La philosophie de Levinas est centrée sur la questionéthique d'Autrui, ainsi que sur laliberté en action. L'altérité est caractérisée comme l'Autre qui ne peut être ramené au Moi, c'est-à-dire l'infini impossible à totaliser, puis comme l'au-delà de l'être et le dépassement de la violence[2]. Penseur politique, la philosophie levinassienne aboutit à unrépublicanisme social attaché à unÉtat qui garantit la justice en faisant vivre un monde de citoyens, et non un monde de face-à-face entre le sujet et sa victime[3]. Il est également l'un des premiers à introduire enFrance la pensée deHusserl et celle deHeidegger.
Il a reçu dès son enfance une éducationjuive traditionnelle, principalement axée sur laTorah. Plus tard, il a été introduit auTalmud par l'énigmatique « Monsieur Chouchani ». La Torah enseignée par Levinas est dérivée de ses leçons.
Emmanuel Levinas naît àKaunas, au sein de l'Empire Russe, le30 décembre 1905 (dans le calendrier grégorien), sur un territoire correspondant à la Lituanie actuelle. Il est le fils de Jehiel Levyne (Levinas) et de Déborah Gurvic. Il a deux frères, dont il est l'aîné : Boris (né en1909) et Aminadab (né en1913).
Son père estlibraire et la famille parleyiddish,lituanien etrusse. Un professeur particulier enseigne l'hébreu aux trois enfants, à partir de la lecture de laBible hébraïque. Levinas est ainsipolyglotte dès l'enfance.
La guerre de1914 pousse la famille à fuir versKharkov (Kharkiv en ukrainien), dans la région qui est aujourd'hui l'Ukraine. Elle y reste jusqu'en1920. Il vit donc larévolution russe de 1917, à l'âge de onze ans. C'est àKharkov qu'Emmanuel Levinas entre au lycée, malgré lenumerus clausus permettant à seulement cinq enfants juifs d'y être admis. Il lit les grands écrivains russes, notammentPouchkine,Lermontov,Tolstoï etDostoïevski, mais aussiShakespeare.
Il quitte en 1928 la France pour l'Allemagne. Il vit àFribourg-en-Brisgau, où il est l'élève d'Edmund Husserl pendant deux semestres, puis deMartin Heidegger pendant un semestre. Il y fait l'apprentissage de la phénoménologie, à laquelle il avait été initié parJean Héring. En1929, il participe comme auditeur au deuxièmecours universitaire de Davos, avec de nombreux autres intellectuels français et allemands. Il y assiste à la dispute de Davos entre Martin Heidegger etErnst Cassirer.
Levinas retourne à l'université de Strasbourg pour soutenir sa thèse dedoctorat de philosophie, appeléeThéorie de l'intuition dans la phénoménologie de Husserl (1930)[7]. Il s'établit alors àParis, où il suit les cours deLéon Brunschvicg, ainsi que parfois ceux deKojève surHegel. Le samedi soir, il assiste aux rencontres philosophiques organisées parGabriel Marcel.
Sous-officier de réserve, Levinas s'engage volontairement à la déclaration de guerre, à la fin de l'année 1939, et devient adjudant dans l'armée[10]. Neuf mois plus tard, à la victoire allemande, il est fait prisonnier de guerre, comme 1,8 million de ces soldats français. Ils seront ainsi déportés, pour toute la durée de la guerre, loin de la vie del'Occupation en France, dans une centaine destalags (camp ordinaire deprisonniers de guerre), ouoflags (pour les officiers), gérés par laWehrmacht (et non par laSS comme pour les autres camps allemands). Lesstalags etoflags sont situés loin à travers tous lespays du Reich (Allemagne, Pologne...)[11].
Levinas est prisonnier àRennes plusieurs mois dans unfrontstalag, puis envoyé en Allemagne près deHanovre où il reste cinq ans dans le Stalag XI-B deFallingbostel, où sont rassemblés, comme prisonniers de guerre, environ 30 000 Français, des Belges et des Yougoslaves, puis des Soviétiques et des Polonais. Levinas y rédige l'essentiel de son livreDe l'existence à l'existant, qui sera publié à Paris en 1947. En parallèle il y rédige aussi sesCarnets de captivité[12].
Sa femme et sa fille ont pu se réfugier pendant la guerre chez lessœurs de Saint-Vincent-de-Paul, près d’Orléans. Presque toute sa famille restée enLituanie a été massacrée par les nazis pendant l'occupation allemande en 1941-1944.
De retour destalag en France, il trouve à Paris le soutien actif de membres de la communauté académique telJean Wahl, fondateur en 1947 duCollège philosophique (angl.), qui est aussi éditeur. Levinas se consacre désormais entièrement à la philosophie et à l'enseignement.
Il enseigne essentiellement à l' École normale israélite orientale (ENIO) de Paris, dont il devient le directeur, et comme professeur à l'université de Paris à partir de 1973. En effet, dès 1945,René Cassin le choisit pour prendre à Paris la direction de l'École normale israélite orientale, qui forme les enseignants de l’Alliance Israélite Universelle (AIU). C'est aussi son lieu de résidence. Il occupera cette fonction pendant 34 ans, tout en poursuivant sa réflexion philosophique et en professant à l’université. En 1945-1946, il est secrétaire de l'Alliance Israélite Universelle (AIU)[13].
En 1947, il publieDe l'existence à l'existant. Il participe régulièrement à des conférences au Collège Philosophique deJean Wahl. À cette époque, il commence à étudier le Talmud sous la direction deM. Chouchani.
À partir de 1957, il donne des commentaires talmudiques, aux Colloques des intellectuels juifs de langue française, réunis dans lesLectures talmudiques etNouvelles Lectures talmudiques. Malgré sa prédilection pour ce domaine, il ne se prétendra jamais « talmudiste », c'est-à-dire maître èsTalmud, mais « amateur, avec toute la connotation amoureuse du terme ».
En 1961, à l'incitation deJean Wahl, il publie sa thèse d'ÉtatTotalité et Infini.
Jean-Luc Marion a soutenu que jusqu’à Levinas, « la philosophie avait toujours considéré l’éthique comme une conséquence et un dérivé de la philosophie première : la question de l’être et la connaissance du monde. Seul Levinas érige l’éthique en philosophie première »[15]. En d'autres termes, Levinas propose une éthique de l'éthique, une philosophie première du sujet en tant qu’il est d’emblée sujet éthique. Il s'agit de « dire l’humain de l’homme ».
La pensée de Levinas se rencontre au carrefour de laphénoménologie et de laphilosophie existentielle. Elle questionne les fondements de l'ontologie pour présenter l'humanisme comme « lieu éthique » de la transcendance. Regard vers le passé (mémoire) et vers le futur, cette pensée arrache le sujet au sol sur lequel ce dernier pense reposer (transcendance) pour le « planter » de manière nouvelle dans une humanité qui ne cesse de se dédire tout au long de sa propre histoire (immanence).
Levinas a été profondément influencé par Edmund Husserl et Martin Heidegger, qu'il a rencontrés à l'université de Fribourg-en-Brisgau et dont il a introduit les œuvres enFrance. Il a notamment assuré la traduction desMéditations cartésiennes de Husserl[16]. Son travail philosophique a également été marqué par la tradition juive, et par la condition juive elle-même, Levinas ayant été interné dans un camp de prisonniers de guerre juifs durant laSeconde Guerre mondiale.
Dès 1934, Levinas publie « Quelques réflexions sur la philosophie de l'hitlérisme »[18] dans la revueEsprit. Le philosophe évoquera rarement ses cinq années de captivité dans un stalag en Allemagne. Pourtant, il a été blessé jusque dans sa chair par l'antisémitisme, à la suite de la disparition de sa famille dans les camps. L'expérience de l'humiliation et de la souffrance inutile le conduisent à professer sonjudaïsme comme un humanisme. Pour lui, l'antisémitisme désigne lahaine de l'autre homme. Son expérience repose sur un vécu chargé d'affects très divers, sur des faits traumatiques non nommés.
En partant de son expérience de la guerre et des camps de travail, Levinas « démonte » la philosophie de l'être et propose une philosophie de l'autre. Entre l'hitlérisme pressenti et l'impérieuse responsabilité d'enseigner auxgénérations futures le devoir de mémoire, Levinas s'efforce de porter sur l'histoire un regard sans haine ni ressentiment. Il n'a pas été àAuschwitz, toutefois il y a perdu toute sa famille. Pour lui, survivre ressemble à un privilège. Dans cet ajournement de la mort, le survivant Levinas fait l'étrange expérience d'une liberté qui se découvre responsable pour l'autre humain à l'infini.
À titre d'illustration de ce regard apaisé, ironique et érudit, Levinas écrira ainsi par exemple une brève fable théo-philosophique « Nom d'un chien ou le droit naturel » (que certains titrent « Bobby [le chien], dernier kantien de l'Allemagne nazie »), parue dans son recueilDifficile liberté (1963). Cette fable donne à la fois brièvement d'intéressants détails de sa vie en camp lors de son long internement en stalag en Allemagne, mais aussi rappelle son admiration pour Kant et pour l'universalisme qu'il professe dans le cadre de l'impératif catégorique[19]. En effet Levinas présente le chien errant Bobby qui ne voyait dans ce kommando de prisonniers juifs étrangers en Allemagne nazie que des humains comme les autres et devint vite leur ami et mascotte, mais finit chassé par les gardiens du camp. Dans sa conclusion ironique et drôle, Levinas présente ce chien Bobby comme le « dernier kantien de l'Allemagne nazie, n'ayant pas le cerveau qu'il faut pour universaliser les maximes de ses pulsions... »[20].
La Shoah et les évènements de la Seconde guerre mondiale influencent fortement Levinas dans sa philosophie éthique. Au sortir de la guerre, Levinas travaille à déployer une éthique qui envisage la souffrance dans une perspective interhumaine, c'est-à-dire dans une non-indifférence des uns envers les autres. Cela lui permet de répondre à l'affirmation totalitaire de lahaine et à l'enracinement de celle-ci jusqu'au plus profond de l'être qu'il a pu observer pendant la guerre.
Ainsi, chez Levinas, la notion detranscendance surgit d'unehumanité souffrante. Elle évoque d'entrée de jeu l'athéisme, c'est-à-dire la condition d'un être séparé. Il ne s'agit ni de venir au secours du divin ni de le nier. Se rapporter à l'absolu en athée, c'est s'offrir au dialogue avec l'Autre et non pas le réduire à l'objet d'un discours. Ce faisant, Levinas ne cherche pas à présenter des preuves de l'existence de Dieu. Il indique comment se produit l'emphase de l'infini dans le fini. Ce n'est pas Dieu qui est recherché dans le prochain, c'est l'Autre qui interpelle et interroge laconscience à la fois à partir d'une dimension de hauteur et d'abaissement, dans la proximité — mais proximité qui est à la fois distance infinie de ce avec quoi je ne pourrai jamais former une totalité — du prochain et qui lui signifie sa dévotion àautrui.
Dans les années 1970, le besoin est grand de se réapproprier l’individualité agissante. C’est la période de l'humanitaire, de la morale altruiste, voire de l’inflation éthique (« we are the world »). La responsabilité lévinassienne semble être un cadre théorique approprié à cette époque. Cependant, n’y a-t-il pas là un contresens complet ? La responsabilité lévinassienne est une détermination originaire du sujet, mais qui pourtant lui vient d'autrui, précédant les déterminations psychologiques ou sociologiques. La pensée de Levinas court alors le risque d’être détournée en idéologie. Ce qui est à penser pour Levinas, c'est que, quoi qu'il advienne,« je suis responsable de la responsabilité de l'autre »,« Être soi, c'est toujours avoir une responsabilité de plus que tous les autres ». Et il ne se lassait pas de citer la phrase deFiodor Dostoïevski :« Chacun est responsable de tout devant tous, et moi plus que tous les autres »[21].
L’éthique philosophique ne doit pas être confondue avec les « codes moraux » qui naissent ou s’amplifient dans lesannées 1980 : « éthiques » professionnelles (médicale, journalistique), déontologies parcellisées, contractualisme, (on a parlé d'une « valse des étiquettes »)… Cette multiplication provoque un relativisme conceptuel sur l'éthique qui n’a rien à voir avec la pensée de Levinas : il n’a pas pour ambition de fournir une théorie éthique au sens d’un code moral ou d’une morale prescriptive au sens kantien (on peut parfois entendre l’éthique comme la morale objectivée, fondée en raison, ce que faitKant).
Ses deux œuvres majeures restentTotalité et Infini etAutrement qu'être. Le premier date de la fin de la période phénoménologique de Levinas. Néanmoins, l’« épiphanie du visage » excède d'emblée toute perspective phénoménologique dans la mesure où il s'agit d'emblée d'unerencontre éthique[22],[23].Autrement qu'être ouAu-delà de l’essence rompt avec le langage phénoménologique, à la suite des critiques deDerrida dansViolence et Métaphysique, et pose explicitement la question dutiers, condition de la société. (Alors queTotalité et Infini s'en tenait essentiellement à la rencontre par le sujet del'autre homme.)
Le « visage » est l'un des concepts majeurs de la philosophie lévinassienne. Ce concept ne renvoie toutefois pas au visage entendu au sens physique du terme, même s’il part d'une description phénoménologique de son aspect physique. Le visage, c'est la manière qu'a l'autre de m'aborder de face, à la fois suppliant et commandant impérieusement de le préserver. Le visage est porteur du premier et seul ordre adressé à moi : « Tu ne tueras point ». En ce sens, tout le corps et tout l'homme est visage[24].
Levinas soutient que le visage est un signe de l'infini, c'est-à-dire de ce qui déborde l'être, toujours étriqué par le réel. Le « visage », dans sa nudité, est la trace de l'infini. C'est pourquoi le « visage » vient oblitérer toute définition de l’Autre : l’impossibilité de définir l’Autre le ramène à l’indéfini, au débordant. C'est ainsi que l'Autre ne peut pas être ramené, rapporté, au connu : il est nécessaire de le prendre en compte comme une altérité irréductible[25].
Levinas déduit de ce concept une éthique complète qui rejette la charité, l’altruisme ou encore la récrimination moralisante, car ces postures confortent le sujet dans son identité, dans sa contenance subjective, sans l'ouvrir vraiment à l'altérité. Ma charité me fait du bien, alors que la relation éthique lévinassienne me bouleverse. Ainsi, le lieu du contresens à propos de Levinas est la morale. Comme l'écrit Levinas, « Il importe au plus haut point de savoir si l'on n'est pas dupe de la morale » (Totalité et infini)[26].
Pour Levinas, rencontrer l'Autre est avoir l'idée de l'infini telle que la définitRené Descartes, c'est-à-dire avoir la pensée de ce que l'on ne peut pas penser, avoir l'idée de ce dont on ne peut pas avoir idée, de désirer ce qui ne pourra jamais combler mon désir (car le rapport à l'Autre est désir et bonté). D'où cette étrange phrase de la première section deTotalité et Infini :« Le Désir métaphysique de l'absolument Autre est satisfait dans la mesure où il ne l'est pas. » ;« Le Désiré ne le comble pas, mais le creuse »[27].
Ne pas être « dupe de la morale » et l'effraction du visage
Levinas réfléchit dans une perspective post-nietzschéenne : le nom de morale ne véhicule-t-il pas le simple reflet d’une culture ? Ne retrouverait-on pas, sous le nom de morale, une simple morale bourgeoise, une bien-pensance égoïste ?
Chez Levinas, on trouve un désespoir face à l’inhumanité de l’homme faisant face à l’humain, une rupture de la tradition humaniste. Levinas, en tant querescapé de la Shoah où périt une partie majeure de sa famille, a intégré la « banalité du mal » d'Arendt, qui renvoie à la « radicalité du mal » kantienne (avant toute action sensible, il y a un mal radical qui forme terreau). Ainsi, chez Levinas, il n’y a pas de rejet de l’inhumain hors de l’humain, pas d’« empire du mal ». Le mal est une charge à porter, indéfinissable, impossible à circonscrire, infinie.
Par conséquent, le propre de la responsabilité face à ce mal est aussi d’être infinie, au sens où l’on n'en a jamais fini avec elle. « Plus je suis juste, plus je suis injuste ».La sympathie n’est donc pas pour Levinas une affection naturelle, sur laquelle on peut fonder une morale du sentiment, elle est au contraire « contre nature ». La morale n'est jamais chez Levinas morale de la sympathie comme chez Schopenhauer ou chez Max Scheler : au contraire, la morale s'enracine chez lui dans une incommensurabilité absolue entre moi et l'autre homme. Agir moralement, ce n'est pas se mettre à la place de l'autre ou agir comme on aurait voulu qu'il fît à notre égard.
L’éthique pour Levinas est ce qui est en moi, mais ne vient pas de moi.De moi-même, je persévère dans mon être, dans mon « inter-essement » ouconatus essendi (Spinoza). Quelque chose d’étranger vient rompre cette spontanéité, me « des-inter-esser », me couper entre moi et moi. C’est la figure de la « défection de l’être », du visage de l’autre. C’est le « visage » de l’autre qui fait effraction dans mon être et rompt ma tranquillité, interroge mon droit à persévérer dans mon être et à user du monde comme s'il était mien. La source de la morale, est le « qu'allais-tu faire ? » que je déchiffre sur le visage d'autrui.
Chez Levinas, la responsabilité est une responsabilité pour autrui : il s'agit de répondre devant l'autre des souffrances, des fautes, de l'autre. Il n'est toutefois pas possible d'endosser ma responsabilité pour les actes commis par autrui. Je suis responsable de l'autre comme une« responsabilité d'otage » : ce n'est pas un choix libre[28].
La substitution désigne l'action par laquelle Soi prend en charge les souffrances et les fautes de l'autre. Le moi est ainsi« le portant, le souffrant ». Cette substitution n'est pas le fait de la volonté : le soi dépend de l'autre sans l'avoir voulu. Le soi subit le siège de l'autre. La substitution n'est donc pas une sorte de bienveillance de l'un vers l'autre. La substitution n'est par conséquent ni sympathie, ni compassion[28].
Levinas utilise le concept de trace dans un sens très différent de son sens commun. L'Infini s'annonce dans le monde phénoménal par la trace ; le mot permet de désigner ce qui s'annonce mais qui n'a jamais été présent et ne le sera jamais. L'Infini est précisément ce qui refuse d'apparaître mais est en contact avec le visible et l'apparaître. Le visage se grave dans le visible comme trace, c'est une apparition qui bouleverse les structures de tout apparaître[28].
Le commandement est l'un des concepts fondamentaux de l'éthique lévinassienne. Il ne s'agit pas descommandements bibliques, ni de l'impératif catégorique de Kant. Le commandement est une« obligation pour autrui », un« pour-l'autre », qui est reconnaissance de l'Autre. C'est une injonction de se sacrifier pour autrui (se substituer à lui). Ce commandement fait que l'Infini m'atteint et me bouleverse. Ce commandement n'est pas basé sur la liberté de l'être humain[28].
Le concept de la guerre revient sous la plume de Levinas. Le philosophe refuse la thèse de laguerre de chacun contre tous défendue parThomas Hobbes, et met en valeur celui de responsabilité de chacun envers tous[29]. Elle est définie comme une« violence imposée à l'être libre », qui se traduit par une mécanique de forces. Il s'agit d'un effacement du visage des autres : dans la guerre, chacun se rapporte à l'autre comme une force se rapporte à une autre. La guerre est totalité, car elle engage les hommes totalement : elle les mobilise comme forces[30].
Levinas définit ainsi la paix comme n'étant pas la simple suspension provisoire de la guerre ; une paix issue d'une suspension de la guerre mènerait inévitablement à une nouvelle guerre[29]. La paix est, radicalement, une ouverture sur une dimension où la soumission de l'autre (l'hostilité) n'est pas incontournable[30].
DansLe temps et l'autre (1948)[31], Levinas écrit que « L’être, c’est le mal », non sans ironie provocatrice. Cela renvoie, entre autres, au mal nazi absolu dont a profondément souffert Levinas, mais aussi à laquestion de l'être, celle discutée dansSein und Zeit (1927) deMartin Heidegger dont il suit brièvement l'enseignement en 1929, un livre qui a beaucoup marqué Levinas, et une discussion sur l'être ramassée par Levinas en termes synthétiques « Les choses sont, l’humain existe »[32].
Pour Levinas, Heidegger, à la fois et aussi incontestablement, fut le plus grand philosophe duXXe siècle et il eut sa carte au partinazi.Jean-Luc Marion précise à ce sujet, rapportant les propos de Levinas : « Cette insupportable contradiction, me dit-il un jour, caractérise précisément notre temps […]. La raison nous devient l’irrationnel même et cette contradiction de la raison par elle-même se marque dans les engagements politiques aberrants que peuvent avoir même (et surtout) les plus grands intellectuels. Heidegger ne fut malheureusement pas le seul »[33].
Dominique Janicaud, historien de la philosophie, écrit dans "Heidegger en France" (2001)[34] que, concernant Heidegger, « En fait, [Levinas] ne cessera d'osciller jusqu'à la fin de sa vie entre l'hommage nuancé et la critique dévastatrice. ».Jean Greisch rapporte pour sa part cette conversation privée avec Levinas : « J’entends encore, comme si c’était aujourd’hui, Levinas me faire part de son étonnement que des penseurs aient pu imaginer que l’étonnement devant le fait que quelque chose soit plutôt que rien[35], était le point de départ radical de la métaphysique[36]. Puis il ajoutait qu’à ses yeux, le fait que sur une terre aussi cruelle que la nôtre, quelque chose comme le miracle de la bonté ait pu apparaître, était infiniment plus digne d’étonnement. »[37]
Dans un colloque auCIP sur Heidegger, en 1987, Levinas présente, en introduction de son discours, de manière plus étoffée et fort claire son interrogation concernant ce verbe« être-là », cette« aventure d'être », et la réponse contradictoire qu'il propose, tournée vers l'autre, la paix, l'indépendance, l'art, les valeurs éthiques, contredisant ainsi la vision heideggérienne d'un Da-sein inaltérable, qui dédaigne, au nom de l'authenticité, l'échange et l'altérité, et impose sa volonté« de race et d'épée »[38].
DansAutrement qu'être ou Au-delà de l'essence (1974), Levinas précise son opposition à la philosophie heideggérienne, selonÉric Marty[39], notamment dans cette affirmation : « Rien n’est plus étrange ni plus étranger que l’autre homme et c’est dans la clarté de l’utopie que se montre l’homme. Hors de tout enracinement et de toute domiciliation ; apatridie comme authencité »[40].
Rapporter un sujet (exclusivement) à son être est une possibilité d’inhumanité, alors que la subjectivité réellement humaine est traversée par le visage. « Le sujet est structuré comme autre dans le même. »(Levinas)Pour se déprendre de la philosophie heideggerienne, il opère un geste qu'on pourrait qualifier de transgression, délogeant l'ontologie et installant, à la place, « l'éthique comme philosophie première »[41] ; rompant aussi, plus lointainement, avec toute une tradition philosophique remontant à Aristote et qui assimile la métaphysique avec la « philosophie première ».
Cette conception de l'altérité contredit la philosophie occidentale, fondée sur une ontologie, en ce que l’« autre » ne se laisse pas penser comme être. « Autrement qu’être, et non être autrement. »(Levinas)[42],[43]. Le visage est ce qui m’empêche d’exister naturellement, et « l’humain de l’homme » consiste précisément en ce régime de défection de soi. L’inhumain consisterait au contraire dans le perpétuel intéressement du sujet. L’inhumain consiste alors en l’identité « sujet=être ».
Levinas conceptualise l’État comme l'institution qui rend justice et favorise l'équité[3]. Il écrit que« Penser à la faim des hommes est la fonction première du politique »[3]. Il se montre en faveur durépublicanisme et durépublicanisme social[3].
Il soutient que la justice est« la comparaison, la coexistence, la contemporanéité, le rassemblement, l'ordre, la thématisation, la visibilité des visages et, [...] par là, aussi une coprésence sur un pied d'égalité comme devant une cour de justice ». La justice étatique consiste à faire entrer un tiers, ce qui revient à .« vivre dans un monde de citoyens, et non seulement dans l'ordre du face-à-face »[3]. Levinas soutient ainsi que« faire des lois, créer des institutions raisonnables qui lui éviteront les épreuves de l'abdication, voilà la chance unique de l'homme »[3].
Dans la perspective de Levinas, la responsabilité éthique est« première, avant toute identité et toute liberté, en tant qu’elle est d’emblée orientée impérativement vers l’autre »[44].
Dans la tension éthique/justice, l’égalité pose problème car la singularité du visage ne peut pas s’y faire valoir. L’incompatibilité de ces deux ordres hétérogènes est une des grandes questions posées au lecteur de Levinas.
Toute politique porte le péril d’unetyrannie si elle est laissée à elle-même. L’interruption justicielle du face à face doit elle-même être interrompue par le point de vue éthique.
En nous incitant à « comparer l'incomparable », Levinas ouvre une tension féconde et indépassable entre éthique et philosophie politique[45]. C'est notamment à partir de cette tension levinassienne que le philosopheMiguel Abensour a alimenté une reproblématisation de la question de l'utopie[46]. C'est aussi dans ce sillage levinassien que le sociologue engagéPhilippe Corcuff a proposé le terme paradoxal de « social-démocratie libertaire » afin de nommer une philosophie politique émancipatrice ajustée à la galaxie altermondialiste[47].
S'il n'y a pas dans l'œuvre de Levinas une pensée politique systématique, il serait profondément erroné de croire que la politique, au sens philosophique, serait absente de l'horizon de sa pensée. À cet égard une affirmation est constante sous sa plume : celle de la subordination de la politique à l'éthique : « la politique doit pouvoir toujours être contrôlée et critiquée à partir de l'éthique »[48]. Ce qui éveille son inquiétude, c'est la « domination de la totalité » qui, toujours, prend le pas sur l'ouverture à l'infini. Compte tenu de son expérience personnelle, il faut considérer les très nombreux passages qu'il consacre à la guerre comme parlant des « vraies » guerres, des guerres de l'histoire, même s'il prend ce phénomène toujours à son point le plus initial, à son origine la plus radicale, à l'état naissant[source secondaire nécessaire].
S'il situe la création de l'État d'Israël dans le contexte de la défaite de l'hitlérisme et des mandats de l'ONU, il n'y voit pas moins un phénomène dont la signification profonde est religieuse, mais pas dans le sens dans lequel on l'entend habituellement.« Ce n'est pas parce que la Terre sainte prend la forme d'un État qu'elle rapproche du Règne messianique. Mais c'est parce que les hommes qui l'habitent entendent résister aux tentations de la politique[49]. » Levinas se situe aux antipodes de ceux qui pensent qu'Israël doit devenir un État « comme les autres ». Pour lui, cet événement religieux qu'est la création de l'État d'Israël ne vaut que comme bouleversement et « subversion de la politique ».
Le visage levinassien a pu être extrait de son cadre proprement philosophique et réintégré au sein d'une sociologie de l'action ordinaire[51], afin d'appréhender une des modalités de nos expériences quotidiennes, ce que le sociologuePhilippe Corcuff et la philosopheNatalie Depraz ont appelé « l'interpellation éthique dans le face-à-face » en vue d'enquêtes empiriques à l'hôpital, à l'ANPE et dans les caisses d'allocations familiales[52].
Tout en portant un regard favorable sur le sionisme et la création de l’État d’Israël, Emmanuel Levinas semble s’être dans l'ensemble désintéressé de la question palestinienne qui en est la conséquence. Dans un ouvrage publié en 2012[53], la philosophe américaineJudith Butler, professeure à l'université de Berkeley, est revenue sur des propos d'Emmanuel Levinas tenus en 1982 au cours d’un débat sur le thème « Israël et l’éthique juive »[54] :« Bien sûr, il [Levinas] a déclaré dans un entretien que le Palestinien n’avait pas de visage[55]… » Bruno Chaouat, universitaire aux États-Unis, a alors accusé Judith Butler d'effectuer un contresens et de trahir la pensée de Levinas[56]. Elle a ensuite répondu en indiquant qu'elle reprochait à Levinas de restreindre l'usage de sa notion de visage au domaine éthique et d'effectuer ainsi une dissociation trop forte entre le domaine éthique et le domaine politique (« Je tends à étendre sa notion de « visage » plus avant dans le domaine de la politique et ainsi à ne pas tracer de ligne entre l’éthique et le politique de la manière dont il le fait parfois »[57]).
Cependant, si Levinas s'est dans l'ensemble désintéressé des Palestiniens, il s'est démarqué de cette attitude à plusieurs reprises notamment en 1967 dans un débat avec André Néher au cours du Colloque des Intellectuels juifs de langue française[58].
Paul Ricœur, quoique lecteur attentif de Levinas, critique chez lui la notion de « responsabilité infinie », arguant qu'une responsabilité infinie « devient comme nulle » et rend en quelque sorte impossible le fonctionnement normal de la justice humaine qui suppose que soit trouvée la juste distance entre la victime et le coupable, et que chacun soit mis à sa place[59].
Levinas a marqué la philosophie de la fin duXXe siècle. Par ses œuvres, il est présent dans de nombreux débats contemporains, comme s’il les avait anticipés. Sa pensée a paru s’incarner dans une époque (lesannées 1990), à tel point que la référence à Levinas a fini par valoir par elle-même. Le registre, l’espace culturel dans lesquels la référence à Levinas s’est imposée est celui de l’éthique.
Pendant lesTrente Glorieuses, les grands débats sont marqués par lemarxisme. Levinas, alors en pleine activité, n’est pas à la mode, ce qui ne signifie pas que ce dernier ne soit pas attentif à la pensée de son époque. L’attention de la pensée marxiste à l’histoire et la subordination de l’individu au projet politique relèvent de ce que Levinas appelle « la totalité », (cf. « la mort du sujet » ; lequel est un montage du discours pourLacan,Barthes,Foucault,Lévi-Strauss). Le retour de la subjectivité au cours de la récession des années 1970 rend possible l’attention à Levinas.
Levinas a toutefois influencé un grand nombre de philosophes contemporains,Jean-Luc Marion, en particulier :« Certains philosophes comptent, parce qu’ils proposent de nouvelles réponses à des questions déjà connues et discutées. Et c’est déjà beaucoup. Mais, commeBergson, Levinas a rang de philosophe essentiel, car il a, lui, formulé des questions que personne avant lui n’avait vues, ni dites. Sans lui, nous ne penserions pas comme nous pensons désormais. Il dit clairement que la question de l’être pourrait ne pas constituer la première question de la philosophie : « Dieu ne se définit donc pas par l’Être[60] ». C’est d’ailleurs ce qui nous a rapprochés, alors que je commençais à envisager « Dieu sans l’être ». Et cette rencontre a fondé notre relation, de 1977 à sa mort », explique Marion[15].
« C’est en lisant Levinas, dans l’émerveillement de la découverte deDifficile liberté et deDieu qui vient à l’idée, que nombre d’hommes et de femmes de ma génération se sont concrètement souvenus de cette allégeance sans âge qu’impliquait le fait d’« être juif », écrit Bernard-Henri Lévy. Quand on avait vingt ans en 1968, il y avait deux voies — en fait, deux modèles — pour sortir du judaïsme douloureux, victimaire, que nous avait légué l’après-guerre. Un maître à vivre :Albert Cohen — et son judaïsme solaire. Un maître à penser : Emmanuel Levinas — et son judaïsme positif, discutant d’égal à égal avec la pensée chrétienne[61] ».
L'Institut d'études lévinassiennes, dirigé parRené Lévy, organise régulièrement des séminaires qui rassemblent des philosophes de toutes tendances autour de l’œuvre de Levinas. L’Institut publie lesCahiers d'études lévinassiennes.
Le conflit qui oppose le fils et la fille de Levinas sur le droit moral à l'égard de certaines œuvres empêche la publication de plusieurs volumes de textes inédits[63].
Les 4 périodes de son œuvre
Les œuvres d'Emmanuel Levinas peuvent être regroupées en quatre périodes :
les années d'enseignement universitaire (1963-1974),
1972 Humanisme de l'autre homme, Montpellier, Fata Morgana
1974 Autrement qu'être ou au-delà de l'essence, La Haye, M.Nijhoff
et l'époque de la retraite (1975-1995).
1982 De Dieu qui vient à l'idée (Textes de 1973 à 1980)
1991 Entre nous. Ecrits sur le penser à l'autre, Paris, Grasset (Textes de 1951 à 1988)
1994 Les Imprévus de l'histoire, Montpellier, Fata Morgana, coll. “ Essais ” (Textes de 1929 à 1992)
1995 Altérité et transcendance (Textes de 1967 à 1989)
Une telle présentation s'attarde principalement aux œuvres philosophiques de l'auteur. Pour que la liste soit complète, il convient également d'avoir à l'esprit les écrits talmudiques qui s'inscrivent en parallèle à l'ensemble de l'œuvre de l'auteur. Là encore, la date de publication des livres réunit un collectif de discours ou de lectures talmudiques.
lectures talmudiques :
1968 Quatre lectures talmudiques (Textes de 1963 à 1966)
1977 Du sacré au Saint. Cinq nouvelles lectures talmudiques (Textes de 1969 à 1975)
1982 L'Au-delà du verset (Textes de 1969 à 1980)
1996 Nouvelles lectures talmudiques (Textes de 1974 à 1989)
Œuvres t. 1 :Carnets de captivité suivi deÉcrits sur la captivité et Notes philosophiques diverses, Paris, Grasset-IMEC, 2009. Volume publié sous la responsabilité de Rodolphe Calin et de Catherine Chalier, préface deJean-Luc Marion.
Œuvres t. 2 :Parole et silence et autres conférences inédites au Collège philosophique, Paris, Grasset-IMEC, 2011.
Œuvres t. 3 :Eros, littérature et philosophie, Paris, Grasset-IMEC, 2013.
Œuvres t. 4,Dossier Totalité et infini, Paris, Grasset-IMEC, 2024.
Dominic Desroches,Est-il possible de dire l'éthique de la proximité ? Contribution au dossier Kierkegaard-Levinas, Article dans : « PhaenEX - Journal of existential and phenomenological theory and culture »[1], 2009 (4),no 1, 112-145.
Michel Dupuis (éd.),Levinas en contrastes. Préface de Paul Ricœur, Bruxelles, De Boeck, coll. "Le point philosophique", 1994.
Michel Dupuis,Pronoms et visages. Lecture d'Emmanuel Levinas, Dordrecht/Boston/London, Kluwer, 1996.
Marc Faessler,En découvrant la transcendance avec Emmanuel Levinas, Cahiers de la Revue de Théologie et de Philosophie (22), Lausanne, 2005.
Didier Franck,L’un-pour-l’autre. Levinas et la signification, PUF, 2008.
Gilles Hanus,L’un et l’universel. Lire Levinas avec Benny Lévy, Verdier, 2007 ;Échapper à la philosophie ? Lecture de Lévinas, Verdier, 2012.
Paulette Kayser,Emmanuel Levinas, la trace du féminin, PUF, collection la philosophie aujourd'hui, 2000.
Benny Lévy,Visage continu. La pensée du Retour chez Emmanuel Lévinas, Verdier, 1998 ;Être juif. Étude lévinassienne, Verdier, 2003 ;Levinas : Dieu et la philosophie, Verdier/poche, 2009.
Jean-François Lyotard,Logique de Levinas, textes rassemblés, établis et présentés par Paul Audi, postface de Gérald Sfez, Lagrasse, Verdier, 2015.
Salomon Malka,Levinas, la vie et la trace, Albin Michel, 2005.
Raoul Moati,Événements nocturnes. Essai sur Totalité et Infini, Hermann, 2012.
Marc-Alain Ouaknin,Méditations érotiques : Essai sur Emmanuel Levinas, Payot, 2003.
Louis Pinto, La religion intellectuelle. Emmanuel Levinas, Hermann Cohen, Jules Lachelier, Paris, PUF, 2010.
Michaël de Saint-Cheron,Entretiens avec Emmanuel Levinas, suivi deDe la phénoménologie du visage à une philosophie de la rupture, Paris, Le Livre de poche, LGF, collection Biblio essais, nouvelle édition augmentée, 2010.
Georges-Elia Sarfati,L'histoire à l'œuvre. Trois études sur Emmanuel Levinas, Paris, L'Harmattan, Col. "Judaïsme", 2010.
Alexander Schnell, En face de l'extériorité.Levinas et la question de la subjectivité, Paris, Vrin, coll. « Bibliothèque d’Histoire de la Philosophie - Poche », 2010.
Ernst Wolf,De L’Éthique à La Justice. Langage et politique dans la philosophie de Levinas, Phaenomenologica Volume 183, Springer, 2007.
Emmanuel Levinas, The Journal of Jewish Thought and Philosophy. Volume 14, Numbers 1-2, 2006. Guest editor : Catherine Chalier. Contributions : M. Smith, R. Calin, S. Habib, R. Zagury-Orly, M. Leibovici, R. Gibbs, A. Aronowicz, M. Kavna, C. Chalier, E. Wolfson, O. Eisenstadt, C. E. Katz.
Dossier "Emmanuel Levinas" inLes Temps Modernes, Paris, Gallimard, no. 665, juillet-octobre 2011. Textes de : Gérard Bensussan, Alain David, Joëlle Hansel, Jacob Rogozinski, Joseph Cohen-Stéphane Habib-Raphael Zagury-Orly.
Audiovisuel
"Levinas" DVD réalisé par Isy Morgensztern et David Hansel. La vie et l'oeuvre d'Emmanuel Levinas - 2 x 52' - et des interviews de philosophes, ainsi que d'élèves 4h20. Editions Montparnasse
↑abcde etfCristobalBalbontin-Gallo, « Levinas et la question du politique. De quel État s’agit-il ? »,Revue Philosophique de Louvain,vol. 116,no 3,,p. 365–396(lire en ligne, consulté le)
↑« Emmanuel Levinas », surInstitut Mémoires de l’édition contemporaine(consulté le)
↑les soldats, de différentes nationalités mélangées, dans ces camps de prisonniers militaires gérés par laWehrmacht y furent un peu moins mal traités que dans les autres camps de déportation allemands gérés par laSS, et le port de l'uniforme ou le statut de militaire limita la différenciation dans le traitement infligé aux juifs; la plupart desstalags -contrairement auxoflags- étaient néanmoins des camps de travaux forcés, où les conditions de vie furent parfois épouvantables avec de très nombreux morts, en particulier chez les Russes -cf. stalag318/VIII-F; cf. Delphine Richard,La captivité en Allemagne des soldats juifs de France pendant la Seconde Guerre mondiale : l’ébauche d’un phénomène diasporique éphémère ?, in Diasporas, 31 | 2018, p.65-81,texte. Mis à part le récit que put faire Levinas de sa captivité, dans ses "Carnets de captivité", la vie enstalag fut très rarement l'objet de récits en France; entre autres,Georges Hyvernaud,La Peau et les Os (1949), ou encoreJacques Tardi, dans sa série de bandes dessinées, inspirée des carnets de son père,Moi René Tardi, prisonnier de guerre - Stalag IIB ed. Casterman, 2012-2018 (3 tomes), ouMichel Tournier dans son romanLe roi des Aulnes (1970)
↑En 2009, les éditions Grasset ont publié les écrits de cette période dans le premier tome des Oeuvres d'Emmanuel Levinas, intituléCarnets de captivité (cf. Bibliographie). cf. résumé et analyse critique de ce livre par Jean-Claude MONOD,Levinas, captif philosophe, 2009,texte, et par Jean-Claude Poizat, in Le Philosophoire, vol. 33, no. 1, 2010, pp. 173-175Cairn.info
↑Kant définit ainsi sonimpératif catégorique : « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle »,Fondements de la Métaphysique des mœurs, 1785, Deuxième section : "Passage de la philosophie morale populaire à la Métaphysique des moeurs", trad. V. Delbos, Delagrave, 1999, p.124-136.
↑Emmanuel Lévinas, « Nom d'un chien ou le droit naturel », inDifficile liberté. Essais sur le judaïsme, Albin Michel, 1963 (331 p),3e éd. revue et corrigée, Livre de poche, 1976, p. 215-216,texte; cette fable est longuement commentée par Marie Daney de Marcillac dans son essai « Fables philosophiques d'Emmanuel Levinas et de Michel Serres : Ulysse et les bêtes », in Littérature, 2012/4 (no 168), p. 71-84,Cairn.info
↑"L'intentionnalité, où la pensée reste adéquation à l'objet, ne définit pas la conscience à son niveau fondamental. Tout savoir en tant qu'intentionnalité suppose déjà l'idée de l'infini,l'inadéquation par excellence.Totalité et Infini p.XV
↑DidierFassin,La Raison humanitaire. Une histoire morale du temps présent: Une histoire morale du temps présent, Editions du Seuil,(ISBN978-2-02-103736-4,lire en ligne)
↑a etbSophieNordmann, « État de César et État de David : esquisse d'une philosophie politique d'après E. Levinas »,Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires,no 19,(ISSN1760-5776,DOI10.4000/cerri.2029,lire en ligne, consulté le)
↑exégèse et références exactes de cette citation (tronquée) par Gérard Bensoussan, §Levinas inLa phénoménologie et la Vie, collectif, ed. du Cerf, 2019,extrait
↑en 1928-1929, pendant trois semestres, Levinas inspiré par le bergsonisme fut à Fribourg l'élève fort intéressé d'abord de Husserl puis de Heidegger (sic, Collège international de philosophie, 12-14 mars 1987 colloque "Heidegger, questions ouvertes", dirigé par Miguel Abensour, ed. Osiris 1988, coll. Le Cahier / Collège International de Philosophie, n°special, texte de Levinas titré « Mourir pour… », p. 255-264 "-source §Le futur de la mort-), cela à l'incitation du professeur Jean Hering, à la Faculté de théologie de Strasbourg. Emmanuel Lévinas en 1932 résume ainsi la question de l'être selon Heidegger (bref extrait tronqué, pour réf.) : <<... les résultats des analyses heideggeriennes, nous permettent de préciser dans quel sens la compréhension de l'être caractérise l'homme. Non point à titre d'attribut essentiel, mais comme le mode d'être même de l'homme. elle détermine non pas l'essence, mais l'existence de l'homme. [...]... chaque élément de l'essence de l'homme est un mode d'exister, de se trouver là.>>, texte original "En découvrant l’Existence – Martin Heidegger et l’ontologie", Emmanuel Levinas, "Revue philosophique de la France et de l'étranger", mai-juin 1932,no 5-6 pp.395-431, repris dans "En découvrant l'existence avec Husserl et Heidegger", Emmanuel Levinas, ed. Vrin, 1949, § "Martin Heidegger et l'ontologie", p.77 (extraits, sources12)
↑Emmanuel Levinas, cité parJean-Luc Marion,Pourquoi Levinas est grand ?, Le Point, 21/10/2009
↑question lancée parLeibniz inPrincipes de la nature et de la grâce fondés en raison, 1714, §7Wikisource et question surtout reprise par Heidegger dans son livreEinführung in die Metaphysic (1953, reprise d'un cours de 1936 à Fribourg),Introduction à la métaphysique, comme toute première phrase du ch.1 titréQuestion fondamentale de la métaphysique
↑« Positivité et transcendance - suivi de Lévinas & la phénoménologie » Emmanuel Levinaset al., (dir. Jean-Luc Marion) ed. PUF, Paris, 2000, § Jean GreichHeidegger et Levinas, interprètes de la facticité p.201-207, cit. p.206-207source sec. & ref. facsimilé
↑Collège International de Philosophie, 12-14 mars 1987 colloque "Heidegger, questions ouvertes", dirigé par Miguel Abensour, actes publiés aux ed. Osiris 1988, coll. Le Cahier / Collège International de Philosophie, n°special, Emmanuel Levinas « Mourir pour… », p. 255-264, (introduction, bref extrait pour ref.) : << Mon propos, prolongeant votre discours [...] et qui sont entre toutes les mains ? >>source (dernier §Levinas va plus loin que Heidegger)
↑exégèse et références par Jean-Marc Narbonne, inDe l' « au-delà de l'être » à l' « autrement qu'être » : le tournant lévinassien, Cités 2006/1 (no 25), p.69-75Cairn.info
↑Voir sur ce pointPhilippe Corcuff, « Levinas Emmanuel, 1906-1995 :Totalité et Infini - Essai sur l'extériorité, 1961, etAutrement qu'être ou au-delà de l'essence, 1974 », dans F. Châtelet, O. Duhamel et E. Pisier (éds.),Dictionnaire des œuvres politiques, Paris, PUF, 2001, quatrième édition revue et augmentée dans la collection « Quadrige ».
↑Voir en particulierMiguel Abensour, « Penser l'utopie autrement », inCahier de L'Herne :Emmanuel Levinas, Paris, Éditions de L'Herne, 1991 (réédition LGF/Le Livre de poche, 1993).
↑VoirPhilippe Corcuff,La société de verre. Pour une éthique de la fragilité, Paris, Armand Colin, 2002,p. 231-236.
↑À la question de S. Malka« Est-ce que l’« autre » pour l’Israélien, n’est pas d’abord le Palestinien ? », Emmanuel Levinas n'avait pas répondu par l'affirmative et avait dit :« Ma définition de l’autre est tout à fait différente. […] Là, l'altérité prend un autre caractère, là, dans l’altérité peut apparaître un ennemi […] », Retranscription du débat du dansLes Nouveaux Cahiers,no 71, 1983, p. 1-8.
Espacethique : Aventure éthique de la responsabilité Site philosophique consacré à la vie et à l'œuvre d'Emmanuel Levinas. Textes et commentaires, indications bibliographiques sont disponibles en diverses langues. Annuaire de liens de sites philosophiques et de textes en ligne.