l'accord, ce qui lui permet de reconvertir certains de ses navires amiraux et de développer cet aspect de sa flotte. De plus, le pays s'engage dans letraité des neuf puissances qui vise à garantir l'intégrité territoriale de laChine. Le Japon rétrocède ainsi le territoire duShandong au pays, ce qui permet de normaliser les relations avec les États-Unis. Sur le front soviétique, le même effort de normalisation des relations est opéré parGotō Shinpei, et le pays se retire deSibérie ainsi que de la partie nord deSakhaline. En1925, est signée uneconvention de reconnaissance réciproque. Bien que ces différents traités internationaux soient diversement reçus par l'opinion politique et par les militaires[n 4], ils sont respectés à la lettre par le Japon et permettent de figer la situation internationale dans la région pour une dizaine d'années[122].

Sous l'impulsion deKijūrō Shidehara,ministre des Affaires étrangères à plusieurs reprises entre1924 et1931, voit le jour une « doctrine Shidehara », qui encadre les actions du Japon sur la scène internationale. Le pays s'engage dans une dynamique de collaboration avec les autres nations au sein de laSDN et coopère en particulier avec le Royaume-Uni et les États-Unis[123]. Dans le domaine économique, la doctrine vise à un développement pacifique, en renonçant à toute forme de pression militaire pour sécuriser l'accès à certains marchés ou à certaines ressources. La doctrine vise aussi à cesser toute forme d'ingérence dans les affaires internes de la Chine, tout en soutenant l'abolition de l'extraterritorialité, qui s'applique encore dans certains domaines de ce pays. Lors de l'Incident de Nankin en1927, le Japon a l'occasion de faire la démonstration qu'il sait honorer ses engagements. Bien que les Anglo-Américains soient favorables à une intervention militaire pour soutenir leurs intérêts économiques, le Japon refuse de prendre part à celle-ci en estimant que le problème doit être réglé par les autorités chinoises elles-mêmes. Perçue comme trop timorée, cette politique est à l'origine de l'éviction du gouvernement de Shidehara la même année[124].

Tanaka Giichi, qui en1927 succède à Shidehara, procède à une réorientation complète de la politique étrangère du Japon. Giichi décide alors d'intervenir enMandchourie et enMongolie pour séparer ces régions de la Chine, et éviter que les troubles chinois ne s'y propagent. Il proclame aussi que des troupes militaires seront envoyées en Chine, partout où sont menacés des citoyens ou des intérêts japonais[125]. La réponse chinoise est rapide et hostile. Unboycott des projets japonais touche le pays, et l'incident de Jinan en marque le renouveau des interventions militaires japonaises en Chine. Cette mauvaise gestion de la question chinoise cause la chute du gouvernement de Tanaka Giichi en1929. À l'issue de cette séquence diplomatique, les relations se sont envenimées avec lepouvoir chinois, mais aussi avec les Anglo-Américains, qui, entretemps, se sont accordés pour revoir leur politique en Chine[126].

Dès, le retour aux affaires de Kijūrō Shidehara engage une nouvelle dynamique pour la diplomatie japonaise. Si lenouveau traité naval signé àLondres en1930 permet de réchauffer les relations avec les Anglo-Américains, les prétentions duKuomintang en Mandchourie empêchent de pacifier les relations avec la Chine. De plus, les différents choix diplomatiques de Shidehara sont perçus au Japon comme trop timorés par les militaires et l'opinion publique, ce qui produit dans la population un rejet croissant des responsables politiques. Au sein de l'armée, certains commencent à envisager des actions violentes pour forcer l'action du gouvernement en Mandchourie[127]. L'incident de Mukden en, perpétré dans ce but par un lieutenant japonais, fait basculer la situation[128].

La guerre de quinze ans

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Invasion et enlisement en Chine, retrait de la SDN et recherche de nouvelles alliances

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Articles connexes :Seconde guerre sino-japonaise,Crimes de guerre du Japon Shōwa,Massacre de Nankin,Conflits frontaliers soviéto-japonais etSphère de coprospérité de la grande Asie orientale.

En, l'incident de Mukden relance les tensions diplomatiques. En dehors de tout cadre politique, l'armée japonaise du Guandongdomine rapidement la Mandchourie. Le coup de force de quelques dirigeants militaires locaux met à mal le gouvernement deWakatsuki qui chute en décembre.Inukai Tsuyoshi, qui lui succède commePremier ministre, prend le parti de reconnaître ce coup de force, ainsi que l'occupation de laMandchourie par leJapon. EnChine, le dirigeantTchang Kaï-chek fait le choix de ne pas lancer l'armée chinoise contre l'armée japonaise et s'en remet à laSociété des Nations. Cependant, aucune des autres puissances ne souhaite s'engager : leRoyaume-Uni et lesÉtats-Unis sont occupés par les effets de laGrande Dépression[128], et l'Union soviétique est en pleine reconstruction économique, à peine sortie desluttes entre Staline et Trotski. Non seulement le Royaume-Uni cherche à ménager le Japon pour contrebalancer l'Union soviétique, mais cette dernière commence à se désengager de la région[n 5]. C'est ainsi que le Japon est libre de mettre en place unÉtat fantoche, leMandchoukouo, qu'il est le seul à reconnaître officiellement[129]. Une mission internationale mandatée par laSDN, la commission Lytton, est envoyée sur place pour enquêter sur l'incident de Mukden. Lerapport Lytton qui ressort de cette enquête impute les faits au Japon, lequel saisit ce prétexte pour sortir de la Société des Nations en, en signe de protestation — ce qui le fait également sortir du « système de Versailles »[129].

Le pouvoir chinois reste indécis sur les suites à donner. La souveraineté de la Chine sur la Mandchourie ne fait pas l'unanimité, et dans un premier temps, la position du Japon en Mandchourie est tacitement reconnue. Le dirigeant chinois Tchang Kaï-chek étant occupé à réprimer les communistes en Chine, la question mandchourienne passe au second plan. L'accord de He-Umezu de1935 entérine la situation, le Japon et la Chine s'accordant sur la levée duboycott des produits japonais, sur une reconnaissance de l'État Mandchoukouo et sur la lutte contre lecommunisme[130]. Si localement, des militaires japonais continuent de tenter des coups de force, l'incident du 26 février àTokyo a pour effet de purger l'armée deséléments les plus radicaux[131].

En, commence une nouvelle phase d'expansion du Japon en Chine, au moment où éclate laguerre sino-japonaise, déclenchée par l'incident du pont Marco-Polo. Attaquant au nord, et à partir deShanghai, lestroupes nippones se heurtent à celles de Tchang Kaï-chek.Nankin, la capitale durégime nationaliste chinois, est prise le, ce qui donne lieu à unmassacre de la population au cours duquel environ deux cent mille personnes sont tuées[132]. Le conflit s'enlise dès le printemps1938, alors que les Chinois continuent de résister[133]. Dans le même temps, le Royaume-Uni, les États-Unis, laFrance, et l'Union soviétique prennent le parti de la Chine et envoient de l'aide militaire sur place[134].

Après sa sortie de la Société des Nations en1933 et dutraité naval de Londres en1936, le Japon cherche de nouveaux alliés, de manière à éviter un isolement diplomatique. Il se tourne alors vers l'Allemagne nazie et, en, signe avec ce pays ainsi qu'avec l'Italie fasciste, lepacte anti-Komintern, qui vise à combattre la montée du communisme. L'armée japonaise incite le gouvernement à élargir les contours du traité pour en faire une alliance militaire, ce que repousse la marine impériale[135]. La réponse américaine, à travers lediscours de la quarantaine prononcé en, revêt la forme d'une dénonciation symbolique[136]. L'Union soviétique, en particulier, dès la signature du pacte anti-Komintern, augmente son soutien militaire à la Chine. Une telle décision lui fait entrevoir la possibilité d'éloigner le spectre d'un conflit sur deux fronts, contre l'Allemagne et le Japon, en fixant les armées japonaises en Chine[137]. À la même période, le Japon entretient aussides échanges avec la Turquie, de manière à pouvoir envisager une fermeture du détroit duBosphore à la flotte russe ; si aucun traité formel ne ressort de ces discussions, laTurquie commande néanmoins en 1934 onzecroiseurs à deschantiers japonais[138].

Dès1938, face à l'enlisement du conflit en Chine, les militaires japonais envisagent deux options. Paridéologie anti-communiste, certains chefs militaires favorisent une « option nord », qui consiste à attaquer l'URSS de façon à sécuriser les possessions au nord. D'autres responsables, soutenant une « option sud », souhaitent couper les voies d'approvisionnement des nationalistes chinois et s'en prendre aux colonies européennes (Indochine française,Birmanie britannique,Indes orientales néerlandaises…). Les tenants de la première option ont d'abord gain de cause, etune première série d'escarmouches oppose troupes japonaises et soviétiques à l'été1938. L'année suivante, les troupes soviétiques surclassent les forces japonaises à labataille de Khalkhin Gol[139].

La signature duPacte germano-soviétique le les ayant apparemment privés du soutien potentiel de l'Allemagne nazie, les Japonais renoncent dès l'automne de la même année, à attaquer l'URSS une nouvelle fois. Lesvictoires allemandes en Europe de l'Ouest, qui entraînent un affaiblissement des puissances coloniales européennes enAsie, ouvrent la voie en1940 à la réalisation de l'« option sud »[140]. LeTonkin est envahi en septembre 1940. LePacte tripartite est signé le même mois entre le Japon, l'Allemagne, et l'Italie, scellant l'axe Rome-Berlin-Tokyo. Ces développements sont perçus négativement par les États-Unis qui restreignent leurs exportations de fer et de pétrole vers le Japon[141]. La signature de ce pacte par le Japon est ainsi un message envoyé aux États-Unis, les dissuadant d'intervenir militairement en Asie. Après le Pacte germano-soviétique, le pays nourrit aussi l'illusion[n 6] qu'un élargissement de celui-ci est possible, ce qui couperait l'approvisionnement à la Chine[137]. C'est dans cette perspective que, le, est signé lepacte nippo-soviétique de non-agression, toujours dans l'optique de couper l'approvisionnement étranger aux troupes chinoises. De leur côté, les Russes projettent au contraire de détourner l'attention des Japonais, en les poussant ainsi à attaquer les États-Unis[142]. En, profitant de l'effondrement de la France sur le front européen l'année précédente, les troupes japonaisesenvahissent le Sud de l'Indochine française, ce qui place leur aviation à portée des possessions anglaise (Malaisie) et américaine (Philippines). En représailles, les États-Unis décrètent unembargo total vis-à-vis du pétrole exporté vers le Japon. Or, ce dernier a besoin de carburant pour mener sa guerre contre larépublique de Chine. Dans l'espoir de ramener les Américains à la table des négociations, les militaires japonais envisagent une guerre maritime éclair contre eux[143].

Guerre totale contre les alliés de 1941 à 1945

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À partir du printemps 1941, leJapon et lesÉtats-Unis entament une série de négociations sur la situation enAsie, et en particulier enChine[137]. Pour les États-Unis, ce dernier pays ne constitue pas une priorité stratégique, et tactiquement, le maintien desforces nippones en Chine est même vu positivement par certains observateurs américains, car cette occupation éloigne les Japonais des intérêts américains, commeleur colonie des Philippines[136]. De la même façon, pour les Japonais, la menace la plus pressante n'est plus celle des Anglo-Américains, mais celle desSoviétiques, ce qui les pousse à signer unealliance militaire avec l'Allemagne, puis unpacte de non-agression avec l'URSS. En faisant ceci, du point de vue américain, le Japon s'est placé dans le camp des alliés de l'Allemagne[144]. En, à l'entrée enguerre de l'Allemagne nazie contre l'URSS, le Japon, redoutant d'avoir à mener une guerre sur deux fronts[145], reste en dehors de ce conflit, malgré des demandes allemandes répétées[146]. Les militaires japonais préparent un plan d'attaque des États-Unis pendant que se déroulent les négociations entre les deux pays. Les demandes des Japonais sont jugées excessives : rétablissement de l'approvisionnement en pétrole, maintien des troupes en Indochine… Lanote Hull que les Américains adressent aux diplomates japonais le est elle aussi jugée excessive par les responsables politiques et militaires japonais, et perçue comme unultimatum. Le jour même, la flotte spécialement constituée pour attaquerHawaï, quitte le port et prend la direction desKouriles[147].

Laguerre du Pacifique commence le[n 7], lorsque les troupes japonaises attaquent simultanémentles Britanniques en Malaisie etles Américains à Pearl Harbor. Le conflit mené en Asie par le Japon devient alors partie intégrante de laSeconde Guerre mondiale. Les troupes nippones, qui envahissent dans la fouléeles Philippines,Hong Kong,Guam,les Indes orientales néerlandaises, puisla Birmanie, progressent rapidement lors des mois suivants, en remportant victoire sur victoire[148]. Le Japon place desgouvernements fantoches dans les pays « libérés » — dirigés de fait par l'armée japonaise. Il y déploie la rhétorique d'une « fraternité asiatique », opposée aux « puissances colonisatricesoccidentales ». C'est dans cette optique qu'est organisée en laconférence de la grande Asie orientale, qui réunit àTokyo les responsables des pays « libérés » et qui vise alors à donner corps à lasphère de coprospérité de la Grande Asie orientale. Les engagements y sont symboliques, car à cette date, la situation militaire s'est retournée[149]. En effet, dès la mi-1942, la progression du Japon dans la région est déjà interrompue, et l'armée japonaise subit ses premiers revers, commeà Midway, en juin[150]. À partir de la fin de labataille de Guadalcanal en, les Japonais sont contraints de mener une guerre défensive contre lesAlliés[151]. Laprise de Saipan en place le Japon à portéedes bombardiers américains[152]. Presque un demi-million de civils japonais sont victimes de ces engins au cours desattaques aériennes américaines au-dessus de l'archipel[153]. Entre avril et, l'île d'Okinawa estconquise par les Américains — bien que ceux-ci enregistrent également de lourdes pertes[154].

Entretemps, les Japonais se voient coupés de leurs alliés : l'Italiecapitule en septembre 1943, suivie par l'Allemagne en mai 1945. Le, lorsque ladéclaration de Potsdam est adressée au Japon par leRoyaume-Uni, les États-Unis et la Chine, exigeant une capitulation générale, le pouvoir japonais croit pouvoir s'appuyer sur l'URSS pour négocier. En effet, le Japon qui a signé un pacte de non-agression avec les Soviétiques, n'est pas intervenu contre ces derniers aux côtés de l'Allemagne, et l'URSS de son côté, n'a pas signé la déclaration de Potsdam. Mais pour les Alliés, l'absence de réponse japonaise est analysée comme un refus de se soumettre à l'injonction de capitulation : les États-Unis comme l'URSS appliquent alors leurs plans respectifs[155]. Alors qu'un plan d'invasion du Japon est mis au point par les Américains, ces derniers prennent finalement la décision d'utiliser l'arme nucléaire nouvellement développée pour contraindre le pays à la reddition, et signaler par la même occasion aux Soviétiques que les États-Unis disposent de plusieurs exemplaires d'une arme d'un nouveau genre.Hiroshima est bombardée le 6 août, et Nagasaki, le 9[156]. Cependant, dans un premier temps, considérant que les villes bombardées ne constituent que de « simples pertes » parmi d'autres, les autorités japonaises n'envisagent pas la reddition. Estimant que l'hypothétique invasion des nombreuses iles de l'archipel serait trop coûteuse pour les États-Unis, elles pensent être capables de les défendre suffisamment longtemps pour trouver un accord convenable pour l'Empire. Le gouvernement compte aussi sur l'aide de l'URSS dans les discussions à venir avec les Américains pour sortir de la guerre. Mais le 9 aout, les Soviétiquesenvahissent la Mandchourie. L'offensive coûte également au Japon sa coloniecoréenne, le Nord deSakhaline etles îles Kouriles[157]. La défaite de l'armée japonaise du Guandong anéantit l'espoir des Japonais de résister aux États-Unis et de compter sur la médiation de l'URSS pour une sortie de guerre. Préférant, pour la survie du système impérial, l'occupation américaine à la conquête soviétique, la capitulation est acceptée le 10 août par les autorités japonaises, etest formellement signée le[158].

Populations étrangères prises pour cibles et victimes de crimes de guerre

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Articles connexes :Crimes de guerre du Japon Shōwa,Politique des Trois Tout etTribunal militaire international pour l'Extrême-Orient.

L'armée japonaise fait payer un lourd tribut à la population chinoise, lors du conflit enChine, mais aussi, lors des conquêtes enAsie, en s'en prenant àsa diaspora. Lors dumassacre de Nankin, au moins vingt mille (et peut-être jusqu'à 80 000) Chinoises sontviolées et au moins deux cent mille civils chinois désarmés sontexécutés. D'importantes exactions sont aussi perpétrées àWuhan etXuzhou[159]. Vivant aux dépens du pays, l'armée japonaise commet de nombreuxpillages, mais elle procède aussi à de nombreuses exactions pour intimider les populations locales. Au total entre1937 et1945,95 millions de Chinois, soit 26 % de la population, deviennent desréfugiés[160].Au nord du Vietnam, ces politiques de réquisition de nourriture pour entretenir l'armée participent àune grande famine qui frappe le pays en 1945 et qui cause jusqu'à deux millions de morts dans la population locale[161]. Aidée par les expérimentations médicales de l'Unité 731, l'armée utilise aussi ponctuellement desgaz de combat et despathogènes (comme lapeste, l'anthrax, lecholéra et lafièvre typhoïde) contre des Chinois[162]. Pour mettre fin aux activités derésistance, l'armée japonaise suit lapolitique des Trois Tout en détruisant systématiquement tout village suspecté de soutenir laguérilla anti-japonaise, et en exécutant tous ses habitants[159]. Lors de l'invasion de l'Asie du Sud-Est, l'armée japonaise s'en prend aux populations chinoises locales : après laprise de Singapour en 1942, près de 200 000 des 600 000 Chinois qui y vivent sont détenus et interrogés (suspectés d'être des soutiens dugouvernement nationaliste ou d'êtrecommunistes), et 40 000 sont tués. Lors de lacampagne de Malaisie, soixante mille Chinois supplémentaires sont exécutés dans des conditions similaires. Ces exactions ne se limitent pas aux Chinois : lors de la construction de laligne Siam-Birmanie, sur les deux cent mille travailleurs venant deBirmanie, d'Indonésie, deMalaisie, d'Inde, deThaïlande et deChine, plus de 74 000 meurent avant la fin du chantier[163].

À partir de1937, lors des opérations en Chine, l'armée japonaise systématise la mise en place debordels militaires[161]. Environ cent mille femmes, à 80 %coréennes, sont recrutées par la force ou par la ruse pour y « travailler », selon des modalités relevant de l'esclavage sexuel[164]. Les conditions sont particulièrement rudes, chaque femme devant « servir » jusqu'à une dizaine d'hommes par jour — chiffre pouvant atteindre 30 ou 40, avant les départs pour le front ou au retour d'opérations[165]. En, l'armée installe 400 de ces structures (la plupart, en Chine, mais les territoires nouvellement conquis en possèdent aussi), lesquelles fonctionnent avec des femmes locales —philippines,indonésiennes,malaisiennes, mais aussihollandaises (capturées lors de la prise des colonies des Pays-Bas). Si le système, qui repose essentiellement sur des Coréennes, vise officiellement à faire baisser les viols dans les populations locales, il ne l'empêche nullement[164].

Le Japon impose des conditions de vie terribles auxprisonniers de guerre capturés. Sur les 132 134 prisonniersbritanniques,américains,australiens,canadiens,néozélandais, ethollandais, 35 756 meurent, soit untaux de létalité de 27 % — bien supérieur au chiffre de 4 % enregistré dans les camps de prisonniers mis en place par lesAlliés. Ce chiffre s'explique par de nombreusesmarches de la mort que l'armée japonaise impose à ses prisonniers (commecelle de Bataan oucelle de Sandakan), mais aussi par lestravaux forcés, souvent effectués avec peu de nourriture et dans des conditions extrêmes — comme pour la construction de la ligne Siam-Birmanie, passant par lepont sur la rivière Kwaï. L'armée japonaise procède aussi à des assassinats de prisonniers ennemis, notamment chinois. Les deux pays n'ayant pas formellement procédé à unedéclaration de guerre, le Japon considère les personnes qu'il combat comme de simple bandits et refuse de les reconnaître comme des soldats : ceci lui permet de les exécuter en l'absence de tout jugement[166].

Économie

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Premières initiatives étatiques au début de l'ère Meiji

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Article connexe :Fukoku kyōhei.

L'industrie est modernisée en ayant recours au modèle desmanufactures d'État. Des usines sont crééesex nihilo grâce à du matériel acheté à crédit à l'étranger, et des usines plus anciennes — créées par desdaimyō ou l'administrationshogunale — sont reprises par l’État[167]. Ledéveloppement de Hokkaidō est aussi décidé. Les évolutions sociales rapides sont cependant à l'origine de révoltes parmi lessamouraïs — comme en1874 à Saga, et en1877 à Satsuma — qui font peser de nouvelles charges sur l'État[168]. Pour faire face aux déficits budgétaires causés par les dépenses, le gouvernement et les banques ont recours à de nombreusesémissions de monnaie, ce qui fait plonger la valeur des billets en circulation, face aux pièces d'argent. En1880 uncours forcé des billets est imposé et la même année, un coup de frein est donné aux dépenses visant au développement industriel[25]. Cettecrise monétaire entraîne unedépression de1881 à1886, que le ministre des financesMatsukata Masayoshi doit affronter. Les dépenses de l'État sont réduites, et plusieurs impôts, instaurés — dont l'impôt sur le revenu, en1887. Créée en1882, laBanque du Japon assure la conversion des billets émis auparavant en pièces d'argent, et permet ainsi d'assainir la situation financière[169].

Les entreprises créées par l'État au début de l'ère Meiji sont privatisées dix ans après leur création, ce qui permet au gouvernement de dégager des liquidités. Desconglomérats, commeMitsubishi ouMitsui, se renforcent par ce biais, le plus souvent à très bon compte[170]. Ces entreprises nationales créées dans lesannées 1870 concentrent leurs activités dans le domaine de laconstruction navale, desarsenaux et desmines. L’État prend aussi des initiatives pour construire des usines produisant duciment, duverre et deslainages[171].

Laproduction agricole connaît quelques progrès entre lesannées 1860 et lesannées 1890. Bien que la population augmente de près d'un tiers au cours de cette période, le pays reste exportateur de produits agricoles. La surface cultivée augmente de près de cent mille hectares derizières, et de80 000 hectares de terres agricoles sèches, la moitié de cette dernière surface étant obtenue grâce à la mise en valeur deHokkaidō. L'amélioration des transports et le déploiement d'entrepôts plus modernes permet aussi de réduire les pertes alimentaires[172].

La production minière est rapidement considérée comme une priorité, permettant d'alimenter de nouvelles usines. Sous l'impulsion de personnalités commeInoue Kaoru, l'État acquiert des mines, de manière à les moderniser, puis ouvre des écoles dans lesquelles des conseillers étrangers sont employés pour former lesmineurs. L'usage d'outils modernes, comme des pompes à vapeur ou des explosifs, se développe. La production decharbon passe ainsi de 400 000 tonnes dans lesannées 1860 à 2 600 000 tonnes en1890. Entre1860 et1900, la production decuivre passe quant à elle de 1 000 à 29 400 tonnes[173].

Des infrastructures modernes commencent à être déployées à l'échelle du pays. En1895, sont construites plus de trois mille kilomètres de lignes dechemin de fer, la plupart à l'initiative d'investisseurs privés. À la même date, six mille kilomètres delignes télégraphiques parcourent le pays. À partir desannées 1870, le Japon développe aussi unemarine marchande, laquelle lui permet de contrôler 14 % des flux rentrants dans les ports du pays[173].

Le Japon continue de dépendre de l'Occident pour plusieurs de ses importations, comme lesmachines-outils, l'acier, leséquipements militaires. Le pays importe aussi de grandes quantités de balles decoton pour ses usines de tissu. Le Japon exporte ensuite ses cotonnades, qui au début desannées 1890, représentent 42 % de toutes ses exportations[171].

Forte croissance dans la seconde moitié de l'ère Meiji

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Article connexe :Sites de la révolution industrielle Meiji au Japon : sidérurgie, construction navale et extraction houillère.

L'économie japonaise connaît une phase de forte croissance dans la seconde moitié de l'ère Meiji. Entre1880 et1914, lerevenu national brut augmente de 4 % par an en moyenne. Cette tendance est plus accentuée entre1895 et1905, la production industrielle doublant lors de cette période. Lesecteur textile représente une part importante de cette production et joue un rôle moteur pour le reste du secteur industriel. En1900, 67 % des ouvriers y travaillent et en1913, la production du pays atteint la quatrième place mondiale[174]. En1904, l'industrie lourde bénéficie du déclenchement de laguerre russo-japonaise, mais aussi, de l'essor deschemins de fer dans le pays. La production passe de sept mille tonnes d'acier en1901 à 70 000 tonnes en1906, et 500 000 tonnes en1919[175]. La part des actifs travaillant pour l'industrie passe de 6 % en1880 à 20 % en1920[174]. En1918, la part de la production industrielle dépasse la part de la production agricole dans lerevenu national brut[175].

Le développement de l'industrie lourde japonaise s'accompagne de quelques particularités. L'importation de matières premières depuis l'étranger (comme le charbon et le fer) — en tant que principales sources d'approvisionnement — permet à desaciéries comme celles deYahata (ouverte en 1901) de prospérer au-delà de ce que permet la production locale. Celle-ci est alors essentiellement approvisionnée en minerai venant deChine ou deCorée, préfigurant la logistique industrielle qui se met en place par la suite, lors de l'exploitation des colonies japonaises[176]. La transition de lamachine à vapeur vers l'électricité est tout aussi rapide au Japon[177]. Dès 1887, une premièrecentrale électrique au charbon ouvre àTokyo, et en1891, la premièrecentrale hydroélectrique ouvre près deKyoto. En1913,2,3 millions de foyers ont accès à l'électricité, et ce chiffre double dès1917. Toujours en1917, l'électricité dépasse la vapeur en puissance utilisée dans les usines du pays[178] ; elle permet le développement de certaines productions, comme celle defertilisants, mais aussi, le fonctionnement des usines la nuit, grâce à la généralisation desampoules électriques[179].

Cependant, la hausse de la production se fait souvent au détriment des travailleurs des différents secteurs. Dans l'agriculture, près de la moitié des surfaces cultivées sont exploitées par des fermiers qui ne possèdent pas la terre, et qui doivent parfois reverser à leurs propriétaires près de 60 % des fruits de leur travail. Dans lesecteur textile où la main d’œuvre est principalement féminine, les salaires sont particulièrement bas, et les conditions de travail et d'hébergement, le plus souvent insalubres[180]. Les conditions ne sont guère différentes dans lesecteur minier, et des sites comme lesmines de cuivre d'Ashio ont à cet égard très mauvaise réputation. De telles conditions de travail rendent le recrutement de plus en plus difficile, alors qu'il est nécessaire d'augmenter la production. De nombreux ouvriers n'hésitent pas à fuir vers les grands centres urbains, ou même à l'étranger, auBrésil ou àHawaï[181].

À la même époque, se constitue unmouvement ouvrier, réclamant l'élaboration d'undroit du travail, ainsi qu'une amélioration desrémunérations et desconditions de travail. Desgrèves éclatent dans le secteur de lamétallurgie (1897) et des chemins de fer (1898), et en1898, un premiersyndicat clandestin est créé dans le secteur de l'imprimerie[181]. La réponse des autorités est initialement violente. En1900, des lois sont promulguées pour restreindre les possibilités demanifester et de se regrouper ; l'armée et lesYakuza sont régulièrement utilisés pour réprimer les grèves. La situation se tend en particulier après l'incident de haute trahison en1911 qui voit une douzaine d'anarchistes tenter d'assassiner l'empereurTaishō Tennō[182]. La première législation du travail n'est votée qu'en1912, et n'est appliquée qu'à partir de1916. Celle-ci met l'accent sur les conditions de travail, plus que sur les salaires, et vise par ce biais à développer la fidélité de l'ouvrier envers son employeur, dans une visionconfucéenne[183]. L'âge minimum pour travailler est alors fixé à12 ans et la durée maximale du travail journalier pour les femmes et les enfants, à12 heures[184].

Des crises de l'ère Taishō à la crise de 1929

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LeJapon bénéficie économiquement de la Première Guerre mondiale, en fournissant du matériel auxAlliés — notamment des bateaux (le chiffre d'affaires des constructeurs est multiplié par dix entre1914 et1919) —, mais aussi, en captant de nouveaux marchés internationaux, jusque-là dominés par lesOccidentaux (fournitures decotonnades enChine et enInde notamment). Entre1917 et1920, leproduit national brut augmente ainsi globalement de 20 %[185]. Labalance commerciale du pays devient momentanément bénéficiaire ; elle passe ainsi d'un déficit d'un milliard de yens en1913 à un excédent de deux milliards de yens en1920. Sitôt le choc du conflit absorbé par les puissances occidentales, la balance commerciale du Japon redevientdéficitaire[186], alors que s'installe un certain marasme, consécutif à ladépression de 1920-1921. Le prix de certaines denrées — comme leriz, lecoton et lasoie — s'effondre sur les marchés, ce qui entraîne desfaillites et fragilise leszaibatsu les plus petits, commeFurukawa Group. En1922, lorsque la situation économique japonaise se stabilise, plusieurs incidents financiers éclatent, comme la faillite d'une douzaine de banques locales et la ruine du spéculateurSadashichi Ishii, ce qui prolonge une certaine tension sur les marchés[187].

L'essor économique qui accompagne laPremière Guerre mondiale se déroule cependant au détriment de la population. L'inflation entraîne rapidement une augmentation du prix des produits alimentaires, comme le riz — dont le prix double pendant l'été1918, ce qui provoque quelque497 émeutes dans tout le pays[188]. Cette agitation, qui mobilise jusqu'à un million de personnes, dynamise les premierssyndicats japonais d'ampleur nationale, qui ont commencé à se structurer dans la clandestinité, dès1916. En, est organisé un premier congrès national de ces syndicats, lequel relaie diverses revendications, depuis la reconnaissance officielle des syndicats, jusqu'à la journée de8 heures[44]. En1922, un premier syndicat ouvrier officiel est ainsi créé, laFédération générale des travailleurs japonais (ouSōdōmei), alors que le mouvement ouvrier commence à être parcouru par une division entre réformistes et révolutionnaires. La même année, se constitue également un syndicat de fermiers, alors que se multiplient les conflits entre ces derniers et les propriétaires[46].

Leséisme de 1923 du Kantō ravageTokyo et plonge ainsi le pays dans une nouvelle crise économique. Pour financer la reconstruction, labanque du Japon émet des « bons d'obligation du séisme »[189]. L'effondrement des exportations (provoqué par ces destructions) conjugué à la hausse des importations (exigée par la reconstruction de la capitale) entraîne une chute du taux de change de la monnaie nationale. En1924, lorsque le gouvernement doit emprunter sur les marchés étrangers, les taux d'intérêts négociés auprès de banquesaméricaines etbritanniques sont très élevés[190]. Le remboursement de ceux-ci entraîne indirectement en1927 la faillite d'une banque deKōbe, laquelle provoque à son tour la faillite d'une quarantaine de banques régionales[189] et de trois banques majeures, ainsi que la chute du gouvernementWakatsuki. Unepanique bancaire gagne alors le pays (près de 11 % de tous les dépôts sont retirés) et le gouvernement doit imposer unmoratoire des paiements d'une durée de20 jours. L'éclatement de cettecrise financière Shōwa marque durablement le pays et affaiblit ses finances juste après l'éclatement de lacrise mondiale de 1929[191]. En1927, est promulguée une loi qui contraint les banques les plus petites à fusionner, leur nombre passant ainsi de 1 575 en1926 à 651 en1932. Si de nombreuses petites entreprises sont affaiblies ou périclitent, les plus groszaibatsu — commeMitsubishi,Mitsui,Sumitomo etYasuda — en profitent pour se lancer dans de nombreusesacquisitions et se trouvent alors au sommet de leur influence[192].

Pendant cette période, les gouvernements successifs se montrent assez souventinterventionnistes etprotectionnistes. Ainsi, en1920, lorsque des entreprises textiles se constituent encartels pour racheter et détruire les invendus de manière à stabiliser les prix, le gouvernement consent à des prêts à très faible intérêt. En1921, le gouvernement intervient directement sur le marché du riz, en achetant et vendant de grandes quantités de la production pour stabiliser le marché. De plus, le partiRikken Seiyūkai, au pouvoir de1918 à1922, sous l'impulsion du ministre des FinancesTakahashi Korekiyo, lance une vague d'investissements dans les infrastructures des régions périphériques du pays, ce qui lui permet d'y renforcer son poids politique. En1924, lorsque le parti d'oppositionKenseikai arrive au pouvoir, cette politique d'investissement dans les régions est maintenue, bien que le parti fasse alors la promotion de l'équilibre des dépenses[193]. Ces investissements permettent de faire émerger de grandes régions d'industrie lourde — d'une part entreTokyo etYokohama, d'autre part entreŌsaka etKōbe —, bénéficiant notamment de la généralisation de la fourniture d'électricité (aciéries, productions d'engrais…)[194]. En1935, 89 % des foyers japonais ont ainsi accès à l'électricité, contre 68 % des foyers américains, et 44 % des foyers britanniques[195].

Des crises de 1929 et 1930 à la reprise économique

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Laconvertibilité du yen en or, abandonnée lors de laPremière Guerre mondiale, fait l'objet de plusieurs tentatives infructueuses de réinstauration lors desannées 1920. Les nombreusesmaisons de négoce en particulier font pression dans ce sens sur les gouvernements successifs, unyen fort leur permettant d'acheter à moindre coût à l'étranger[53]. Les conséquences dukrach de 1929 sont encore mal identifiées, et en, le ministre de l'économieJunnosuke Inoue prend la décision de réinstaurer la convertibilité du yen en or. À partir de cette date, l'économie japonaise doit faire face à un double choc : la perte de compétitivité de ses industries, en raison de sa monnaie, et la diminution drastique de ses débouchés en raison de la crise économique qui touche plusieurs de ses marchés extérieurs. L'industrie minière licencie jusqu'à 40 % des mineurs et dans l'industrie textile, des réductions de salaire, pouvant atteindre les 40 %, provoquent de nombreuses grèves[196]. La production agricole enregistre aussi des baisses importantes des prix de vente : jusqu'à 66 % pour lecoton et jusqu'à 50 % pour leriz[197]. En réaction à cette double crise, le gouvernement choisit de laisser l'industrie se réguler d'elle-même ; des cartels se forment alors pour réduire la production et maintenir les prix, favorisés en ce sens par une loi de1931[196]. Le gouvernement adopte aussi une très grande rigueur budgétaire et réduit fortement les dépenses de l'État. Ces politiques très impopulaires causent de nombreux troubles au sein de la population. Le partiRikken Minseitō perd définitivement le pouvoir lors desélections législatives de 1932 et leRikken Seiyūkai forme une nouvelle coalition[198].

Takahashi Korekiyo, ministre de l'économie pour l'essentiel de la période1931-1936, instaure une politique proche dukeynésianisme, articulée autour d'une baisse destaux d'intérêt et destaux de change, ainsi qu'une hausse de la dépense publique[199]. Il laisse leyen se dévaluer face audollar, le taux de change passant de 100 yens pour 50 dollars à 100 yens pour 20 dollars fin1932. Quant aux taux d'intérêt accordés aux banques, ils passent de 6,6 % à 3,7 %, de1932 à1933. Les dépenses de l'État passent elles de 1 480 milliards de yen en1931 à 2 250 milliards de yen en1933 et se stabilisent à ce niveau les années suivantes ; l'armée et les dépenses ciblant les campagnes sont favorisées par cette hausse[200].

Ces « politiquesTakahashi » permettent de dynamiser lesexportations japonaises, notamment dans le secteur textile, mais cette évolution incite les pays étrangers à mettre en place de nombreusesmesures protectionnistes vis-à-vis des produits japonais[199]. La baisse du taux de change rend lesimportations plus chères, ce qui permet à certaines industries nationales, comme l'industrie chimique et l'industrie lourde, de redevenir compétitives dans le pays. Des industriels en profitent pour moderniser leurs structures et atteignent ainsi les meilleurs standards internationaux dans plusieurs domaines : la production deviscose pourToyo Rayon ouAsahi Bemberg, lesmachines-outils électriques pourToshiba etHitachi, ou encore la productionaéronautique, grâce à des financements de l'armée[201].

Au cours de cette période, émerge une nouvelle génération dezaibatsu, incluant des firmes commeNissan,Shōwa Denkō,Nippon Soda, ou encoreNakajima[201]. Ils ont en commun d'être constitués autour des nouvelles technologies de l'époque, et d'être dirigés, non pas par des gestionnaires, mais par des ingénieurs ou des militaires[202]. Sans lien avec leszaibatsu plus anciens — et donc, sans accès au financement des banques —, ils bénéficient pour leur développement de divers prêts de l'État[203]. Entre1932 et1933, de nombreuxcartels voient le jour dans divers domaines, comme l'industrie papetière, la production électrique, la finance ou encore les brasseries. S'ils permettent d'augmenter les prix de vente et donc, de consolider financièrement ces entreprises, leursituation monopolistique attire de nombreuses critiques, ce qui pousse le gouvernement à faire voter en1936 une loi pour les dissoudre[204].

Une économie de guerre à partir de 1936

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Le26 février 1936, le ministre de l'économieTakahashi Korekiyo et plusieurs autres membres du gouvernement sont assassinés par desmilitaires de laKōdōha. Cette tentative decoup d'État fait évoluer drastiquement la politique économique duJapon. Depuis1934, Takahashi était parvenu à maintenir sous contrôle les dépenses militaires ; ses successeurs, incapables de s'opposer au nouveau pouvoir militaire, augmentent celles-ci en votant des plans d'armement pluriannuels. C'est ainsi que, dès1937, l'État accroît ses dépenses de près de 40 %[204]. LorsqueKonoe devientPremier ministre du Japon en1937, trois priorités économiques sont définies : l'équilibre de labalance des paiements, l'essor des dépenses militaires et la régulation de l'offre et de la demande des biens de consommation, en plafonnant l'importation et l'exportation de certaines ressources. En, dès le déclenchement de laseconde guerre sino-japonaise, l'économie nationale est à la fois sévèrement contrôlée[205] et principalement organisée pour satisfaire les besoins de l'armée. Cette nouvelle orientation entraîne un pénurie de certaines ressources, comme le pétrole, qui commence à toucher le pays[206].

Laloi de mobilisation générale de l'État, votée par laDiète en, permet au gouvernement denationaliser les entreprises et lesmines, de contrôler les allocations de ressources financières et de matières premières attribuées aux entreprises, de recruter de force lamain-d'œuvre nécessaire et de décider, comme bon lui semble, desconditions de travail[206]. C'est ainsi que le Japon entre rapidement dans uneéconomie de guerre. En1940, le gouvernement ordonne de rationner leriz et lesucre ; des prix fixes sont également décrétés — mais ceux-ci ne font que stimuler lemarché noir[207]. Les entreprises japonaises implantées enMandchourie et dans le nord de laChine sont largement mises à contribution pour fournir les matériaux nécessaires à la machine de guerre japonaise. Des pénuries apparaissent dans leschaines d'approvisionnement. En1939, le traité commercial entre le Japon et lesÉtats-Unis est abrogé par ces derniers, ce qui permet à son gouvernement d'instaurer unembargo sur certaines matières premières critiques (fer etacier en1940,pétrole en1941). Ledéclenchement de la guerre en Europe la même année perturbe l'approvisionnement de certains biens. Enfin, les stocks d'or et de devises étrangères que possède encore labanque du Japon sont presque épuisés en1940, ce qui empêche le pays d'acheter des matières premières en dehors de sa zone d'influence économique. L'effondrement de plusieurs puissances coloniales européennes, comme lesPays-Bas et laFrance, rend leurs colonies asiatiques vulnérables, et les militaires japonais commencent à préparer des plans d'invasion dans le but d'accéder à certaines ressources (pétrole,caoutchouc, etétain dans lesIndes orientales néerlandaises notamment)[208].

À partir de la fin1941, le Japon remporte des victoires contre lesOccidentaux enAsie du Sud-Est et dans le Pacifique. Ces premiers succès retardent la mise en œuvre de mesures économiques plus drastiques. Par excès d'optimisme, les dirigeants japonais pensent pouvoir matérialiser lasphère de coprospérité de la Grande Asie orientale et s'en servir pour combler leurs besoins. Ce n'est qu'à l'automne1942 que sont prises des mesures supplémentaires et que la priorité est donnée à la production d'armes et d'équipements militaires. Laconstruction aéronautique passe de 6 174 unités en1941 à 26 507 unités en1944, et laconstruction navale, de 201 000 à 408 000 tonnes sur la même période. À partir de l'été1944 et de la défaite de labataille de Saipan, l'approvisionnement depuis l'Asie du Sud-Est cesse, et en la matière, le Japon ne peut plus compter que sur le nord de la Chine, la Mandchourie et laCorée[209]. Le besoin en matériaux est tel que des équipements non prioritaires sont sacrifiés pour répondre à la demande : descloches detemple ou desrails detramway sont fondus pour en faire desmunitions, et des machines d'usines textiles, reconverties pour les produire[210]. Les ouvriers des usines qui ne peuvent plus fonctionner sont réquisitionnés pour travailler dans les mines et les usines d'armement, et à partir de1944, les étudiants et les lycéens sont eux aussi mis au travail pour soutenir l'effort de guerre[211].

Laproduction agricole vacille dès 1937. Du fait des réquisitions de main-d'œuvre, la population paysanne diminue de 7,4 % entre1937 et1939 — ce recul touchant en particulier les hommes de 16 à35 ans — et continue de diminuer tout au long de la guerre. Le manque d'équipements agricoles, de fertilisants chimiques, ainsi que de pétrole, contribue grandement à faire chuter la production[212]. De son côté, la Corée est touchée par une série desécheresses à partir de1940 et les importations de riz depuiscette colonie sont divisées par deux. Le gouvernement japonais voit alors dans le développement de la Mandchourie la solution à ses problèmes d'approvisionnement, mais là aussi, la production agricole baisse en dépit de plusieurs plans de soutien[213]. Lafamine touche à la fois la population de l'archipel et celle des pays occupés. Plus d'un million de Vietnamiens meurt de famine en 1945, et les soldats japonais meurent davantage demalnutrition que du fait des combats[214].

Les conquêtes du Japon sont exploitées de différentes manières. Les mines de fer deMalaisie sont remises en activité dès décembre 1941, mais en1942, elles ne produisent plus que le dixième de la production d'avant-guerre. Les puits de pétrole deSumatra sont quant à eux relancés avec un certain succès, mais les problèmes de logistique ne permettent pas d'en faire profiter le Japon. La population locale est aussi utilisée comme main-d'œuvre, dans des conditions qui peuvent s'avérer très dures. Plus du tiers des quatre cent mille mineurs travaillant à l'extraction decharbon au Japon à la fin de la guerre sont coréens, chinois, ou prisonniers de guerre — la plupart gravement sous-alimentés et soumis à des conditions très rudes[215].

Les derniers mois de la guerre mettent à mal l'ensemble de l'appareil de production. À partir de mi-1944, lesbombardements américains touchent massivement l'archipel. Complexes industriels et centres urbains connaissent d'importantes destructions. En, l'invasion soviétique de la Mandchourie coupe le Japon d'un important centre d'approvisionnement. À la fin de la guerre, 80 % de la flotte maritime japonaise est perdue, tout comme 25 % de l'ensemble de ses bâtiments, et 34 % de ses outils de production industrielle. Plus largement, le Japon est coupé de toutes ses sources d'approvisionnement en nourriture et en matières premières, sur lesquelles il a bâti son modèle économique depuis le début de la période impériale[216].

  • Photo de l'intérieur d'un hangar. Des lignes d'assemblage d'avions sont visibles, et des ouvriers travaillent sur ceux-ci.
    Usine de construction d'avions de guerre près deNagoya, 1944.
  • Photo d'une usine prise depuis le sol. D'un bâtiment proche, s'élancent six grandes cheminées.
    Aciérie japonaise enMandchourie, avant 1945.
  • Photo d'un flanc de colline éventré par une mine à ciel ouvert. Des strates régulières coupent horizontalement le sol.
    Mine de charbon à ciel ouvert enMandchourie, vers 1940.
  • Photo d'une ouvrière en costume traditionnel travaillant sur une machine, visible au premier plan.
    Ouvrière taïwanaise dans une usine au Japon pendant laSeconde Guerre mondiale, image de propagande, 1943.

L'empire et ses limites : Aires d'influence, colonies, marges, migrations

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Intégration des marges : Hokkaidō et Okinawa

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Articles connexes :Domaine de Ryūkyū etBureau de colonisation de Hokkaidō.

Dès le début de l'ère Meiji, le Japon cherche à renforcer sa position dans des territoires proches de ses îles principales, mais encore insuffisamment intégrés. C'est ainsi que, pour se protéger des prétentionsoccidentales dans la région, il entreprend de resserrer ses liens avecHokkaidō et l'archipel des Ryūkyū. La souveraineté du Japon sur Hokkaidō est confirmée par letraité russo-japonais de 1875, tout commesa souveraineté sur les îles Kouriles[217]. Au sud, leroyaume de Ryūkyū, déjàtributaire dudomaine de Satsuma, fait l'objet d'un accord avec laChine. Le royaume devient un protectorat en1875, avant d'être intégré au reste du Japon commepréfecture d'Okinawa en1879[218]. Si, en théorie, les populations locales natives (Aïnous à Hokkaidō et Okinawaïens dans les Ryūkyū) jouissent des mêmes droits que les autres Japonais, la mise en œuvre très lente de ces droits en font des citoyens à part. LeKoseki (livret de famille) sert à séparer ces populations locales des Japonais des autres préfectures. Laconscription obligatoire dans le reste du pays ne concerne Hokkaidō et Okinawa qu'à partir de1898[219].

L'administration de ces territoires diffère du reste du pays. ÀHokkaidō, l'île est dirigée politiquement etéconomiquement comme une colonie. À Okinawa, l'opposition des élites locales est plus forte, et la métropole renonce à toucher à certaines coutumes. L'ancienne relation tributaire liant l'archipel au domaine de Satsuma est même virtuellement prolongée, en recrutant — essentiellement dans les préfectures deKagoshima et deNagasaki — du personnel administratif et des policiers[219]. De la même façon, le droit de vote des populations locales n'est accordé qu'avec beaucoup de retard, comparé au reste du pays. Hokkaidō ne bénéficie d'une assemblée préfectorale qu'en1901, et du droit de vote aux élections législatives, qu'en1903. À Okinawa, ces droits ne sont accordés qu'en1909 et1912, alors que les autres préfectures jouissent de ces droits depuis1871 et1889[220].

L'État instaure des politiques d'assimilation par l'éducation, visant les Aïnous et les Okinawaïens[221]. Il ouvre des écoles primaires dont les professeurs sont recrutés exclusivement dans les autres préfectures. L'objectif est tout d'abord de supprimer les langues locales pour imposer lejaponais standard[222] (via l'utilisation desymboles par exemple[223]), mais aussi d'effacer les coutumes de ces populations (interdiction des cheveux longs et des habits traditionnels à Okinawa). Si à Okinawa les écoles peuvent inclure des Japonais des autres préfectures, les Aïnous, jusqu'en 1922, sont éduqués dans des écoles séparées, principalement pour des motifsracistes[222]. Même si les élites d'Okinawa sont relativement favorables à l'assimilation, la majorité des Okinawaïens fait l'objet de discriminations par les autres Japonais — dans le pays comme dans ses colonies —, et partagent souvent le sort des migrantscoréens[224].

L'économie de ces territoires est développée de manière diverse. ÀHokkaidō, le gouvernement traite l'île comme un territoire vierge et unbureau de colonisation est créé pour la développer. D'ancienssamouraïs et soldats sont incités à s'y installer pour mettre les terres en valeur en les cultivant[225]. À Okinawa, le gouvernement met en œuvre une réforme foncière, afin de lever plus d'impôts, mais y développe peu les infrastructures. La culture dusucre s'étend dans l'archipel, mais se trouve aux mains de marchands d'autres préfectures (principalement celles de Kagoshima et d'Ōsaka), et les bénéfices sont rarement réinvestis dans l'archipel. Cette industrie sucrière commence à décliner à Okinawa après l'intégration deTaïwan comme colonie. Ceci pousse de nombreuses populations locales à émigrer dans le reste du Japon ou dans les colonies[226].

Les colonies

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Articles détaillés :Ministère des Affaires coloniales,Taïwan sous domination japonaise,Corée pendant la colonisation japonaise,Mandat des îles du Pacifique etPréfecture de Karafuto.

Mise en place des colonies et administration

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L'empire du Japon se constitue en quelques années, de1895 à1922, unempire colonial. Le pays connaît une phase de croissance en intégrant des territoires proches avant cette date, comme l'archipel Ogasawara, lesîles Ryūkyū, etKarafuto (actuelleSakhaline), mais ses conquêtes restent limitées. Si laCorée est le premier territoire que leJapon cherche à intégrer (desdiscussions ont lieu dès 1873 au sein du pouvoir japonais), c'estTaïwan qui devient la première colonie du pays en 1895. À la faveur d'une guerre contre la Chine au sujet de la Corée, letraité de Shimonoseki qui fixe cette année-là les conditions de la paix entre les deux pays octroie la souveraineté de l'île aux Japonais[227]. La mainmise sur la Corée se fait plus progressivement et le Japon doit d'abord vaincre militairementla Chine en 1895 puisla Russie en 1905[228] avant de pouvoir transformer la Corée en protectorat (en1905) puis de l'intégrer comme colonie (en1910). Le Japon intègre enfin dès1914 lescolonies allemandes du Pacifique à l'occasion du déclenchement de laPremière Guerre mondiale[229].

La pacification de ces territoires est obtenue de manière variable. ÀTaïwan, larésistance à la colonisation par le Japon nécessite une campagne militaire de cinq mois, coûteuse en hommes (sept mille morts du côté japonais) et en matériel, à laquelle s'ajoutent plusieurs décennies de révoltes et d'incidents sporadiques. L'île étant devenue presque par accident une colonie japonaise, les autorités n'ont pas de plan précis pour son administration ou son développement, situation qui dure jusqu'à la nomination du généralKodama Gentarō commegouverneur général de l'île[230]. EnCorée la période de protectorat est mise à profit par le Japon pour s'imposer dans l'appareil d'État existant, et pour placer des Japonais aux postes clefs, en particulier ceux liés à la police, à l'armée, aux communications, aux transports et à la justice. La mise en œuvre de l'administration coloniale est assurée assez brutalement par le généralTerauchi Masatake de1910 à1916 qui agit alors commegouverneur-général de Corée[231]. La situation est plus nuancée dans les autres territoires colonisés. ÀSakhaline la colonisation apparait d'avantage comme un prolongement de la politique menée àHokkaidō. La plupart des colons sont Japonais en dehors de quelquesAïnous disséminés sur l'île. Dans leLiadong le statut incertain du territoire complique son administration, qui se heurte à de nombreux problèmes financiers jusqu'à son intégration au sein duMandchoukouo[232]. Dans lesterritoires du Pacifique, l'administration civile japonaise ne prend pas immédiatement la suite de l'administration allemande, et l'armée gère pour un temps ces îles. Dès1922 la situation est régularisée et la population subit rapidement une dynamique d'acculturation en faveur du Japon[233].

LeJapon fait le choix de mettre en œuvre une politique coloniale et des institutions locales similaires aux modèles occidentaux de la même époque[234]. Les soutiens japonais de la colonisation développent eux aussi un discours raciste se voulant scientifique, reflet des politiques occidentales contemporaines[235]. Dans les faits la gestion des populations locales est le plus souvent paternaliste, et adopte un ton humanitaire dans sa forme, à la manière de lamission civilisatrice enFrance ouLe Fardeau de l'homme blanc auRoyaume-Uni[236]. LeJapon se distingue de ses modèles occidentaux en y ajoutant une dimensionpan-asianiste dans laquelle le Japon serait appelé à servir de modèle pour unifier les différents peuples d'Asie, ceux-ci devant adopter ses mœurs et sa culture pour s'élever à son niveau[237]. Dès le début desannées 1920, dans l'atmosphère libérale qui caractérise la période de ladémocratie Taishō, des gouvernements civils prennent la place des gouverneurs militaires dans toutes les colonies, sauf enCorée pour des raisons stratégiques, et en raison de l'ampleur duMouvement du 1er mars1919[234]. Quelques mesures modestes y sont cependant décidées pour permettre à quelques Coréens de monter dans la hiérarchie de l'administration coloniale, et pour octroyer quelques libertés dans le domaine culturel[238]. L'idée est alors non pas d'accorder des possibilités d'autonomie aux colonies, mais au contraire de viser à les intégrer au sein de l'appareil politique japonais[239]. La parenthèse libérale desannées 1920 dans les colonies japonaises est cependant rapidement remise en cause par le tournant militariste du régime dans lesannées 1930, puis par la période de guerre totale au début desannées 1940[240]. Le but n'est alors plus d'octroyer les mêmes droits aux populations locales des colonies, mais de les soumettre aux mêmes obligations, notamment militaires, que les Japonais[241].

Les gouvernements locaux des colonies sont pour l'essentiel similaires. Un gouverneur nommé par décret impérial les dirige. Elles comportent trois niveaux de gouvernement (colonial, régional, et municipal). Si à Taïwan les Japonais occupent les postes à tous les niveaux (comme àSakhaline et dans lescolonies du pacifique), en Corée (et dans leLiadong) le niveau municipal est souvent largement fourni en locaux. Des instances chargées de réceptionner les suggestions des locaux existent, mais restent consultatives, et leurs membres sont nommés, ce qui assure de leur biais pro-japonais[242]. L'administration est en général efficace, et assurée par des fonctionnaires issus desplus grandes universités impériales[243]. Le Japon y stationne de plus des forces armées importantes, notamment comparées aux moyens militaires que les puissances coloniales occidentales stationnent dans leurs propres colonies[244]. Enfin, pour s'assurer de la loyauté des colonisés, le pouvoir japonais n'hésite pas à adapter son discours en fonction des colonies pour mieux manipuler les populations et les soumettre à son autorité. Ainsi àTaïwan lesystème Baojia qui soumet traditionnellement les différentes communautés locales à un ensemble de responsabilités collectives est exploité par les Japonais, alors qu'en Corée c'est le modèlenéoconfucéen qui prône la loyauté des administrés au souverain qui est mis en avant[245].

  • carte géographique du Japon et de la Corée, dans des cartouches sont présentés Taïwan et le sud de Sakhaline.
    Carte de 1918 figurant le Japon et ses colonies.
  • carte postale présentant deux jeunes garçons en train de courir côte à côte sur un globe, l'un deux soutient l'autre.
    Carte Postale de propagande desannées 20 figurant le Japon et la Corée.
  • photo d'un important bâtiment de 5 étages. Au centre un beffroi surmonte celui-ci.
    Bâtiment du gouverneur-général de Taïwan dans les années 1920, actuelPalais présidentiel.
  • photo d'un groupe de 9 hommes en train de marcher devant le mur d'un sanctuaire. Tous portent un uniforme militaire, sauf celui en tête qui porte une tenue de prêtre shinto. Des toitures de bâtiments sont visibles derrière ce mur.
    Visite du princeHirohito àTaïwan en1923.

Développement et exploitation économique

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Si la création decolonies par leJapon obéit avant tout à des motifs stratégiques, le pays cherche rapidement à en tirer des bénéfices économiques. L'administration coloniale met en place de nombreuses politiques visant à développer ces territoires qui restent beaucoup plusruraux que la métropole[246]. Le plus souvent, ces politiques sont issues de l'expérience acquise par le Japon à l'occasion de sa propre modernisation, lors de l'ère Meiji. ÀTaïwan, ne pouvant compter sur aucune source de revenus déjà en place, l'administration coloniale développe en priorité les secteurs les plus aptes à assurer de rapides rentrées d'argent. En recourant à l'endettement et à de nombreuses taxes sur les produits agricoles, l'agriculture de l'île est rapidement modernisée. Développée entre1900 et1910, l'industrie sucrière est à l'origine de la première manne financière sur laquelle peut compter le gouvernement colonial de Taïwan[247], bientôt suivie par la production deriz qui, au cours desannées 1920, atteint le deuxième rang en volume des importations vers le Japon[247].

Cette stratégie de développement basée sur des investissements publics massifs — eux-mêmes basés sur l'endettement allant de pair avec la création de monopoles semi-publics — est reprise par la suite dans d'autres colonies japonaises comme lesîles du Pacifique, leLiaodong ou àKarafuto. Le but de cette augmentation de la production n'est pas de répondre à des besoins locaux, mais avant tout de fournir des ressources à la métropole. À leur tour, les colonies absorbent une partie de la production industrielle du Japon, et l'État veille à ne pas y développer d'industries qui pourraient menacer celles de la métropole[247]. La production agricole des colonies n'entre pas en concurrence avec la production agricole locale, cette dernière ne parvenant plus à nourrir toute la population japonaise. La production de riz de laCorée en particulier est même encouragée pour satisfaire les besoins de la métropole[248], parfois au détriment de la population locale qui doit s'alimenter avec descéréales de qualité inférieure[249].

Ce système fondé sur la production agricole perdure jusqu'au début desannées 1930, mais doit s'adapter en raison de la double contrainte de lacrise économique mondiale de 1929 et de la remilitarisation progressive du Japon[250]. De nombreuses entreprises étant malmenées par la Grande Dépression, les acteurs financiers japonais cherchent à réaliser de nouveaux investissements rentables dans le secteur de l'industrie. Les économies de la Corée et de Taïwan voient leurs priorités évoluer, le but devenant alors de produire des matériaux pouvant être utilisés par l'industrie japonaise, comme desminerais, dupétrole, ou des métaux divers. Cet effort d'industrialisation produit des résultats mitigés à Taïwan, mais rencontre un certain succès en Corée : en effet, la péninsule est riche en minerais, enpotentiel hydroélectrique, et enmain-d'œuvre bon marché, contrairement à Taïwan qui ne dispose pas d'infrastructures aussi développées[249]. Là encore, l'industrialisation ne bénéficie pas aux populations locales, la production étant tournée vers les besoins de la métropole, en particulier vers les besoins militaires. Dans les années 1930, par exemple, la Corée produit trois fois plus d'énergie hydroélectrique que Taïwan, mais seuls 12 % des foyers coréens disposent de l'électricité, contre 36,3 % des foyers taïwanais à la même période. L'inadéquation entre la production et les besoins de la population locale est d'autant plus aggravée qu'à partir des années 1930, la péninsule coréenne sert de base arrière à l'armée japonaise pourson invasion de la Chine. Cette industrialisation des colonies est aussi d'un intérêt limité pour l'archipel. Ses colonies ne peuvent fournir la métropole en ressources clefs comme les fibres textiles, mais également en métaux, en pétrole, ou enproduits fertilisants, et le Japon est toujours contraint de recourir à des importations. De plus, les colonies ne représentent qu'un marché limité pour écouler les productions du pays — pas plus de 20 % des produits industriels exportés y sont vendus, et pas plus de 10 % de ses produits textiles[250].

  • Photo d'une installation agroindustrielle. Des champs s'étendent au premier rang, alors que des usines sont visibles au second plan.
    Industrie sucrière à Taïwan, avant 1945.
  • Photo d'une usine entourée de terres dévastées.
    Usine papetière, avant 1945. Les forêts deKarafuto permettent le développement de ce type d'industrie.
  • Photographie d'un barrage vu de loin. Des trombes d'eau s'échappent par le sommet du barrage. Au premier plan, un grand bâtiment de plusieurs étages est accolé à l'édifice.
    Barrage de Supung en construction, entre laCorée et laChine en1942, à l'époque, le plus grand d'Asie, et le second plus puissant au monde.
  • Photo aérienne d'un complexe industriel en bord de mer. De très nombreux hangars sont visibles, desquels par endroits s'échappe de la vapeur. Le long de la mer, est aménagé un quai pour charger et décharger des marchandises.
    Complexe industriel àHŭngnam enCorée, en 1927.

Japonais et populations locales dans les colonies

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Article connexe :Mouvement d'indépendance coréen.

LesJaponais qui s'installent dans lescolonies importent avec eux leur mode de vie ou cherchent à le reproduire localement. Ces usages s'expriment notamment à l'occasion de la construction de capitales ou de centres urbains coloniaux. C'est ainsi qu'àTaïwan, la ville deTaipei (renomméeTaihoku par le Japon) fait l'objet de grands travaux de rénovation : de largesavenues bordées d'arbres sont percées, desparcs et desjardins sont aménagés, et d'imposants bâtiments de briques rouges sont construits pour les administrations. Par la suite, d'autres pôles régionaux de Taïwan subissent le même sort, de même que les capitales des autres colonies, commeSéoul (alors renomméeKeijo),Dalian (renomméeDairen),Port-Arthur (alors renomméeRyojun), ainsi queToyohara àKarafuto. Le réaménagement de ces villes est alors très similaire à ce que font les autres puissances dans leurs propres colonies. De plus, desquartiers résidentiels sont spécialement construits pour accueillir la population japonaise et tenir celle-ci à l'abri et à l'écart de la population locale — cette dernière, en dehors de quelques élites, ne peut bénéficier de toutes ces améliorations. Des hôpitaux, des écoles, mais aussi dessanctuaires shintōs, sont ainsi édifiés dans les grands pôles urbains des colonies[251].

Cette vie enautarcie, dans des conditions bien plus aisées que celles que connaissent les populations locales, nourrit un sentiment de supériorité des colons vis-à-vis des colonisés et crée des tensions grandissantes[252]. Les réactions des populations locales varient cependant selon les colonies. En Corée, dès la période deprotectorat, le Japon doit faire face à uneguerre larvée et à de larges mouvements d'opposition dans la population, notamment lors dumouvement du 1er mars 1919, qui aboutit à la constitution d'ungouvernement coréen en exil, réclamant l'indépendance du pays. À Taïwan, au contraire, la population est beaucoup plus passive face à l'ordre colonial imposé par le Japon (bien que soient enregistrés quelquesépisodes de révoltes d'aborigènes)[253], tout comme dans leLiaodong où la population locale cherche au contraire à échapper à l'ordre des seigneurs de guerre qui ravagent laChine à la même époque. ÀKarafuto et dans les îles du Pacifique, de manière très rapide, les Japonais sont largement en surnombre — comparé à la population locale, qui est alors marginalisée[254]. La différence de réactions entre les populations coréenne et taïwanaise s'explique par plusieurs facteurs. À Taïwan, lors de la conquête japonaise, les élites locales ont pu fuir vers la Chine continentale, laissant peu de cadres politiques ou économiques enclins à s'opposer à la présence nippone. En Corée, tout au contraire, l'essentiel des élites est resté dans le pays. À l'époque, Taïwan dispose d'institutions très récentes, alors qu'en Corée, l'histoire politique du pays est ancienne, et un cadrenéoconfucéen traditionnel est profondément ancré dans les habitudes de la population. De plus, depuis laguerre d'Imjin en1592-1598, les Coréens nourrissent un certain ressenti vis-à-vis des Japonais. Les conditions de la colonisation sont aussi plus dures en Corée que dans les autres colonies, et de nombreux symboles culturels sont pris pour cibles par les Japonais[255].

En Corée, comme à Taïwan, dans l'administration et dans les finances, les Japonais occupent la plupart des postes à responsabilités, ce qui limite l'acquisition de compétences professionnelles par les populations locales. Lors de cette phase de colonisation, aucun groupe d'entrepreneurs ne se développe à Taïwan, et ceux-ci sont très peu nombreux en Corée. Lors du retrait des Japonais en1945, ces compétences manquent, ce qui déstabilise l'économie locale[256].

La sphère d'influence de l'empire

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Articles détaillés :Mandchoukouo,Mengjiang,Gouvernements collaborateurs chinois,Gouvernement national réorganisé de la république de Chine,Occupation japonaise de la Birmanie,Occupation japonaise des Philippines,Occupation japonaise des Indes néerlandaises,Nanshin-ron,Sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale etYen militaire japonais.

L'État duMandchoukouo est progressivement intégré à l'aire d'influence duJapon. Si dès le début duXXe siècle, des intérêts économiques lient ce territoire au Japon, c'est l'incident de Mukden en1931 qui provoque l'invasion japonaise du pays. À la suite de l'incident de Tientsin de1932, l'ancienempereur de Chine[n 8] est placé sur le trône du pays et prend le nom de règne dePuyi[257]. S'agissant d'unrégime fantoche, la reconnaissance internationale du Mandchoukouo reste dépendante du Japon, et fluctue en fonction de la signature de ses alliances[n 9],[258]. Si la tête du gouvernement est formellement confiée à un Chinois, ses dirigeants sont tous japonais, et les plans de développement du pays sont préparés au Japon[259]. En1932, est mise en place unebanque centrale de Mandchou, qui permet d'ancrer lesystème monétaire du pays à celui du Japon, créant ainsi une « zone économique Japon-Mandchoukouo » unique[260]. En1937,Ishiwara prépare directement la mise en œuvre d'un plan de développement économique de cinq ans ; deszaibatsu commeNissan prennent part à la réorganisation du tissu industriel du pays[205]. L'exploitation agricole de la Mandchourie est une priorité pour le Japon, qui à partir de1936, cherche à y faire immigrer plus d'un million de fermiers japonais — Finalement 270 000 fermiers japonais sont présents à la fin de la guerre. Bien que la productivité agricole reste en deçà des objectifs visés par les autorités japonaises, la Mandchourie reste un important fournisseur alimentaire pour le Japon jusqu'à la fin de la guerre[261].

Après 1938, lorsque le Japon étend sa mainmise sur le nord de la Chine — via des régimes fantoches ou proches, comme leMengjiang en Mongolie ou desgouvernements collaborateurs en Chine —, il y crée des entreprises de développement (ouKaihatsu Kaisha) pour assurer l'exploitation de mines ou d'usines locales[262].

À partir du début desannées 1930, l'asiatisme gagne en vigueur au Japon et sert de cadre intellectuel à cetexpansionnisme nippon. En1933 est fondée la société de la Grande Asie qui prône l'union et la solidarité de toutes les populations asiatiques[263], ainsi que l'instauration par le Japon d'un pendant à ladoctrine Monroe, qui exclurait d'Asie toute ingérenceoccidentale. L'association et ses idées jouissent d'un certain poids politique, puisque s'y croisent des personnalités politiques ou militaires, commeKonoe Fumimaro,Ishiwara Kanji, ouMatsui Iwane, ou même, des intellectuels, commeŌkawa Shūmei. La société de la Grande Asie façonne les éléments de langage utilisés par la suite politiquement pour justifier les interventions du Japon en Asie. Dans ses publications, l'association donne aussi la parole à divers militants indépendantistes — asiatiques, commeMohammed Hatta ouAchmad Soebardjo, ou mêmepanafricains, commeW. E. B. Du Bois[264]. Si ce discours prônant l'asiatisme rend dubitative une bonne partie de la population japonaise lors du déclenchement de laguerre contre la Chine en1937, il rencontre un bien meilleur écho lors du déclenchement de la guerre contre lesAlliés, puis lors des premières victoires militaires[265].

Début1942, l'avancée rapide des troupes japonaises dans lesud-est asiatique place un grand nombre de pays de cette région sous la domination du Japon. Ces territoires sont administrés selon des modalités variées : auxPhilippines,est proclamée une république fantoche, laMalaisieest coupée en deux zones, l'une transférée à la Thaïlande et l'autre sous occupation japonaise, l'Inde se voit reconnaître ungouvernement pro-japonais en exil, avecSubhas Chandra Bose à sa tête[266]. Ce n'est qu'en, au terme d'une conférence impériale, qu'est prise la décision d'intégrer plus formellement ces territoires dans la sphère d'influence japonaise. LaBirmanie et les Philippines se voient confirmer leurs gouvernements nationaux : la Birmanie est reconnue comme un État, avecBa Maw à sa tête, alors que l'Indonésie et la Malaisie sont administrées directement par le Japon. Dans le même temps, le Japon resserre ses liens avec legouvernement collaborateur chinois en signant une alliance militaire en[267]. Uneconférence de la Grande Asie orientale est organisée en pour formaliser cette union politique autour du Japon, sous la forme de lasphère de coprospérité de la Grande Asie orientale, mais les importants revers militaires qui frappent déjà le Japon à cette date en font rapidement une coquille vide. Pressé par ses besoins en ressources, le Japon cherche à piller assez largement les pays sous sa domination jusqu'à leurs redditions respectives[149]. Cependant, les importations depuis ces pays restent très limitées, la marine japonaise perdant une grande partie de ses capacités de transport au fur et à mesure de l'avancée du conflit[268].

  • Carte géographique centrée sur l'Asie-Pacifique. Le Japon en vert foncé est entouré de ses possessions en vert clair.
    Expansion maximale de l'empire du Japon en 1942, avec ses colonies et sa sphère d'influence.
  • Affiche sur laquelle sont visibles trois enfants joyeux qui posent dans le style d'une photo de famille. Chacun porte le costume national ainsi que le drapeau de son pays d'origine : Japon, Chine, et Mandchourie.
    Affiche de propagande duMandchoukouo de1935, prônant « l'harmonie » entre Japonais, Mandchous et Chinois.
  • Affiche sur laquelle est visible une paysanne portant une brassée d'épis de céréales. Elle a un air joyeux ; le ciel est bleu, et la lumière douce. En grands caractères japonais, est écrit « (allons) en Mandchourie ! ».
    Affiche de recrutement de fermiers japonais pour les inciter à s'installer enMandchourie, vers 1936-1945.
  • Carte géographique centrée sur l'Asie-Pacifique. En bordure, deux personnages — l'un britannique et l'autre américain — ont l'air déçu. Des soldats japonais sont dessinés dans plusieurs pays de cette carte. L'air bienveillant, ils sont dessinés en train d'aider des personnages portant des costumes locaux.
    Livret de propagande de 1943 montrant, sous l'optique japonaise, la sphère d'influence nippone et les périls anglo-américains la menaçant.
  • Vidéo de propagande japonaise de 1941 vantant les actions duJapon en Indonésie.

Émigrations japonaises

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Articles détaillés :Immigration japonaise au Brésil,Immigration japonaise à Hawaï etNippo-Américains.

Avec l'ère Meiji prend fin l'interdiction faite aux Japonais de se rendre à l'étranger. De nombreux travailleurs en profitent pour aller chercher du travail en dehors de leur pays. Ces flux de migrants sont continuels pendant cette période, mais les destinations évoluent en fonction des priorités du gouvernement japonais et des gouvernements locaux[269].

Lors de l'ère Meiji, c'est d'abord versHawaï que s'orientent les travailleurs japonais, avant de gagner également la côte ouest desÉtats-Unis, en particulier laCalifornie, mais aussi la région deVancouver auCanada[269]. Dans ces différentes destinations, les Japonais sont cependant l'objet d'unrejet de la part des populations locales, et au fil du temps, plusieurs lois sont promulguées pour limiter leurs possibilités d'émigration et d'intégration. Lesaccords nippo-américains de 1907 vont jusqu'à pousser le gouvernement japonais à prendre des mesures pour empêcher ses ressortissants d'émigrer aux États-Unis, sur demande de ces derniers. Dans lesannées 1920, des tensions sur cette question surgissent à nouveau entre États-Unis et Japon, lorsqu'un mouvement anti-asiatique obtient la mise en œuvre de nouvelles mesures. À partir de 1920, une quinzaine d'États font voter des lois pour interdire la possession de propriétés par des Japonais. En 1921, LeCongrès adopte des quotas d'immigration très défavorables aux Japonais, laCour suprême juge les Japonais inéligibles à la citoyenneté américaine, et laloi d'immigration Johnson-Reed de 1924 restreint de manière encore plus drastique l'immigration japonaise dans le pays[122]. À partir desannées 1920, toutes ces mesures catalysent une défiance réciproque entre responsables japonais et américains[270]. Ainsi, si le nombre de Japonais présents sur le continent passe de 76 709 à 131 357 entre 1909 et 1924, il redescend et se stabilise autour de 111 184 en 1936. À Hawaï, la situation est différente, le nombre de Japonais continuant de croitre sur la même période, passant de 65 760 en 1909 à 123 036 en 1924, puis progressant à 152 199 en 1936[271].

À partir du milieu desannées 1920, l'Amérique du Sud devient une destination importante — lePérou et leBrésil, en particulier. Le nombre de Japonais au Pérou passe ainsi de 9 864 à 22 570 entre 1924 et 1936, et au Brésil[269], leur nombre passe de 605 en 1909 à 41 774 en 1924, puis à 193 057 en 1936[271]. À partir desannées 1930, laMandchourie, transformée en unÉtat fantoche dirigé par l'armée japonaise, est aussi une destination importante[269], et le nombre de Japonais y passe de 31 427 en 1909 à 93 223 en 1924, puis à 376 036 en 1936[271].

L'émigration japonaise vers ses colonies comme laCorée etTaïwan est plus limitée, et se heurte à plusieurs contraintes. LaCorée est déjà très peuplée, etTaïwan commeKorafuto possèdent des climats peu favorables aux Japonais. Au début, les migrants nippons sont essentiellement des petits paysans et des travailleurs pauvres, ce qui limite le succès de leur intégration. Cependant, ces migrants accaparent terres et ressources au détriment des populations locales, ce qui déclenche de l'animosité entre locaux et Japonais[272]. Dans lesannées 1920, alors que s'achève cette première phase, la nouvelle vague de migration qui s'amorce est plus limitée. C'est avec peu de succès que l'État met en place des incitations pour que les Japonais s'établissent à Taïwan et en Corée, et les colonies agricoles restent peu nombreuses dans ces territoires. La population japonaise est très minoritaire comparée à celle des locaux : elle ne représente que 5,6 % de la population de Taïwan en 1930, et 2,9 % de la population de la Corée en 1939. Cette faiblesse numérique des migrants limite leur poids politique dans l'archipel, où ils peinent à faire évoluer la politique coloniale[273]. Les migants japonais se concentrent cependant dans les strates les plus élevées de la société, où ils occupent des postes dans les administrations, dans le commerce ou dans l'industrie. Il s'agit d'une population essentiellement urbaine : en 1938, la moitié des Japonais en Corée se concentrent dans dix agglomérations, et à Taïwan, 41 % des Japonais résident dans la capitaleTaipei[274]. Seule exception notable, laMicronésie où l'immigration japonaise met en minorité la population autochtone[251].

La fin de laSeconde Guerre mondiale et l'effondrement de l'empire colonial japonais déclenchent le retour en masse des émigrants japonais, civils comme militaires. Immédiatement après la guerre, ce sont sept cent mille personnes qui sont ainsi rapatriées depuis la Corée, et 470 000 personnes depuis Taïwan, la plupart avant la fin de l'année1946. À partir de1956, un demi-million de prisonniers de guerre[n 10] capturés lors de l'offensive soviétique de Mandchourie sont progressivement libérés[275]. À de nombreuses reprises, le gouvernement japonais organise l'avortement des Japonaises victimes de viols avant leur retour. Au total, six millions de personnes, soit 8 % de la population japonaise de l'époque, sont ainsi rapatriées[276].

Minorités au Japon et dans l'Empire

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Au cours de la période, plusieurs minorités peuplant leJapon font de traitements divers par les pouvoirs successifs.

LesBurakumin sont à l'origine un groupe social japonaisdiscriminé, socialement et économiquement, en raison de leurs professions, jugéesimpures selon les standards bouddhistes. L'État ne leur impose aucune mesure particulière, ni aucune politique discriminante, mais ils subissent un rejet de la part de la population. Cette situation pouvant entraîner des troubles, le pouvoir s'en inquiète. Dans lesannées 1890, apparait une forme d'activisme au sein de la communauté desBurakumin, pour normaliser leurs conditions de vie et leurs rapports avec le reste des Japonais. Ce mouvement s'intensifie à partir de1920. En1922, une association nationale voit même le jour, laZenkoku Suiheisha, qui connaît un succès rapide et qui, dès1925, dispose de703 bureaux locaux. Les avancées sont cependant modestes, et l'État reste suspicieux vis-à-vis du dynamisme de l'association, préférant soutenir des initiatives moins radicales[277].

Lesmigrants coréens dans l'empire sont confrontés à des problématiques propres. Attirés au Japon par des promesses de travail dans des secteurs comme l'industrie, les mines ou la construction, ils arrivent en nombre dans l'archipel après latransformation de la Corée en colonie en 1910. S'ils ne sont que mille cette année-là, ils sont trois cent mille en1930, environ un million en1940, puis deux millions à la fin de la guerre. La plupart d'entre eux sont issus des campagnes coréennes les plus pauvres, et près de la moitié sont illettrés. Ils ont très mauvaise réputation dans la population japonaise. Ainsi, lors duséisme qui ravage Tokyo en 1923, entre quatre mille et six mille Coréens périssentlapidés par la foule qui les accuse de divers méfaits. À côté de cette immigration de travail, existe aussi une immigration d'étude. En1915, 481 Coréens étudient dans les universités japonaises, et ce chiffre passe à huit mille en1930, puis à 29 000 en1942. Le pouvoir japonais se méfie beaucoup de cette immigration, qu'il suspecte d'entretenir des liens avec les mouvements locaux d'extrême gauche. La plupart de ces étudiantssoutiennent l'indépendance de la Corée, et le pouvoir japonais craint qu'ils ne cherchent à provoquer des troubles dans l'archipel en ralliant les Coréens travaillant au Japon[278].

ÀHokkaidō etKarafuto, lesAïnous subissent le développement rapide de ces territoires. Marginalisés, ils sont victimes d'un phénomène d'acculturation rapide. Le gouvernement japonais cherche à les assimiler via l'éducation, et en particulier via l'enseignement dujaponais. Plusieurs de leurs pratiques culturelles, comme lestatouages et lesboucles d'oreilles, sont interdites. À partir de1920, des Aïnous éduqués commencent à se réunir pour préserver et valoriser leurs traditions, mais le gouvernement favorise au contraire leur assimilation. Les Aïnous sont aussi régulièrement « étudiés » pour soutenir lesthéories raciales de l'époque, et leur culture est souvent réduite à une vitrine touristique[279].

Société

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Démographie

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Photographie aérienne en noir et blanc d'un quartier de Tokyo.
Vue aérienne du quartier d'Akihabara àTokyo en1889.

Après une période de stabilité démographique à la fin de l'ère Edo, la population passe de trente àcinquante millions entre 1870 et 1915, cette augmentation étant soutenue par une baisse de lamortalité infantile et une hausse des naissances et de l'espérance de vie. Cette croissance est rendue possible grâce à l'augmentation des importations deriz et à la mise en valeur de terres arables àHokkaidō[42] — la surface des champs y passant de 45 000 à 750 000 chō de 1890 à 1920, et la surface desrizières, de 2 000 à 83 000 chō sur la même période. La part de la population citadine connaît aussi une hausse : 28 % des Japonais vivent dans des villes de plus de dix mille habitants, contre 16 % en 1893. En 1903,Tokyo atteint deux millions d'habitants etOsaka, un million, cette dernière cité triplant sa taille en un demi-siècle. Cet essor de la population urbaine entraîne une baisse du poids de l'agriculture dans lePIB du pays, celui-ci passant de 45 % en 1885 à 32 % en 1914[280].

Entre 1914 et 1940, la population continue de croître, passant de 51 à70 millions. Alors qu'en 1913, 28 % des Japonais vivent dans une ville de plus de dix mille habitants, en 1940, ils sont 29 % à vivre dans une ville de plus de cent mille habitants.Tokyo passe de deux millions d'habitants en 1905, à5,5 millions en 1935, se hissant au même niveau queLondres ouNew York[281]. Cette poussée démographique est aussi notable àHokkaidō, région nouvellement colonisée qui s'accroît, jusqu'à atteindre un niveau comparable aux autres régions de peuplement plus ancien ; de 1 800 000 habitants en [1913, sa population passe à trois millions en 1940, et son réseau urbain se structure autour de trois villes de plus de cent mille habitants :Hakodate,Sapporo, etMuroran[282]. À partir du milieu desannées 1910, la question de lasurpopulation devient un enjeu politique. Alors qu'uneféministe commeShidzue Katō préconise lecontrôle des naissances, des leaders politiques s'opposent à ce projet, considérant celui-ci comme une menace pour la vigueur de l'industrie et du colonialisme japonais[283]. À la fin desannées 1930, on dénombre plus de deux millions de Japonais dans les colonies nippones et un million vivant dans d'autres pays[284].

Enseignement

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Article détaillé :Système éducatif de l'empire du Japon.

En1871, est créé unministère de l'Éducation, chargé de mettre en place un système éducatif à l'échelle du pays[285]. L'éducation de la population est une des priorités du régime, car celui-ci la considère comme un prérequis à la modernisation du Japon[286]. Une éducation primaire obligatoire de quatre ans est instaurée. Malgré un budget insuffisant, des résultats sont assez rapidement enregistrés. Une enquête de 1875 relève que près de vingt mille écoles primaires sont en activité, mais que les conditions matérielles dans lesquelles elles opèrent sont assez variées : 40 % sont hébergées dans destemples bouddhistes (souvent d'anciennesTerakoya), 33 %, dans des maisons de particuliers, et 18 %, dans des bâtiments nouveaux destinés à l'éducation[285]. La scolarisation est aussi marquée par un déficit de l'éducation des filles : toujours en 1875, seulement 20 % d'entre elles sont scolarisées, contre 50 % pour les garçons — ce retard ne sera rattrapé que vers 1900[286]. L'alphabétisation progresse assez lentement, l'absentéisme pouvant être élevé. En 1892, une enquête de l'armée indique que 27 % des recrues sont totalementillettrées, et 34 % le sont partiellement[287]. Plus largement, l'efficacité des politiques décidées au ministère se heurte à l'autonomie des autorités locales, le contenu des cours pouvant grandement varier d'une école à une autre[288]. Bien que l'éducation soit obligatoire, son financement reste à la charge des familles et des collectivités locales. Les parents sont également réticents à laisser leurs enfants aller à l'école, au lieu de les faire travailler pour financer les besoins de la famille[285].

Pour pallier les différents écueils enregistrés lors des premières années, et dans le cadre de la réorganisation du gouvernement en cabinet, un premier « ministre de l'Éducation » est nommé en1885,Mori Arinori. Celui-ci réforme le système éducatif et lui impose une organisation qui perdure jusqu'à la fin de la période impériale. Très centralisé[289], le ministère de l'Éducation place unsystème universitaire public à son sommet et constitue un réseau d'universités impériales[n 11] dans les plus grandes villes du pays[290]. Mori met aussi en place uneécole de formation à Tokyo, chargée d'uniformiser la formation des enseignants, et ainsi de s'assurer leur loyauté envers l'État, et non envers un pouvoir local[291]. En1890, leRescrit impérial fournit un cadre moral à l'éducation[292]. Le taux de scolarisation s'élève à 69 % dès 1898, et atteint presque 100 % à la fin de l'ère Meiji. En1907, la durée de scolarité obligatoire est étendue à six ans[293].

Au début de l'ère Meiji, s'ouvrent également de très nombreuses écoles privées, dont lecursus est destiné à l'enseignement de l'anglais et/ou de savoirsoccidentaux. Si la plupart d'entre elles périclitent, certaines évoluent pour constituer les premières universités privées. Ces écoles sont en majeure partie situées à Tokyo, mais des centres culturels importants commeKyoto sont aussi concernés. Si ces écoles sont surtout animées par des formateurs japonais, certaines d'entre elles, commeDōshisha à Kyoto, sont fondées par divers mouvements chrétiens[294]. D'autres, commeWaseda ouKeiō, sont liées à des personnalités politiques ou intellectuelles[295].

Même si la jeunesse est de plus en plus éduquée, les possibilités d'ascension sociale sont réduites, puisqu'au cours desannées 1890, seul augmente le nombre de postes subalternes dans les entreprises[296]. Dans le même temps, cette population éduquée bénéficie d'un plus large accès aux écrits de journalistes et de critiques[297]. L'enseignement universitaire accueille aussi de plus en plus d'étudiants : de 9 695 en 1915, leur nombre passe à 81 999 en 1940[298]. Ce développement de l'enseignement supérieur est encouragé par laloi sur l'université de1918 qui permet à plusieurs écoles spécialisées de se constituer en universités privées. Ces dernières sont au nombre de 30 en 1930 et diplôment quinze mille étudiants par an, pour des effectifs totaux d'environ quarante mille étudiants[299]. Les diplômés de l'enseignement supérieur constituent cependant une infime minorité ne dépassant pas 0,3 % de la population dans lesannées 1930. Les femmes restent aussi sous-représentées et n'atteignent que 9,9 % de la population étudiante en 1937. Presque exclues des universités nationales, elles peuvent néanmoins compter sur une cinquantaine d'écoles et d'universités réservées aux femmes[300].

Au cours de cette période, la politisation gagne l'enseignement supérieur. À partir desannées 1890, les idéesmarxistes se diffusent[301]. Dès lesannées 1910, se constituent des associations politiques étudiantes radicales — de gauche, comme de droite[298]. Leslois de préservation de la paix de1925 visent les campus et, en application de celles-ci, trois mille étudiants sont arrêtés pour leursactivités à l'extrême-gauche, dont 1 170 pour la seule année 1932, et mille de plus entre 1937 et 1945[302]. Des enseignants sont aussi emprisonnés pour les mêmes raisons[303].

Dès le début de laguerre contre la Chine en 1937, le système éducatif est assez largement mis à contribution dans le cadre de l'effort de guerre. Dans l'enseignement supérieur, l'accent est mis sur la formation d'ingénieurs et demédecins au travers de la création de nombreuxinstituts de recherche[304]. Entre 1935 et 1945, le nombre d'étudiants dans les facultés de sciences passe de neuf mille à trente mille, et dans les facultés d'ingénierie, de 14 837 à 85 680[n 12],[305]. Un entraînement militaire obligatoire est aussi institué, dès1924 dans l'enseignement secondaire, puis en1939, dans les universités. Les étudiants sont assez largement épargnés par laconscription, mais la situation change à partir du déclenchement de la guerre contre la Chine en 1937, et l'âge est peu à peu abaissé pour intégrer la plupart d'entre eux[306]. C'est ainsi qu'en1943, cent trente mille étudiants sont mobilisés par l'armée[307]. Les élèves dusecondaire et les étudiants servent aussi de réserve demain-d'œuvre pour les secteurs prioritaires. En1939 est instauré un service de travail des élèves, ougakuto dōin[308]. Au, environ3,5 millions d'élèves et d'étudiants travaillent par ce biais dans des fermes, des usines, ou des hôpitaux pour pallier le manque de main-d'œuvre[309].

Pratiques religieuses

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Article connexe :Shinshūkyō.

Shintō

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Articles connexes :Shintoïsme d'État,Kokugaku,Kokutai etSystème moderne de classement des sanctuaires shinto.

À la fin de l'époque d'Edo, leshintoïsme (shintō) connaît un mouvement de rénovation. Initialement constitué autour d'un ensemble de rites de la cour auVIIe siècle, leshintō évolue auMoyen Âge sous l'influence dubouddhisme et intègre différents éléments et croyances liés auxKami. AuXVIIIe siècle, les écoles de penséeMitogaku etKokugaku commencent à envisager ce courant religieux comme un socle possible de modernisation du pays. L'idée de la vénération de l'empereur commence à toucher la population au travers de slogans politiques commeSonnō jōi (« vénérez l'empereur, expulsez les étrangers »). En plaçant en son centre la figure de l'empereur, larestauration de Meiji favorise leshintō pour fournir à l'État ses rites et sa légitimité[310].

De1868 à1890, leshintō renouvelle son corpus idéologique[311]. Laproclamation Taikyō de1870 consacre lecaractère divin de l'empereur[312]. Lessanctuaires sont intégrés à l'État en tant qu'institutions de la puissance publique, et traités comme ne relevant pas d'une religion. Les rituelsshintō mis en œuvre au sein de la maison impériale connaissent une rénovation. Les différents sanctuaires sont réorganisés à travers unréseau national hiérarchisé[n 13] dirigé par lesanctuaire d'Ise[311]. La portée de cette évolution reste toutefois limitée, non seulement en raison des faibles compétences des représentants du shintō, des dissensions qui éclatent entre eux[n 14] et de son très faible financement, mais également, à cause de l'opposition des pouvoirs bouddhistes, en particulier après l'épisode deShinbutsu bunri, de1868 à1872[313]. La formation desprêtres (kannushi) est cependant centralisée et améliorée au sein du sanctuaire d'Ise, où le princeKuni Asahiko crée un groupe de travail en1878, et par la suite, prend d'autres initiatives de ce type, comme la fondation duKokugakuin en1882[311].

À partir de1890 et jusqu'à laguerre russo-japonaise en1905, la doctrine dushintō se consolide progressivement[311]. La période commence avec la promulgation de laconstitution de l'empire du Japon et durescrit impérial sur l'éducation en1890, ces documents fondamentaux réaffirmant la primauté et la centralité de l'empereur au sein de l'État. Les rituelsshintō sont légitimés en tant qu'outils de vénération de l'empereur[311]. Ils s'inscrivent dans les usages populaires au travers des pratiques imposées aux élèves et auxquelles se joint à l'occasion la population locale (visites de sanctuaires, fêtes scolaires…)[314]. Signe d'un début d'enracinement chez les Japonais, des associations locales se constituent par endroits, pour aider à financer le fonctionnement de sanctuaires locaux, ou faire campagne auprès de laDiète pour obtenir des financements[315].Tokyo commence à se transformer en un site de grands rituelsshintō, à l'image de ce qu'est encoreKyōto. Après lapremière guerre sino-japonaise de1895, leYasukuni-jinja (construit en1869) est consacré en tant que lieu d'hommage national aux âmes des soldats morts pour le pays — et ce rôle est rappelé à l'issue de la guerre russo-japonaise de1905[316].

L'intégration dushintō au sein de l'appareil d'État se poursuit de la fin de l'ère Meiji et lors de l'ère Taishō, et touche plus largement la population nippone. D'un côté, l'État parfait son contrôle sur l'institution shintō tout en assurant son financement, de l'autre, leshintō fournit à l'État, à la fois une base idéologique et un réseau de sanctuaires permettant de mobiliser en profondeur la population japonaise[311]. À partir de1906, les prêtres reçoivent de l'argent de l'État lorsqu'ils assurent des rituels publics[317], tout comme l'écoleKokugakuin chargée de la formation des prêtres, ainsi que les sanctuaires préfectoraux[318]. Au début de cette période, le financement dont bénéficient les quelque quinze mille prêtres, reste très limité. De même, le sous-financement des sanctuaires pousse nombre d'entre eux à se rapprocher pour fusionner : leur nombre passe de deux cent mille en1906 à cent vingt mille en1914[315]. Signe d'une plus grande pénétration au sein de la population, la construction duMeiji-jingū de1915 à1920 mobilise un très grand nombre de volontaires dans tout le pays[319].

À partir desannées 1930, leshintō évolue vers une forme defascisme servant de fondement moral au régime militariste. Ceshintō d'État transforme cet ensemble de rituels et de croyances en une véritable « religion d'État », au détriment des autres religions qui sont diversement combattues. Par ailleurs, leshintō fournit au gouvernement une légitimation à l'expansion militaire du pays enAsie[311].

Bouddhisme

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Articles connexes :Bouddhisme au Japon,Haibutsu kishaku,Shinbutsu bunri etKokugaku.
dessin d'une scène dans l'arrière-cour d'un temple. Trois hommes s'affairent pour détruire à coups de masse une cloche aussi large qu'un être humain.
Destruction de cloches bouddhistes pendant leHaibutsu kishaku vers1870.

Lebouddhisme est durement touché lors de larestauration de Meiji. Au cours des siècles, unsyncrétisme s'est développé entre bouddhisme etshintō[320]. Influencé par les préceptes desKokugaku[321],[n 15], leJingi-kan, qui au sein de l'État dirige les affaires liées au shintō, ordonne le uneséparation des deux religions et uneépuration des sanctuaires[320]. Le but est alors de lutter contre l'influence des pouvoirs bouddhistes sur la société, perçus comme des éléments conservateurs s'opposant à la modernisation du pays[321]. Ordre est donné aux prêtres bouddhistes exerçant dans dessanctuairessyncrétiques de se convertir au shintō ou de démissionner. Les objets de culte comme les statues et les textes sacrés doivent être évacués. La plupart des prêtres font le choix de se convertir, et vont jusqu'à afficher ce renoncement en prenant desconcubines ou en mangeant de la viande de manière ostentatoire, pratiques proscrites pour les prêtres bouddhistes[322]. Souvent violent, ce processus entraîne de nombreux pillages detemples et destructions d'objets[323]. Le gouvernement prend quelques mesures pour éviter les débordements, mais celles-ci sont variablement interprétées par les autorités locales, et les troubles persistent jusqu'au début desannées 1870. Des cloches sont fondues pour en faire des armes, des statues sont profanées, et des temples sont saisis par les autorités locales, comme àSatsuma[324]. Dans les régions les plus durement touchées, la plupart des temples sont détruits et de nombreux moines, tués[325]. Cette politique touche variablement les différents courants bouddhistes. Nombre de prêtres des temples duShingon et duTendai se convertissent au shintō, tandis que leJōdo shinshū se montre plus virulent dans son opposition, allant jusqu'à déclencher des émeutes pour protéger ses temples[326]. Cette politique contre le bouddhisme s'infléchit en1872, et les relations avec l'État se normalisent[327].

Cet épisode de violences envers le bouddhisme pousse certains croyants réformateurs à s'interroger sur la place de cette religion dans la société nippone et sur ses apports. Des réformes de plusieurs types sont proposées et un nouveau bouddhisme, oushin bukkyō, voit le jour sous plusieurs formes, tandis qu'émergent des figures commeKiyozawa Manshi[328]. Lebouddhisme monastique connaît également des évolutions — sous l'influence deFukuda Gyōkai (Terre pure) ou Shaku Unshō (Shingon) — et le respect desdix règles du bouddhisme est réaffirmé. Plus généralement, les bouddhistes tirent profit de la méfiance envers lechristianisme qui s'installe dans le pays à partir desannées 1880, d'une part en réaffirmant leur loyauté envers l'empereur[329], d'autre part en cherchant à aligner leurs intérêts avec ceux desnationalistes. C'est ainsi que de nombreux moines exploitent politiquement l'incident causé parUchimura Kanzō en1891 — importante affaire médiatique déclenchée par cet enseignant chrétien ayant hésité à se prosterner devant l'image de l'empereur. Une personnalité commeInoue Enryō cherche à démontrer que les préceptes du bouddhisme sont compatibles avec la science, et affirme que le bouddhisme est même supérieur au christianisme dans sascientificité[330].Tanaka Chigaku développe une école dont la doctrine soutient l'expansionnisme japonais enAsie[331].

Dans lesannées 1930, le bouddhisme japonais fait émerger de nouveaux courants et s'implique de manière plus ou moins marquée dans le militarisme japonais. DesShinshūkyō — « nouvelles religions », relevant du bouddhisme — sont fondées. Celles-ci ont en commun d'être influencées par lebouddhisme de Nichiren, de pratiquer unprosélytisme insistant et de mettre l'accent sur les bénéfices immédiats que les pratiquants peuvent tirer de leurs enseignements, plutôt que sur des notions plus intangibles comme l'illumination ou lesalut. LaSōka gakkai fondée en1930, laReiyukai fondée en1920, et laRisshō Kōsei Kai fondée en1938, sont les plus notables[332]. Le bouddhisme japonais est aussi marqué par une certaine ambivalence envers les guerres que mène le Japon. Toute une frange nationaliste du bouddhisme approuve la guerre et participe à celle-ci en envoyant des moines sur le terrain pour fournir un soutien moral et médical aux soldats[333]. D'autres écoles sont au contraire attaquées par le gouvernement en raison de leur enseignement et de leur refus d'entamer des réformes pour les rendre compatibles avec la doctrine impériale — ce qui entraîne l'emprisonnement de certains dirigeants commeTsunesaburō Makiguchi[334].

Christianisme

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Tout au long de l'époque d'Edo, lechristianisme est victime de persécutions. En1865, àUrakami dans la région deNagasaki, près de trois millechrétiens qui dissimulaient leur foi sont déportés et emprisonnés. Ce n'est qu'en1873 que la pratique du christianisme est officiellement autorisée par les nouvelles autorités. À partir de1868, desconseillers étrangers invités dans le pays pour former les Japonais aux techniquesoccidentales profitent de leur position pour pratiquer unprosélytisme pro-chrétien auprès de leurs étudiants.Leroy Lansing Janes est ainsi à l'origine duKumamoto Band[294], un groupe de convertis qui rejoignent par la suiteKyoto et l'Université Dōshisha — fondée par le missionnaire protestantNeesima — et constituent une part importante de son corps enseignant[335]. ÀSapporo, c'estWilliam Smith Clark qui convertit une partie des étudiants de la futureUniversité de Hokkaidō ; l'un d'eux,Uchimura Kanzō, joue un rôle central dans l'essor du mouvement chrétienMukyōkai[336]. ÀYokohama, où réside une communauté étrangère importante, c'est la figure du missionnaireJames Curtis Hepburn qui est prédominante[337]. À côté de ceprotestantisme qui recrute essentiellement dans les couches aisées d'un Japon urbain, des missionnairescatholiques sont plutôt actifs dans les régions les plus rurales. Desorthodoxes sont aussi présents dans la région deHakodate, oùNicolas du Japon exerce depuis1861. Cette diffusion du christianisme connaît un certain dynamisme dans lesannées 1880, mais dès la fin de la même décennie, celle-ci se heurte à la poussée d'un certain conservatisme politique[338].

Le nombre de convertis augmente régulièrement. Les catholiques sont environ cent mille en1927, essentiellement dans lesdiocèses deNagasaki (64 000) et deTokyo (10 000)[339]. Les différents courants protestants regroupent de quelques milliers à quelques dizaines de milliers de convertis, les plus importants en1941 étant lespresbytériens (62 000), lesméthodistes (53 000), lesépiscopaliens (28 000) et leMouvement de sanctification (16 000)[340]. Actifs dans le système scolaire japonais, ces différents courants sont même à l'origine de collèges et d'universités dans le pays : laTokyo Woman's Christian University (fondée par despresbytériens et desméthodistes), l'Université Rikkyō (fondée par desépiscopaliens) et l'Université Sophia (fondée par desjésuites)[341]. S'appuyant sur leshintoïsme et sur le caractère divin de l'empereur, l'État est de plus en plus suspicieux envers les mouvements chrétiens. Dans lesannées 1930, la montée du militarisme s'accompagne de plusieurs mesures et lois visant à contrôler ces religions — dont laReligious Organizations Law de1939[342]. Désormais, les communautés chrétiennes doivent démontrer que financièrement, elles ne dépendent pas de l'étranger, et ne peuvent être dirigées que par des Japonais[343]. Entre1936 et1940, sous la pression des autorités, leurcatéchisme est réécrit de manière à être compatible avec la vénération de l'empereur et à prévoir la participation à des cérémonies shintō[344].

Condition féminine

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Articles connexes :Femmes au Japon etFéminisme au Japon.

Dès le début de l'ère Meiji, les classes les plus favorisées suivent l'exemple de l'Occident, et la condition des femmes évolue quelque peu. L'époque voit disparaître certains usages, comme lenoircissement des dents et la tonte des sourcils, alors que se diffuse la mode des cheveux longs. Certaines lois deviennent plus favorables aux femmes, comme celle de1870 octroyant auxconcubines la même protection que les épouses légitimes, ou celle de1872 qui libère lesprostituées de leurs anciennes servitudes[345]. La question dustatut de la femme dans la société devient un thème important de débat, notamment porté par lemouvement pour la liberté et les droits du peuple, dans les années 1870 et 1880. Associée à ce mouvement, la revueMeiroku zasshi propose des traductions de textes deSpencer,Mill etMillicent Fawcett sur lesdroits des femmes, et ses pages témoignent de nombreux débats à ce sujet. L'angle adopté est cependant davantage celui dudroit naturel que celui du droit des femmes proprement dit. Ce dernier concept sera plus développé sous la plume deFukuzawa Yukichi, dansNihon fujinron (en1885). Une revue commeJogaku zasshi, éditée à partir de 1885, permet à des auteures commeKishida Toshiko etShimizu Shikin de développer leurs idées sur divers sujets, comme l'émancipation et l'éducation des femmes, ainsi que les questions familiales[346].

Le tournantconservateur que prend le pays à partir de1890 contrarie cependant la réalisation de ces diverses aspirations libérales. Cette année-là, les femmes se voient interdire la participation à desmeetings politiques ou l'adhésion à despartis[347], et un retour à une traditionconfucianiste, défavorable aux femmes, est sensible dans l'adoption durescrit impérial sur l'éducation la même année. En1898, lecode civil japonais renforce le poids des hommes dans lesquestions d'héritage[348]. En1899, si leministère de l'Éducation crée des lycées réservés aux femmes[347], ceux-ci sont institutionnellement classés comme inférieurs à ceux réservés aux hommes, et n'ouvrent pas l'accès auxétudes universitaires[348]. Toujours en 1899, est publié un rescrit imposant un cadre moral à l'éducation dispensée aux jeunes filles dans ces établissements : ce nouveau texte introduit le concept deryōsai kenbo (« Bonne épouse, sage mère ») et fixe ainsi l'objectif de la scolarisation des femmes. Ce concept deryōsai kenbo est largement relayé dans la presse féminine jusqu'à l'après-guerre[349]. Pour combattre cette situation, un journal féministe commeSekai Fujin est créé en 1907 parFukuda Hideko[350], et, en 1901,Tsuda Umeko fonde une école réservée aux femmes : lecollège Tsuda[351].

À partir desannées 1910, plusieurs évolutions notables peuvent être observées. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à occuper des postes decols blancs, et dans lesannées 1920, le tiers des enseignants de l'école primaire sont des enseignantes[352]. En1911, la féministeRaichō Hiratsuka fonde le journalSeitō, dont le nom est une référence à laBlue Stockings Societybritannique. Malgré son déclin dès 1916, la revue introduit plusieurs sujets féministes dans le débat, notamment auprès des femmes issues des couches les plus aisées de la société. L'Association de la femme nouvelle est créée en 1920 afin de reprendre le flambeau[353]. En1922, grâce à une évolution de la loi, les femmes sont autorisées à s'organiser politiquement et à assister à des meetings[354], ce qui permet de relancer la question dudroit de vote des femmes[353]. En 1924,Ichikawa Fusae joue un rôle important en créant une ligue pour soutenir cette cause[355]. Plusieurs initiatives législatives sont prises dans ce sens, la dernière en 1931[356] lors du gouvernement deOsachi Hamaguchi. Aucune n'aboutit, et le droit de vote n'est accordé que lors de l'occupation américaine du pays. Le Japon voit aussi la féministeMargaret Sanger se rendre dans le pays, et y effectuer une tournée de conférences[355].

Dans lesannées 1920, quelques femmes bénéficiant d'une visibilité importante dans le monde du spectacle sont associées à une image de modernité, ce qui aboutit à la promotion de la figure de lamodan gaaru. Si cette image est porteuse de certaines ambiguïtés (« progrès » ou « décadence », « émancipation » ou « immoralité »), elle est rapidement véhiculée dans tout le pays par le biais des nouveaux médias de cette époque, du cinéma à la littérature[357].

Laguerre contre la Chine en 1937 marque le début d'une participation plus importante des femmes à des pans de l'économie auparavant réservés aux hommes. C'est ainsi qu'entre 1935 et 1945, dans les filières de santé, le nombre d'étudiantes double pour dépasser les dix mille, et certaines d'entre elles intègrent leslaboratoires de recherche desuniversités[305].

  • Photo de cinq filles japonaises en costumes de la Belle Époque. Quatre sont assises et une, debout au centre.
    Premières étudiantes japonaises envoyées étudier auxÉtats-Unis, dontTsuda Umeko (deuxième à droite).
  • Photographie d'une très grande salle de travail ; un mur est intégralement occupé par des appareils téléphoniques ; une vingtaine de femmes assises et visibles de dos y travaillent.
    Japonaises travaillant comme opératrices téléphoniques en1902.
  • Photo noir et blanc de trois femmes endimanchées, marchant sur un trottoir. Deux, dont une porte une ombrelle, sont habillées d'une robe sombre ; la troisième, vêtue d'un kimono clair, tient un parapluie au-dessus de sa tête.
    Troismoga marchant dans les rues de Tokyo en 1924.
  • Photo de neuf femmes assises autour d'une petite table ronde. Certaines d'entre elles portent des vêtements traditionnels japonais, d'autres, des vêtements à la mode occidentale.
    Militantes soutenant le droit de vote des femmes dans lesannées 1920.
  • Photographie d'une unité d'infanterie pendant un exercice. Aux côtés des soldats, des infirmières sont visibles.
    Infirmières japonaises en1931 dans une unité de l'armée.
  • Photographie d'une femme japonaise travaillant dans la structure d'un avion en construction.
    Femme japonaise travaillant à la construction d'avions en1943.

Pratiques sportives

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De nouvelles pratiquessportives apparaissent dans le pays avec la constitution de communautésoccidentales de plus en plus nombreuses dans les villes portuaires[358]. C'est ainsi que lebaseball, letennis, lefootball et lecricket sont introduits àYokohama ouKōbe, et que desligues informelles se constituent pour organiser localement desrencontres sportives. L'école est un autre vecteur d'introduction du sport auJapon. Desconseillers étrangers — tels qu'Horace Wilson ouArchibald Lucius Douglas, qui exercent comme enseignants — ainsi que des étudiants japonais revenant de l'étranger, poussent à la pratique sportive dans le cadre des activités extra-scolaires des étudiants. Leurs initiatives rencontrent un écho favorable chez les responsables politiques de l'époque, commeMori Arinori, qui considère que le relèvement moral du pays doit aller de concert avec le relèvement physique[359].

La pratique du sport dans les écoles et lesuniversités entraîne la création de ligues sportives et de compétitions régionales, puis nationales. Celles-ci sont à l'origine d'une véritable « culture sportive », caractérisée, non seulement par la naissance de rivalités entre écoles (pouvant se manifester par l'écriture de chants d'encouragement, par exemple), mais aussi par le fait d'élever le sport au rang de spectacle, auquel assiste un public de plus en plus nombreux[359]. Dans lesannées 1920, émergent les premières vedettes sportives, à l'instar deKinue Hitomi, qui lors desJeux olympiques de 1928, devient la première Japonaise à remporter unemédaille et qui par la suite, fait la couverture de plusieurs journaux[360]. D'autres sports ont également leurs célébrités, commeHitachiyama Taniemon pour lesumo, ouEiji Sawamura pour le baseball[361]. Ce dernier sport en particulier s'impose comme sport à la mode, avec la création en1914 duKōshien, compétition nationale lycéenne, à laquelle assiste même le prince héritierHirohito en1926. Ces disciplines sportives voient se constituer des ligues nationales, lesquelles visent à organiser des compétitions à l'échelle du pays, mais aussi à faire jouer des équipes nationales à l'étranger : lafédération japonaise de football est créée en1921, et laligue japonaise de baseball, en1936[362].

Par ailleurs, le Japon dispose déjà de plusieurs pratiques physiques locales, comme lekemari et le sumo[358]. Sous l'influence occidentale, ces pratiques évoluent pour devenir des disciplines sportives, dotées d'une organisation et d'unemédiatisation inspirées des autres sports. L'association japonaise de sumo est créée en1925, et à partir desannées 1920, la diffusion à la radio des compétitions, permet d'accroître son audience[362]. D'autresarts martiaux locaux issus dubudō connaissent une évolution semblable. Lekaraté est codifié sous l'influence deAnkō Itosu et deGichin Funakoshi, lejudo l'est parJigorō Kanō, et l'aikidō, parMorihei Ueshiba. Avec la montée du militarisme desannées 1930, l'origine japonaise de ces sports martiaux est mise à profit par le pouvoir pour exalter et incarner les vertus prônées par l'État[363].

Média

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Articles connexes :Censure de l'empire du Japon etPropagande japonaise durant la Seconde Guerre mondiale.

À la fin de l'époque d'Edo, leJapon dispose d'une certaine tradition dans l'édition deprospectus traitant de l'actualité. Dans les grandes villes comme Edo (Tōkyō),Kyōto etŌsaka, on édite deskawara-ban qui peuvent à l'occasion traiter d'évènement politiques. L'essentiel de la production vise alors les élites, capables de comprendre lechinois classique, mais également, le peuple qui a accès à du contenu illustré. À l'initiative du nouveau régime, un premier journal à l'occidentale voit le jour en1870, leYokohama Mainichi[364]. Dès1872, à Tōkyō, sont créés cinq quotidiens qui reprennent cette forme. Ces journaux traitent assez largement de politique, et à l'occasion, critiquent le gouvernement, ce qui entraîne en1875 l'adoption d'une première loi sur la presse et la diffamation, permettant de mettre en place une certaine forme decensure. Les différents titres de presse se spécialisent : d'un côté les « grands journaux », traitant de politique, de l'autre les « tabloïds », traitant de faits divers ou d'événements à sensation. Cette seconde catégorie de journal voit apparaitre leYomiuri shinbun à Tōkyō en1874 et leAsahi shinbun à Ōsaka en1879. À côté de ces titres se constituent aussi des journaux comme leJiji shimpō (créé parFukuzawa Yukichi en1882) ou leKokumin Shimbun (créé parTokutomi Sohō en1890) qui attirent à eux un lectorat plus intéressé par les grandes questions politiques et sociales de cette époque[365].

Laguerre sino-japonaise de1894-1895 et laguerre russo-japonaise de1904-1905 jouent le rôle de catalyseurs pour le développement du tirage et de l'influence de la presse japonaise. Dans la perspective de contrôler l'opinion publique, les militaires et le pouvoir politique ne tardent pas à encadrer drastiquement ce qui peut être publié, tout en facilitant l'accès des journalistes au théâtre des opérations. C'est ainsi que, lors de la guerre sino-japonaise, une centaine de journalistes et d'artistes sont présents dans lapéninsule coréenne, sous encadrement militaire. La maison d'éditionHakubunkan profite assez largement de ces opérations en publiant tous les dix jours un compte rendu des opérations militaires. Le succès de cette publication est si important qu'en1895, il permet àHakubunkan de financer le lancement de toute une série de nouvelles revues, telles queTaiyō ouShōnen Sekai. Cette entreprise inaugure alors un modèle d'édition et un modèle économique qui sont repris par la concurrence. Lors de la guerre russo-japonaise, letélégraphe joue un rôle important en permettant aux informations de circuler beaucoup plus rapidement. Cette accélération favorise la presse, qui peut alors rendre compte au jour le jour des opérations militaires, la circulation de certains titres doublant lors du conflit[366]. C'est aussi lors de la guerre russo-japonaise que les premiers reportages cinématographiques voient le jour, profitant du développement ducinéma au Japon. Le gouvernement se heurte également aux limites de son propre contrôle. Le, éclatent lesémeutes de Hibiya, déclenchées par plusieurs journaux qui manifestent ainsi leur opposition au traité de paix, jugé trop clément pour laRussie. Si les médias démontrent déjà le rôle qu'ils peuvent jouer pour façonner l'opinion dans un sens favorable au pouvoir politique, ces mêmes médias sont déjà capables d'être des relais politiques pour d'autres causes[367].

Au cours desannées 1920, le secteur se consolide, tandis qu'émergent de grands groupes demédia de masse. Ces journaux se professionnalisent et recrutent comme journalistes des diplômés de grandes universités, plutôt que des indépendants. Le recours à desdessinateurs de presse et à descaricaturistes se généralise. La publicité suit cette professionnalisation grandissante du secteur, et de grands groupes decommunication et demarketing voient le jour, commeMannensha,Hakuhodo, etDentsu. Pour accroitre leur lectorat, les groupes de presse sponsorisent aussi des évènements comme des tournois sportifs scolaires ou des projections de film. Les années 1920 voient aussi apparaitre de nombreux magazines hebdomadaires ou mensuels dont la publication dépasse le million d'exemplaires, et qui contribuent à la richesse de groupes d'édition commeKōdansha,Iwanami Shoten, ou encoreKaizōsha — la renommée de ces groupes reposant notamment sur les livres à un yen, publiés à partir de1926[368]. Les colonies japonaises ne sont pas en reste dans cet essor de l'édition : le gouvernement japonais laisse en effet des journaux se créer localement, pour des publications enjaponais et dans la langue locale, le but visé étant alors d'accroître par ce biais l'influence du Japon sur ces territoires[367].

Dans lesannées 1930, la montée du militarisme s'accompagne d'une plus grandeautocensure des médias, et dès l'incident de Mukden en1931, peu d'entre eux cherchent à remettre en cause les déclarations du gouvernement. À partir de laguerre contre la Chine en1937, les médias deviennent de fait un prolongement de l'État, en agissant comme diffuseurs de sa propagande. Au fur et à mesure que les problèmes d'approvisionnement de papier touchent le pays, les journaux subissent la baisse du nombre de publications et celle du nombre de pages par publication. Les journaux de langue étrangère sont fusionnés dans un unique titre,The Japan Times, qui passe sous la coupe du ministère de la communication. La radio est mise à contribution pour soutenir la communication gouvernementale. Créée en1926, laNHK[369] étend sa couverture dans les colonies en mettant en place des bureaux dédiés : àTaïwan (en1931), enCorée (en1932) et enMandchourie (en1933). Lorsque la guerre s'étend aux puissances occidentales, cette radio diffuse des programmes de propagande en langues étrangères de manière à rallier les populations locales à l'Empire et à saper le moral des troupes ennemies. Au fur et à mesure que la guerre s'intensifie, les médias diffusent un message de plus en plus nationaliste et anti-occidental[370].

Dynamiques de productions culturelles

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Cultures urbaines

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Lors de la période impériale, la composition de la société urbaine évolue assez fortement et influe sur la culture qui s'y diffuse. Si à la fin de l'époque d'Edo les principaux publics auxquels s'adressait la production culturelle des grandes villes étaient composés de riches Japonais peu nombreux, lors de la période impériale, la production culturelle s'adresse au plus grand nombre. Cettemassification de la culture s'accompagne de l'essor de nouvelles technologies, comme laphotographie ou laradio, qui permettent de diffuser au-delà des villes la culture qui s'y produit[371]. Les titres de presse se multiplient, passant de plus de quatre cents en1890[295] à deux mille en1914. La même année, le Japon se classe second au niveau mondial en nombre de livres publiés, derrière l'Allemagne, avec près de 27 000 titres. La languejaponaise s'uniformise par ce biais, et si de nombreuxdialectes se maintiennent, celui deTokyo — là où se trouve la plupart des moyens d'édition — se généralise et devient le japonais standard[372]. Des titres de presse commeAsahigraph, utilisent la photographie et ledessin de presse (dont ceux deIppei Okamoto) pour informer leurs lecteurs, l'image devenant ainsi un grand vecteur d'information[373].

La radio connaît un essor rapide. Si les premières émissions sont diffusées en1925, un million de postes de radio sont vendus en1931. Cette nouvelle technologie joue un rôle important dans le paysage médiatique de l'époque : elle permet une diffusion rapide de l'information, mais aussi, elle rend accessible à l'ensemble du pays de nombreuses musiques — japonaises commeoccidentales[374]. L'augmentation du nombre de journaux, de postes de radio et decinémas contribue à rapprocher les mouvements culturelsavant-gardistes de Tokyo des territoires plus reculés du pays. Une complexification culturelle s'opère, guidée par les critiques artistiques, opposant simultanément cultures anciennes et cultures nouvelles, cultures occidentales et cultures orientales, et cultures prolétaires et cultures bourgeoises[375]. Dès lesannées 1920, cette conjonction entre l'augmentation de la production culturelle et l'amélioration de sa diffusion aboutit à la constitution demédias de masse au Japon, basés et diffusés depuis les grandes agglomérations du pays[376].

L'augmentation du nombre decafés et degrands magasins contribue à la diffusion de ces nouveaux modes de consommation[375]. Leséisme qui ravage la capitale en 1923 pousse à revoir l'urbanisation afin d'intégrer ces nouveaux usages : les quartiers se spécialisent (commeGinza), et de grandes avenues sont percées, le long desquelles se regroupent de grands magasins, alors que dans les ruelles adjacentes se concentrent souvent des cafés et des boutiques de mode[377]. C'est ainsi qu'à Ginza, dans lesannées 1920, les cafés doublent leur nombre, devenant des lieux à la mode où les romanciers aiment à situer l'intrigue de leurs créations[373]. Labière est introduite au début de la période impériale, et se popularise à partir de la fin de l'ère Meiji[n 16],[371]. Uneconsommation de masse de nombreux produits se développe, et avec elle, lapublicité — dont celles du dentifriceLion et des cosmétiquesShiseido, très présentes à la fin de la période[378].

Cultures régionales

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Article connexe :Modernisme Hanshinkan.

À la fin de l'époque d'Edo, leJapon présente une abondante diversité culturelle. Du fait des multiples zones de montagnes et des innombrables ilots le long des côtes de l'archipel, les différences dedialectes, derégimes alimentaires et detraditions peuvent être très marquées. De manière générale, l'industrie naissante se spécialise en fonction des ressources disponibles localement :soieries dans l'actuellepréfecture de Nagano,poteries dans lapréfecture de Saga,cotonades dans lapréfecture de Yamaguchi… L'essor rapide des transports, ainsi que le développement des déplacements de population vers les grandes agglomérations pour y trouver du travail, ont plusieurs effets sur ces particularismes locaux. Si certaines de ces pratiques culturelles se marginalisent, d'autres font l'objet de diverses formes de valorisation[379].

Dès lesannées 1880, des travailleurs migrants cherchant par nostalgie à faire perdurer leurs cultures locales respectives[380], se regroupent dans des associations par région d'origine. Cependant, l'État cherche à effacer certains particularismes : le « japonais standard » — la variante utilisée dans l'arrondissement central de Tokyo — s'impose partout dans le pays par le biais de l'éducation[381]. Mais dans le même temps, l'État encourage l'étude des patrimoines locaux, et en1891, lagéographie et l'histoire locale sont instituées comme matières à part entière dans l'enseignement primaire. Ce mouvement est à l'origine d'un foisonnement demonographies traitant de sujets régionaux, souvent à l'initiative de bibliothèques locales ou de professeurs dusecondaire. Loin de se limiter à l'étude du passé, ces initiatives visent aussi à valoriser des réalisations et des projets en cours. Dans lesannées 1910, dans les préfectures deHiroshima ou deFukui, diverses expositions permettent aux villages de montrer leurs savoir-faire, et entraînent une certaine émulation entre eux[382].

Dans lesannées 1910, lemonde académique commence à s'intéresser aux cultures locales. Un groupe informel d'agronomes, d'économistes, et degéographes se réunit autour des figures deNitobe Inazō et deYanagita Kunio, pour former laKyōdokai, ou « association d'études locales ». L'association organise de nombreuses sorties sur le terrain pour étudier les différentes coutumes du Japon, et par la suite, publier le résultat de ces recherches dans la revue du groupe, laKyōdo Kenkyū. En accueillant des personnalités commeTsuneichi Miyamoto[383], l'association joue le rôle d'incubateur pour les études sur lefolklore japonais, puis pour l'essor de l'ethnographie japonaise. Des amateurs d'art s'intéressent aussi à ces cultures locales :Yanagi Sōetsu, qui théorise le « mouvement d'arts populaires », ouMingei, dans lesannées 1920, à partir de son travail sur le sujet, inspiré de l'Arts and Crafts deWilliam Morris. Le mouvementMingei est ainsi à l'origine d'un renouveau de certaines productions locales. Il s'ensuit que, dans lesannées 1930, des préfectures comme celles deShimane et deTottori, organisent des concours d'arts, dont les juges sont des experts issus du mouvementMingei[384]. Les préfectures peuvent aussi être à l'origine de commandes visant à valoriser ce patrimoine, soit par l'édition de livres consacrés à l'histoire locale, soit par des projets plus grandioses, comme la reconstruction duchâteau d'Osaka en1931 (en béton et acier, et non en matériaux plus traditionnels)[385].

Dans lesannées 1930, les cultures régionales sont l'objet d'une certaine politisation. La montée du nationalisme que connaît le pays trouve un terrain favorable dans la valorisation des cultures locales, lesquelles, pour certains nationalistes, deviennent ainsi l'expression la plus pure et la plus authentique de la « japonité »[386]. À l'opposé du spectre politique, des militants issus dusocialisme de guilde voient dans cette redécouverte des cultures locales la possibilité de faire aboutir leurs idées. C'est ainsi qu'àUeda, dans lapréfecture de Nagano, se constitue une université populaire dont le modèle va être repris par d'autres régions du Japon. La montée du militarisme des années 1930 met brutalement fin à ces initiatives, et des centaines de figures du mouvement sont emprisonnées[387]. À l'époque, la question de la représentativité des cultures régionales se heurte aussi politiquement à l'essor territorial du pays qui est en train d'assimiler de nouvelles colonies. Ainsi, dans lesannées 1930, siHokkaidō est systématiquement intégré dans des travaux portant sur le Japon et ses régions, la place d'Okinawa dans ce type de travail est le plus souvent remise en cause[388].

Cultures coloniales

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La diffusion culturelle dans lescoloniesjaponaises repose sur unesynergie entre, d'une part le pouvoir politique, qui fournit un cadre économique stable, d'autre part des entreprises nippones qui élaborent de nombreux produits culturels favorisant la pénétration de la languejaponaise dans les colonies, et permettant aussi la diffusion d'un référentiel culturel commun dans tout l'empire[389]. Ces productions culturelles sont pour partie japonaises, mais aussieuropéennes etaméricaines ; elles comportent également divers éléments relevant des traditions locales. Si cette diversité culturelle est considérée par le pouvoir politique japonais comme la possibilité de forger des sujets loyaux, pour les populations colonisées, elle est au contraire l'occasion de mettre les moyens de production au service de leurs propres intérêts et aspirations[390].

Dès1925 àTaïwan, la radio commence à être diffusée par legouverneur général. Deux ans plus tard àSéoul, la toute récenteNHK commence à diffuser des programmes en japonais et encoréen. À côté de ces initiatives publiques, des entreprises japonaises des secteurs de lapresse, de l'édition ou ducinéma, créent des succursales dans les colonies. Ces entreprises ciblent avant tout les colons japonais, mais publient aussi ponctuellement des productions locales. Lecinéma muet est l'un des secteurs autorisant le plus de liberté dans l'expression des intérêts des colonisés. Les commentateurs de films (appelésbenshi au Japon, maispyŏnsa enCorée etbenzi à Taïwan) prennent souvent leurs distances avec les scripts originaux, et à l'occasion de leurs prestations, peuvent faire passer des messages politiques anti-japonais[n 17],[391].

Ces nouvelles formes d'expression issues des technologies modernes permettent à des acteurs culturels locaux de trouver de nouveaux débouchés, mais aussi d'enrichir leurs répertoires, tout en touchant un public de plus en plus large. C'est ainsi que de nombreuseskisaengs coréennes ajoutent à leurs prestations des mélodies traditionnelles japonaises, mais également des chansons plus contemporaines. De plus, ces prestations peuvent se dérouler dans des lieux plus variés que les salons de thé qui les accueillaient traditionnellement : salles de danse, salles de concert, radio…[392]. En1935, sur les 1,2 million de disques vendus en Corée, près du tiers est enregistré par des artistes locaux. Certaines « stars » connaissent une grande popularité, et font l'objet d'intenses batailles entremajors du disque pour leur faire signer des contrats, commeCh'ae Kyuyŏp,Wang Su-bok, ou encoreLee Nan-young[393].

Les productions locales font cependant l'objet decensure, et à l'instar des autres productions culturelles au Japon, sont elles aussi soumises à autorisation préalable. Un certain nombre de publications parviennent cependant à échapper à la surveillance des censeurs. Le sport est l'un des domaines qui laisse les colonisés exprimer leurs aspirations nationales. Lebaseball à Taïwan permet ainsi aux populations locales de se réunir autour d'équipes qui incarnent le pays[394]. En Corée, une équipe de football de Séoul joue un rôle similaire en remportant lacoupe de football du Japon en 1935. La victoire deSon Ki-Jeong lors duMarathon aux Jeux olympiques d'été de 1936 est relayée par leDong-a Ilbo, avec une photo sur laquelle le drapeau japonais a été effacé par l'éditeur coréen — ce qui ne manque pas de causer quelques remous politiques[395].

Les colonies font aussi l'objet d'un traitementexotique, voirekitsch, qui auprès des Japonais, véhicule de nombreux stéréotypes au sujet des populations locales[396]. En particulier, lesaborigènes de Taïwan, tout comme lesaïnous, font l'objet de spectacles, d'attractions touristiques ou de cartes postales[397], qui soulignent leurs traits « sauvages ». Leskisaengs coréennes sont aussi présentes dans des publications mettant en avant leur caractère, jugé plus « rustre » que celui desgeisha japonaises. Ce stéréotype de la kisaeng est souvent associé à celui de la « docilité » supposée des coréennes — écho de la « docilité » que la métropole compte imposer à sa colonie[398]. Pour le public japonais, des chanteuses commeYoshiko Ōtaka (pour laMandchourie) etChoi Seung-hee (pour la Corée) incarnent alors ces stéréotypes culturels exotiques[399], mais aussi une image de l'assimilation des populations colonisées à la culture japonaise[400].

  • Dessin publicitaire dans un journal. Un bouddha en tailleur tend l'oreille pour écouter la musique qui sort d'un lecteur de disques.
    Publicité pour unemajor du disque dans un journal deTaïwan en1911.
  • Carte postale : une photo montre un couple habillé en costume traditionnel devant une hutte.
    Carte postale japonaise montrant des Amis de Taïwan.
  • Photo d'une équipe de football. Les joueurs sont alignés sur deux rangs et portent des maillots rayés identiques.
    Équipe de football coréenne en1923.
  • Reproduction d'un article de journal. Un athlète en habits blancs portant une couronne d'olivier pose fièrement. Une photo de sa course est aussi présente, ainsi qu'un texte explicatif en coréen.
    Extrait duDong-a Ilbo montrantSon Ki-Jeong : sur son maillot, le drapeau japonais est effacé.
  • Vidéo de 1931 présentant Séoul, les commentaires (en anglais) véhiculent de nombreux stéréotypes et présentent des exemples d'acculturation en faveur du Japon.
  • Affiche montrant une peinture de paysage de montagne.
    Poster desannées 1930 de promotion du tourisme en Corée pour le public japonais.
  • Affiche montrant la tête d'une femme jeune et souriante en habit glamour.
    Yoshiko Ōtaka dans une publicité de1941 deShiseido. Elle incarne auprès des Japonais les populations chinoises intégrées à l'empire.

Cultures japonaises et leurs réceptions à l'étranger

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Articles connexes :Orientalisme,chinoiserie,japonisme etDiplomatie culturelle.

Dans un premier temps, la perception de la culture japonaise enOccident s'ancre dans le cadre plus large de l'orientalisme et deschinoiseries, et les représentations relèvent d'unimaginaire exotique. La découverte de la culture nippone ne s'opère véritablement qu'après larestauration de Meiji. Ce n'est qu'en1872 que le terme « japonisme » est créé parPhilippe Burty pour désigner l'étude des arts japonais[401]. Ce mouvement apparaît en Occident au moment où des voix s'élèvent pour remettre en cause l'esthétique classique, dans le domaine de l'architecture, de lapeinture, ou de lalittérature. Les japonistes utilisent ainsi la culture japonaise pour proposer des alternatives aux normes culturelles et artistiques de l'époque[402]. EnFrance, le japonisme attire l'attention desavant-gardistes ; les peintres s'intéressent à la forme desUkiyo-e et s'inspirent de leur esthétique ou de leurs sujets. Dans le domaine de la littérature, le pays sert de toile de fond à des œuvres commeMadame Chrysanthème dePierre Loti en1888[403]. AuRoyaume-Uni, un parallèle est établi entre la tradition chevaleresque du pays auMoyen Âge et l'histoire duJapon[404]. Cet attrait pour le Japon est à l'origine de traductions de classiques japonais commeLe Dit du Genji en1882, dont l'auteureMurasaki Shikibu incarne une certaine vision de l'émancipation de la femme dans le pays et fait l'objet d'éloges de la part deVirginia Woolf dans une optique féministe quelques décennies plus tard[405]. Des livres sont aussi écrits directement enanglais par des auteurs japonais pour satisfaire les attentes du public occidental, commeLe Livre du thé d'Okakura Kakuzō en1906, ouBushidō, l'âme du Japon deNitobe Inazō en1900[404].

L'attrait pour les produits japonais touche aussi un public large, attiré par lescéramiques, leslaques, ou encore lestextiles japonais, et un important marché se constitue ainsi à l'international[406]. Par exemple, le nombre de céramiques exportées par le Japon auxÉtats-Unis de1898 à1908, passe de deux à cinq millions de pièces[407]. Les grandes expositions internationales de l'époque présentent les productions artisanales et artistiques japonaises au grand public, enEurope et en Amérique[408]. Ces expositions permettent au Japon d'apparaître sous un jour favorable et de se présenter en de nombreux points, comme l'égal des puissances occidentales[409]. Pour la satisfaction d'un public d'amateurs d'arts japonais, se constitue alors un réseau informel de marchands d'art et de spécialistes. ÀParis,Hayashi Tadamasa est un personnage central de ce réseau[410]. Celui-ci permet à son tour d'introduire la culture française au Japon, en y organisant une exposition d'impressionnistes français dès1893, et en finançant les études d'étudiants japonais en France auprès d'artistes français. Aux États-Unis,Michio Itō joue un rôle similaire de passeur entre les cultures — notamment en travaillant avecEzra Pound etW.B. Yeats, pour éditer les travaux d'Ernest Fenollosa[411]. Cependant, alors que le Japon sert de source d'inspiration à une avant-garde occidentale, cette dernière reste très hermétique aux œuvres d'artistes japonais prétendant incarner eux aussi ce mouvement artistique. De son côté, le public japonais réserve également un accueil assez froid aux artistes locaux s'essayant à des œuvres relevant dudadaïsme ou dufuturisme[412].

Productions artistiques

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Littérature

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Article connexe :Littérature japonaise.

Influence occidentale et réflexions sur la japonité (1868-1910)

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L'Occident influence la littératurejaponaise de manière non négligeable et fait évoluer certaines de ses formes d'expression. Leroman utilisé comme support de critique sociale et politique par des auteurs étrangers, commeDisraeli ouBulwer-Lytton, inspire plusieurs intellectuels issus du mouvementMeirokusha, ce qui déclenche un désir de découvrir les littératures nationales européennes.Ukigumo — publié parFutabatei Shimei en1887, et considéré comme le premier roman moderne japonais — s'inspire ainsi de lalittérature russe de la même époque. Les grandes figures de la période s'affirment autour de1900[413].Natsume Sōseki — qui a étudié àLondres et qui succède àLafcadio Hearn à la tête de la chaire delittérature anglaise de l'université de Tokyo — s'impose avec des œuvres commeJe suis un chat (1904) ouLe Pauvre Cœur des hommes (1914). Dans ces œuvres à ladimension introspective, l'auteur critique la société de son époque, repoussant à la fois lenationalisme de son temps et les emprunts injustifiés à l'Occident[414].Mori Ōgai, qui a reçu une éducation médicale militaire enPrusse, se fait d'abord connaître commecritique littéraire. Il est l'auteur d'une œuvre abondante où il a recours à un traitement proche dunaturalisme, qu'il applique augenre duroman historique.Shimazaki Tōson fait quant à lui office de précurseur du stylewatakushi shōsetsu, ouI-novel, en publiantHakai en1906[415].

D'autres genres littéraires, comme lapoésie et lethéâtre, connaissent eux aussi une influence occidentale, bien que perdure la popularité de formes bien établies, comme lekabuki ou le. Un acteur dekabuki commeIchikawa Danjūrō IX tente sans trop de succès de faire évoluer son jeu d'acteur et son maquillage en faveur d'une expression plus réaliste. Un poète commeMasaoka Shiki rencontre plus de succès en modernisant les formes duhaiku et dutanka. Des formes nouvelles émergent par ailleurs, comme leshintaishi pour la poésie. À la fin desannées 1880, dans la région d'Ōsaka, le théâtre voit apparaître la forme dushinpa, qui lors de la décennie suivante, s'étend àTōkyō, où il se mue enshingeki. Cette dernière forme intègre des femmes à ses troupes de comédiens (contrairement aukabuki, dont les acteurs sont exclusivement masculins), et son répertoire comprend des pièces européennes, notamment celles du dramaturge norvégienHenrik Ibsen[416].

Lors de la première moitié de l'époque impériale, se manifeste un mouvement de réflexion sur lalittérature. Inspirées par le travail deTaine sur l'Histoire de la littérature britannique (1864), plusieurs publications cherchent à proposer des compilations censées incarner les classiques d'unelittérature nationale japonaise, ou à retracer l'histoire de celle-ci (publication en1890 duNihon bungakushi de Takatsu Kuwasaburō et Mikami Sanji)[417]. Le but recherché est alors de mettre en évidence les supposés signes distinctifs de l'« identité japonaise » en relevant les caractères récurrents de la littérature à travers les âges[418]. À ce titre,Le Dit du Genji, écrit intégralement enkana, est vu comme l'une des incarnations de cette identité purement japonaise[419]. Divers cercles littéraires publient aussi de très nombreuses revues de critique littéraire, oudōjin zasshi. Ces publications — souvent éphémères, et dont la diffusion est limitée — regroupent par affinité des étudiants de l'université impériale de Tokyo et de l'université Waseda (où est publiéWaseda bungaku à partir de1891), deux grands pôles littéraires de cette époque. La revueShirakaba, publiée à partir de1910, jouit aussi d'une certaine notoriété[420].

Seconde moitié de l'époque impériale (1910-1945)

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Grâce à la création en1872 d'unsystème scolaire public couvrant tout le pays, lalittérature japonaise de la seconde moitié de l'époque impériale bénéficie de l'alphabétisation de l'ensemble de la population[421]. Le nombre de lecteurs potentiel augmente ainsi considérablement, et plusieursmaisons d'édition se créent pourexploiter ce marché. En1897, laHakubunkan et laJitsugyo no Nihon Sha se constituent et se lancent toutes deux dans la publication de nombreux magazines généralistes aux tirages de plus en plus nombreux[422], bientôt rejointes par laKōdansha en1909. En1911, cette dernière lance le magazine littéraireKōdan kurabu, dont le succès inspire différentes imitations à ses concurrents. Sur la scène littéraire du pays, ce magazine consolide la place d'une littérature populaire s'adressant au plus grand nombre, et publiéesous forme de feuilleton. Un auteur commeEiji Yoshikawa, qui écrit pourKōdan kurabu, parvient par ce biais à accéder à une certaine notoriété[423]. Dès le début desannées 1920, en réaction à cette littérature« de masse », descritiques littéraires et desauteurs tentent de promouvoir une littérature« pure ». Cette distinction entre ces deux catégories s'affirme et se matérialise par la création, en1935, de deux prix littéraires distincts : leprix Naoki, qui récompense la littérature de masse, et leprix Akutagawa, qui couronne une littérature plus élitiste[424].

Au début de la période, certains auteurs s'inscrivent dans la continuité des grandes formes populaires lors de l'ère Meiji — commeNagai Kafū, qui commence sa carrière littéraire dans lesannées 1910. AvecErrances dans la nuit, publié entre1921 et1937,Shiga Naoya est considéré comme l'un des principaux représentants du style duWatakushi shōsetsu[424]. À travers ses œuvres — commeLe goût des orties (1928) —,Jun'ichirō Tanizaki poursuit la réflexion, entamée avant lui, sur la relation entre cultures occidentale et japonaise. Au début des années 1920, avec l'essor des idées socialistes au Japon, voit le jour une littérature s'inspirant duréalisme socialiste, notamment autour de la revue littéraireSenki. Ce courant connaît quelques œuvres majeures commeLe Bateau-usine (1929) deKobayashi Takiji, mais périclite avant le milieu desannées 1930, en raison de la répression du pouvoir militaire[425]. Au cours de la période, s'affirme une littérature féminine, aidée par la large diffusion demagazines féminins, commeFujinkōron ; au milieu desannées 1920, leur diffusion tourne autour du million d'exemplaires par mois. Certaines de ces auteures, commeTakako Nakamoto, choisissent une approche socialisante en traitant de questions propres à la condition de la femme. D'autres auteures, commeFumiko Hayashi etChiyo Uno, inscrivent leurs œuvres des années 1920 dans le style duWatakushi shōsetsu[426].Edogawa Ranpo incarne les débuts de lalittérature policière, avec une production mettant le mystère au cœur de son œuvre. Un courant inspiré par les promesses de la science pose les bases d'unescience-fiction japonaise qui s'empare déjà de sujets comme lesrobots, lesextraterrestres, ou lescatastrophes environnementales. À la même époque, la littérature européenne et ses courants, comme ledadaïsme ou lesurréalisme, continuent d'exercer une certaine influence sur des auteurs commeRiichi Yokomitsu[427]. Dans lesannées 1930, l'écrivainYasunari Kawabata émerge comme figure de la littérature japonaise, notamment avec la publication dePays de neige (1935). Dans la seconde moitié desannées 1930, l'intensification de la guerre avec laChine étouffe la production littéraire et de nombreux auteurs restent à distance de la scène littéraire jusqu'à la fin de la guerre[428].

Peinture

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Articles détaillés :Nihonga etYō-ga (peinture).

Au début de l'ère Meiji, se développe un style depeinture à l'occidentale, appeléyō-ga. Leconseiller étrangeritalienAntonio Fontanesi est recruté pour enseigner la peinture au sein de laKōbu Daigakkō. Le but initial est de rendre les Japonais capables de réaliser des dessins fidèles, compétence préalable à la mise en œuvre de grands chantiers de modernisation, duchemin de fer à laconstruction navale[429]. Les techniques issues de cette approche utilitariste ne tardent pas à être reprises dans des démarches plus artistiques. Certains Japonais commeKuroda Seiki étudient lesbeaux-arts àParis, et rapportent auJapon diverses connaissances sur les grands courants artistiques alors en vogue dans la capitale française. Les techniques comme lapeinture à l'huile, l'aquarelle, ou lepastel singularisent leyō-ga, comparé aux productions japonaises traditionnelles, tout comme certains types de sujets, comme lenu[430].

En réaction à ce qui est perçu comme un excès d'occidentalisation, se développe le stylenihonga. Le conseiller étrangerErnest Fenollosa, qui enseigne à l'université de Tokyo, et l'un de ses étudiantsOkakura Kakuzō, prennent des initiatives menant à la création de l'École des beaux-arts de Tokyo en1887. Le but recherché est d'intégrer certaines techniques occidentales, tout en conservant un style japonais. Des représentants de l'école Kanō sont recrutés pour y enseigner, commeKanō Hōgai etHashimoto Gahō, et l'école forme les premiers représentants de ce style, commeShimomura Kanzan,Yokoyama Taikan, ou encoreHishida Shunsō. Fenollosa se rend aussi àKyoto, où certains groupes locaux sont dans une démarche similaire — comme l'école Murayama ou encore l'école Shijō (d'où est issuTakeuchi Seihō, l'un des futurs grands représentants duNihonga)[431].

LaPremière Guerre mondiale ramène auJapon de nombreux étudiants initiés à des styles nonréalistes, comme lefauvisme ou lecubisme. Ce mouvement déstabilise les tenants duyō-ga, qui jusqu'alors se considéraient comme les représentants d'une certaine esthétique à l'occidentale[432]. Un groupe comme leNika-kai, constitué en1914, s'oppose aux membres duyō-ga, au travers de revues commeShirakaba ouSubaru. Les membres de ce nouveau groupe nommentFujishima Takeji à leur tête, et comptent parmi leurs premières figures tutélaires des peintres commeNarashige Koide,Harue Koga,Tetsugorō Yorozu,Yuzō Saeki[433]. Dans ce même groupe, émergent aussi, dans lesannées 1930, des figures de l'art japonais d'après-guerre, commeJirō Yoshihara,Yuki Katsura,Tarō Okamoto, ouKen Domon. Le retour au Japon deTsugouharu Foujita marque un tournant dans sa carrière, celui-ci embrassant le militarisme de l'État, et produisant plusieurs toiles de propagande[434]. Par ailleurs, à partir de la fin desannées 1930, l'armée japonaise fait travailler près de 300 peintres pour documenter ses actions. S'inscrivant souvent dans leréalisme duyō-ga, leurs productions relatent la guerre, de manière souvent très crue, et nombre d'entre elles ne passent pas le cap de lacensure[432].

Musique

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Intégration des techniques étrangères sous l'ère Meiji

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Les premiers groupes demusique occidentale — des ensembles demusique militaire — sont actifs dès la fin de l'ère Keiō. Au début de l'ère Meiji, l'armée et la marine disposent l'une et l'autre d'orchestres qui participent aux cérémonies ou à des représentations musicales. Dans ces deux institutions, deschefs étrangers forment les musiciens japonais. Lorsque ces derniers retournent à la vie civile, certains parmi eux deviennent à leur tour des formateurs et ainsi, participent assez largement à la diffusion de la musique occidentale dans le pays. Les musiciens officiels de la cour, qui jusque-là étaient des spécialistes dugagaku, reçoivent eux aussi une formation pratique et théorique dans ce domaine, et jouent pour la première fois le des morceaux de ce type à l'occasion de l'anniversaire de l'empereur. Leprojet éducatif du régime de Meiji accorde également de l'importance à la musique occidentale, et dès la promulgation de la loi sur l'éducation de1872, une place est réservée à celle-ci dans le cursus. Des formateurs étrangers sont recrutés pour participer à la mise en œuvre de cette politique (Luther Whiting Mason, puisFranz Eckert). La formation des futurs enseignants débute réellement en1880, et un premier manuel scolaire est publié en1881[435]. En1887, est aussi créé un comité musical, futur département de musique de l'Université des arts de Tokyo. Des étudiants japonais sont aussi envoyés à l'étranger pour y étudier, commeNobu Kōda[436], et d'autres composent des morceaux alliant tradition japonaise et technique occidentale — comme leKōjō no tsuki, composé en1901 parRentarō Taki[437]. Pour répondre aux besoins, plusieurs entreprises de construction d'instruments sont fondées à la même époque, commeYamaha pour lesharmoniums (1887) ou Suzuki pour les violons (1887). Au début duXXe siècle, leJapon forme de nombreux musiciens venus de ses colonies et diffuse la musique occidentale dans ces territoires[436].

Legagaku, ou « musique raffinée », est utilisé lors des rites impériaux et jouit d'un certain dynamisme. Ce genre a connu un renouveau pendant l'époque d'Edo grâce à des financements dushogunat[438]. Le, leJingi-kan, bureau chargé dushintō, fonde leGagaku Kyoku, organisme consacré à la supervision de cegenre musical[439]. Entre1876 et1888, les musiciens de cette institution commencent à compiler leMeiji sentei-fu, recueil du répertoire dugagaku, participant ainsi à la codification de celui-ci[440]. Legagaku est aussi utilisé dans les relations que le pays entretient avec le monde extérieur. Des représentations musicales de ce type accompagnent la réception de dignitaires étrangers, et lesexpositions universelles qui se tiennent enEurope en1867,1873 et1878, reçoivent des musiciens et desinstruments relevant de ce genre musical[441]. De la même façon, des mélodies inspirées dugagaku — commeKuni no shizume, ou encoreInochi wo sutete — sont composées pour les cérémonies de l'armée et de la marine, et sont ensuiteadaptées à leurs orchestres respectifs[442]. L'éducation, elle aussi, est gratifiée de mélodies de ce type pour ses cérémonies. En1893, lorsque le gouvernement publie un livret de huit chants destinés à être interprétés lors des festivals de l'année, cinq d'entre eux appartiennent à cette catégorie[443].

Dans les campagnes, subsistent différentes formes chantées populaires. Lessōshi enka pratiquent le chant de rue, dont les paroles critiquent souvent le pouvoirde manière satirique[444].Soeda Azenbō, qui commence à parcourir le pays à la fin desannées 1880, est une des figures les plus connues de cet art : ses chants sont souvent imprimés et vendus dans tout le pays sous forme de feuilles volantes[445].

Le fleurissement de l'entre-deux-guerres

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LaChanson de Katioucha, un des premiers succès de laRyūkōka.

Jusqu'au milieu desannées 1920, lesmaisons de disquesjaponaises préfèrent tirer profit de la publication de chansons déjà populaires, plutôt que d'en lancer de nouvelles en espérant les rendre populaires. C'est ainsi qu'à l'origine, laChanson de Katioucha — le premier succès de la musique populaire (ouRyūkōka) — est un morceau chanté parMatsui Sumako dans une pièce de théâtre inspirée deRésurrection, qui se produit dans les grandes villes du pays en1914. Cette chanson devient si populaire qu'une maison de disques la publie et en vend plus de vingt mille exemplaires. Dans lesannées 1920, cette dynamique s'inverse à l'occasion du développement du cinéma et de la radio, ces nouvelles technologies permettant de produire la musique en amont et d'utiliser les médias pour la diffuser ensuite. Un morceau commeKimi koishi, sorti en1929, relève de cette nouvelle logique[446].

Plusieurs styles deviennent populaires dans l'entre-deux-guerres. Lejazz japonais rencontre ses premiers succès dans lesannées 1920, notamment avec leMy Blue Heaven du chanteurTeiichi Futamura en1928 ; et la chanteuseFumiko Kawabata émerge dès1930[447]. S'il ne relève pas directement du style dujazz, le morceauLa Marche de Tokyo — qui se vend à 250 000 copies en1929 —, par le contenu de ses paroles, permet de véhiculer plusieurs des thèmes urbains associés à ce style, notamment la figure de laMoga[448]. Le « shinmin'yō » (ou « nouveau chant populaire ») — un des sous-genres duRyūkōka — connaît de nombreux succès dans l'entre-deux-guerres. Il s'agit deréorchestrations « à l'occidentale » de chants traditionnels japonais ou de chants populaires étrangers, commeAloha ʻOe ouMy Old Kentucky Home[447]. C'est ainsi que dans lesannées 1930 et sous cette forme, le chantcoréenArirang connaît plusieurs succès populaires dans l'archipel, alors qu'au même moment, il s'agit d'un chant patriotique dans la Corée occupée par le Japon[449].

La production et la diffusion de la musique suivent des dynamiques à la fois locales et internationales. Dès1927, des entreprises étrangères commeColumbia Records,Victor Talking Machine Company ouPolydor, disposent d'un bureau àTokyo pour y vendre leurs productions, mais aussi pour y produire des artistes locaux. De nombreuxlabels sont situés dans leKansai, et Tokyo est loin de concentrer toute la production. Les modes de diffusion sont très variés :cinémas,grands magasins,salles de danse d'hôtels, ou encorecompagnies de théâtreitinérantes. La forme de larevue est également populaire, mais jouit parfois d'une réputation sulfureuse en raison des tenues portées par ses danseuses[450]. Fondée en1914, larevue Takarazuka jouit dès ses premières années d'une très grande popularité. Dès le milieu desannées 1920, dans la région d'Ōsaka, fleurissent lesballrooms, dans lesquelles hommes et femmes pratiquent desdanses de salon, corps contre corps. Les clients masculins paient alors pour danser avec des femmes travaillant pour l'établissement. Dès1927, les autorités prennent des mesures pour encadrer lesballrooms et s'assurer de leur moralité. Ce genre d'établissement se développe ensuite à Tokyo, avant d'ouvrir dans d'autres villes du pays et de l'empire. En1937, 39 sont ainsi en activité en dehors de Tokyo, et 17 autres, dans les colonies[358].

Cinéma

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Lecinéma japonais commence son histoire en1899 avec le tournage deMomijigari, tiré d'une pièce dekabuki. Lors de ses deux premières décennies, le nouvel art se conçoit comme une extension d'expressions artistiques nationales préexistantes. Le film sert à compléter une œuvre ou à lui fournir une nouvelle dimension en adaptant à l'écran un contenu conçu pour la scène. Les conteurs despectacles de marionnettes, lesgidayū-bushi, servent de commentateurs defilms muets, oubenshi. Dans les premières productions cinématographiques de la période, sont adaptés des genres théâtraux relevant dukabuki — comme leshinpa (mélodrames) ou leshingeki (« nouveau drame »)[451]. Divers récits classiques constituent eux aussi une importante source d'inspiration — comme l'histoire des47 rōnin, portée45 fois à l'écran entre1907 et1925, et plus encore les années suivantes[452]. Ce nouveau média joue aussi un rôle non négligeable lors de laguerre russo-japonaise de1904-1905, en informant lesJaponais au travers defaux documentaires qui mêlent images originales du conflit et plans créés pour l'occasion[453].

Ce n'est que vers la fin desannées 1910, alors qu'affluent de nombreux films étrangers, que le cinéma japonais commence à intégrer des techniques et des styles narratifs plus proches des modèlesoccidentaux de la même époque[453]. La rupture est portée par de nouveaux studios de production commeShōchiku etTaikatsu (créés en1920), alors que des studios plus anciens commeNikkatsu ouTenkatsu font plus longtemps perdurer leurs liens stylistiques avec d'autres formes artistiques comme lekabuki[454]. Le pays produit aussi ses premiersanime, style dontNoburō Ōfuji devient l'un des principaux représentants[455]. Lesbenshi, commentateurs de films muets, perdurent tout au long desannées 1920 et jusqu'au début desannées 1930, et lors de cette période, connaissent même une phase destarification. Leur rôle tend cependant à s'effacer pendant la projection du film au profit des acteurs[456], et il périclite au milieu desannées 1930, lors de l'arrivée desfilms parlants[454]. Le Japon produit son premier film parlant en1931,Madamu to nyōbō, mais ce n'est que dans la seconde moitié desannées 1930 que cette technique s'impose réellement[455]. L'industrie cinématographique connaît une forte croissance à partir de la fin desannées 1920, grâce à ses succès d'audience. Entre1928 et1938, plus de700 films sortent en salles chaque année, ce qui hisse le pays à la première place mondiale en matière de production cinématographique[457]. En1940, le pays compte une dizaine de grandes compagnies cinématographiques[452].

Dès lesannées 1920, la production cinématographique commence à se polariser autour de deux genres majeurs, lejidai-geki (films traitant de récits historiques) et legendaigeki (films traitant de récits contemporains)[457]. Leséisme du Kantō de 1923, qui frappe durement la région deTokyo, pousse la plupart des studios à déménager dans l'ouest du pays et à s'établir àKyōto,Ōsaka etKōbe : c'est là que s'épanouit le style dujidai-geki. Le studio Shōchiku reste quant à lui à Tokyo, où il est le seul studio actif entre1923 et1934, et où il se distingue par la qualité de ses productions relevant dugendaigeki. Lors des années 1920 et 1930, une certaine spécialisation s'opère entre ces deux espaces[458]. Un sous-genre dujidai-geki comme lechanbara (film se concentrant sur les combats au sabre) connaît un succès certain et contribue à la naissance des premières stars — commeTsumasaburō Bandō, qui joue dansOrochi en1925[457]. Avec la sortie en1936 deNaniwa erejii, le style dugendaigeki compte l'un de ses représentants d'avant-guerre les plus aboutis[448], alors que dans le même genre,Gosses de Tokyo d'Ozu, sorti en1932, reste dans le registre du film muet[459].Orochi commeNaniwa erejii parviennent à véhiculer une critique politique et sociale de leur société, s'attirant à la fois l'attention du public et celle de lacensure[457],[448].

Dans lesannées 1930, la montée du militarisme constitue une contrainte majeure pour la production cinématographique : une loi de1939 impose des règles de censure plus drastiques, et en1940, l'État impose la fusion de plusieurs studios, ce qui lui permet de mieux contrôler la production. Le genre dufilm de guerre se développe rapidement, avec des productions commeLes Cinq Éclaireurs (1938),Boue et soldats (1939) ouL'Histoire du commandant de chars Nishizumi (1940)[460]. Dans chacun de ces films, la guerre est le plus souvent présentée comme une expérience anoblissante pour l'homme ou comme un moyen de purifier la société, et lescénario fait résonance aux valeurs japonaises dubushidō, prônées par le régime. Un tel message se retrouve aussi dans lesjidai-geki produits au même moment, commeLa Vengeance des 47 rōnin, qui partage le goût pour des décors opulents avec d'autres films du même style produits à la même époque[461]. À l'occasion, lesjidai-geki relaient également la propagande anti-alliés :Ahen senso (1943), avec lapremière guerre de l'opium pour toile de fond, véhicule ainsi un messageanglophobe[462]. Ciblant aussi le public des enfants, la propagande contribue à la production de plusieurs filmsanime. Entre1933 et1938, le personnage deNorakuro fait l'objet de quatre adaptations[463], et la technique d'animation effectuée surMomotaro, le divin soldat de la mer, sorti en, reste inégalée jusqu'à la fin desannées 1950[464].

Architecture

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Intégration des styles occidentaux sous l'ère Meiji

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Articles connexes :Architecture éclectique occidentalo-japonaise,Giyōfū etListe des biens culturels importants du Japon (ère Shōwa : bâtiments).

À partir du début de l'ère Meiji, l'architecture japonaise intègre les influencesoccidentales par plusieurs canaux. Au début de la période, peu d'architectes étrangers travaillent dans le pays, telsThomas Waters — qui àOsaka, produit l'hôtel des monnaies, ainsi que la résidenceSenpukan, l'un des premiers bâtiments de style occidental au Japon. Certains de ces architectes, recrutés commeconseillers étrangers et travaillant dans l'archipel comme enseignants, sont chargés de transmettre aux étudiants japonais les techniques et les styles de construction occidentaux. C'est le cas deCharles Alfred Chastel de Boinville et deGiovanni Vincenzo Cappelletti, ou encore, deJosiah Conder — ce dernier étant chargé des premiers cours d'architecture de l'université de Tokyo. Ce transfert de savoirs est également assuré par de nombreux étudiants japonais envoyés enEurope et auxÉtats-Unis grâce à desbourses du gouvernement, lesquels pour la plupart, une fois leurs études achevées, reviennent au pays pour y enseigner l'architecture à leur tour. C'est le cas deYamaguchi Hanroku ou deNakamura Junpei qui étudient àParis, ou deTatsuno Kingo qui étudie àLondres[465].

L'architecture pseudo-occidentale (ougiyōfū) qui apparaît au début de l'ère Meiji doit composer avec les limites techniques de l'époque. Dans un premier temps, les Japonais utilisent leurs traditionnelles techniques de construction en bois et se contentent d'imiter le seul aspect extérieur des bâtiments (comme à l'église d'Ōura, àNagasaki). Par la suite, ils ont recours aux techniques occidentales, une fois celles-ci pleinement assimilées. Le bâtiment de la Banque du Japon, construit en1896 parTatsuno Kingo, apparait comme le premier bâtiment de ce style, conçu et construit uniquement par des Japonais maitrisant les techniques occidentales[465]. Un architecte commeKatayama Tōkuma s'illustre aussi en intégrant différents styles européens en fonction de ses réalisations :style baroque pour lemusée national de Nara (1894),style Second Empire pour lemusée national de Kyoto (1895),style néoclassique pour lehyōkeikan dumusée national de Tokyo (1908), et style inspiré des palais royaux européens de l'époque pour lepalais d'Akasaka. L'autre grande figure de ce courant architectural sous l'ère Meiji estTsumaki Yorinaka, à qui l'on doit notamment le bâtiment dumusée préfectural d'histoire et de culture de Kanagawa, conçu dans un style néobaroque, alors en vogue enAllemagne. Lesanciens bureaux du gouvernement de Hokkaidō, leRokumeikan (aujourd'hui détruit), ou encore l'ancienne école Kaichi, constituent d'autres bâtiments remarquables relevant de ce stylegiyōfū[466].

Seconde moitié de la période impériale, japonisme et modernisme

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Le recours aux codes traditionnels japonais s'affirme au travers des productions d'Itō Chūta. L'architecte, après avoir étudié le complexe bouddhiste duHōryū-ji dans lapréfecture de Nara, en tire des grands principes censés incarner l'architecture japonaise, notamment en ce qui concerne le rôle de latoiture des bâtiments[467]. Itō Chūta intègre souvent à ses productions des matériaux modernes, comme le béton, et une toiture inspirée destemples bouddhistes[468]. Il se voit confier la réalisation de plusieurs grands temples — non seulement auJapon (Meiji-jingū en1920, reconstruction deYasukuni-jinja en1924,Tsukiji Hongan-ji en1934), mais aussi dans les colonies (Taiwan-jingū en1901,Chōsen-jingū en1925) —, ainsi que plusieurs bâtiments mémoriaux[467]. De plus, Itō Chūta exerce une influence importante dans la production des bâtiments publics en participant très souvent aux jurys chargés de départager des projets concurrents, et en favorisant ceux qui relèvent dustyle à toiture impériale. La recherche de codes traditionnels engage un autre architecte,Hideto Kishida, dans une voie différente, plus portée sur la simplicité des formes et mieux adaptée au monde moderne. Hideto Kishida qui enseigne à l'université de Tokyo — où il exerce une influence importante sur les futurs architectes formés dans lesannées 1930 —, considère lavilla impériale de Katsura, avec son pavillon de thé, comme un exemple à suivre[468].

À partir desannées 1920, plusieurs architectes choisissent de promouvoir unearchitecture moderniste. C'est ainsi que le mouvementBunri ha s'inspire de laSécession viennoise. L'un de ses cofondateurs,Ishimoto Kikuji, réalise le nouveau siège que le journalAsahi shinbun se fait construire en1927, ainsi que legrand magasin Shirokiya en1928. Délaissant la copie de styles historiques, Ishimoto Kikuji cherche à obtenir un bâtiment esthétique au moyen de l'équilibre des formes et des volumes, ainsi que de la symétrie des motifs[469]. Au travers d'une vingtaine d'articles publiés dansKokusai Kenchiku en1929, les travaux deLe Corbusier sont popularisés dans la communauté des architectes locaux, et plusieurs Japonais travaillent aux côtés du célèbreurbaniste, dans ses bureaux parisiens, commeKunio Maekawa ouJunzō Sakakura. Ce dernier, avec le Pavillon japonais de l'exposition universelle de Paris de1937, réalise l'un des premiers bâtiments japonais en suivant les préceptes de l'architecte suisse. Par ailleurs, lors de cette période, des bâtiments modernistes sont réalisés auJapon par quelques architectes étrangers, commeAntonín Reimann etFrank Lloyd Wright[470].

Historiographie

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Article connexe :historiographie du Japon.

Les travaux d'historiens sur la période de l'empire du Japon commencent à être publiés dès la fin de laSeconde Guerre mondiale. Ces travaux sont orientés vers l'identification des causes de la guerre, en particulier, pourquoi les Japonais n'ont pas pu éviter le conflit. Le but est de ne pas reproduire les mêmes erreurs, alors que le Japon occupé cherche à s'engager dans la voie de la démocratie[471]. Les historiens comme les intellectuels japonais sont à l'époque très marqués par lemarxisme[472], et mettent en avant l'idée d'un « fascisme impérial »(天皇制ファシズム,Tennō sei fashizumu?), système politique dont les prémisses sont en place dès l'ère Meiji. Cette théorie du « fascisme impérial » postule l'unité des différents éléments constitutifs du pouvoir (empereur, militaires, hauts-fonctionnaires, milieux économiques…) et les rend responsables collectivement et à égalité de la marche à la guerre. À côté de cette interprétation existe une autre analyse portée par les conservateurs et les Américains, issue duprocès de Tokyo et assez largement acceptée dans la population. Elle repose sur les divisions existant entre les différentes composantes de l'armée (l'armée de terre et la marine impériale) et entre l'armée et les différents corps de l'État (l'empereur, les diplomates, hauts-fonctionnaires…), et fait reposer sur l'armée de terre (et en particulier sur les courants les plus nationalistes) la responsabilité de la guerre[473]. Dans le premier groupe, on retrouveMasao Maruyama qui publie dès le printemps1946 « Logique et psychologie de l’ultranationalisme » dans lequel il met en avant le concept de « système de non-responsabilité ». Des auteurs commeKiyoshi Inoue etShigeki Tōyama sont les figures principales de ce premier groupe qui cherche alors à démontrer le lien supposé direct entre système impérial et expansionnisme, entre capitalisme et impérialisme. Ils se heurtent cependant à l'accès aux sources, les archives n'étant pas ouvertes, et leurs approches restent dominées par la théorie[474]. Shigeki Tōyama publie par ailleurs avecMasao Maruyama etSeiichi Imai (ja) uneHistoire de l'ère Shōwa(昭和史?) en1955 qui est rapidement un succès de librairie et autour duquel se concentrent beaucoup de débats. Ce livre analyse le Japon en guerre avec« un schéma d’opposition entre les dominants, c’est-à-dire les détenteurs du pouvoir qui ont poussé la nation dans la guerre dévastatrice et les dominés qui y ont résisté ». Ce livre concourt alors à forger auprès des Japonais l'idée d'un peuple victime de la guerre, alors que nombreux sont encore ceux qui doivent vivre avec les conséquences matérielles des destructions de ce conflit[475].

L'ouverture des archives dans lesannées 1960 déclenche une nouvelle vague de publications. LaSociété japonaise des relations internationales (ja) coordonne la publication des sept volumes deLes chemins vers la guerre du Pacifique, et l'Institut des Études de la Défense entame la publication des 102 volumes deCollection de l'Histoire de guerre, achevée en1980. La méthodologie de ces travaux est plus classique, fondée sur l'exploitation des sources écrites et leur croisement avec des témoignages d'acteurs de l'époque. Les travaux de cette époque s'élargissent aussi à la question coloniale, sous la double influence des résidents coréens présents au Japon et qui sont actifs politiquement pour pousser au traitement de cet aspect, mais aussi au dynamisme économique du Japon qui l'amène à avoir des échanges de plus en plus denses avec les pays voisins, souvent anciennement occupés par l'armée japonaise. C'est aussi lors desannées 1960 qu'apparaissent les premiers travaux révisionnistes. Le romancierFusao Hayashi publie en1965Thèse soutenant la guerre de la Grande Asie orientale(大東亜戦争肯定論?) qui pose les bases de cette approche. À la même époque, leMinistère de l'éducation, dirigé par les conservateurs depuis la fin de la guerre, durcit sa sélection des manuels scolaires pour imposer une vision plus positive de la guerre. L'historienSaburō Ienaga commence alors en1965 une longue série de procès pendant 30 ans contre le Ministère pour éviter que son manuel ne soit réécrit[476].

Les recherches lors desannées 1980 se concentrent sur la dimension internationale. En1982, une premièreguerre des manuels voit les gouvernements chinois et coréens s'opposer au gouvernement japonais sur la représentation des actions de l'armée japonaise dans ces pays. Un historien commeEguchi Keiichi (ja) est une des figures qui émergent dans cette tendance à l'époque. La recherche s'oriente alors vers des sujets comme l'exploitation économique des territoires conquis, lemassacre de Nankin, l'unité 731… Signe de cet élargissement du spectre des recherches, l'expression « Guerre de Quinze Ans » tend à se généraliser pour désigner la période de guerre qui caractérise la fin du régime, intégrant ainsi l'invasion de la Mandchourie à cette guerre, et permettant de mettre en évidence certaines continuités. Cette représentation d'un peuple japonais qui serait« à la fois victime et bourreau » a du mal à percer dans l'opinion publique qui reste dans une vision victimaire de la guerre[476]. Lesannées 1990 permettent une évolution sur cette question. La mort de l'empereurHirohito en1989 lève un certain tabou sur la question, et le premier témoignage d'une anciennefemme de réconfort,Kim Hak-sun, en1991, médiatise fortement la question descrimes de guerre japonais. L'historienYoshiaki Yoshimi permet de faire évoluer la connaissance du sujet les années suivantes. Politiquement, laDéclaration de Kono de1993 portant sur la reconnaissance officielle desFemmes de réconfort par le gouvernement japonais permet de faire évoluer la perception du sujet auprès de la population japonais[477]. Lesannées 1990 voient aussi l'apparition de certaines thématiques, ou la diversification des approches sur certains thèmes déjà travaillés. L'histoire militaire est ainsi travaillée selon une approche plus sociale ou anthropologique qui s'intéresse aux rapports entre armée et société, ou au sein de l'armée entre différentes composantes. La perspective spatiale évolue aussi pour ne pas se limiter au territoire du Japon, mais en intégrant aussi les territoires conquis et colonisés, dès lors qu'il s'agit de traiter des flux et échanges humains, économiques, et médiatiques/intellectuels. L'accent est aussi mis sur les continuités politico-économiques existantes entre la période de guerre totale et l'après-guerre ; la standardisation sociale et économique pendant la guerre permettrait, selon les tenants de ce courant, commeNoguchi Yukio (ja), d'expliquer la période de très haute croissance qui caractérise l'après-guerre[478].

Anciennes femmes de réconfort, aujourd'hui très âgées, alignées et assises lors d'une manifestation, elles arborent des tabliers sur lesquels sont écrites des revendications.
Lesmanifestations du mercredi enCorée du Sud au sujet desfemmes de réconfort, lesdifférends entre les Corées et le Japon au sujet de cette période sont encore nombreux.

Lesannées 2000 voient la dénomination « Guerre d'Asie-Pacifique » être favorisée pour désigner les dernières années de guerre du régime. Cette appellation est utilisée de manière à pouvoir couvrir la dimension coloniale, tout en intégrant des thématiques comme le genre, la culture, les aspects mémoriels… Elle permet aussi de traiter des continuités qui existent entre avant et après-guerre. À la même époque, lesArchives nationales du Japon mettent en place unJapan Center for Asian Historical Records qui permet d'accéder aux numérisations des Archives nationales japonaises, des Archives diplomatiques japonaises et de l'Institut des Études de la Défense pour la période qui va du début de l'ère Meiji jusqu'à la fin de la guerre. Ces évolutions ne se font pas sans certaines polémiques qui continuent de voir le jour sur les questions de crimes de guerre du Japon, souvent entretenues par des révisionnistes conservateurs et à l'origine d'incidents diplomatiques avec les pays voisins[479].

Sources

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Notes

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  1. LeRoyaume-Uni concentre ses efforts en Asie sur la Chine et dédie une partie de sa puissance à la lutte contre laRussie dans leGrand Jeu enAsie centrale. La France se concentre sur lacampagne de Cochinchine en Asie, et tente de contrer la montée en puissance de laPrusse en Europe. Les Américains sont occupés par laguerre de Sécession.
  2. L'armée fait partie des prérogatives de l'empereur, et statutairement c'est un militaire de haut rang qui doit être nomméministre de la guerre. Le refus des militaires de rejoindre un gouvernement empêche donc celui-ci d'être constitué.
  3. De la fin de laguerre des Taiping en1864, jusqu'à1882, date à laquelle les Français prennentHanoï, et les Anglais l'Égypte.
  4. Une bonne partie des responsables militaires sont très critiques envers leTraité naval de Washington, qui limite la taille de la flotte japonaise. Ce point de vue est assez présent dans l'opinion publique, ce qui débouche sur une très grande méfiance envers les Anglo-Américains. Dans les sphères politiques, le traité de Washington est vu comme un outil efficace pour limiter les dépenses militaires et l'influence de l'armée.
  5. En 1935, l'Union soviétique revend au Japon des tronçons duChemin de fer de l'Est chinois et se replie au-delà du fleuveAmour.
  6. SiMein Kampf est bien traduit à cette date en Japonais, l'éditeur local a expurgé le livre des passages les plus racistes, notamment ceux classant les Slaves et les Asiatiques dans les races inférieures.
  7. Bien que déclenchées à des dates différentes, les attaques sont simultanées (à une heure près) car elles ont lieu de part et d'autre de laligne de changement de date.
  8. Ladynastie Qing qui dirige laChine jusqu'en1912 est d'originemandchoue.
  9. Seuls leSalvador et leSaint-Siège reconnaissent le Mandchoukouo en1934, mais cette reconnaissance s'élargit en1937 avec l'Italie fasciste et l'Espagne franquiste, en1938 avec l'Allemagne nazie et en1939 avec leroyaume de Hongrie. Les autres pays restent cependant présents en conservant unconsulat, comme les États-Unis, l'URSS, la France et le Royaume-Uni.
  10. Ce chiffre comprend des Japonais, mais aussi des Coréens et des Taïwanais.
  11. La première, l'université de Tokyo, est inaugurée en 1877. Elle est suivie par l'université de Kyōto en 1897 et l'université du Tōhoku àSendai en 1907. Au total neuf universités sont créées, dont deux dans les colonies : l'université impériale de Keijō en1924 et l'université impériale de Taihoku en1928.
  12. Ces chiffres intègrent les étudiants d'universités, mais aussi ceux de collèges universitaires aux formations plus courtes.
  13. Minatogawa-jinja est consacré en1871 àKōbe,Toyokuni-jinja est restauré en1880 àKyōto,Abeno-jinja en1882 àŌsaka,Kashihara-jingū en1889 àNara. VoirShimazono Susumu 2009,p. 112
  14. Une querelle porte en particulier sur le nombre de dieux majeurs, trois ou quatre, à inclure dans le panthéon shintō.
  15. Motoori Norinaga (1730–1801) etHirata Atsutane (1776–1843) en particulier se sont montrés très virulents dans les critiques du bouddhisme.
  16. Après laPremière guerre sino-japonaise de1894-1895, puis après la saisie despossessionsallemandes en Chine, le Japon fait transférer des usines de production de bière qui y sont présentes. Une industrie brassicole japonaise se développe assez rapidement après cette période.
  17. Dans l'adaptation du romanBen-Hur de1926, des parallèles peuvent être faits par lespyŏnsa coréens entre la révolte des esclaves et la lutte anticoloniale contre les Japonais. Le script d'Arirang ne comporte pas d'élément visant les Japonais, mais du fait despyŏnsa, le film gagne une dimension nationaliste et indépendantiste.

Références

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  1. ab etcSouyri 2010,p. 417.
  2. Souyri 2010,p. 419.
  3. Souyri 2010,p. 420.
  4. Souyri 2010,p. 421.
  5. Souyri 2010,p. 426.
  6. Souyri 2010,p. 427.
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  8. a etbSouyri 2010,p. 430.
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  13. Hérailet al. 2010,p. 991.
  14. Hérailet al. 2010,p. 992.
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